BGE 105 V 257
 
55. Extrait de l'arrêt du 6 novembre 1979 dans la cause Office fédéral des assurances sociales contre Janin et Commission cantonale genevoise de recours en matière d'AVS
 
Regeste
Art. 21 Abs. 2 IVG, 14 IVV und Ziff. 14.02 HVI Anhang.
 
Extrait des considérants:
L'art. 14 RAI, édicté par le Conseil fédéral en exécution de la disposition précitée, délègue au Département fédéral de l'intérieur la compétence d'établir la liste des moyens auxiliaires pris en charge. Limitée jusqu'à fin 1976 à certains moyens non prévus dans une liste dressée par le Conseil fédéral lui-même, cette compétence est générale dès le 1er janvier 1977.
L'OMAI du 29 novembre 1976, en vigueur depuis le 1er janvier 1977, prévoit sous ch. 14.02 de la liste des moyens auxiliaires la remise d'élévateurs pour malades "lorsque l'emploi d'un tel appareil permet au paralysé de se déplacer de façon indépendante dans son logement". Sous l'empire de l'ancien droit, applicable jusqu'à fin 1976, l'art. 6 de l'OMA du 4 août 1972 connaissait déjà la remise d'élévateurs pour malades et mettait à cette remise des conditions qui, bien que formulées différemment, avaient une portée identique.
Le Tribunal fédéral des assurances a reconnu cette subdélégation admissible, s'agissant de prescriptions dont le caractère technique prédominait et qui ne mettaient en cause aucun principe juridique. Il a prononcé que, si la norme édictée restait dans les limites autorisées par la délégation, le juge n'avait pas à décider si la solution adoptée représentait la solution la meilleure pour atteindre le but visé par la loi, étant donné qu'il ne pouvait substituer sa propre appréciation à celle du Conseil fédéral ou d'un département. Il a relevé que, l'art. 21 LAI n'ouvrant droit à la remise de moyens auxiliaires que dans le cadre d'une liste dressée par le Conseil fédéral, celui-ci ou à sa place le département pouvait faire un choix et limiter le nombre des moyens auxiliaires; qu'il disposait ce faisant d'une grande liberté, puisque la loi ne prescrivait pas expressément de quels points de vue ce choix devait s'inspirer; qu'il ne pouvait néanmoins agir d'une manière arbitraire, notamment procéder à des discriminations injustifiées ou adopter des critères insoutenables, ne reposant pas sur des motifs objectifs sérieux (voir ATF 105 V 23).
En l'espèce, la condition mise par le ch. 14.02 susmentionné à l'octroi d'élévateurs pour malades concerne non la construction du moyen auxiliaire - comme dans le cas des lombostats selon le ch. 3.02, objet de l'arrêt précité - mais l'aptitude de l'assuré à se déplacer de façon indépendante. Le caractère technique prédominant du choix dont l'art. 21 LAI délègue le soin au Conseil fédéral n'en est pas affecté pour autant. Et il est évident que, pouvant exclure un moyen auxiliaire, le Conseil fédéral ou à sa place le département a aussi la faculté de l'inclure dans la liste tout en posant à son octroi des conditions restrictives. Le juge ne saurait là non plus substituer sa propre appréciation à celle du Conseil fédéral ou du département; son rôle se bornera à vérifier si la norme édictée reste dans les limites autorisées par la délégation et s'il n'y a pas discriminations injustifiées ou critères insoutenables, comme il l'a fait à propos du ch. 3.02 précité.
Il est exact que le message du Conseil fédéral du 27 février 1967, après avoir souligné combien les moyens auxiliaires représentaient une aide précieuse pour les grands invalides, ne fait état que du souci d'"éviter que l'AI ait à intervenir pour des dépenses minimes" (FF 1967 I 702/703). Ce souci a d'ailleurs été concrétisé dans le texte légal lui-même, qui limite la remise de moyens auxiliaires aux "appareils coûteux". Mais le fait que le législateur exclut ainsi expressément la remise de moyens dont le coût est minime ne signifie pas nécessairement - e contrario - que tous les appareils coûteux devraient être pris en charge, à la seule condition que l'assuré en ait besoin pour se déplacer, établir des contacts ou développer son autonomie personnelle. Tout comme l'al. 1, l'art. 21 al. 2 LAI n'ouvre droit à la remise de moyens auxiliaires que dans le cadre d'une liste dressée par le Conseil fédéral. Celui-ci ou à sa place le département dispose donc de la même liberté que selon l'al. 1 - sous réserve de l'exclusion légale précitée - de limiter le nombre des moyens auxiliaires ou de poser à l'octroi de certains d'entre eux des conditions restrictives.
b) Le juge cantonal se demande pourquoi, dans le cas particulier des élévateurs pour malades, l'OMAI transforme les conditions alternatives de l'art. 21 al. 2 LAI en conditions cumulatives telle l'exigence de l'acquisition de meilleurs contacts avec l'entourage et d'une certaine autonomie.
Il est exact que l'art. 21 al. 2 LAI parle d'appareils dont l'assuré a besoin "pour se déplacer, établir des contacts avec son entourage ou développer son autonomie personnelle". Cette énumération n'est toutefois pas alternative au sens propre du terme, les buts visés pouvant se superposer sans nullement s'exclure. La situation est comparable à celle que l'on trouve dans le cadre de l'art. 36 al. 1 RAI, qui définit l'impotence grave en cumulant de même les deux exigences posées à l'art. 42 al. 2 LAI et dont le Tribunal fédéral des assurances a admis la conformité avec la loi (ATF 104 V 129 consid. 2, ATF 105 V 55 consid. 3). On ne saurait par conséquent considérer que, du seul fait qu'il met à la remise d'un moyen auxiliaire servant à développer l'autonomie personnelle la condition supplémentaire que ce moyen permette au paralysé de se déplacer de façon indépendante dans son logement, le ch. 14.02 de la liste OMAI (ou l'ancien art. 6 de l'OMA en vigueur jusqu'à fin 1976) serait contraire à la loi et déborderait les limites autorisées par la délégation.
c) Reste à voir si l'on doit qualifier d'arbitraire la distinction faite selon que l'assuré peut ou non se déplacer de façon indépendante dans son appartement, et notamment s'il s'agit là d'une discrimination injustifiée ou dictée par des critères insoutenables.
Le juge cantonal note que l'exigence est draconienne, la plupart des invalides qui doivent être sortis de leur lit au moyen d'un élévateur étant si gravement atteints qu'ils ne sauraient non plus mouvoir par leurs propres forces la chaise roulante dans laquelle on les installe. Aussi fondée la remarque puisse-t-elle être en fait, la sévérité même extrême d'une exigence ne signifie pas arbitraire: le juge ne peut substituer sa propre appréciation à celle du Conseil fédéral ou du département, dont il a été relevé plus haut qu'ils disposent d'une grande liberté quant à l'inclusion ou à l'exclusion de moyens auxiliaires et par conséquent aussi quant aux conditions mises à l'octroi de certains d'entre eux.
La question est en revanche si la distinction faite entre deux catégories d'assurés, qui ont pour point commun d'avoir besoin d'un élévateur pour être sortis de leur lit et installés dans une chaise roulante, constitue une discrimination injustifiée ou dictée par des critères insoutenables. Or, contrairement à l'avis du juge cantonal, cette distinction peut se justifier par le principe de la proportionnalité, d'une part, et par la systématique de la loi, d'autre part.
Certes, le secours combiné de l'élévateur et de la chaise roulante - que l'assuré puisse la mouvoir ou faire mouvoir lui-même ou non - facilite dans tous les cas la participation de l'invalide à la vie de son entourage. Mais il faut se rendre à l'évidence que, lorsque l'élévateur procure à l'assuré la possibilité de se déplacer ensuite de façon indépendante, son rôle et son importance sont tout autres que si l'invalide a néanmoins besoin de la présence et de l'aide constante d'un tiers pour tout déplacement. La classification des moyens auxiliaires dans l'OMAI souligne cette différence et sa signification: tandis que la liste des moyens auxiliaires permettant à l'invalide d'établir des contacts avec son entourage (ch. 15) est tout entière conçue sous l'aspect de la communication des idées par le langage écrit ou oral, les élévateurs pour malades font partie de la liste des moyens auxiliaires servant à développer l'autonomie personnelle (ch. 14), autonomie dont la possibilité de se déplacer constitue sans conteste un élément important.
D'autre part, aussi incongrue puisse-t-elle paraître à première vue, notamment considérée sous l'angle de la lourde épreuve des invalides les plus handicapés, la référence à l'allocation pour impotence répond à la systématique de la loi. L'art. 42 al. 2 LAI définit en effet l'impotence par le besoin permanent de l'aide d'autrui ou d'une surveillance personnelle pour accomplir les actes ordinaires de la vie, et l'allocation tend à couvrir tout ou partie de ces frais d'aide ou de surveillance. Or telle est précisément la situation de celui qui dépend de la présence et de l'aide constante de tiers pour tout déplacement. Il est par ailleurs permis de supposer que l'invalide apte à mouvoir son fauteuil roulant par ses propres forces sera la plupart du temps capable d'accomplir d'autres actes ordinaires aussi et que son impotence ne pourrait plus être qualifiée de grave, selon la définition donnée de cette notion par le nouvel art. 36 al. 1 RAI en vigueur depuis le 1er janvier 1977; il est donc tenu compte du besoin de l'aide constante d'un tiers pour se déplacer, dans le cadre de l'allocation pour impotence.
d) On doit par conséquent constater que le ch. 14.02 de la liste OMAI (comme aussi l'ancien art. 6 de l'OMA en vigueur jusqu'à fin 1976) n'est pas contraire à la loi et ne déborde pas des limites autorisées par la délégation légale; que la distinction qu'il fait selon que l'invalide peut ou non se déplacer de façon indépendante ne constitue pas non plus une discrimination injustifiée ou dictée par des critères insoutenables, ne reposant sur aucun motif objectif sérieux; que partant cette disposition lie le juge.