BGE 132 IV 49
 
7. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale dans la cause X. contre A.B. et Ministère public du canton de Neuchâtel (pourvoi en nullité)
 
6S.275/2005 du 14 décembre 2005
 
Regeste
Art. 217 und 29 StGB; Vernachlässigung von Unterhaltspflichten; Beginn der Strafantragsfrist.
Die Vernachlässigung von Unterhaltspflichten ist ein Dauerdelikt, so dass die Strafantragsfrist - analog der Verjährungsfrist (Art. 71 lit. c StGB) - erst mit der letzten tatbestandsmässigen Unterlassung der Zahlung zu laufen beginnt (E. 3.1).
Die Strafantragsfrist beginnt gegenüber dem Teilnehmer erst zu laufen, wenn die Berechtigte den Täter kennt (E. 3.2).
 
Sachverhalt
Par ordonnance de mesures provisoires du 28 janvier 2000, le président du Tribunal civil du district du Val-de-Travers a condamné C.B. à verser à A.B., dès le 1er décembre 1999, une contribution d'entretien de 900 fr. par mois, et a ordonné à l'employeur de l'époux, l'entreprise Z. Ltd, représentée par X., d'effectuer une retenue de 900 fr. par mois sur le salaire du mari et de virer ce montant à l'épouse.
C.B. a formé, contre cette ordonnance, une opposition qui a été rejetée, puis un recours qui a été classé, de sorte que cette décision n'a jamais cessé d'être exécutoire.
Par jugement du 23 mai 2003, le Tribunal de police du district du Val-de-Travers a condamné C.B., pour violation d'une obligation d'entretien du 1er décembre 1999 au 24 février 2003, à trois mois d'emprisonnement et, par défaut, X., pour complicité de violation d'une obligation d'entretien, à deux mois d'emprisonnement, peine complémentaire à celles prononcées les 21 mai 2001 et 18 mars 2002.
Par arrêt du 20 juin 2005, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté le pourvoi de C.B. et admis partiellement celui de X. en ce sens qu'elle a réduit sa peine à un mois d'emprisonnement.
En bref, elle a jugé que X. avait organisé, par le truchement d'une société domiciliée à l'étranger, un système dans lequel l'exécution forcée de l'obligation d'entretien devenait extrêmement difficile, qu'il s'était associé, de manière bien plus étroite qu'un employeur ordinaire, à la réalisation du délit et qu'il avait bien voulu ou, à tout le moins, accepté, le risque que la crédirentière ne reçût pas sa pension. En revanche, contrairement à l'autorité de première instance, la Cour de cassation a estimé que X. n'avait pu se rendre coupable de complicité au-delà du 31 mars 2001, date correspondant à la fin du contrat de travail liant Z. Ltd à C.B., l'avis au débiteur contenu dans l'ordonnance de mesures provisionnelles ne s'étendant pas à tout employeur futur. Elle a aussi retenu que la plainte pénale déposée en septembre 2002 n'était pas tardive, puisque l'intimée ne savait pas ou ne pouvait savoir que le recourant n'était plus tenu, depuis le 1er avril 2001, de retenir chaque mois 900 fr. sur le salaire de son employé.
X. dépose un pourvoi au Tribunal fédéral, concluant à la nullité de l'arrêt attaqué. Il conteste sa qualité de complice, se plaint d'une violation des art. 69 ss de l'ordonnance du 7 juin 1937 sur le registre du commerce (ORC; RS 221.411) et invoque la péremption de la plainte pénale.
Invités à se déterminer, la Cour de cassation pénale et le Ministère public neuchâtelois ont renoncé à formuler des observations, la première se référant à son arrêt, le second concluant au rejet du recours. L'intimée a conclu, principalement, à l'irrecevabilité du pourvoi et, subsidiairement, à son rejet.
Le Tribunal fédéral a partiellement admis le pourvoi dans la mesure où il était recevable.
 
Extrait des considérants:
Selon l'art. 25 CP, le complice est celui qui aura intentionnellement prêté assistance pour commettre un crime ou un délit. Objectivement, le complice doit apporter à l'auteur principal une contribution causale à la réalisation de l'infraction, de telle sorte que les événements ne se seraient pas déroulés de la même manière sans cet acte de favorisation. Subjectivement, il faut qu'il sache ou se rende compte qu'il apporte son concours à un acte délictueux déterminé et qu'il le veuille ou l'accepte; à cet égard, il suffit qu'il connaisse les principaux traits de l'activité délictueuse qu'aura l'auteur. Pour agir de manière intentionnelle, le complice doit connaître l'intention de l'auteur principal, qui doit donc déjà avoir pris la décision de l'acte (ATF 121 IV 109 consid. 3a p. 120; ATF 117 IV 186 consid. 3 p. 188). Le dol éventuel suffit pour la complicité (ATF 118 IV 309 consid. 1a p. 312).
Subjectivement, il ne ressort toutefois pas des constatations cantonales que le recourant connaissait l'intention délictueuse de son employé lorsqu'il lui a versé l'intégralité des salaires, ni si, à ce moment-là, l'auteur principal avait déjà pris la décision de ne pas verser les aliments à son épouse. Faute d'éléments suffisants sur cet aspect subjectif de la participation, la Cour de céans ne peut trancher la question de savoir si le recourant s'est rendu complice d'une violation d'obligation d'entretien. Le pourvoi doit donc être admis sur ce point, l'arrêt attaqué annulé au sens de l'art. 277 PPF et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau après avoir complété l'état de fait de sa décision.
Sous couvert d'une violation de dispositions de droit fédéral, le recourant reproche en réalité à la Cour de cassation d'avoir ignoré et faussement constaté certains faits. Or, un tel grief est irrecevable dans un pourvoi en nullité. En effet, cette voie de droit n'est pas ouverte pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de fait qui en découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83). Elle ne peut donner lieu qu'à un contrôle de l'application du droit fédéral sur la base d'un état de fait définitivement arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1 let. b PPF).
 
Erwägung 3.1.1
3.1.1.1 Par le passé, la jurisprudence s'est servie de la notion du délit successif pour déterminer le point de départ du délai de plainte selon l'art. 29 CP en cas de pluralité d'infractions de même nature. Le délit successif étant assimilé juridiquement à un délit unique sans égard au nombre des actes punissables, il en résultait que, pour un délit poursuivi sur plainte, la plainte déposée dans les trois mois dès le dernier acte commis pouvait être étendue à l'activité antérieure (ATF 91 IV 64 consid. 1a p. 66).
En application de cette jurisprudence, le Tribunal fédéral a jugé que la violation d'une obligation d'entretien constituait un comportement punissable s'inscrivant dans une certaine durée pour lequel le délai de plainte ne commençait à courir qu'après qu'il ait pris fin (ATF 80 IV 6).
3.1.1.2 Après l'abandon de la figure juridique du délit successif (ATF 117 IV 408), la jurisprudence a déterminé le début du délai de plainte par analogie avec la fixation du point de départ de la prescription en cas de pluralité d'infractions formant une unité (ATF 118 IV 325 consid. 2b p. 329). Plusieurs infractions distinctes devaient être considérées comme une entité au regard de l'art. 71 let. b CP (art. 71 al. 2 aCP), c'est-à-dire comme une activité globale pour laquelle les délais de prescription et de plainte commençaient à courir du jour où le dernier acte avait été commis, si elles étaient identiques ou analogues, si elles avaient été commises au préjudice du même bien juridiquement protégé et si elles procédaient d'un comportement durablement contraire à un devoir permanent de l'auteur, sans que l'on fût toutefois en présence d'un délit continu au sens de l'art. 71 let. c CP (art. 71 al. 3 aCP).
En application de cette jurisprudence, le Tribunal fédéral a jugé que la violation d'une obligation d'entretien constituait un comportement délictueux durable au sens de l'art. 71 let. b CP (art. 71 al. 2 aCP), puisque le devoir de s'acquitter d'une dette d'aliments ne cessait pas après le terme fixé pour le paiement, mais qu'au contraire le débirentier demeurait à tout moment tenu de verser la totalité des montants échus. Il a ainsi admis que lorsque l'auteur omettait fautivement et sans interruption pendant un certain temps de fournir, fût-ce partiellement, les contributions dues, le délai de plainte ne commençait à courir que depuis la dernière omission coupable, c'est-à-dire, par exemple, au moment où il reprenait ses paiements ou se trouvait sans faute, par manque de moyens, dans l'impossibilité de s'acquitter de son obligation, autant toutefois que l'ayant droit eût connu ou dû connaître ces circonstances (ATF 121 IV 272 consid. 2a p. 275; ATF 118 IV 325 consid. 2b p. 328 s.).
3.1.1.3 Dans l' ATF 131 IV 83, le Tribunal fédéral a abandonné la figure de l'unité sous l'angle de la prescription - et donc par analogie de la plainte pénale -, ce délai devant dorénavant être calculé pour chaque infraction de manière séparée. Il a toutefois admis des exceptions pour les infractions représentant une unité juridique ou naturelle d'actions, celles-ci devant toujours être considérées comme un tout et le délai de prescription ne commençant alors à courir qu'avec la commission du dernier acte délictueux ou la cessation des agissements coupables (cf. art. 71 let. b et c CP; ATF 131 IV 83 consid. 2.4. p. 90 ss).
L'unité juridique d'actions existe lorsque le comportement défini par la norme présuppose, par définition, de fait ou typiquement, la commission d'actes séparés, tel le brigandage (art. 140 CP), mais aussi lorsque la norme définit un comportement durable se composant de plusieurs actes, par exemple les délits de gestion fautive (art. 165 CP), ou de services de renseignements politiques ou économiques (art. 272 et 273 CP; ATF 131 IV 83 consid. 2.4.5 p. 93 s.).
L'unité naturelle d'actions existe lorsque des actes séparés procèdent d'une décision unique et apparaissent objectivement comme des événements formant un ensemble en raison de leur relation étroite dans le temps et dans l'espace. Elle vise ainsi la commission répétée d'infractions - par exemple, une volée de coups - ou la commission d'une infraction par étapes successives - par exemple, le sprayage d'un mur avec des graffitis pendant plusieurs nuits successives -, une unité naturelle étant cependant exclue si un laps de temps assez long s'est écoulé entre les différents actes, quand bien même ceux-ci seraient liés entre eux (ATF 131 IV 83 consid. 2.4.5 p. 94).
 
Erwägung 3.1.2
3.1.2.1 La violation d'une obligation d'entretien au sens de l'art. 217 al. 1 CP est un délit d'omission proprement dit, le comportement délictueux constituant à ne pas fournir ou seulement partiellement les pensions dues en vertu du droit de la famille, alors que cela serait possible (cf. G. STRATENWERTH, Schweizerisches Strafrecht, BT II, 4e éd., § 26 n. 30; B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, ad art. 217 CP n. 1 p. 847).
3.1.2.2 Une infraction est dite continue lorsque les actes créant la situation illégale forment une unité avec ceux qui la perpétuent, ou avec l'omission de la faire cesser, pour autant que le comportement visant au maintien de l'état de fait délictueux soit expressément ou implicitement contenu dans les éléments constitutifs du délit. Le délit continu se caractérise par le fait que la situation illicite créée par un état de fait ou un comportement contraire au droit se poursuit. Il est réalisé sitôt accompli le premier acte délictueux, mais n'est achevé qu'avec la fin ou la suppression de l'état contraire au droit (cf. ATF 131 IV 83 consid. 2.1.2 p. 87; ATF 119 IV 216 consid. 2f p. 221 et les références citées).
Tel est notamment le cas de la séquestration et de l'enlèvement qualifié au sens des art. 183 al. 2 et 184 al. 4 CP, de la violation de domicile au sens de l'art. 186 CP, de l'enlèvement de mineur au sens de l'art. 220 CP, de l'entrave à l'action pénale au sens de l'art. 305 CP, ou de l'occupation illicite d'ouvriers (cf. ATF 131 IV 83 consid. 2.1.2 p. 87 et les références citées).
3.1.2.3 La violation d'une obligation d'entretien constitue un délit continu tel que défini ci-dessus. En effet, si cette infraction est consommée dès que le débiteur a omis intentionnellement de fournir les aliments ou les subsides dus en vertu du droit de la famille, la situation illicite se prolonge aussi longtemps que le débiteur ne reprend pas ses paiements ou se trouve, sans faute, dans l'impossibilité de s'acquitter de son dû. Dès lors, conformément à l'art. 71 let. c CP (art. 71 al. 3 aCP), le délai de prescription - et donc par analogie celui de la plainte pénale - ne commence à courir que du jour où les agissements coupables ont cessé. Ainsi, lorsque l'auteur omet fautivement et sans interruption pendant un certain temps de fournir, fût-ce partiellement, les contributions dues, le délai de plainte ne commence à courir que depuis la dernière omission coupable, c'est-à-dire, par exemple, au moment où il reprend ses paiements ou se trouve sans faute, par manque de moyens, dans l'impossibilité de s'acquitter de son obligation, autant toutefois que l'ayant droit ait connu ou dû connaître ces circonstances.
Cette appréciation est soutenue par une partie de la doctrine (cf. P. MÜLLER, Basler Kommentar, Strafgesetzbuch I, ad art. 71 CP n. 20; A. SCHÖNKE/H. SCHRÖDER, Strafgesetzbuch, Kommentar, 26e éd., §§ 170a, 170b, n. 36; K. LACKNER/K. KÜHL, Strafgesetzbuch mit Erläuterungen, 24e éd., § 170, n. 12; H. TRÖNDLE/T. FISCHER, Strafgesetzbuch und Nebengesetze, 52e éd., § 170, n. 14; H-L. GÜNTHER, Systematischer Kommentar zum Strafgesetzbuch, vol. II, 7e et en partie 8e éd., § 170b, n. 52). Elle s'impose également pour des raisons pratiques, puisqu'on ne saurait demander au créancier d'aller déposer plainte pénale tous les trois mois, alors que le débiteur ne s'acquitte pas de ses obligations pendant une longue période. Une telle exigence tendrait à compliquer les possibles conciliations entre les parties et irait à l'encontre du principe de l'économie de procédure.
3.2 La loi précise que le délai de plainte court à compter du jour où l'ayant droit a connu l'auteur de l'infraction (cf. art. 29 CP), mais ne règle pas les problèmes relatifs à une pluralité de participants à l'infraction. En cas de participation accessoire (instigation et complicité), il y a toutefois lieu d'admettre, conformément à l'avis des auteurs, que le délai de plainte ne commence à courir que lorsque l'ayant droit connaît l'auteur principal. Une poursuite contre les participants au sens strict n'aurait en principe des chances d'aboutir que si l'auteur principal est également connu (C. RIEDO, Der Strafantrag, thèse Fribourg 2004, p. 462 s.; cf. A. GRAWEHR-BUTTY, Rechtsfragen aus dem Gebiete des Strafantrages unter besonderer Berücksichtigung des schweizerischen und italienischen Rechtes, thèse Fribourg 1959, p. 57; W. HUBER, Die allgemeinen Regeln über den Strafantrag im schweizerischen Recht [StGB 28-31], thèse Zurich 1967, p. 26 s.; J. REHBERG, Der Strafantrag, in RPS 85/1969 p. 269).
3.3 Selon les constatations cantonales, C.B. n'a pas versé les pensions dues du 1er décembre 1999 au 24 février 2003. L'intimée a déposé plainte au mois de septembre 2002, soit en temps utile, puisqu'à cette date le débiteur n'avait toujours pas commencé ses paiements. La plainte pénale ayant ainsi valablement été déposée contre l'auteur principal, elle l'a également été contre le complice. Le grief du recourant doit donc être rejeté.