22. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 30 avril 1998 dans la cause P. contre Ministère public du canton de Neuchâtel (pourvoi en nullité)
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Regeste
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Art. 58 StGB und Art. 261bis Abs. 1 StGB; Einziehung von Gegenständen, die dazu gedient haben, das Vergehen der Rassendiskriminierung zu begehen.
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Einziehung von Zeitschriften und CDs, die solche Behauptungen enthalten (E. 2a und c).
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Sachverhalt
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A.- En octobre 1996, l'inspection des douanes de l'aéroport de Genève a saisi un colis, en provenance de Detroit (Michigan/USA), contenant 20 numéros identiques d'une revue intitulée "Resistance" et 30 CD, destinés à "M. c/o K., CP 108, 2005 Neuchâtel", dont le contenu a été considéré comme raciste.
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Un article de cette revue reflète des idées telles que "we think all black people are bad"; ainsi, sont cités les propos d'un comédien noir, lequel aurait affirmé que le peuple noir est plus raciste que le peuple blanc, car il hait aussi les noirs; y figurent également une distinction entre les "noirs" et les "nègres", une description de l'homme noir, et la constatation, sous le couvert de chiffres invérifiables, selon laquelle les noirs sont plus violents que les blancs; en conclusion, il y est indiqué que "tous les noirs ne sont pas des criminels mais qu'une Amérique sans noirs serait plus sûre, plus propre et plus riche". D'autres passages de la revue affichent de la haine pour ce qui n'est pas blanc et rabaissent la race noire en la traitant de race boueuse, sous-humaine, sauvage, semblable à des singes.
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De plus, cette revue publie deux entretiens à propos de l'holocauste. Le premier indique qu'il faut croire aux thèses révisionnistes selon lesquelles il n'y a pas eu un programme d'extermination systématique des juifs mais que les seules victimes du génocide étaient le peuple d'Europe et en particulier le million de "SS" qui ont donné leur vie pour la race aryenne et qui étaient les créatures les plus évoluées dans l'histoire de la planète. Dans le second entretien, il est relevé que l'holocauste des juifs, "la nation la plus haïe", était le processus le plus sensationnel.
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En ce qui concerne le CD, il a été retenu qu'il était lié à la revue. Les chansons contiennent des propos tels que "solution finale" ou "si tu n'es pas blanc, tu seras mort". La suprématie de la race blanche y est prônée, alors que les autres races, en particulier la noire, sont rabaissées.
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B.- Par jugement du 8 avril 1997, le Tribunal de police du district de Neuchâtel a acquitté K., qui avait été renvoyé en jugement sous l'accusation de discrimination raciale (art. 261bis CP), et a ordonné la restitution des revues et CD séquestrés.
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Statuant sur un pourvoi du Ministère public, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois, par arrêt du 29 décembre 1997, a réformé partiellement ce jugement, en ce sens qu'elle a ordonné la confiscation et la destruction du CD et des 20 exemplaires de la revue encore séquestrés.
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La cour cantonale a d'abord relevé que, contrairement à l'opinion du premier juge, tant la revue que le CD tombaient objectivement sous le coup de l'art. 261bis CP; en revanche, le premier juge devait être suivi, lorsqu'il niait la réalisation de l'élément subjectif de cette infraction chez K. Elle a ensuite estimé que tant la morale que l'ordre public exigeaient que des pièces d'un tel contenu fussent confisquées et détruites, en application de l'art. 58 al. 1 let. b CP.
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C.- K. se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Soutenant que les conditions légales de la confiscation ne sont pas réunies, il conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision attaquée, au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour restitution du matériel saisi et sollicite par ailleurs l'effet suspensif.
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Le Tribunal fédéral a rejeté le pourvoi dans la mesure où il était recevable.
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Considérant en droit:
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En citant l'art. 58 al. 1 let. b CP, la cour cantonale se réfère manifestement à tort à l'ancien texte de cette disposition, ce qui, en l'occurrence, reste sans conséquence.
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Selon le texte actuel de l'art. 58 al. 1 CP entré en vigueur le 1er août 1994 (RO 1994 p. 1614 et 1618), "alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable, le juge prononcera la confiscation d'objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d'une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public".
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Cette disposition permet donc notamment de confisquer des objets qui ont servi à commettre une infraction ou devaient servir à la commettre (les "instrumenta sceleris"; cf. TRECHSEL, Kurzkommentar, 2ème éd. Zurich 1997, art. 58 no 7), à la condition toutefois qu'ils compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public. On ne saurait cependant émettre des exigences élevées en ce qui concerne ce danger; il suffit qu'il soit vraisemblable qu'il y ait un danger si l'objet n'est pas confisqué en mains de l'ayant droit (TRECHSEL, op.cit., art. 58 no 9; cf. également FF 1993 III p. 297 s.). Comme il ressort du texte légal, la confiscation sera prononcée même si l'auteur n'est pas punissable. Il importe donc peu que l'auteur reste inconnu ou qu'il ait agi à l'étranger, au moins lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, le matériel était notamment destiné à être diffusé au public en Suisse (cf. TRECHSEL, op.cit., art. 58 no 10).
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b) La cour cantonale a estimé que le matériel confisqué était l'instrument d'une discrimination raciale au sens de l'art. 261bis CP.
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Cette disposition pénale a été examinée à l' ATF 123 IV 202, auquel il convient de se référer.
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La revue et le disque en cause n'étaient pas destinés à être remis directement à des noirs ou à des juifs, mais bien à des tiers, ce qui exclut d'emblée l'application de l'art. 261bis al. 4 et 5 CP; on ne saurait parler d'une idéologie dûment développée (art. 261bis al. 2 CP) ou d'une mesure d'organisation (art. 261bis al. 3 CP), de sorte que le cas doit être examiné à la lumière de l'art. 261bis al. 1 CP (cf. ATF 123 IV 202 consid. 3b p. 207).
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Cette disposition déclare punissable "celui qui, publiquement, aura incité à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse".
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L'auteur doit donc agir publiquement, ce qui suppose qu'il s'adresse à un large cercle de destinataires (ATF 123 IV 202 consid. 3d p. 208). En l'espèce, il est manifeste - et non contesté - que les auteurs de la revue et du disque en ont créé de nombreux exemplaires et qu'ils les ont distribués largement.
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Il faut également que le message, quelle qu'en soit la forme ou le support, s'en prenne - en s'adressant à des tiers (REHBERG, Strafrecht IV, Zurich 1996, p. 186) - à une ou plusieurs personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse. En l'espèce, le message s'en prend à tous les noirs et tous les juifs, exclusivement parce qu'ils sont noirs ou juifs. La race, au sens de l'art. 261bis CP, se caractérise notamment par la couleur de la peau (STRATENWERTH, Bes. Teil II, Berne 1995, § 39, no 26, p. 167; TRECHSEL, op.cit., art. 261bis no 11; NIGGLI, Rassendiskriminierung, Zurich 1996, no 368, p. 101); il n'est donc pas douteux que les noirs constituent une race au sens de cette disposition. Le judaïsme constitue une religion au sens de l'art. 261bis CP (ATF 123 IV 202 consid. 4c p. 209; STRATENWERTH, op.cit., no 27, p. 168; TRECHSEL, op.cit., art. 261bis no 13).
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Il faut encore, selon l'art. 261bis al. 1 CP, que le message incite à la haine ou à la discrimination. Par inciter, il faut entendre le fait d'éveiller le sentiment de haine ou d'appeler à la discrimination (cf. ATF 123 IV 202 consid. 3b p. 207). La discrimination consiste à traiter injustement de façon moins favorable (REHBERG, op.cit., p. 184).
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Le contenu que doit avoir le message n'est pas décrit plus précisément par l'art. 261bis al. 1 CP; il suffit qu'il soit propre à éveiller la haine ou à appeler à la discrimination. Les autres alinéas de l'art. 261bis CP, où l'on parle d'abaisser, de dénigrer, et de discriminer d'une façon qui porte atteinte à la dignité humaine, permettent de mieux cerner l'idée. N'importe quelle critique ou la constatation objective d'une différence ne suffisent pas; le message doit atteindre la personne dans sa dignité d'être humain, et ceci en raison de son appartenance raciale, ethnique ou religieuse. Le message doit faire apparaître les personnes qui appartiennent à une race, une ethnie ou une religion comme étant de moindre valeur du point de vue de la dignité humaine (TRECHSEL, op.cit., art. 261bis no 22; REHBERG, op.cit., p. 184; GUYAZ, L'incrimination de la discrimination raciale, Berne 1996, p. 255; NIGGLI, op.cit., no 767 et 769, p. 204 s.). Dans les cas extrêmes, il s'agit de dénier toute dignité humaine, voire même le droit à l'existence (REHBERG, op.cit., p. 184). Nier, minimiser grossièrement ou tenter de justifier un génocide est mentionné à l'art. 261bis al. 4 CP (STRATENWERTH, op.cit., no 37, p. 171; TRECHSEL, op.cit., art. 261bis no 35; REHBERG, op.cit., p. 187).
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Déterminer le contenu d'un message relève des constatations de fait qui lient la Cour de cassation (art. 277bis al. 1 PPF); dire si ce contenu correspond aux notions figurant dans la loi est une question de droit.
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En l'espèce, la cour cantonale a constaté que la revue contenait l'affirmation selon laquelle une Amérique sans noirs serait plus sûre, plus propre et plus riche; la race noire y est traitée de race sale, de race boueuse, sous-humaine, sauvage, semblable à des singes. En tout cas, ce dernier passage, lequel assimile les noirs à des bêtes, tend à les abaisser, en raison de leur race, dans leur dignité d'être humain. De telles affirmations, attentatoires à la dignité de l'être humain, sont manifestement de nature à éveiller le mépris et la haine, de sorte qu'elles tombent sous le coup de l'art. 261bis al. 1 CP. Il n'est donc pas nécessaire d'examiner la portée du passage concernant l'holocauste des juifs.
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S'agissant du disque, la cour cantonale a constaté que son contenu était violent, abaissait systématiquement les noirs et contenait la phrase "si tu n'es pas blanc, tu seras mort". Ce passage peut effectivement être interprété en ce sens qu'il dénie aux noirs, en raison de leur race, jusqu'au droit à l'existence; il s'agit de la forme suprême du mépris de toute dignité humaine, qui appelle à la haine, voire à la discrimination. Ce passage du disque tombe donc également sous le coup de l'art. 261bis al. 1 CP.
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Sur le plan subjectif, l'infraction implique un comportement intentionnel, dicté par des mobiles de discrimination raciale; le dol éventuel suffit (ATF 123 IV 202 consid. 4c p. 210). Il n'est ni contesté ni contestable que les auteurs de la revue et du disque les ont diffusés intentionnellement, en toute connaissance de cause, dans un but de discrimination raciale.
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Les éléments de l'infraction sont donc réunis.
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c) Les revues et les disques étaient les moyens de commettre l'infraction, c'est-à-dire de rendre le message public. Ils ont donc servi à commettre l'infraction au sens de l'art. 58 al. 1 CP ("instrumenta sceleris").
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L'infraction prévue par l'art. 261bis CP, qui est conçu en première ligne pour protéger la dignité humaine, est classée parmi les infractions contre la paix publique (ATF 123 IV 202 consid. 2 p. 206), de sorte que l'on peut admettre que la propagation de tels messages comporte un risque pour l'ordre public. Il est évident que ce risque n'a pas disparu, puisque le recourant pourrait remettre ces objets à des tiers, les prêter ou même se les faire voler. L'existence de ces objets, qui sont, par leur nature, destinés à être diffusés, est propre à perpétuer les effets de l'infraction et laisse subsister le risque pour l'ordre public.
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Comme on l'a vu, la confiscation est possible "alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable". Il importe donc peu que les personnes qui ont diffusé ces revues et ces disques ne puissent pas être identifiées ou poursuivies en Suisse. Il est également sans pertinence que le recourant ne soit pas lui-même auteur de l'infraction ou participant à celle-ci.
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Le recourant ne demande pas de faire expurger à ses frais les revues et le disque, en supprimant les passages condamnables, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner la question sous cet angle. La mesure prononcée n'apparaît pas disproportionnée et ne viole donc pas l'art. 58 al. 1 CP.
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