24. Arrêt du 14 juin 1989 dans la cause Office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail contre M. & Fils et Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel
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Regeste
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Art. 4 Abs. 1 BV, Art. 65 Abs. 1 und 3 AVIV: Erwerbszweige mit Anspruch auf Schlechtwetterentschädigung.
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Sachverhalt
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A.- L'entreprise M. & Fils, spécialisée dans l'architecture de jardins et l'arboriculture, exploite notamment des cultures fruitières. Par avis d'interruption de travail pour cause d'intempéries daté du 12 janvier 1987, relatif à six de ses employés, elle a annoncé à l'Office cantonal neuchâtelois du travail que la taille de vergers situés dans une exploitation au pied du Jura neuchâtelois avait dû être interrompue dès ce jour en raison du froid excessif et de neige intempestive, compte tenu des très gros risques d'accidents.
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Par décision du 15 janvier 1987, l'office précité a informé la requérante que l'indemnité prétendue ne pouvait lui être octroyée, attendu que les conditions météorologiques telles que le froid et la neige n'entrent pas en considération dans le cadre de l'art. 65 al. 3 OACI, cette disposition réglementaire étant par ailleurs seule applicable à une exploitation fruitière en monoculture.
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B.- L'entreprise M. & Fils a recouru devant le Département de l'économie publique de la République et canton de Neuchâtel contre cette décision dont elle demandait implicitement l'annulation, en alléguant que la température était de l'ordre de quinze à dix-huit degrés au-dessous de zéro lors de l'interruption de travail et que la neige empêchait de voir les "yeux et bourgeons" des arbres à tailler, de sorte que l'on se trouvait en présence d'un froid inhabituel et de neige intempestive, situation semblable à la sécheresse inhabituelle et aux pluies intempestives.
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Par décision du 18 décembre 1987, le département de l'économie publique, statuant en qualité d'autorité inférieure de recours, a admis le recours, annulé la décision administrative litigieuse et renvoyé la cause à l'office cantonal du travail pour qu'il examine la réalité des conditions atmosphériques contraignantes dès le 12 janvier 1987 et statue au sens des considérants, au motif que l'art. 65 al. 3 OACI, en limitant le versement de l'indemnité aux seuls cas de sécheresse inhabituelle et de pluies intempestives, introduit une discrimination contraire à la loi, d'autant moins explicable que les branches énumérées à l'art. 65 al. 1 OACI, telles que les aménagements de jardin, la sylviculture, l'extraction de la tourbe et les scieries, ont droit aux indemnités en cas d'intempéries aussi bien en été qu'en hiver, donc également en cas de froid et de neige.
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C.- L'Office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail (OFIAMT) a recouru devant le Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel contre cette dernière décision dont il demandait l'annulation, le rôle de l'assurance-chômage n'étant pas d'indemniser les branches d'activité énumérées à l'art. 65 al. 3 OACI pour des interruptions "normales" de travail, celui-ci devant, en règle générale, être interrompu, au moins temporairement, pendant l'hiver, soit durant la période sans végétation.
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Par jugement du 24 mai 1988, la juridiction cantonale a admis partiellement le recours, annulé la décision entreprise et renvoyé le dossier à l'office cantonal du travail pour instruction complémentaire et nouvelle décision. Elle a considéré, en bref, que les deux éléments extérieurs figurant à l'art. 65 al. 3 OACI, à savoir une sécheresse inhabituelle et des pluies intempestives, paraissent insuffisants; qu'en effet, d'autres conditions atmosphériques, comme la neige et le froid, peuvent paraître contraignantes au sens de l'art. 43 al. 1 let. a LACI et empêcher l'exécution de travaux saisonniers; qu'en l'espèce, la question se pose de savoir si la taille des vergers en janvier constitue des travaux saisonniers, mais que, en l'état du dossier, une instruction complémentaire est nécessaire sur ce point, avec enquête dans les milieux intéressés; qu'en cas de travaux saisonniers, les indemnités sollicitées devraient être allouées, pour autant que les conditions atmosphériques fussent contraignantes les 12, 13 et 14 janvier 1987.
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D.- L'OFIAMT interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont il demande l'annulation, le Tribunal fédéral des assurances étant invité à dire que les indemnités en cas d'intempéries ne peuvent être versées pour la période du 12 au 14 janvier 1987, motif pris que le froid et la neige ne sauraient être assimilés aux conditions mentionnées à l'art. 65 al. 3 OACI, puisque, dans notre pays, la neige et les températures basses ne peuvent être considérées comme exceptionnelles au mois de janvier.
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L'entreprise M. & Fils n'a pas répondu au recours, sur lequel le Département de l'économie publique de la République et canton de Neuchâtel n'a pas d'observations à formuler.
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Considérant en droit:
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a. Bâtiment et génie civil, charpenterie, taille de pierre et carrières;
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b. Extraction de sable et gravier;
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c. Construction de voies ferrées et de conduites en plein air;
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d. Aménagements extérieurs (jardins);
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e. Sylviculture et extraction de tourbe, dans la mesure où ces activités ne sont pas exercées accessoirement à une exploitation agricole;
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f. Extraction de terre glaise et tuilerie;
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g. Pêche professionnelle;
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h. Transports dans la mesure où les véhicules sont occupés exclusivement au transport de matériaux d'excavation et de construction vers ou à partir des chantiers ou au transport de matériaux provenant de lieux d'extraction de sable et de gravier;
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i. Scierie.
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Aux termes de l'art. 65 al. 3 OACI (dans sa teneur en vigueur depuis le 1er juillet 1985), de surcroît, l'indemnité en cas d'intempéries peut être versée aux seules exploitations viticoles, plantations et exploitations fruitières ou maraîchères, lorsque les travaux saisonniers ne peuvent pas s'effectuer normalement en raison d'une sécheresse inhabituelle ou de pluies intempestives.
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b) Comme le Tribunal fédéral des assurances l'a exposé dans l' ATF 112 V 141 consid. 3b, le Conseil fédéral jouit dans le cadre de l'art. 42 al. 2 LACI d'une liberté d'appréciation très étendue et notamment de la compétence, dans les limites de l'interdiction de l'arbitraire, d'énumérer dans une liste exhaustive les branches d'activité pour lesquelles l'indemnité en cas d'intempéries peut être versée.
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Aussi, et étant donné que la détermination des branches d'activité donnant droit à l'indemnité en cas d'intempéries est essentiellement une affaire d'ordre politique, la Cour de céans use-t-elle de retenue dans l'examen de la légalité et de la constitutionnalité de l'art. 65 al. 1 OACI (ATF 112 V 142 consid. 3c). Il en va de même de l'art. 65 al. 3 OACI.
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La genèse de la loi ne donne pas de critères sur lesquels le Conseil fédéral doit se fonder pour déterminer les branches d'activité avec droit à l'indemnité en cas d'intempéries (MEYER-BLASER, Zur Aufzählung der Erwerbszweige mit Anspruch auf Schlechtwetterentschädigung in Art. 65 Abs. 1 Arbeitslosenversicherungsordnung, RSJ 1986 p. 4), si ce n'est qu'elles doivent l'être de façon restrictive (ATF 112 V 142 consid. 3c précité). Selon l'art. 42 al. 1 LACI, il s'agit là de branches où les interruptions de travail sont fréquentes, en raison des conditions atmosphériques. L'autorité exécutive avait dès lors toute liberté d'édicter une réglementation propre aux exploitations viticoles, plantations et exploitations fruitières ou maraîchères, où sont effectués des travaux saisonniers. C'est ce qu'elle a fait à l'art. 65 al. 3 OACI, en subordonnant le droit à l'indemnité à des circonstances météorologiques exceptionnelles par rapport aux conditions atmosphériques normales que constituent la pluie, la neige et le froid lors d'intempéries (GERHARDS, Kommentar zum Arbeitslosenversicherungsgesetz, p. 508 ad 25). Il faut, en effet, que les travaux saisonniers ne puissent pas être effectués normalement en raison d'une sécheresse inhabituelle ou de pluies intempestives ("wegen aussergewöhnlicher Trockenheit oder Nässe" selon le texte allemand, "a causa di siccità o di umidità straordinarie" dans la version italienne) pour que l'indemnité en cas d'intempéries puisse être versée aux seules exploitations et plantations mentionnées ci-dessus, lesquelles, au demeurant, ne doivent plus être axées sur la monoculture depuis le 1er juillet 1985, date de l'entrée en vigueur de la modification de l'art. 65 al. 3 OACI par l'ordonnance sur l'assurance-chômage du 25 avril 1985.
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Le fait que les exploitations et plantations énumérées à l'art. 65 al. 3 OACI doivent être touchées spécialement par les circonstances météorologiques n'est pas contraire à la loi ni à la Constitution. Il n'est pas arbitraire, en effet, de soumettre le droit aux indemnités aux seules conditions atmosphériques que sont les pluies intempestives ou une sécheresse inhabituelle - cette dernière condition étant du reste étrangère à une situation de pluie, de neige ou de froid -, sans que soient posées d'exigences relatives à l'exposition des travailleurs aux conditions météorologiques (art. 65 al. 2 OACI; cf. sur ce point GERHARDS, op.cit., p. 508 ad 24). Que ni le froid ni la neige ne figurent à l'art. 65 al. 3 OACI ne crée aucune inégalité de traitement manifestement injustifiée par rapport aux branches d'activité mentionnées à l'art. 65 al. 1 OACI, notamment la sylviculture et l'extraction de tourbe. Cette restriction s'explique par le caractère saisonnier des travaux dont l'interruption peut donner lieu au versement d'indemnités en cas d'intempéries, ceux-ci variant, par définition, en fonction des saisons, ce qui signifie aussi qu'ils s'effectuent normalement de façon différente selon qu'il s'agit de l'hiver, où sévissent en règle générale la pluie, la neige et le froid, ou d'une autre période de l'année. Certes existe-t-il des cas à la limite, par ex., de la sylviculture (art. 65 al. 1 let. e OACI) et des plantations et exploitations fruitières (art. 65 al. 3 OACI). On ne saurait pour autant en conclure que la réglementation instituée par le Conseil fédéral viole l'art. 4 al. 1 Cst.
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Que le froid fût excessif parce que la température était tombée à quinze, voire dix-huit degrés au-dessous de zéro, ne change rien au fait que ni le froid ni la neige ne sont des circonstances climatiques exceptionnelles un 12 janvier, voire les jours suivants. Cela n'a rien d'extraordinaire, en effet, compte tenu des variations saisonnières - les écarts de température à pareille époque de l'année ne sont pas rares - et de la situation géographique des cultures fruitières concernées, lesquelles se trouvent à 450 mètres d'altitude. Par ailleurs, que la neige fût abondante le mardi 13 janvier ne l'assimile pas pour autant à des pluies intempestives. A cet égard, on relèvera que, dans le langage courant, le terme intempestif est utilisé pour qualifier ce qui se produit à contretemps (Dictionnaire de la langue française PETIT ROBERT). C'est du reste dans ce sens qu'il faut comprendre ce terme dans le cadre de l'art. 65 al. 3 OACI (arrêt non publié W. du 12 février 1988). Or, si abondantes qu'ont pu être les chutes de neige à ce moment-là, elles ne sauraient être considérées comme s'étant produites à contretemps. A cela s'ajoute le fait que la neige n'est pas exceptionnelle à pareille époque de l'année.
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Cela étant, c'est à juste titre que l'office cantonal du travail s'est opposé à l'allocation des indemnités litigieuses.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
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Le recours est admis et le jugement du Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel, du 24 mai 1988, ainsi que la décision du Département de l'économie publique de la République et canton de Neuchâtel, du 18 décembre 1987, sont annulés.
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