BGE 87 IV 101
 
23. Arrêt du 31 mai 1961 dans la cause X. contre Ministère public du canton de Fribourg.
 
Regeste
Art. 268, 277 bis Abs. 2 BStP.
 
Sachverhalt
A.- Le 10 juin 1960, le Tribunal criminel de la Gruyère condamna dame X. à un mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans pour fausse déclaration d'une partie en justice. Il lui reprocha d'avoir affirmé mensongèrement, dans son procès en divorce, qu'elle n'avait pas commis adultère avec un nommé Y.
B.- Dame X. déféra ce jugement au Tribunal cantonal fribourgeois. Elle se borna à faire valoir qu'elle n'avait pas menti en contestant l'adultère et que, par conséquent, elle ne pouvait pas être punie en vertu de l'art. 306 CP. Le 18 octobre 1960, le Tribunal cantonal rejeta le pourvoi en tant qu'il était recevable. Son arrêt est motivé en substance comme suit:
En admettant que dame X. a menti au tribunal civil, le tribunal criminel n'est pas tombé dans l'arbitraire; son jugement est même si bien motivé qu'on ne voit pas comment une autre opinion eût pu se justifier. En revanche, il aurait été loisible à dame X. de soutenir qu'elle n'avait pas été rendue attentive, comme l'exige l'art. 306 CP, aux suites pénales d'une fausse déclaration. Toutefois, elle n'a pas soulevé ce moyen et le Tribunal cantonal ne peut y suppléer, car il ne connaît "que des faits invoqués expressément dans le pourvoi". La recourante ne se demande pas non plus si, dans un procès en divorce, les déclarations des parties au sujet des causes de divorce constituent réellement des moyens de preuve au sens de l'art. 306 CP. Le Tribunal cantonal ne peut examiner d'office cette question.
C.- Dame X. se pourvoit en nullité contre cet arrêt. Ellc se plaint d'une violation de l'art. 306 CP.
 
Considérant en droit:
En ce qui concerne l'action pénale, la Cour de céans revoit en principe toutes les questions de droit fédéral qui se posent dans le cadre des conclusions et ne découlent pas de preuves, de dénégations ou de faits nouveaux (art. 277bis al. 2 PPF; RO 85 IV 119/120; 77 IV 61). Cette règle est cependant restreinte par l'art. 268 PPF, dont il résulte que seuls des jugements rendus en dernière instance cantonale sont susceptibles de pourvoi. Si l'arrêt entrepris émane d'une autorité qui, conformément à la procédure cantonale, se contente d'examiner les moyens invoqués, il n'est pas rendu en dernière instance à l'égard des questions qu'il n'aborde pas parce que le recourant ne les a pas soulevées. Ces questions échappent alors au contrôle du Tribunal fédéral.
Les règles qui viennent d'être exposées ont une portée générale. Elles s'appliquent tout d'abord lorsqu'il s'agit de points qui font l'objet d'une décision dans le dispositif même du jugement: principe d'une condamnation et quotité de la peine, sursis, peines accessoires, mesures. Ainsi, lorsque, devant une juridiction cantonale de recours qui se borne à examiner les moyens soulevés, un condamné ne s'est plaint que du refns du sursis ou d'une peine excessive, il ne saurait plaider l'acquittement dans son pourvoi en nullité (RO 85 IV 120). Ces règles s'appliquent aussi quand il s'agit de problèmes qui doivent être tranchés pour formuler tel ou tel point du dispositif, mais qui sont simplement résolus dans les motifs du jugement, comme ceux qui se posent à propos du principe même de la condamnation, et qui concernent, par exemple, les diverses conditions de l'infraction, la responsabilité de l'auteur, la légitime défense, l'état de nécessité ou la prescription. Il s'ensuit que, devant le Tribunal fédéral, le condamné n'est pas recevable à fonder des conclusions libératoires sur l'absence d'un des éléments de l'infraction si, dans la procédure cantonale, il ne s'est prévalu que de la presscription de l'action pénale.
Cette solution est imposée par le but assigné au pourvoi en nullité. Ce dernier tend en effet à corriger les décisions cantonales qui violent le droit fédéral (art. 269 al. 1 PPF). Or un jugement n'encourt pas une critique de ce genre lorsque, faute d'avoir été régulièrement saisie, l'autorité qui l'a rendu n'a pas été mise en mesure de se prononcer sur la violation alléguée devant le Tribunal fédéral. Quant à savoir si cette autorité a correctement interprété les règles du droit cantonal relatives à son pouvoir d'examen, la question échappe à la censure de la Cour de céans, qui ne connaìt que de la violation du droit fédéral (art. 269 al. 1 et 273 al. 1 litt b PPF). Elle pourrait tout au plus faire l'objet d'un recours de droit public.
2. En l'espèce, la Cour de cassation fribourgeoise admet que dame X. a commis adultère avec Y et qu'elle l'a contesté devant le tribunal chargé de statuer sur son divorce, faisant ainsi une fausse déclaration. Il s'agit là de constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral et ne sauraient être attaquées par un pourvoi en nullité (art. 277bis a.l. 1 et 273 al. 1 litt. b PPF). Il resterait à décider - ce qui relève du droit - si les propos ainsi tenus par la prévenue tombent sous le coup de l'art. 306 CP. A cet égard, la recourante se borne à soutenir que l'art 306 a été violé parce qu'elle n'a pas été rendue attentive aux suites pénales de ses actes et que ses déclarations ne pouvaient pas constituer un moyen de preuve. Toutefois, la Cour fribourgeoise a refusé d'examiner ces questions parce que, d'après son interprétation souveraine du droit cantonal, son pouvoir d'examen est limité aux griefs soulevés et que, sur ces points, la recourante n'a présenté aucun moyen. En ce qui concerne les deux arguments que le pourvoi fait valoir, il n'y a donc pas de jugement de dernière instance. La Cour de céans ne saurait par conséquent entrer en matière.
Par ces motifs, la Cour de cassation pénale
Déclare le pourvoi irrecevable.