BGE 92 IV 54
 
14. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 4 mai 1966 dans la cause Hofstetter contre Bettex.
 
Regeste
Art. 268 Ziff. 1 BStP.
 
Sachverhalt
A.- L'avenue de Mon-Repos et l'avenue du Tribunal fédéral, à Lausanne, forment une croisée. Le 20 novembre 1964, vers 13 h. 55, le piéton Hofstetter, qui traversait la première, à l'est de la croisée, sur le passage de sécurité, dans la direction nord-sud, fut renversé par une voiture qui venait de droite et que pilotait Wilma Bettex.
Hofstetter, qui a eu le fémur et l'humérus droits fracturés et qui a subi une commotion cérébrale, a porté plainte, contre la conductrice, pour lésions corporelles.
B.- Le 4 mars 1966, le Tribunal de simple police du district de Lausanne a libéré Wilma Bettex de toute peine et laissé les frais de la cause à la charge de l'Etat.
C.- Contre ce jugement, le plaignant se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Il conclut à la condamnation de l'intimée.
 
Considérant en droit:
Selon l'art. 268 ch. 1 nouveau PPF, introduit par la loi fédérale du 25 juin 1965 entrée en vigueur le 1er janvier 1966, le pourvoi en nullité est recevable contre les jugements qui ne peuvent pas donner lieu à un recours de droit cantonal pour violation du droit fédéral; font toutefois exception les jugements des tribunaux inférieurs statuant en instance cantonale unique.
Aux termes de l'art. 426 du code de procédure pénale vaudois, la réforme d'un jugement pour fausse application de la loi pénale n'est prononcée que si le recours émane soit du Ministère public, soit d'une partie frappée d'une condamnation pénale, ou chargée totalement ou partiellement des frais de la cause. Il s'ensuit que, lorsqu'il n'est pas condamné aux frais, le plaignant n'est pas habile à porter devant la Cour vaudoise de cassation pénale, en invoquant une fausse application du droit fédéral, un jugement qui acquitte le prévenu. A l'égard de Hofstetter, la décision du 4 mars 1966 est donc un jugement qui ne peut pas donner lieu à un recours de droit cantonal pour violation du droit fédéral au sens de l'art. 268 ch. 1, 1re phrase, PPF.
Il reste à examiner si le Tribunal de simple police a statué en instance cantonale unique. Si l'on entend par là une décision qui n'est susceptible d'aucun recours cantonal, il faut répondre négativement. En effet, le Ministère public aurait pu déférer la cause à la Cour vaudoise de cassation, pour violation du droit fédéral. Le plaignant avait aussi la faculté de recourir à cette autorité, mais seulement pour violation de certaines règles de procédure cantonale et pour insuffisance de l'état de fait (art. 406 ch. 2 CPP vaud.). L'art. 268 ch. 1, 2e phrase, PPF a toutefois une portée plus large. Il tend à exclure le pourvoi en nullité contre tout jugement d'un tribunal inférieur qui ne prononce pas comme juridiction de recours. Tel était en effet le but de la revision adoptée par le législateur le 25 juin 1965.
Avant le 1er janvier 1966, certains jugements de première instance pouvaient être déférés directement à la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral. Il en était ainsi, par exemple, du pourvoi en nullité formé par le plaignant contre un jugement rendu par un tribunal de district vaudois concernant une infraction poursuivie sur plainte seulement (RO 89 IV 72 consid. 1). Cette situation était, relève le message gouvernemental, "entièrement contraire aux principes de l'organisation judiciaire cantonale et fédérale" (FF 1964 II 923). Aussi l'art. 268 PPF a-t-il été revisé dans le sens de l'art. 48 al. 2 lettre a OJ. Le message cité précise, plus bas, qu'il n'est pas question d'exclure le pourvoi en nullité contre les jugements des tribunaux suprêmes des cantons "ni contre ceux des tribunaux inférieurs qui ont statué en seconde et dernière instance cantonale". Cette dernière précision montre que les "tribunaux inférieurs statuant en instance cantonale unique" que vise l'art. 268 ch. 1, 2e phrase, PPF s'opposent aux tribunaux inférieurs statuant en seconde et dernière instance cantonale. Telle est également l'opinion qui se dégage des délibérations parlementaires. Le rapporteur de langue française a exposé, lui aussi, qu'il est contraire au principe de l'organisation judiciaire cantonale et fédérale de pouvoir attaquer devant le tribunal suprême du pays des jugements rendus en première instance cantonale, sans qu'ils aient passé par une seconde juridiction cantonale (Bull. stén. CN 1965, p. 284). Selon son collègue de langue allemande, la revision de l'art. 268 voulait atteindre "dass inskünftig nur noch zweitinstanzliche kantonale Urteile durch Nichtigkeitsbeschwerde an das Bundesgericht weitergezogen werden können" (p. 285). Détachée du contexte, cette assertion pourrait prêter à confusion. Mais elle est complétée et précisée par les remarques qui suivent, d'après lesquelles le pourvoi en nullité est recevable, notamment, contre les décisions des autorités suprêmes des cantons, même si elles ont statué en instance cantonale unique (loc. cit., 2e colonne). N'émanant pas d'une seconde juridiction cantonale, le jugement attaqué a été rendu en instance cantonale unique dans l'acception de l'art. 268 ch. 1 PPF.
La possibilité qu'aurait eue l'accusateur public de le déférer à la Cour vaudoise de cassation ne change rien. En appliquant, avant la revision de 1965, l'art. 268 al. 2 PPF (auquel correspond l'actuel ch. 1, 1e phrase), la Cour de céans, pour apprécier la recevabilité d'un pourvoi formé par le plaignant contre un jugement vaudois de première instance libérant le prévenu, ne tenait pas compte du droit qui appartenait au Ministère public de recourir à la Cour cantonale (arrêts Freymond du 3 décembre 1957 consid. 2; Cemin du 22 mai 1958 consid. 1; RO 89 IV 72 consid. 1). On ne voit pas pourquoi il en irait autrement dans l'interprétation de la nouvelle phrase introduite par la revision de 1965. De même que, dans la cause Cemin par exemple, la Cour de cassation pénale a admis que, pour le plaignant auteur du pourvoi, le jugement du Tribunal de simple police du district de Nyon constituait un jugement rendu en dernière instance cantonale selon l'art. 268 PPF, de même il faut admettre que pour Hofstetter le Tribunal de simple police du district de Lausanne, en rendant son jugement du 4 mars 1966, a statué en instance cantonale unique. Il s'ensuit que ce jugement n'est pas susceptible de pourvoi au Tribunal fédéral.
Par ces motifs, la Cour de cassation pénale:
Déclare le pourvoi irrecevable.