BGE 137 IV 99
 
14. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause Ministère public de l'Etat de Fribourg contre X. (recours en matière pénale)
 
6B_844/2010 du 25 janvier 2011
 
Regeste
Art. 57 Abs. 1 PBG; Art. 51 TG; Fahrt ohne Fahrausweis.
 
Extrait des considérants:
1.1 La loi du 20 mars 2009 sur le transport de voyageurs (LTV; RS 745.1) et l'ordonnance du 4 novembre 2009 sur le transport de voyageurs (OTV; RS 745.11) sont entrées en vigueur le 1er janvier 2010. L'art. 57 al. 1 LTV punit d'une amende de 10'000 francs au plus toute personne qui, intentionnellement ou par négligence, voyage à bord d'un véhicule sur un tronçon pour lequel elle aurait dû valider elle-même son titre de transport (let. a) ou contrevient à une décision fondée sur la loi ou sur une disposition d'exécution qui lui a été adressée et qui porte la mention de la sanction visée au présent article (let. b). Aux termes de l'art. 57 OTV, les voyageurs doivent être munis de titres de transport valables (al. 1 1re phrase). Les tarifs peuvent prévoir l'obligation pour le voyageur d'oblitérer son billet. Cette obligation doit être signalée au public dans les stations et si possible sur les véhicules (al. 2).
1.2 Conformément à une jurisprudence constante, la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique) (ATF 136 III 283 consid. 2.3.1 p. 284; ATF 135 II 416 consid. 2.2 p. 418; ATF 134 I 184 consid. 5.1 p. 193 et les arrêts cités).
L'interprétation de la loi pénale par le juge est dominée par le principe "nulla poena sine lege" posé par l'art. 1 CP. Le juge peut toutefois, sans violer ce principe, donner du texte légal une interprétation même extensive, afin d'en dégager le sens véritable, celui qui est seul conforme à la logique interne et au but de la disposition en cause. Si une interprétation conforme à l'esprit de la loi peut s'écarter de la lettre du texte légal, le cas échéant au détriment de l'accusé, il reste que le principe "nulla poena sine lege" interdit au juge de se fonder sur des éléments que la loi ne contient pas, c'est-à-dire de créer de nouveaux états de fait punissables. Lorsqu'il constate une lacune proprement dite de la loi, le juge a le devoir de la combler avec cette réserve qu'en matière pénale, sa démarche ne saurait que profiter à l'accusé (ATF 103 IV 129 consid. 3a et références citées).
1.3 Selon la lettre de l'art. 57 al. 1 let. a LTV, cette disposition n'est applicable que si une condition claire est réalisée: l'auteur voyage sur un tronçon pour lequel il aurait dû valider lui-même son titre de transport. L'état de fait établi par le juge d'instruction, que le recourant ne conteste pas, retient que l'intimée ne voyageait pas sur un tel tronçon. En effet, le billet de transport qui aurait dû être acquis par l'intimée est un billet valable, sans autre opération, dès l'émission par la machine, celle-ci indiquant automatiquement la durée de validité du billet sur celui-ci. Il ne s'agit donc pas d'un billet que le voyageur doit acquérir ("son" titre de transport, art. 57 al. 1 let. a LTV) puis, lui-même, valider (art. 57 al. 1 let. a LTV, soit oblitérer au sens de l'art. 57 al. 2 OTV). La condition posée par l'art. 57 al. 1 let. a LTV n'est par conséquent pas réalisée. Indépendamment de l'interprétation à donner au terme "valider" contenu à l'art. 57 al. 1 let. a LTV, cette disposition n'est pas applicable à la présente cause.
Ces dispositions distinguaient ainsi deux états de fait: d'une part la violation d'une obligation posée par une disposition d'exécution édictée par le Conseil fédéral, notamment l'art. 1 al. 1 OTP, sanctionnée par l'art. 51 al. 1 let. a LTP (cf. arrêt 6B_930/2008 du 15 janvier 2009 consid. 3.2; WEISSENBERGER, in Basler Kommentar, Strafrecht, vol. II, 2e éd. 2007, n° 15 ad art. 150 CP), d'autre part la violation de l'obligation d'oblitérer soi-même son billet posée par les tarifs et visée par l'art. 1 al. 2 OTP, réprimée par l'art. 51 al. 1 let. b LTP.
1.4.3 Dans le cadre de la réforme des chemins de fer 2, le Conseil fédéral a indiqué résumer en un seul article les contraventions issues des trois lois déterminantes, dont l'ancienne LTP. En réalité, il a traité les états de fait visés par l'art. 51 LTP sous deux dispositions, l'une sanctionnant les contraventions, l'autre les délits (Message du 23 février 2005 sur la réforme des chemins de fer 2, FF 2005 2351 ch. 2.2.11 ad titres des art. 64 et 65 et Message complémentaire du 9 mars 2007 sur la réforme des chemins de fer 2 [Révisiondes actes normatifs concernant les transports publics], FF 2007 2563 section 11ad titres des art. 56 et 57). La contravention visée par l'art. 51 al. 1 let. b LTP a été reprise sans changement autre que rédactionnel et ayant trait au mode de poursuite. Le Conseil fédéral a en revanche proposé de punir la violation de dispositions d'exécution comme délit et à la condition (let. a) que la violation de la disposition ait été déclarée punissable par le Conseil fédéral ou (let. b) que par cette violation, l'auteur contrevienne à une injonction qui lui avait été adressée sur la base de la loi ou d'une disposition d'exécution sous menace d'une peine privative de liberté ou d'une amende (art 65 al. 1 1er projet de loi sur le transport des voyageurs [ci-après: P-LTV], respectivement 57 al. 1 2e P-LTV). Dans la mesure où l'article traitant des contraventions reprenait tous les états de fait prévus par l'art. 51 LTP, à l'exception de la violation de dispositions d'exécution (art 64 1er P-LTV, respectivement 56 2e P-LTV), il ne fait pas de doute que c'est bien cette infraction que le Conseil fédéral visait lorsqu'il a rédigé l'art. 65 al. 1 1er P-LTV, respectivement l'art. 57 al. 1 2e P-LTV traitant des délits. Dans le cadre des discussions parlementaires, il fut décidé, d'une part, de revenir pour cette infraction à la qualification de contravention et, d'autre part, d'abandonner la première condition, peu claire notamment pour les justiciables. Le texte adopté par les Chambres figure aujourd'hui à l'art. 57 al. 1 let. b LTV.
La cour cantonale n'a ainsi pas violé la loi en considérant que le comportement de l'intimée ne violait pas l'art. 57 al. 1 let. a LTV. Le grief du recourant est mal fondé.