34. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 17 septembre 1965 dans la cause Favrat contre Ministère public du canton de Vaud.
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Regeste
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Art.117 und 18 StGB.
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2. Adäquater Kausalzusammenhang zwischen diesem Verhalten und dem tödlichen Sturz einer Schülerin, der das Pferd auf dem Ritt durchging (Erw. 1 und 2).
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Sachverhalt
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A.- Favrat, écuyer de profession, donne, en été, des leçons d'équitation à Villars-sur-Ollon. Le 20 juillet 1964, il laissa son aide, Jimmy Mac Elroy, excellent cavalier, âgé de 15 ans, accompagner seul à la promenade sept clients âgés de 8 à 20 ans. Le groupe comprenait notamment Alexandra Galiatsatos, âgée de 11 ans, qui montait à cheval pour la première ou la deuxième fois, et Gaia Rambelli, née en janvier 1956, qui avait déjà monté l'été précédent et avait reçu, en 1964, cinq ou six leçons ou promenades. Sauf A. Galiatsatos, tous les cavaliers avaient appris ce qu'il faut faire pour maîtriser un cheval. Les bêtes étaient douces, non vicieuses; celles que montaient les deux fillettes, particulièrement dociles. Avant le départ, Favrat, qui avait préparé l'ordre de la colonne, rappela à Mac Elroy de s'en tenir au pas et lui interdit le trot ou le galop. Ce matin-là, les chevaux, malgré une application d'huile spéciale, étaient un peu nerveux en raison de la chaleur et des insectes.
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Mac Elroy prit la tête de la colonne, tenant à sa droite par la longe le cheval d'A. Galiatsatos. Il dicta l'allure, s'opposant au trot. Tout se passa sans incident jusqu'à la sortie du bois des Râpes, sur le chemin du retour. Soudain, pour une raison qui n'a pu être déterminée, le cheval d'A. Galiatsatos fit un bond en avant et Mac Elroy lâcha la longe sous la forte pression subie par celle-ci. La fillette chut à terre, tandis que les autres chevaux prirent le mors aux dents et galopèrent dans la direction de Villars. Seul Mac Elroy réussit à maîtriser sa monture; il put, en outre, saisir la bride d'un cheval monté par un garçon et retenir l'animal. Dans une course effrénée sur la route, plusieurs cavaliers tombèrent. Un estivant réussit à ralentir la marche de deux chevaux montés par deux garçons, qui purent alors les maîtriser et mettre pied à terre. Le cheval de Gaia Rambelli avait désarçonné sa cavalière, qui était suspendue, la tête en bas, retenue encore, semble-t-il, à la courroie de l'étrier. Il passa entre les deux chevaux arrêtés par l'estivant et une grange, fit un écart et projeta de côté la fillette. Le pied se décrocha de l'étrier et elle tomba à terre sans connaissance. Elle subit des lésions crâniennes, qui entraînèrent sa mort quelques minutes plus tard.
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B.- Accusé d'homicide par négligence, Favrat a été libéré, le 2 juillet 1965, par le Tribunal de police du district d'Aigle.
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C.- Sur recours du Ministère public, la Cour vaudoise de cassation pénale a, le 4 août, infligé à Favrat une amende de 300 fr. en vertu de l'art. 117 CP, avec délai d'épreuve et de radiation d'une année.
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D.- Contre cet arrêt, le condamné se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral, en concluant à libération.
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Considérant en droit:
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Cette argumentation, qui prête à l'arrêt attaqué une opinion qui n'y figure pas, n'est pas fondée. En effet, la Cour cantonale reproche au recourant non de n'avoir pas remplacé Mac Elroy à la tête du groupe, mais de n'avoir pas, lui aussi, accompagné ce dernier, de façon que Gaia Rambelli eût à ses côtés un cavalier expérimenté, capable de lui venir en aide en cas de danger.
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Sans doute est-il impossible de dire avec certitude ce qui se serait passé dans cette hypothèse. Cependant, si l'on considère que Favrat a plus de force que son aide, jeune garçon de 15 ans, que ce dernier a été surpris par le bond subit du cheval d'A. Galiatsatos, que les autres chevaux ne se sont emballés qu'après ce bond, de sorte qu'un assistant attentif de Gaia Rambelli n'aurait très probablement pas été pris au dépourvu, il y a tout lieu d'admettre que le recourant aurait empêché la monture de s'emballer, s'il s'était tenu près de la fillette. Or, s'il avait été là pour la maîtriser, un accident mortel eût été évité. Certes, la cause immédiate du traumatisme crânien n'a pas été établie. Il est possible que la fillette ait heurté le sol de la tête ou ait reçu un coup de sabot alors qu'elle était encore suspendue par un pied; il se peut aussi qu'elle ait donné de la tête contre la porte ou le mur de la grange, lorsque sa monture a fait un écart pour éviter deux autres chevaux, ou encore qu'elle soit tombée sur la tête lors de sa chute. Mais dans toutes ces hypothèses - et le recourant n'en suggère aucune autre -, il est constant que les lésions qui ont entraîné la mort sont une conséquence de l'emballement du cheval. L'absence d'un cavalier expérimenté auprès de la fillette est donc une cause naturelle de la mort de celle-ci.
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Les accidents d'équitation mortels sont assurément rares. Mais les enfants de moins de 10 ans qui se livrent à ce sport ne sont pas nombreux non plus. Les premiersjuges ont admis, sur la base de l'expertise Soutter - et le pourvoi ne conteste d'ailleurs pas - qu'un cheval de selle peut prendre peur, voire s'emballer, pour des raisons imprévisibles, surtout en plein air, par exemple à la suite de l'envol d'un papier ou d'un oiseau; dans une troupe de chevaux, l'énervement de l'un se communique souvent aux autres et le risque d'une débandade est encore accru par temps lourd, lorsque les bêtes sont attaquées par des insectes. Il s'ensuit qu'une débandade provoquée par le bond d'une bête effrayée n'est pas un événement étranger au cours ordinaire des choses, surtout un jour où les chevaux ont donné des signes de nervosité avant le départ, comme ce fut le cas le 20 juillet 1964. De même, il est normal qu'un enfant de moins de 9 ans soit désarçonné par un cheval qui s'emporte. Selon l'expert, il est en effet exclu qu'un cavalier de cet âge maîtrise sa monture, même s'il la connaît, qu'elle soit habituée à lui et qu'il ait appris comment on reprend en main un cheval qui s'emballe. Il est d'ailleurs établi que les jeunes Galiatsatos et Rambelli ne furent pas seules à tomber. Les accidents dont furent victimes, 8 jours plus tard, d'autres élèves de Favrat confirment que les chutes de jeunes cavaliers et les blessures à la tête ne sont pas rares: les trois jeunes filles qui tombèrent de cheval ce jour-là se blessèrent à la tête, l'une d'elles souffrit d'une fissure du crâne qui nécessita une hospitalisation d'une dizaine de jours. Il n'y a rien de contraire à l'expérience de la vie à voir un cavalier de moins de 10 ans désarçonné par sa monture emballée et subir des lésions crâniennes qui se révèlent mortelles.
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Certes, il n'est pas impossible que le mauvais fonctionnement d'un étrier et que l'intervention du tiers qui a provoqué un écart de la monture de la fillette en tentant d'arrêter deux autres chevaux aient contribué à la gravité de l'accident. Mais qu'un cheval emballé dévie subitement en raison d'un obstacle est un phénomène trop courant pour interrompre le rapport de causalité. Quant au non-fonctionnement de l'étrier, quelle qu'en soit la cause, il s'agit d'une circonstance que Favrat devait envisager et dont il auraît dû tenir compte, au besoin par des essais. Même si ce fait ne constitue pas une faute de plus à sa charge, comme le soutenait le Ministère public, à tout le moins ne relègue-t-il pas à l'arrière-plan la faute initiale qui a consisté à ne pas flanquer Gaia Rambelli d'un cavalier expérimenté. Aussi cette cause conserve-t-elle son caractère adéquat (RO 85 II 521; 86 IV 157 consid. 2; 87 II 308).
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Favrat objecte qu'il a recouru à toutes les mesures de sécurité usuelles; que les précautions exigées par l'autorité cantonale ne sont pas nécessaires et risquent de desservir la pratique de l'équitation. Si vraiment il s'est conformé à l'usage, ce dernier n'est pas satisfaisant. Eu égard aux dangers que court à cheval un enfant incapable de maîtriser sa monture - dangers que mentionne l'expert et qu'illustre l'accident du 20 juillet 1964 - les précautions recommandées par le colonel-brigadier Soutter s'imposent. Sans doute obligeront-elles les écoles d'équitation, qui ne disposent pas de moniteurs ou d'auxiliaires expérimentés, à renoncer à mener en promenade plusieurs jeunes élèves en même temps; peut-être ce mode de faire entraînera-t-il un renchérissement de ces leçons. Mais la sécurité des enfants confiés à des écoles d'équitation par des parents ou des maîtres de pension souvent inconscients des risques auxquels ils les exposent, l'emporte sur ces inconvénients.
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Agée de 8 ans et quelques mois, Gaia Rambelli était la plus jeune du groupe. Malgré les quelques leçons quelle avait reçues, elle n'était pas capable de maîtriser un cheval emballé. Favrat devait le savoir. Aussi aurait-il dû accompagner le groupe, afin de se tenir auprès de la fillette ou confier cette surveillance à un cavalier sûr. En s'en abstenant, il a fait preuve de négligence.
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Il n'y a pas lieu d'examiner si d'autres participants auraient aussi dû être pourvus d'un assistant. Ici, une faute de Favrat serait de toute façon sans rapport avec l'accident du 20 juillet 1964.
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Par ces motifs, la Cour de cassation pénale:
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