BGE 106 IV 338 |
84. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 10 novembre 1980 dans la cause Z. contre Ministère public du canton de Fribourg (pourvoi en nullité) |
Regeste |
Art. 64 StGB. |
Sachverhalt |
A.- Z., qui est étudiant, a décidé avec deux compagnons de son âge de perpétrer un attentat à l'explosif contre l'Imefbank, à Fribourg, pour "sensibiliser l'opinion publique sur la fausseté de la démocratie espagnole, les conditions d'emprisonnement (torture, violation) de tous les détenus, la répression qui frappe tout mouvement dissident et le silence des mass media suisses". Dans la nuit du 22 novembre 1979, ils ont déposé devant l'entrée de la banque une charge d'explosif dont la déflagration a provoqué des dégâts pour plus de 300'000 fr.
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B.- Le 7 mai 1980, le Tribunal criminel de la Sarine a condamné Z., pour emploi avec dessein délictueux d'explosifs, pour vol d'usage de cycles et pour infraction à la LStup, à trois ans de réclusion sous déduction de 162 jours de détention préventive, ainsi qu'à 300 fr. d'amende. Le condamné ayant recouru devant la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal fribourgeois, il a été débouté le 23 juin 1980.
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C.- Z. se pourvoit en nullité devant la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral; il conclut à l'atténuation de la peine.
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Considérant en droit: |
2. Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir violé l'art. 64 CP en refusant d'emblée d'atténuer la peine, avant même d'avoir décidé s'il existait en l'occurrence un mobile honorable. L'autorité cantonale a justifié cette manière d'agir en se référant aux arrêts publiés aux ATF 101 IV 387 consid. 2c et ATF 104 IV 238. On ne saurait lui donner tort. Selon une jurisprudence constante en effet, le juge peut fort bien tenir compte des circonstances atténuantes au sens de l'art. 64 CP dans le cadre général de la répression prévue par la disposition qu'il applique. Ce n'est que s'il estime devoir descendre au-dessous du minimum prévu par la loi qu'il aura la possibilité - non l'obligation: ATF 71 IV 79 - de faire application de l'art. 65 CP. Cela n'empêche cependant nullement que dans le premier cas, la peine sera en règle générale inférieure à ce qu'elle aurait été s'il n'avait pas existé de circonstances atténuantes. Le Tribunal fédéral a apporté une exception à ce principe dans les arrêts cités plus haut en posant que le juge peut refuser toute atténuation là où les circonstances condamnables de l'infraction rejettent totalement dans l'ombre l'honorabilité - même admise - des mobiles, par exemple lorsque l'agression vise des biens juridiques particulièrement dignes de protection et ne présentant aucun rapport avec les mobiles de l'auteur. Ainsi, en cas de prise d'otage ou d'attentats à l'encontre de victimes indéterminées. Le recourant critique cette jurisprudence, mais il ne fonde guère son opinion et il faut reconnaître que son cas n'incite guère à un revirement.
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En effet, il ressort des constatations de l'autorité cantonale, sur lesquelles l'art. 277bis al. 1 PPF interdit de revenir, que le recourant a participé à un attentat contre une banque, à l'occasion duquel une forte charge d'explosif a été mise à feu, causant des dégâts dont le montant (300'000 fr.) suffit à exprimer le danger qui a été provoqué. L'explosion a eu lieu dans un immeuble dont les étages supérieurs étaient habités et dont les caves étaient occupées, la nuit même, par des personnes en train de travailler, dont l'une au moins a passé en sortant devant l'endroit où la charge d'explosif avait été placée. Ces gens, de même que les passants possibles, ont couru un risque mortel que le recourant et ses acolytes ont accepté pour le cas où il se réaliserait, ainsi que l'ont expressément constaté les autorités cantonales. L'indignation éprouvée par le recourant à l'égard de la condition des détenus en Espagne et du silence de la presse suisse, même si elle était légitime, se trouve dès lors dans un rapport si ténu avec les biens juridiques visés et surtout avec les tiers complètement innocents dont la vie et l'intégrité corporelle ont été mises en danger, qu'elle est complètement reléguée à l'arrière-plan de l'infraction. On ne saurait dès lors reprocher à l'autorité cantonale une violation du droit fédéral parce qu'elle a considéré qu'il était superflu de décider si les premiers juges avaient eu raison de refuser au recourant le bénéfice du mobile honorable, dès lors que la peine pouvait être prononcée dans le cadre de l'art. 63 CP.
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Ce reproche tombe à faux. Les autorités cantonales de 1re et 2e instance n'ont au contraire nullement méconnu, voire sous-estimé, ces facteurs qu'elles ont mentionnés et examinés d'une façon sérieuse. Qu'elles aient considéré ces circonstances d'une manière moins favorable que ne l'aurait souhaité le recourant est une question d'appréciation que le Tribunal fédéral ne revoit, s'agissant de la mesure de la peine, que si l'autorité cantonale a excédé son pouvoir appréciateur en sortant du cadre légal de la sanction, en se fondant sur des critères insoutenables ou en rendant un jugement arbitrairement sévère ou clément (ATF 95 IV 62). Tel n'est évidemment pas le cas. On peut même ajouter qu'au vu des circonstances et de la rigueur de la répression prévue dans le Code pénal en matière d'usage illicite d'explosifs, la peine prononcée n'apparaît finalement comme raisonnable qu'à la lumière des mobiles qui ont poussé les auteurs. Le pourvoi ne peut ainsi qu'être rejeté.
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