5. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 19 janvier 1993 dans la cause C. c. M. (pourvoi en nullité)
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Regeste
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Art. 123 Ziff. 1 StGB; einfache Körperverletzung.
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Sachverhalt
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A.- Dans la matinée du samedi 24 mars 1990, M. a dit à C.: "ça ne m'étonnerait pas que vous soyez un proxénète" et il l'a sommé de cesser de vivre avec son fils et de quitter l'appartement de ce dernier à 16 heures au plus tard. A l'heure dite, il s'est rendu à l'adresse de son fils; ayant su qu'il arrivait, C. est sorti du logement et, selon les faits retenus par l'autorité cantonale, lui a donné un coup de poing au visage. Un médecin a constaté que M. présentait un hématome sous-orbitaire gauche, avec palpation douloureuse de l'os malaire, et qu'il ressentait des douleurs dans la région du cou et du coccyx.
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B.- Statuant le 2 juin 1992, le Tribunal de police du district d'Orbe a reconnu M. coupable d'injures et C. de lésions corporelles simples de peu de gravité; il les a condamnés chacun à une amende de 300 francs et a réparti entre eux les frais de procédure, les droits sur le plan civil étant réservés.
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Par arrêt du 28 octobre 1992, la Cour de cassation cantonale a rejeté le recours formé par C.
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C.- Contre cet arrêt, C. s'est pourvu en nullité à la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral. Invoquant une violation des art. 123 et 33 CP, il conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision attaquée et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale. Il sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire.
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Extrait des considérants:
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Selon la nouvelle jurisprudence, on doit qualifier de voies de fait les atteintes physiques, même si elles ne causent aucune douleur, qui excèdent ce qu'il est admis de supporter selon l'usage courant et les habitudes sociales et qui n'entraînent ni lésions corporelles, ni atteinte à la santé (ATF 117 IV 16 s. consid. bb). Savoir si la victime d'espèce a ressenti une douleur ou une atteinte à la joie de vivre n'est pas décisif (ATF 117 IV 17 consid. bb). Un coup de poing doit être qualifié de voie de fait pour autant qu'il n'entraîne aucune lésion du corps humain ou de la santé (ATF 117 IV 17 consid. cc).
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L'art. 123 CP réprime les lésions du corps humain ou de la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP. Cette disposition protège l'intégrité corporelle et la santé tant physique que psychique; ces objets de la protection pénale sont lésés par des atteintes importantes à l'intégrité corporelle, comme l'administration d'injections ou la tonsure totale; sont en outre interdits la provocation ou l'aggravation d'un état maladif, ou le retard de la guérison; ces états peuvent être provoqués par des blessures ou par des dommages internes ou externes, comme une fracture sans complication guérissant complètement, comme une commotion cérébrale, des meurtrissures, des écorchures, des griffures provoquées par des coups, des heurts ou d'autres causes du même genre, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être; en revanche, lorsque le trouble, même passager, équivaut à un état maladif, il y a lésion corporelle simple (ATF 107 IV 42 consid. c, ATF 103 IV 70 consid. c et les références citées).
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Lorsqu'il s'agit de meurtrissures, d'écorchures, griffures et contusions provoquées par des coups ou d'autres causes du même genre, la distinction entre les voies de fait et les lésions corporelles simples est délicate (cf. STRATENWERTH, Bes. Teil I, 3e éd., p. 58 no 8; SCHUBARTH, Bes. Teil I, ad art. 123 no 10; HURTADO POZO, Droit pénal, partie spéciale I, 2e éd., Fribourg 1991 p. 122).
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Dans la jurisprudence, un coup au visage, ayant provoqué une éraflure au nez et une contusion, a été considéré comme voie de fait (ATF 72 IV 21). Il en va de même d'une meurtrissure au bras et d'une douleur à la mâchoire sans contusion (ATF 107 IV 43 consid. d). En revanche, un coup de poing au visage donné avec une violence brutale propre à provoquer d'importantes meurtrissures, voire une fracture de la mâchoire, des dents ou de l'os nasal, a été qualifié de lésion corporelle (ATF 74 IV 83). Il en va de même de nombreux coups de poing et de pied provoquant chez l'une des victimes des marques dans la région de l'oeil et une meurtrissure de la lèvre inférieure et chez l'autre une meurtrissure de la mâchoire inférieure, une contusion des côtes, des écorchures de l'avant-bras et de la main (ATF 103 IV 70).
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En présence d'une atteinte à l'intégrité corporelle limitée à des contusions, des meurtrissures ou des griffures, il faut tenir compte de l'importance de la douleur provoquée afin de déterminer s'il s'agit de lésions corporelles simples ou de voies de fait (ATF 107 IV 43 consid. c). Comme les notions de voies de fait et d'atteinte à l'intégrité corporelle, qui sont déterminantes pour l'application des art. 123 et 126 CP, sont des notions juridiques indéterminées, la jurisprudence reconnaît, dans les cas limites, une certaine marge d'appréciation au juge du fait car l'établissement des faits et l'interprétation de la notion juridique indéterminée sont étroitement liés. Dans ces circonstances, le Tribunal fédéral s'impose une certaine réserve dans la critique de l'interprétation faite par l'autorité cantonale, dont il ne s'écarte que si cela s'avère nécessaire (ATF 116 IV 315 consid. c, ATF 115 IV 20 consid. b). Il a en outre été relevé en doctrine que des lésions corporelles se situant à la limite des voies de fait pouvaient être traitées de manière satisfaisante par l'application de l'art. 123 ch. 1 al. 1 deuxième phrase aCP - qui correspond, dans la nouvelle version, à l'art. 123 ch. 1 al. 2 -, lequel permet une atténuation libre de la peine dans les cas de peu de gravité (voir SCHUBARTH, op.cit., ad art. 123 no 65).
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En l'espèce, il a été retenu que le coup de poing avait causé un hématome sous-orbitaire. Il y a donc eu rupture de vaisseaux sanguins avec épanchement sous-cutané. Il s'agit d'une lésion du corps humain, même si celle-ci est superficielle et de peu d'importance. On ne se trouve donc pas en présence d'un coup qui n'a provoqué qu'une douleur, éventuellement une rougeur passagère. Un hématome, résultant de la rupture de vaisseaux sanguins, qui laisse normalement des traces pendant plusieurs jours, doit être qualifié de lésion corporelle. L'autorité cantonale a tenu compte du peu de gravité de la lésion d'espèce en faisant application de l'art. 123 ch. 1 al. 2 CP et en ne prononçant qu'une amende.
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La doctrine est divisée sur la question de savoir si le cas de peu de gravité, au sens de l'art. 123 ch. 1 al. 1 deuxième phrase aCP, doit être déterminé objectivement selon la lésion subie (dans ce sens: REHBERG, Strafrecht III, 5e éd., p. 40; HURTADO POZO, op.cit., p. 123) ou plutôt de manière subjective en fonction de la gravité de la faute compte tenu des circonstances (dans ce sens: NOLL, Bes. Teil I, p. 42; assez favorable à cette conception: TRECHSEL, Kurzkommentar, ad art. 123 no 3). Il n'est pas nécessaire de trancher cette controverse en l'espèce, puisque le cas est manifestement de peu de gravité aussi bien du point de vue objectif, en fonction de la lésion constatée, que du point de vue subjectif, c'est-à-dire de la faute, puisque la victime a dans une certaine mesure cherché la confrontation.
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En qualifiant les faits de lésions corporelles simples de peu de gravité (art. 123 ch. 1 al. 2 CP) et en prononçant une amende de 300 francs, l'autorité cantonale n'a pas violé le droit fédéral, de sorte que le pourvoi doit être rejeté.
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