4. Arrêt du 8 janvier 1975 dans la cause Curiger et Office fédéral des assurances sociales contre Caisse de compensation du canton de Fribourg et Commission cantonale fribourgeoise de recours en matière d'assurances sociales
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Regeste
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Art. 108 Abs. 2 und 132 OG. Unzulässigkeit der nicht begründeten Beschwerde.
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Sachverhalt
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A.- Conrad Curiger, né en 1889, célibataire, ancien architecte, reçoit une rente de vieillesse simple et des prestations complémentaires. Il est en chambre depuis le 1er juin 1971 à la Résidence S. et y prend une partie de ses repas.
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A la demande de cette institution, qui se disait créancière le 17 septembre 1973 de 2'705 fr. 20 pour chambre et pension, la Caisse cantonale valaisanne de compensation décida le 25 septembre 1973 de verser désormais les prestations complémentaires à la Banque cantonale du Valais, sur le compte de la prétendue créancière.
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De son côté, pour le même motif, la Caisse de compensation du canton de Fribourg décida le 28 septembre 1973 de verser depuis le 1er novembre 1973 la rente AVS sur le compte bancaire de la Résidence.
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B.- Conrad Curiger recourut contre la décision de la Caisse de compensation du canton de Fribourg. Le 21 mars 1974, la Commission cantonale fribourgeoise de recours en matière d'assurances sociales admit partiellement le recours, dans ce sens que seul le loyer de la chambre occupée par le recourant, soit 99 fr. par mois, serait prélevé sur les prestations de l'AVS et versé à la Résidence S. Cette décision fut notifiée au recourant le 11 avril 1974, avec des instructions détaillées sur le droit de recours.
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Par lettre du 29 avril 1974, adressée à la Caisse de compensation du canton de Fribourg, l'assuré déclara recourir contre le jugement cantonal et s'opposer au paiement de la rente en main tierce. Le 16 mai 1974, le greffe du Tribunal fédéral des assurances avisa le recourant que la lettre du 29 avril 1974 ne constituait pas un recours valable, faute d'être motivée, mais qu'il lui restait la faculté de remédier à cette lacune avant le 21 mai 1974, date de l'échéance du délai légal de recours.
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Le 30 mai 1974, le recourant écrivit au tribunal qu'il avait été hospitalisé et qu'il venait de recevoir la lettre du 16 mai 1974, dont l'accusé de réception porte la date du 29 mai 1974 ainsi que la signature du destinataire. Il n'expédia un acte de recours en bonne et due forme que le 8 juillet 1974.
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C.- De son côté, l'Office fédéral des assurances sociales a formé en temps utile un recours de droit administratif contre le jugement cantonal. Il allègue, d'une part, qu'il n'est point établi que les conditions mises par l'art. 76 RAVS au paiement des rentes en main tierce soient réalisées en l'espèce et, d'autre part, que le versement partiel d'une rente en main tierce n'est guère compatible avec les méthodes modernes de paiement dont usent les caisses de compensation. Il conclut à l'annulation de la décision administrative et du jugement attaqués et au renvoi de la cause à la caisse de compensation pour nouvelle décision, dans le sens des observations du recours.
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Invité à se déterminer sur le recours de l'Office fédéral des assurances sociales, l'assuré s'est borné à faire parvenir au Tribunal fédéral des assurances son mémoire précité du 8 juillet 1974.
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Considérant en droit:
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En l'occurrence, le délai légal de recours contre le jugement du 21 mars 1974, notifié le 11 avril 1974, expirait à raison des féries de Pâques (art. 34 al. 1 lit. a OJ) le mardi 21 mai 1974. Le mémoire complémentaire du 8 juillet 1974 est donc inapte à réparer le vice de l'acte de recours du 29 avril 1974; il ne vaut que comme détermination sur le recours de l'Office fédéral des assurances sociales. Une restitution du délai ne saurait intervenir non plus, au regard des dispositions de l'art. 35 al. 1 OJ qui prescrivent que l'acte omis doit être exécuté dans les dix jours à compter de celui où l'empêchement d'agir a cessé, si tant est qu'on puisse admettre que le séjour hospitalier constituait un tel empêchement en l'espèce. En effet, d'une part, l'intéressé a pu agir le 29 avril 1974 et, d'autre part, il n'a complété l'acte de recours que plus d'un mois après sa sortie de l'hôpital.
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Le recours de Conrad Curiger est ainsi irrecevable, tandis que celui de l'Office fédéral des assurances sociales, déposé à temps et dans les formes requises, est recevable.
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Usant de cette faculté, le Conseil fédéral a édicté l'art. 76 RAVS, dont l'alinéa 1 s'exprime en ces termes:
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"Si l'ayant droit n'emploie pas la rente pour son entretien et pour celui des personnes à sa charge ou s'il peut être prouvé qu'il n'est pas capable de l'affecter à ce but, et s'il tombe par là totalement ou partiellement à la charge de l'assistance publique ou privée, ou y laisse tomber les personnes qu'il est tenu d'entretenir, la caisse de compensation peut effectuer le versement total ou partiel de la rente en mains d'un tiers ou d'une autorité qualifiés ayant envers l'ayant droit un devoir légal ou moral d'assistance ou s'occupant de ses affaires en permanence."
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Selon l'Office fédéral des assurances sociales, la version française de la fin de cette disposition réglementaire ne correspondrait pas tout à fait à la version allemande, qui parle, elle, de "geeigneten Drittperson oder Behörde, die dem Rentenberechtigten gegenüber gesetzlich oder sittlich unterstützungspflichtig ist oder ihn dauernd fürsorgerisch betreut". Les mots "s'occuper de ses affaires en permanence" ne rendraient pas l'idée d'assistance contenue dans l'expression "dauernd fürsorgerisch betreuen". L'autorité de surveillance semble proposer, en se fondant sur la version allemande, de circonscrire l'application de l'art. 76 al. 1 RAVS aux cas où les intéressés sont assistés économiquement en permanence. Or il n'y a en réalité aucune discordance entre les textes, français et allemand, susmentionnés: l'idée de l'assistance financière, en tant que condition du versement de la rente en main tierce, est exprimée dans la première partie de la norme réglementaire, où l'exigence d'une aide permanente n'apparaît pas. La désignation des tiers destinataires dans la seconde partie de la phrase n'implique en revanche pas nécessairement de la part de ces tiers eux-mêmes une telle assistance. Sinon, on ne comprendrait pas pourquoi la disposition ici en discussion distingue à cet égard les tiers ou autorité qualifiés ayant un devoir d'assistance, d'une part, et, d'autre part, les tiers ou autorité qualifiés s'occupant des affaires de l'assuré en permanence; la "fürsorgerische Betreuung" signifie simplement le fait de seconder l'intéressé dans la gestion de ses affaires, mais de façon permanente.
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Quant aux conditions qui doivent être réunies pour que l'art. 76 al. 1 RAVS soit applicable, le Tribunal fédéral des assurances a jugé que la rente peut être payée en main tierce lorsque le rentier n'a pas encore épuisé toutes ses ressources, au point de tomber à la charge de l'assistance, mais qu'il est sur cette voie ou qu'il risque d'user de sa rente de telle manière que les personnes tenues de l'assister, au sens large du terme, verraient leurs démarches et leurs peines notablement accrues. Il s'agissait en l'occurrence d'une rentière alcoolique, chez laquelle la boisson provoquait des troubles mentaux (RCC 1957 p. 133).
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La Cour de céans a précisé d'autre part que le fait de recevoir des prestations de l'assistance publique ne justifie pas à lui seul le versement de la rente en main de la commune (RCC 1950 p. 34, 1948 p. 474) et que le placement dans un asile n'exclut pas à lui seul un paiement direct au rentier (RCC 1949 p. 391).
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Enfin, dans ses Directives concernant les rentes, l'Office fédéral des assurances sociales consacre un chapitre au problème du destinataire de la rente, sous les chiffres marginaux 1073 à 1104. Sous chiffre 1073, il rappelle que le paiement direct à l'ayant droit personnellement est la règle. Sous chiffre 1099, que le versement en main tierce doit être ordonné seulement lorsqu'il est certain, sur la foi d'une requête sérieusement motivée et soigneusement contrôlée, que les conditions de l'art. 76 RAVS sont remplies.
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Dans ces circonstances, il faut admettre le recours de l'Office fédéral des assurances sociales et renvoyer la cause à la Caisse de compensation du canton de Fribourg pour instruction complémentaire et nouvelle décision. S'agissant des difficultés administratives que poserait actuellement le versement partiel des prestations d'assurance en mains de tiers, il y a lieu de rappeler que cette possibilité est toujours expressément prévue à l'art. 76 al. 1 RAVS et, en outre, que la Caisse cantonale valaisanne de compensation a décidé le 25 septembre 1973 de verser dorénavant la prestation complémentaire sur le compte bancaire de la Résidence S., décision qui ne paraît pas avoir fait l'objet d'un recours.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
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Il n'est pas entré en matière sur le recours de Conrad Curiger.
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Le recours de l'Office fédéral des assurances sociales est admis; la décision et le jugement attaqués sont annulés et la cause est renvoyée à la Caisse de compensation du canton de Fribourg, afin qu'elle complète l'instruction et prenne une nouvelle décision, dans le sens des considérants.
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