BGE 87 IV 164 |
40. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 28 novembre 1961 dans la cause Rossier contre Ministère public du canton de Genève. |
Regeste |
Art. 84 Abs. 1 lit. c OG, 269 Abs. 2. BStP. |
Sachverhalt |
A.- Le 11 septembre 1961, Emile Rossier, loueur de bateaux, a été condamné à 20 fr. d'amende pour contravention à l'art. 53 du règlement intercantonal du 16 mai 1960 concernant la police de la navigation sur le lac Léman etc. (en abrégé: le Règlement); il avait loué une embarcation à moteur hors-bord à un client qui ne possédait pas de permis de conduire et il n'avait pas fait accompagner ledit client par un batelier.
|
B.- Contre cet arrêt Rossier a formé à la fois un recours de droit public et un pourvoi en nullité.
|
Considérant en droit: |
1. Le recourant allègue qu'une disposition d'un traité international a été violée, à savoir l'art. 39 de la convention franco-suisse du 10 septembre 1902 concernant la police de la navigation sur le lac Léman (en abrégé: la Convention).
|
Selon l'art. 84 al. 1 litt. c OJ, la violation de traités internationaux par une décision cantonale peut être alléguée devant le Tribunal fédéral par le moyen du recours de droit public, sauf s'il s'agit de dispositions de droit civil ou de droit pénal. En matière de droit civil, c'est la voie du recours en réforme (art. 43 OJ) ou du recours en nullité (art. 68 OJ) qui est seule ouverte; en matière de droit pénal, c'est celle du pourvoi en nullité (art. 268 PPF). Dans ces deux domaines, les clauses des traités internationaux sont, pour les parties, assimilables aux autres règles du droit fédéral, civil ou pénal; leur violation est sanctionnée par les mêmes voies. La réserve que fait l'art. 84 al. 1 litt. c OJ pour la recevabilité du recours de droit public découle, du reste, déjà de celle que formule d'une façon toute générale l'art. 84 al. 2: le dit recours n'est ouvert que si la prétendue violation ne peut être soumise par une action ou par un autre moyen de droit quelconque au Tribunal fédéral ou à une autre autorité fédérale. L'ancienne loi sur l'organisation judiciaire de 1893 ne réservait pas expressément, à son art. 175 al. 1 ch. 3, le cas de violation des clauses civiles et pénales des traités internationaux. Mais la jurisprudence (RO 27 I 194; 35 I 144; 41 I 336), partant du principe selon lequel le recours de droit public est une voie de droit subsidiaire, avait déjà introduit la réserve qui figure aujourd'hui à l'art. 84 al. 1 litt. c OJ (cf. aussi le message du Conseil fédéral du 9 février 1943, relatif à la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire, FF 1943, p. 144).
|
Pour savoir si le pourvoi en nullité, d'une part, ou le recours de droit public, d'autre part, sont recevables en l'espèce, il faut donc rechercher si l'art. 39 de la Convention, dont le recourant allègue la violation, relève ou non du droit pénal. Cette clause interdit "aux loueurs de bateaux de confier une embarcation à des jeunes gens ayant moins de seize ans, ainsi qu'à toute personne qui n'aurait pas l'expérience nécessaire pour la conduire". Le recourant estime qu'elle ne permet pas aux cantons riverains d'introduire des exigences plus sévères et, en particulier, d'exiger que, pour la conduite des embarcations à moteur, les clients des loueurs de bateaux soient munis d'un permis spécial.
|
L'art. 39 précité, en lui-même, concerne la police de la navigation. C'est selon les principes applicables à l'interprétation des conventions internationales qu'il faut examiner s'il règle totalement la matière ou s'il laisse aux puissances contractantes la latitude d'édicter des prescriptions complémentaires.
|
Supposé que l'art. 39 règle entièrement la location de bateaux, la disposition pénale de l'art. 82 porterait aussi une réglementation totale et exclurait une condamnation prononcée en vertu d'une loi interne, par exemple en vertu du Règlement appliqué en l'espèce. Ainsi, une telle condamnation violerait aussi l'art. 82, mais - et cela résulte de ce qu'on vient de montrer - on ne pourrait le constater qu'en déterminant la portée de l'art. 39. Si cette clause ne faisait pas obstacle à la création, par le droit interne, de règles complémentaires sur la location de bateaux, la condamnation prononcée de par ces règles ne violerait pas la Convention. C'est donc, en définitive, la violation de l'art. 39 et non celle de l'art. 82 qui constitue le grief décisif élevé à l'encontre de la condamnation litigieuse. Il s'ensuit que c'est par la voie du recours de droit public et non par celle du pourvoi en nullité que le moyen peut être soumis au Tribunal fédéral:
|
Pourrait seule faire l'objet d'un pourvoi en nullité la violation de l'art. 82 lui-même par l'autorité de répression; dans ce cas seulement, le grief consisterait dans la fausse application d'une règle pénale de la Convention, selon l'art. 84 al. 1 litt. c OJ.
|
Le recourant a été condamné selon le Règlement, c'est-à-dire en vertu du droit cantonal. Il attaque cette décision, par le motif qu'elle serait contraire au droit fédéral, la Convention, qu'en effet celle-ci, par son art. 39, réglerait totalement les conditions auxquelles est subordonnée la location de bateaux. Il s'agit donc de trancher une question préjudicielle de droit fédéral, dont la solution détermine la validité de la règle pénale de droit cantonal. Ce point ne pourrait être soumis au Tribunal fédéral dans un pourvoi en nullité que s'il relevait du droit pénal fédéral (RO 73 IV 135 et divers arrêts postérieurs, non publiés). Tel n'est pas le cas en l'espèce, comme on l'a dit plus haut; l'art. 39 de la Convention relève non pas du droit pénal, mais de la police.
|
Par ces motifs, la Cour de cassation pénale
|