BGE 100 IV 63
 
18. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 28 juin 1974, dans la cause Briner contre Procureur général du canton de Genève.
 
Regeste
Art. 3 SVG.
 
Sachverhalt
A.- Selon arrêté du Département de Justice et Police de Genève du 1er juillet 1971, un tronçon d'environ 250 mètres, de la Grand-Rue, à Genève, est fermé à la circulation générale des véhicules; néanmoins des livraisons y sont autorisées dès l'ouverture des commerces et jusqu'à 11 h. 30. Des signaux "interdiction générale de circuler" (fig. 201) ont été placés aux entrées du tronçon. L'exception en faveur des livraisons figure sur une plaque complémentaire.
Le 5 juin 1973 Robert Briner, avocat, qui a son étude sur le tronçon précité, y a circulé à cyclomoteur.
B.- Le 13 décembre 1973 à 15 h. Briner a été condamné par le Tribunal de Police à une amende de fr. 15.-.
La deuxième section de la Cour de Justice du canton de Genève, le 11 avril 1974, a déclaré irrecevable l'appel de Briner en constatant qu'elle ne pouvait déceler dans le jugement attaqué aucune violation ni interprétation erronée de la loi.
C.- Contre cet arrêt Briner se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral; il conclut à l'acquittement et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'autorité cantonale.
 
Considérant en droit:
1. a) Le recourant invoque en premier lieu l'illégalité de l'arrêté cantonal du 1er juillet 1971 fermant à la circulation le tronçon en cause, tout en y autorisant les livraisons. Il fait valoir que l'administration ne doit causer préjudice à la circulation des riverains que pour des raisons graves et que de telles raisons n'existent pas en l'occurrence; il relève que l'autre tronçon de la Grand-Rue et les rues avoisinantes sont autorisées aux riverains par le même arrêté cantonal, que l'autorité n'exerce qu'une surveillance médiocre sur le tronçon incriminé et qu'elle y tolère la circulation des taxis. Il invoque en outre l'article 82 al. 1 OSR, qui impose le choix de la mesure qui, pour atteindre son but, n'occasionnera que le minimum de restriction à la circulation; et il soutient que l'arrêté cantonal viole gravement cette disposition lorsqu'il interdit la circulation des riverains alors qu'il autorise largement en droit, et encore plus en fait, celle des livreurs.
b) Celui qui est impliqué dans une poursuite pénale pour violation d'une interdiction peut, sous certaines conditions, faire trancher la question préjudicielle de la légalité de la décision d'interdiction, à l'exclusion de son opportunité (RO 98 IV 260, 266 et jurispr. citée).
c) L'article 3 al. 2 LCR donne aux cantons la compétence d'interdire, restreindre ou régler la circulation sur certaines routes. Et l'alinéa 3 pose que la circulation des véhicules automobiles et des cycles peut être interdite complètement ou restreinte temporairement sur les routes qui - comme en l'espèce - ne sont pas ouvertes au grand transit.
En l'espèce, ni la compétence de l'autorité qui a pris la décision d'interdiction de circuler ni la validité formelle de la décision ne sont contestées. Ce que conteste le recourant c'est la légalité de la décision, c'est-à-dire sa conformité au droit fédéral et plus particulièrement aux alinéas 2 et 3 de l'article 3 LCR. A la différence de l'article 3 al. 4 LCR qui fixe des conditions particulières et restrictives auxquelles l'autorité cantonale doit se soumettre pour édicter d'autres limitations ou prescriptions, l'article 3 al. 3 LCR n'impose aux cantons ni restrictions ni conditions à leur pouvoir d'interdire complètement ou partiellement la circulation sur les routes qui ne sont pas ouvertes au grand transit. Les cantons sont donc libres d'agir comme ils l'entendent dans ce domaine. Les décisions d'interdiction qu'ils prennent, pour autant qu'elles émanent d'une autorité compétente et répondent aux exigences formelles de la loi, ne sauraient donc - sous réserve des droits constitutionnels des citoyens (art. 3 al. 2 phrase 2 LCR) - être critiquées ou revues, faute d'une norme fédérale les subordonnant au respect de certains critères de fond. Cela découle déjà de l'art. 37bis al. 2 Cst. C'est précisément en raison de cette disposition constitutionnelle que le législateur a distingué les interdictions et restrictions à la circulation, d'une part (art. 3 al. 3 LCR), et les autres limitations ou prescriptions relatives à la façon de rouler, d'autre part (art. 3 al. 4 LCR) (cf. FF 1955 II 11, ad art. 4 al. 1 du projet de LCR; et Bull. stén. Conseil National 1956 p. 335, 336; Conseil des Etats 1958 p. 80). C'est donc à tort que le recourant invoque une violation du droit fédéral et de l'article 3 LCR.
d) C'est en vain également que le recourant se plaint d'une violation de l'art. 82 al. 1 OSR. Cette règle légale est en effet une disposition d'exécution de l'art. 3 al. 4 LCR et n'est pas applicable aux décisions d'interdiction de circuler. D'ailleurs, en vertu du droit réservé aux cantons par l'art. 37bis al. 2 Cst. en matière d'interdiction de circulation ni le législateur fédéral ni le Conseil fédéral n'auraient pu édicter une quelconque disposition restreignant ce droit.
e) Quant aux exceptions à l'interdiction de circuler, que le canton peut librement décréter, pour autant qu'elles répondent aux exigences formelles de la LCR et de ses dispositions d'application, elles échappent également à la censure de l'autorité fédérale.
f) C'est donc à juste titre que la juridiction cantonale a retenu à la charge du recourant une infraction aux articles 27 LCR et 16 OSR et lui a infligé une amende en application de l'art. 90 LCR.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette le pourvoi dans la mesure où il est recevable.