BGE 98 IV 221
 
44. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale, du 4 septembre 1972, dans la cause G. contre X.
 
Regeste
Art. 33 Abs. 2, 40, 49 Abs. 2 SVG, 6 Abs. 1 und 47 Abs. 3 VRV.
 
Sachverhalt
A.- Le 27 mai 1971, vers 15 h 15, X. descendait la route de Berne, en direction de Lausanne, au volant de sa Fiat. En Vennes, après le carrefour commandé par des feux automatiques, la route, partagée par une berme centrale large de 3 m 50 et divisée en 4 voies, décrit une courbe à grand rayon, suivie d'un tronçon rectiligne; environ 170 m plus loin, elle est traversée par un passage de sécurité bien visible; puis elle continue tout droit. La vitesse y est limitée à 60 km/h. Ce jour-là, la chaussée était sèche et en bon état.
Dame G., née en 1901, et une amie avaient traversé les deux voies montantes, sur le passage de sécurité. Elles s'arrêtèrent à la hauteur de la berme, où une troisième femme et peut-être une quatrième personne les rejoignirent. Dame G. regarda à droite et aperçut la Fiat qui sortait de la courbe, environ 170 m en amont. Elle déclara qu'elle avait le temps de traverser. Son amie tenta de l'en dissuader. Cet échange de propos dura quelques secondes. Dame G. reprit néanmoins sa marche, sans jeter un nouveau coup d'oeil à droite, en se contentant de tendre le bras en avant. A ce moment, la Fiat, qui roulait à 60 km/h, n'était plus qu'à 30 m du piéton. Malgré un freinage énergique, X. ne put l'éviter. Renversée, dame G. subit une fracture du péroné droit et un traumatisme crânien.
B.- Estimant qu'aucune faute n'était imputable à X., le Tribunal de police du district de Lausanne l'a acquitté, le 9 mars 1972.
La Cour vaudoise de cassation pénale a maintenu ce jugement, le 24 mai.
C.- Contre cet arrêt, dame G. se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Elle conclut à la condamnation de X. pour lésions corporelles.
 
Droit:
2. Le comportement du conducteur qui s'approche d'un passage de sécurité pour piétons est régi par les art. 33 al. 2 LCR et 6 al. 1 OCR. La première de ces dispositions lui enjoint de circuler avec une prudence particulière et, au besoin, de s'arrêter pour laisser la priorité aux piétons qui se trouvent déjà sur le passage ou s'y engagent. Aux termes de la seconde, il doit réduire sa vitesse assez tôt, de manière à pouvoir laisser la priorité aux piétons, notamment à ceux qui font un signe de la main; il est tenu d'accorder la priorité à tout piéton qui s'engage sur le passage de sécurité avant le véhicule. Quant aux piétons, ils bénéficient de la priorité sur de tels passages, mais ne doivent pas s'y lancer à l'improviste (art. 49 al. 2 LCR); s'ils veulent user de leur droit de priorité, ils doivent annoncer leur intention au conducteur du véhicule qui s'approche, en posant un pied sur la chaussée ou en faisant clairement un signe de la main; ils n'useront toutefois pas de leur droit lorsque le véhicule ne pourrait s'arrêter à temps (art. 47 al. 3 OCR). Les dispositions relatives au comportement des conducteurs avant les passages de sécurité et celles qui règlent la priorité des piétons sur ces passages sont étroitement liées en ce sens que l'on ne saurait interpréter les unes sans tenir compte des autres. Ainsi la Cour de céans a déduit de l'art. 49 al. 2 LCR, selon lequel le piéton ne doit pas se lancer à l'improviste sur les passages de sécurité, et de l'art. 47 al. 3 OCR, qui lui prescrit de ne pas user de son droit de priorité lorsque le véhicule ne pourrait s'arrêter à temps, que, en pareil cas, le conducteur n'est pas tenu de céder le passage: suivant les règles sur l'exercice du droit de priorité, il ne doit pas s'attendre que des piétons s'avancent sur le passage ou annoncent cette intention lorsque le véhicule se trouve déjà à proximité immédiate du passage; il peut compter qu'ils n'exerceront leur priorité qu'à une distance suffisante du véhicule qui s'approche (RO 91 IV 81/82).
3. Dès qu'il a vu dame G. s'engager sur la chaussée, l'intimé a freiné. La recourante elle-même ne prétend pas que, à ce moment-là, il aurait pu faire davantage. Il ne pouvait notamment tenter de l'éviter par la gauche, car il se savait suivi par d'autres voitures, dont une au moins circulait sur la voie intérieure. L'accident survenu révèle que la victime a traversé la chaussée au mépris des art. 49 al. 2 LCR et 47 al. 3 OCR: le véhicule descendant ne pouvait plus s'arrêter à temps. Elle ne bénéficiait donc pas de la priorité.
a) Selon l'arrêt attaqué, l'intimé ne s'est rendu compte qu'après l'accident que dame G. était une personne âgée. Le pourvoi en déduit qu'il a manqué d'attention. A tort. Il est souvent très difficile d'apprécier à distance l'âge d'un tiers. Apercevant, à plus de 100 m, 3 ou 4 personnes immobiles sur le refuge formé par l'interruption de la berme centrale à la hauteur du passage de sécurité, il importait à l'automobiliste de les observer non pour évaluer leur âge, mais pour déterminer le risque qu'elles ne s'avancent sur la chaussée. Le pourvoi ne précise d'ailleurs pas quels indices particulièrement visibles auraient dû révéler à X. que parmi ces piétons se trouvaient deux femmes âgées.
La recourante rappelle qu'elle a discuté quelques secondes avec son amie pour savoir si elles avaient le temps de traverser la route. "L'intimé devait donc s'attendre au franchissement de la chaussée." Il ignorait de quoi ces dames parlaient. La conversation qu'entretiennent des piétons arrêtés au bord d'un trottoir ou d'un refuge est plutôt une raison de supposer qu'ils ne sont pas sur le point de traverser la chaussée.
b) Sachant que sa voiture avait été vue, ainsi que le relèvent souverainement les autorités cantonales, X. n'était pas tenu de donner un signal acoustique (art. 40 LCR).
c) Il a respecté le signal 216, qui limite la vitesse à 60 km/h. Aurait-il dû, vu l'art. 6 al. 1 OCR, rouler moins vite?
En sortant de la courbe à grand rayon, il a vu trois femmes au moins qui attendaient sur le passage de sécurité. Le Tribunal de police n'a pu établir si une quatrième personne s'y trouvait déjà. 170 m le séparaient alors du passage. Pendant les 10 secondes nécessaires au franchissement de cette distance, les piétons avaient largement le temps de traverser les deux voies descendantes. Aussi l'intimé n'avait-il, à ce moment, aucun motif de ralentir. Si, à une centaine de mètres du passage, il avait vu un des piétons lui faire un signe ou mettre le pied sur la chaussée, un léger ralentissement aurait suffi pour assurer la traversée de la chaussée. X. qui, pendant 4 secondes - alors que la distance entre sa voiture et le passage diminuait de 170 à 100 m - avait remarqué qu'aucun des piétons ne s'apprêtait à traverser la route - bien que cette opération fût exempte de dangers - était fondé à se dire que plus il approchait du passage, moins les piétons, dont il avait constaté la prudence, s'exposeraient au risque de lui couper le chemin. Dans ces circonstances, tout l'autorisant à admettre qu'ils le laisseraient passer, il n'avait pas à ralentir.
Par ces motifs, la Cour de cassation pénale:
Rejette le pourvoi.