14. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 22 mars 1983 dans la cause dame X. contre Genève, Chambre d'accusation et Juge d'instruction (recours de droit public)
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Regeste
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1. Art. 86 Abs. 3 OG; freiwillige Erschöpfung des kantonalen Instanzenzuges.
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2. Art. 24 BetmG; Einziehung von Vermögensvorteilen, die aus verbotenem Betäubungsmittelhandel im Ausland stammen und in der Schweiz angelegt wurden.
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Die zuständigen kantonalen Behörden - im konkreten Fall diejenigen des Kantons Genf - können eine solche Einziehung anordnen, selbst wenn keines der in Art. 3 bis 6 StGB genannten Anknüpfungskriterien gegeben ist (E. 2).
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Sachverhalt
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Arrêté le 26 février 1981 à Miami (Floride/USA), alors qu'il se trouvait en possession de cocaïne, le citoyen colombien Y. a été inculpé d'infraction à la législation américaine sur les stupéfiants. Au moment de son arrestation, la police a découvert sur lui une lettre faisant état du transfert, sur un compte numéroté d'une banque genevoise, de la somme de 1'222'000 dollars. Le compte en question a tout d'abord été bloqué le 19 mai 1981 par le Juge d'instruction de Genève, agissant dans le cadre d'une procédure d'entraide ouverte à la requête des autorités américaines, sur la base du traité entre la Confédération suisse et les Etats-Unis d'Amérique sur l'entraide judiciaire en matière pénale du 25 mai 1973. Dame X., qui se prétendait titulaire du compte, a fait opposition à cette décision, en faisant valoir que le montant d'environ 1'520'000 dollars déposé à Genève était le produit des activités commerciales licites qu'elle exerçait en Colombie. Elle n'aurait eu recours à Y., dont elle ignorait les activités criminelles, que pour transférer cette somme en Suisse, l'intéressé dirigeant à Bogota un bureau de change spécialisé dans ce type d'opération. Par la suite, la mesure de blocage ordonnée dans le cadre de l'entraide judiciaire internationale fut levée. Cependant, lors de la communication de cette décision à dame X., l'Office fédéral de la police lui signala que, le 12 août 1981, le Juge d'instruction genevois avait à nouveau ordonné la saisie du compte en se fondant cette fois sur les art. 24 de la loi fédérale sur les stupéfiants du 3 octobre 1951 (LStup) et 58 CP. Dans sa nouvelle ordonnance, le Juge d'instruction faisait état de renseignements, donnés par les autorités américaines, qui accréditaient fortement la thèse selon laquelle les fonds déposés sur le compte litigieux pouvaient être le produit d'un trafic de stupéfiants.
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Dame X. a formé contre cette ordonnance un recours auprès de la Chambre d'accusation du canton de Genève. Elle a soutenu, d'une part, que les autorités judiciaires suisses n'étaient pas compétentes pour saisir son compte bancaire et, d'autre part, qu'il n'existait pas contre elle de prévention suffisante pour justifier une telle mesure. Elle a toutefois été déboutée le 13 septembre 1982.
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Agissant par la voie d'un recours de droit public fondé sur l'art. 84 al. 1 lettres a et d OJ, dame X. demande au Tribunal fédéral d'annuler les ordonnances de la Chambre d'accusation du 13 septembre 1982 et du Juge d'instruction du 12 août 1981.
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Le Tribunal fédéral a rejeté son recours.
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Extrait des considérants:
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b) Les recours de droit public fondés sur l'art. 84 al. 1 lettre d OJ peuvent être formés sans épuisement préalable des instances cantonales (ATF 107 Ia 173 consid. 2b, ATF 106 Ia 146 consid. b et arrêts cités). L'art 86 al. 3 OJ permet toutefois à celui qui veut agir par cette voie de droit d'épuiser d'abord les moyens de droit cantonal. C'est ce qu'a fait la recourante. Or, celui qui use de cette faculté perd celle de s'en prendre à la décision de l'autorité cantonale de première instance, à moins que l'autorité supérieure cantonale à laquelle il s'est adressé n'ait qu'un pouvoir d'examen limité. Cette exception n'est pas réalisée ici. En effet, saisie d'un recours contre une ordonnance du Juge d'instruction au sens des art. 190 ss CPP gen., la Chambre d'accusation dispose d'un pouvoir d'examen illimité en fait et en droit. Sa décision remplace donc celle de l'autorité de première instance. Il en résulte que le recours de droit public est irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre l'ordonnance du Juge d'instruction rendue le 12 août 1981.
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c) (Le Tribunal fédéral doit se borner à examiner si l'art. 24 LStup a été correctement appliqué. Pour cela, il dispose d'un libre pouvoir d'examen. Il n'a pas à se prononcer en l'espèce sur une prétendue violation de l'art 58 CP.)
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La loi fédérale sur les stupéfiants du 3 octobre 1951 a été modifiée une première fois par une novelle du 10 décembre 1968, entrée en vigueur le 1er janvier 1970. Cette novelle avait pour but d'adapter le droit interne à la Convention unique sur les stupéfiants conclue à New York le 30 mars 1961, qui remplaçait toutes les conventions internationales, à une seule exception, conclues par la Suisse depuis 1912 (Message du Conseil fédéral, FF 1968 I p. 784 ss). Bien que la Suisse l'ait signée le 20 avril 1961 déjà, la Convention unique n'a pu être ratifiée que le 23 janvier 1970, soit après l'entrée en vigueur de la novelle qui a créé les conditions juridiques permettant cette ratification.
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Une deuxième modification a été le fait de la novelle du 20 mars 1975, entrée en vigueur le 1er août 1975. Contrairement à ce qui paraît être l'opinion de l'autorité intimée et de la recourante, cette modification n'a évidemment pas eu pour but d'adapter la législation nationale au droit international public, mais de tenir compte de l'évolution rapide de la société et des applications scientifiques en la matière (FF 1973 I p. 1303 ss). L'un des points importants de cette révision a été de modifier les dispositions répressives de la loi en allégeant les peines infligées aux consommateurs et en aggravant celles prévues pour les trafiquants. C'est dans ce contexte que l'art. 24 LStup, dans sa teneur actuelle, a été introduit. Les travaux préparatoires démontrent clairement que le législateur a voulu instituer des règles spéciales de confiscation pour le produit de ce type particulier d'infractions. Il s'agit fondamentalement de permettre la saisie des bénéfices du trafic illicite de stupéfiants à l'étranger, qui seraient placés en Suisse. L'art. 24 al. 2 du projet (l'actuel art. 24 première phrase) vise à empêcher que l'auteur qui aura agi à l'étranger ne reste, le cas échéant, en possession d'avantages pécuniaires illicites, les accords internationaux sur l'extradition de telles valeurs étant naturellement réservés (FF 1973 p. 1307 lettre d et p. 1323 ad art. 24). La confiscation de ces avantages illicites doit intervenir sans que l'on prenne en considération les circonstances de l'infraction, en particulier le fait que celle-ci a été commise à l'étranger et qu'elle n'est pas punissable en Suisse (Bst./CE 1973 p. 710). La modification de l'art. 24 du projet, décidée au cours des débats parlementaires, illustre cette intention du législateur. Dans le projet du Conseil fédéral, l'art. 24 comportait deux alinéas. L'alinéa premier prescrivait la dévolution à l'Etat de tout avantage pécuniaire illicite découlant d'une infraction au sens des art. 19 à 22; l'alinéa 2 avait, on l'a vu, une teneur identique à la première phrase de l'art. 24 actuel. Or, l'alinéa premier a été biffé parce qu'il ne donnait pas à l'autorité des moyens supérieurs à ceux qui lui étaient désormais offerts par les art. 58, nouvelle teneur, et 58bis CP qui devaient entrer en vigueur le 1er janvier 1975. En revanche, l'alinéa 2 a été maintenu comme tel, évidemment parce qu'il allait au delà de ces deux dispositions du droit commun. En outre, on y a ajouté une phrase relative au for, pour les cas où l'art. 348 CP ne donnerait pas de solution. Cette adjonction confirme que l'art. 24, 1re phrase, LStup s'applique à tous les avantages pécuniaires illicites qui se trouvent en Suisse et qui découlent d'une infraction commise à l'étranger, alors même qu'aucun des critères de rattachement des art. 3 à 6 CP n'est réalisé. S'il n'en allait pas ainsi, l'adjonction de la deuxième phrase de l'art. 24 eût été inutile, puisque l'art. 348 CP résout la question du for lorsqu'une infraction commise à l'étranger est punissable en Suisse (BSt./CE 1974 p. 599, CN 1974 p. 1460).
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Il résulte de ce qui précède que l'art. 24 LStup donne la compétence aux autorités genevoises de saisir, en vue de leur dévolution ultérieure à l'Etat, des avantages pécuniaires illicites qui se trouveraient à Genève et proviendraient d'un trafic de stupéfiants commis à l'étranger, alors même que l'auteur ne pourrait être puni en Suisse en vertu des art. 3 à 6 CP. La thèse contraire soutenue par la recourante pour faire échec à l'ordonnance rendue contre elle par le Juge d'instruction et confirmée par la Chambre d'accusation est dénuée de tout fondement.
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