52. Extrait de l'arrêt du 22 octobre 1984 dans la cause Jaccard contre Société vaudoise et romande de secours mutuels et Tribunal administratif du canton de Neuchâtel
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Regeste
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Art. 2 Abs. 1 lit. a, Art. 14bis Abs. 1 und 4 KUVG, Art. 25 Abs. 4 und 5 Vo V.
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Sachverhalt
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A.- Les époux Jaccard sont assurés pour les soins médicaux, pharmaceutiques et hospitaliers auprès de la Société vaudoise et romande de secours mutuels (SVRSM), et sont couverts, depuis le 1er janvier 1980, contre la maladie et l'accident par une assurance pour patients privés avec, notamment, une franchise unique de 500 francs par année civile. Après l'entrée en vigueur de la loi neuchâteloise sur l'assurance-maladie obligatoire pour la couverture des frais médicaux et pharmaceutiques (LAMO, RSN 821.10) ainsi que de son règlement d'exécution (RAMO, RSN 821.101) - qui, en particulier, interdit aux caisses d'augmenter la franchise minimale de 50 francs qu'elles sont tenues de percevoir, par cas de maladie, des assurés se trouvant dans une situation très aisée -, la SVRSM a proposé aux assurés d'adapter leurs contrats d'assurance au nouveau droit. Devant leur refus, elle a, par décision du 15 juillet 1981, remplacé dans leurs assurances la franchise annuelle unique de 500 francs par une franchise de 50 francs par cas de maladie.
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B.- Les époux Jaccard ont recouru contre cet acte administratif auprès du Tribunal administratif de la République et Canton de Neuchâtel. Par jugement du 29 avril 1983, la juridiction cantonale a rejeté le recours.
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C.- La Société vaudoise et romande de secours mutuels ainsi que Margaretha Jaccard interjettent chacune recours de droit administratif. La caisse, bien que sa décision ait été confirmée par les juges cantonaux, entend faire constater que le droit public cantonal en la matière n'est pas conforme au droit fédéral dans la mesure où le règlement d'exécution de la loi neuchâteloise sur l'assurance-maladie obligatoire exclut l'application d'une franchise de 500 francs par année civile aux assurés dans une situation très aisée; elle conclut à l'annulation du jugement attaqué et de la décision litigieuse. Pour sa part, l'assurée, qui connaît l'avis de la caisse et le partage, fait valoir que les prescriptions cantonales, dont la conséquence est d'exclure une franchise de 500 francs pour les assurés dans une situation très aisée, sont arbitraires et manquent de base légale; elle conclut au maintien de l'assurance avec une franchise unique de 500 francs par année civile.
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Extrait des considérants:
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b) Le litige porte en l'espèce sur une décision appliquant le règlement d'exécution de la loi neuchâteloise sur l'assurance-maladie obligatoire pour la couverture des frais médicaux et pharmaceutiques. Ainsi que le Tribunal fédéral des assurances a déjà eu l'occasion de le préciser (ATF 102 V 129; RJAM 1981 No 451 p. 138 consid. 2a), les dispositions prises par les cantons dans le cadre de l'art. 2 al. 1 let. a LAMA - qui les autorise à introduire l'assurance-maladie obligatoire - sont de pur droit cantonal, malgré leur approbation par le Conseil fédéral (art. 2 al. 3 LAMA). Le recours de droit administratif qui contesterait l'application faite de la loi cantonale dans le cas d'espèce, c'est-à-dire l'interprétation du droit cantonal en soi, serait donc irrecevable. Cependant, le recours de droit administratif dirigé contre une décision qui se fonde à tort sur le droit cantonal au lieu du droit fédéral est recevable (ATF 110 V 56 consid. 1a). Il en va de même lorsque le premier juge a appliqué à tort le seul droit cantonal au lieu de tenir compte aussi du droit fédéral, notamment lorsque l'application de règles cantonales est susceptible de violer des prescriptions du droit fédéral des assurances sociales.
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Dans le présent cas, il s'agit de statuer sur le point de savoir si l'application d'une disposition du règlement d'exécution de la loi neuchâteloise précitée - qui concerne la question de la perception d'une franchise des personnes dans une situation très aisée - viole le droit fédéral, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière sur les recours.
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c) (Pouvoir d'examen limité, v. ATF 104 V 6 consid. 1.)
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Le Conseil fédéral a fait usage de cette délégation de compétence aux art. 24 à 29 de l'Ordonnance V sur l'assurance-maladie concernant la reconnaissance des caisses-maladie et des fédérations de réassurance, ainsi que leur sécurité financière, du 2 février 1965 (Ord. V; RS 832.121). Dans sa teneur en vigueur depuis le 1er septembre 1975, l'art. 25 al. 4 de cette ordonnance prévoit que, pour les assurés qui se trouvent dans une situation très aisée, la franchise s'élève à 50 francs au moins par cas de maladie.
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Le canton de Neuchâtel, se fondant sur l'art. 2 al. 1 let. a LAMA, selon lequel les cantons peuvent déclarer obligatoire l'assurance en cas de maladie, en général ou pour certaines catégories de personnes, a, par la loi du 26 juin 1979 sur l'assurance-maladie obligatoire pour la couverture des frais médicaux et pharmaceutiques, entrée en vigueur le 1er janvier 1981, institué "l'assurance obligatoire pour la couverture des frais médicaux et pharmaceutiques, au sens de la loi fédérale sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents, du 13 juin 1911 (LAMA)". Dans un règlement d'exécution de la loi cantonale, du 9 juillet 1980, également entré en vigueur le 1er janvier 1981, le Conseil d'Etat neuchâtelois a arrêté, à l'art. 58, que les caisses sont tenues de percevoir des assurés se trouvant dans une situation très aisée la franchise minimale prévue à l'art. 25 al. 4 Ord. V, et qu'aucune augmentation de cette franchise ne peut être appliquée aux personnes soumises à l'assurance obligatoire.
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b) L'art. 14bis LAMA a été introduit dans la loi par la loi fédérale du 13 mars 1964 modifiant le titre premier de la LAMA (RO 1964 961). Il convient de relever à cet égard que le projet présenté par le Conseil fédéral ne prévoyait que la perception - obligatoire - d'une participation des assurés aux frais médico-pharmaceutiques, dont le taux ne pouvait, en moyenne, être inférieur à un dixième ni supérieur à un quart; cette proposition reprenait dans une large mesure la réglementation (arrêté du Conseil fédéral du 22 juillet 1936 concernant la participation obligatoire des assurés aux frais médicaux et pharmaceutiques de l'assurance-maladie; RO 1936 597) et la pratique antérieures (FF 1961 I 1461 et 1522). Mais les Chambres fédérales ont ajouté à la participation aux frais une franchise obligatoire, en valeur absolue, l'objectif premier du législateur étant d'introduire, à côté de la participation proprement dite, une mesure indépendante afin de libérer les caisses-maladie des "cas bagatelles" et d'opérer ainsi un transfert de leurs charges sur les cas les plus importants (BO 1963 CN 483 et ss; ATF 109 V 143).
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L'Ord. V du 2 février 1965, fondée notamment sur l'art. 14bis al. 4 LAMA, stipulait, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 1970, que "les caisses doivent fixer la franchise prévue à l'art. 14bis, 1er alinéa de la loi à 15 francs par cas de maladie" et que "pour les assurés dans une situation très aisée, au sens de l'art. 22, 2e alinéa de la loi, la caisse peut prévoir une franchise de 150 francs au plus" (art. 26; RO 1965 94). La légalité de cette disposition n'a jamais été mise en doute.
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Cette réglementation a été modifiée par arrêté du Conseil fédéral, du 21 décembre 1970. L'art. 24 al. 1 Ord. V, entré en vigueur le 1er janvier 1971, dit que "à titre de participation aux frais, il est perçu, au sens de l'art. 14bis de la loi, une quote-part en pour-cent (participation), mais au moins, pour les assurés majeurs, un montant fixe par cas de maladie (franchise)". D'autre part, l'art. 25 al. 2 et al. 4 Ord. V, dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 1971 au 31 août 1975, stipulait que la franchise s'élève en principe à 20 francs par cas de maladie, et à 30 francs au moins, par cas de maladie, pour les assurés qui se trouvent dans une situation très aisée. A partir du 1er septembre 1975, ces montants ont été augmentés respectivement à 30 francs et à 50 francs. Ainsi il existe, depuis 1971, un montant minimal obligatoire qui constitue la limite inférieure de la franchise à la charge des assurés dans une situation très aisée.
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Il importe donc d'examiner si le Conseil fédéral, en abandonnant une réglementation fixant un montant maximal à la franchise, a voulu écarter définitivement toute limite maximale de celle-ci, pour les assurés dans une situation très aisée. Le Conseil fédéral a tenu compte, dans l'Ord. V, de la nouvelle teneur de l'art. 22 LAMA et du nouvel art. 22bis LAMA - qui ont introduit dans la loi, avec entrée en vigueur le 1er janvier 1965, la notion d'assurés dans une situation très aisée - et a distingué, en matière de franchise, les assurés qui se trouvent dans une situation très aisée des autres assurés. A partir de 1971, il a imposé aux caisses et aux assurés dans une situation très aisée une limite inférieure obligatoire de la franchise, mais n'a pas maintenu la limite d'un montant maximal qui figurait dans la réglementation antérieure. A ce sujet, le rapport de gestion du Conseil fédéral de 1970 (p. 69) précise que l'arrêté précité du 21 décembre 1970 transforme le mode de financement des caisses-maladie en un système de répartition clair, modifie les règles concernant la participation des assurés aux frais et élève cette participation.
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Le Conseil fédéral, en instaurant le système du minimum légal pour la franchise des assurés dans une situation très aisée, a ainsi édicté une disposition propre à obliger les caisses à assurer l'équilibre des recettes et des dépenses, comme elles y sont astreintes par l'art. 9 Ord. V. S'il avait voulu maintenir la limite d'un montant maximal pour la franchise à la charge des assurés dans une situation très aisée, on peut admettre que cette limite aurait continué de figurer à l'art. 25 al. 4 Ord. V, ce qui n'est précisément pas le cas.
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c) L'art. 58 RAMO empêche les caisses d'augmenter le montant de la franchise minimale qu'elles sont tenues de percevoir. Cette interdiction a pour effet de fixer une limite maximale à la franchise due par les assurés dans une situation très aisée. Il y a lieu de se demander si cette disposition est compatible avec l'art. 25 al. 4 Ord. V. Les premiers juges ont déduit de l'art. 25 al. 5 Ord. V - selon lequel "les montants fixés aux alinéas 1 à 3 ne peuvent être modifiés ni par les statuts, ni par des conventions ou par des dispositions sur l'assurance-maladie obligatoire" - que, a contrario, le montant de 50 francs prévu à l'art. 25 al. 4 Ord. V peut être modifié par les statuts, par des conventions ou par des dispositions sur l'assurance-maladie obligatoire. Il est vrai que l'alinéa 5 précité ne mentionne que les alinéas 1 à 3 du même article, ce qui pourrait justifier - en théorie - un raisonnement a contrario à propos de l'alinéa 4. Toutefois, l'alinéa 5 ne vise que les montants fixés aux alinéas 1 à 3, dont il interdit la modification. Or, l'art. 58 RAMO ne modifie pas - à proprement parler - le montant fixé à l'alinéa 4 de l'art. 25 Ord. V, mais contient une réglementation qui change la portée même de cette disposition. Une interprétation a contrario de l'art. 25 al. 5 Ord. V ne se justifie pas, du moins dans le sens où les premiers juges l'ont admis. Au vu des dispositions d'exécution de l'art. 14bis LAMA édictées par le Conseil fédéral, il est manifeste que celui-ci a réglé de façon exhaustive la question de la franchise pour les assurés dans une situation très aisée. En introduisant l'art. 25 al. 4 dans l'Ord. V, il a voulu imposer un minimum légal à la franchise des assurés de cette catégorie, de sorte qu'il a admis l'éventualité de franchises différentes, sans imposer de limite maximale. Sur ce point, l'art. 58 RAMO est incompatible avec l'art. 25 al. 4 Ord. V.
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d) La légalité de l'art. 25 al. 4 Ord. V n'a pas, jusqu'à présent, été mise en doute. La Cour de céans ne s'est jamais prononcée sur la validité de cette disposition.
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Le Tribunal fédéral des assurances examine en principe librement la légalité des dispositions d'application prises par le Conseil fédéral. En particulier, il exerce son contrôle sur les ordonnances (dépendantes) qui reposent sur une délégation législative. Lorsque celle-ci est relativement imprécise et que, par la force des choses, elle donne au Conseil fédéral un large pouvoir d'appréciation, le tribunal doit se borner à examiner si les dispositions incriminées sortent manifestement du cadre de la délégation de compétence donnée par le législateur à l'autorité exécutive ou si, pour d'autres motifs, elles sont contraires à la loi ou à la Constitution. Dans l'examen auquel il procède à cette occasion, le juge ne doit toutefois pas substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité dont émane la réglementation en cause. Il doit au contraire se borner à vérifier si la disposition litigieuse est propre à réaliser objectivement le but visé par la loi, sans se soucier, en particulier, de savoir si elle constitue le moyen le mieux approprié pour atteindre ce but (ATF 109 V 141 consid. 2b, et la jurisprudence citée dans cet arrêt).
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La délégation contenue à l'art. 14bis LAMA donne à l'autorité exécutive un large pouvoir d'appréciation. En l'espèce, rien ne permet d'affirmer que le Conseil fédéral, en édictant une réglementation particulière pour les assurés dans une situation très aisée, en matière de franchise, qui impose une limite minimale à la franchise de cette catégorie d'assurés, ne s'est pas conformé au but visé par la loi. Ainsi qu'on l'a vu, les Chambres fédérales ont introduit l'art. 14bis LAMA notamment afin de libérer les caisses-maladie des "cas bagatelles". Selon cette disposition, un montant déterminé doit être mis à la charge des assurés majeurs. Il suffit à cet égard de constater que l'art. 25 al. 4 Ord. V tend bien à exercer une action modératrice sur les coûts de l'assurance-maladie et vise une catégorie d'assurés particulière parmi les assurés majeurs.
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Les premiers juges invoquent la protection des personnes dont la situation financière n'est pas très aisée, qui auraient tendance, selon eux, à choisir de hautes franchises pour bénéficier de faibles cotisations. Certes, l'art. 25 al. 4 Ord. V, en fixant le montant minimal de la franchise due par les assurés dans une situation très aisée, mais en n'imposant aucune limite supérieure, laisse aux caisses la possibilité de proposer des franchises qui, selon les cas, pourraient rendre la protection d'assurance illusoire, malgré le fait que l'assurance a été déclarée obligatoire. Toutefois, il s'agit, en l'espèce, d'assurés qui, par définition, se trouvent dans une situation très aisée, et dont les limites de revenu et de fortune sont fixées par les cantons. De ce fait, la situation des assurés appartenant à cette catégorie est vérifiable selon les critères adoptés par les cantons, et l'on peut attendre de ces assurés qu'ils conviennent avec les caisses d'une couverture d'assurance adaptée aux circonstances. Pour ce motif, un besoin de protection particulier ne se justifie pas.
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Au vu de ce qui précède, il apparaît que le Conseil fédéral n'a pas outrepassé les compétences qui lui ont été attribuées à l'art. 14bis LAMA en édictant l'art. 25 al. 4 Ord. V.
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