BGE 101 V 152 |
31. Arrêt du 18 juin 1975 dans la cause Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents contre Rubin et Tribunal cantonal valaisan des assurances |
Regeste |
Berechnung der Invalidenrenten (Art. 78 Abs. 1 und 79 Abs. 1 KUVG). |
- Koordination des Krankheits- und Unfallbegriffes (Frage offen gelassen). |
Sachverhalt |
Se fondant sur les rapports du Dr M., la Caisse nationale lui a octroyé dès le 1er octobre 1970, en raison des séquelles de cet événement, une rente pour invalidité de 25%, réduite de la moitié selon l'art. 91 LAMA. Quant au gain annuel, l'assurance a pris pour base de calcul de la rente le salaire gagné par l'intéressé pendant la période du 18 novembre 1968 au 17 novembre 1969. Ce revenu avait été de 9'509 fr. 70, d'où résultait une rente de 70 fr. par mois (décision du 8 avril 1971). Or, au moment de l'accident, l'assuré n'exerçait pas une pleine activité. Le 2 juillet 1967, une angine de poitrine l'avait contraint à un arrêt total du travail jusqu'au 19 avril 1968.
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B.- Alfred Rubin a recouru en alléguant notamment que, pour calculer la rente, la Caisse nationale aurait dû se fonder sur le revenu prévisible de 24'000 fr. qu'il aurait pu obtenir sans son affection cardiaque.
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Par jugement du 29 mars 1974, le Tribunal cantonal valaisan des assurances a admis le recours; il a considéré en effet que pendant l'année ayant précédé l'accident, le salaire de l'assuré avait été réduit par le fait de la maladie. Il a prononcé en sus que, même dans le cas où il se serait agi non de maladie mais d'invalidité, celle-ci devrait être assimilée à la maladie dans le cadre de cette disposition. Il a par conséquent condamné la Caisse nationale à calculer la rente conformément à l'art. 79 al. 1 LAMA, soit sur la base du salaire - à établir - que l'assuré aurait gagné pendant l'année ayant précédé l'accident s'il n'avait pas été atteint d'angine de poitrine, sous réserve du gain maximum de 21'000 fr. assurable en l'espèce.
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C.- La Caisse nationale interjette recours de droit administratif. Elle conteste la thèse du juge cantonal et tient pour déterminant le gain effectif réalisé par l'assuré durant l'année qui a précédé l'accident, conformément au principe de l'art. 78 al. 1 LAMA.
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L'intimé soutient en revanche, dans sa réponse, l'opinion des premiers juges, critique l'argumentation de la caisse recourante et conclut à l'application de l'art. 79 al. 1 LAMA.
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Considérant en droit: |
L'art. 78 al. 1 LAMA, définissant ce revenu pris pour base de calcul de la rente, pose le principe suivant: "Le gain annuel s'entend du salaire que l'assuré a gagné, dans l'entreprise soumise à l'assurance, durant l'année qui a précédé l'accident."
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Le Tribunal fédéral des assurances a relevé à maintes reprises que le législateur a voulu prendre pour calculer la rente une base aussi sûre et stable que possible, en prévoyant qu'en principe cette prestation devait être fixée en fonction des primes payées (voir par exemple RO 99 V 16, ATFA 1967, p. 5, et les arrêts cités). Le gain retenu pour le calcul de la rente n'est dès lors pas celui que l'assuré aurait pu vraisemblablement réaliser s'il n'avait pas subi d'accident - comme c'est le cas en matière d'assurance militaire - mais celui qu'il a effectivement touché dans l'entreprise soumise à l'assurance durant l'année qui a précédé l'événement dommageable (arrêt non publié Knupp du 27 octobre 1960; MAURER, "Recht und Praxis der schweizerischen obligatorischen Unfallversicherung", 2e éd., p. 234-235).
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Dans certains cas, l'application de ce principe conduirait toutefois à des solutions intolérables. Aussi le législateur a-t-il apporté à la règle certains accommodements. Les uns - figurant à l'art. 78 LAMA - concernent les assurés encore au stade de leur formation et qui soit ne touchent aucun salaire (al. 3; il s'agit essentiellement des volontaires et des stagiaires, espèces aujourd'hui quasiment éteintes), soit reçoivent une rémunération bien inférieure au gain de l'assuré formé (al. 4; voir par exemple ATFA 1939, p. 95 et 131, arrêt Knupp déjà cité). Les autres - figurant à l'art. 79 LAMA - concernent des assurés normalement rétribués mais dont le gain fixé selon la règle ne correspondrait pas à leur revenu normal, soit parce que durant l'année ayant précédé l'accident l'assuré a été malade ou en service militaire (al. 1), soit qu'il était depuis peu au service de l'entreprise (al. 2), soit encore que l'exploitation de l'entreprise a été interrompue (al. 3).
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Les deux catégories d'accommodements présentent une tendance commune: apporter un correctif là où la stricte application de la règle aboutirait à prendre une situation éminemment transitoire ou temporaire pour base d'une solution valable la vie de l'assuré durant. Cela est patent pour les intéressés au stade de leur formation: leur passage au statut d'assuré normalement rétribué est un fait certain, dans un délai déterminé ou déterminable. Et cela n'est guère moins patent pour les assurés normalement rétribués: les situations énumérées par la loi, sans être uniques, sont néanmoins exceptionnelles et purement temporaires et, si leurs effets n'étaient pas éliminés ou atténués, le gain fixé selon la règle ne serait aucunement représentatif du gain normal effectif de l'assuré.
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Elle permet en effet d'écarter l'assimilation, que le premier juge a cru pouvoir faire, de l'invalidité à la maladie. Car l'invalidité est en principe un état permanent et irréversible, et non pas l'une de ces situations temporaires dont l'art. 79 LAMA entend éliminer ou atténuer les répercussions sur le montant de la rente viagère. La thèse du juge cantonal aurait d'ailleurs un résultat absurde dans le cadre d'une assurance-accidents: l'assuré dont la capacité de gain était réduite depuis de très nombreuses années, voire de naissance, se verrait en cas d'accident indemnisé d'une perte de gain non seulement que l'accident n'a pas provoquée mais encore que l'assuré ne subit pas, puisque seul est perdu le gain qu'il était en mesure de réaliser. Un autre problème est sans doute de savoir si, par qui et comment la réduction préexistante de la capacité de gain était, est ou sera indemnisée; mais cela ne concerne pas l'assurance-accidents, seule en cause ici.
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Doit-on fixer au caractère temporaire de l'atteinte, au sens de l'art. 79 al. 1 LAMA, une stricte limite dans le temps? Il n'y a apparemment pas lieu de le faire dans le cas où, à la date de l'accident, l'atteinte avait pris fin et l'assuré travaillait normalement; en pareil cas l'art. 79 al. 1 LAMA doit sans doute être appliqué quelle qu'ait été la durée antérieure de la maladie. Le problème ne se pose de façon aiguë et concrète que si, au moment de l'accident, le processus morbide n'est pas achevé et que la capacité de travail de l'assuré s'en trouve réduite.
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La Caisse nationale invoque la solution retenue par l'assurance-invalidité, qui définit l'invalidité non seulement par l'incapacité de gain permanente mais aussi par l'incapacité de gain de longue durée (art. 4 al. 1 LAI) et qui, dans cette seconde hypothèse, accorde une rente d'invalidité à l'échéance d'une période de 360 jours (art. 29 al. 1 LAI). Cette thèse, qui revient à qualifier d'invalidité et non plus de maladie une atteinte durant depuis plus de 360 jours, est attrayante d'une part par sa simplicité, d'autre part par l'harmonisation qu'elle permet entre ces deux branches des assurances sociales (voir par exemple RO 97 V 1, ATFA 1968, p. 167).
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D'autres analogies encore peuvent être invoquées à l'appui de la thèse de la Caisse nationale, par exemple l'art. 17 al. 3 RAC selon lequel la durée du travail réduite pendant à peu près une année est réputée, dans certaines conditions, durée normale du travail (ATFA 1955, p. 220, ainsi que les arrêts cités). Un argument enfin découle du contexte même de l'art. 79 al. 1 LAMA, les al. 2 et 3 de cet article visant bien évidemment des situations d'une durée inférieure à une année.
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L'intimé objecte notamment le caractère particulier de la notion d'invalidité au sens de la LAI, ainsi que le rôle qu'y joue cette notion, et le fait que le service militaire, mentionné tout comme la maladie à l'art. 79 al. 1 LAMA, peut avoir en certains cas une durée supérieure à 360 jours. Ces objections ne sont pas négligeables, et la question se pose effectivement de savoir si, malgré l'harmonisation souhaitable et les arguments découlant du contexte légal, il est possible de fixer une limite absolue et de déclarer sans restriction aucune qu'il n'y a plus maladie au sens de l'art. 79 al. 1 LAMA, mais invalidité dès que l'atteinte à la capacité de travail, provoquée par un processus morbide, dure depuis un an ou plus au moment de l'accident. On pourrait ainsi se demander, tout en respectant le concept qui se dégage du but visé par le législateur, si l'art. 79 al. 1 LAMA ne serait pas applicable dans les cas au moins où il est vraisemblable, voire certain, que le processus aboutira dans un délai prévisible et plus ou moins proche au rétablissement de l'état antérieur et à la récupération de la capacité de travail dont l'assuré jouissait avant les manifestations du processus morbide.
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Il n'est cependant pas nécessaire de résoudre ici définitivement la question, vu ce qui va être dit au considérant ci-dessous.
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3. En l'espèce, l'intimé était atteint d'une angine de poitrine qui l'avait contraint à un arrêt total du travail du 2 juillet 1967 au 19 avril 1968, suivi dès cette date d'une activité à 50% qu'il n'a cessé d'exercer dans cette même proportion jusqu'à son accident du 18 novembre 1969. Son mandataire fait certes valoir que l'affection cardiaque était un état labile, donc susceptible d'amélioration, et qu'il n'est pas rare de voir des malades du coeur reprendre leur pleine activité après une longue période d'immobilité, voire 2 à 3 ans. Mais, si de pareilles améliorations ne peuvent être exclues de manière absolue, rien ne les laissait attendre dans le présent cas; cela d'autant moins que l'affection cardiaque n'était pas seule en cause, ainsi que le révèle notamment le dossier de l'assurance-invalidité. On ne se trouvait donc pas en présence d'une situation rendant vraisemblable la récupération d'une pleine capacité de travail dans un délai prévisible; tout permettait au contraire d'admettre un état durable, voire invalidant, qui exclut l'application de l'art. 79 al. 1 LAMA.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
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