BGE 119 V 86 |
13. Extrait de l'arrêt du 4 mars 1993 dans la cause S. contre Caisse cantonale vaudoise de compensation et Tribunal des assurances du canton de Vaud |
Regeste |
Art. 52 AHVG, Art. 81 AHVV, Art. 103 lit. a OG. |
Extrait des considérants: |
5. Dans son recours, A. S. conteste que C. K. et R. W. n'aient joué qu'un rôle secondaire dans la gestion de la société et conclut, subsidiairement, à ce que la responsabilité de ces administrateurs soit reconnue engagée de manière solidaire avec la sienne.
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a) D'après la jurisprudence constante relative aux art. 52 LAVS et 81 al. 1 RAVS, qui consacrent une responsabilité pour faute résultant du droit public (ATF 108 V 193 consid. 2b), il incombe uniquement à la caisse de compensation de décider si elle attaquera un employeur pour lui demander la réparation du dommage subi. S'il existe une pluralité de responsables, elle jouit d'un concours d'actions et le rapport interne entre les coresponsables ne la concerne pas; si elle ne peut prétendre qu'une seule fois la réparation, chacun des débiteurs répond solidairement envers elle de l'intégralité du dommage et il lui est loisible de rechercher tous les débiteurs, quelques-uns ou un seul d'entre eux, à son choix (ATF 108 V 195 consid. 3). Cependant, cette jurisprudence ne vise que les rapports juridiques qui existent entre la caisse de compensation et l'employeur: elle ne restreint en aucune manière le droit de ce dernier d'intenter, le cas échéant, une action récursoire contre un tiers qui n'a pas été mis en cause selon la procédure prévue par l'art. 81 RAVS (ATF ATF 112 V 263 consid. 2b).
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b) Aux termes de l'art. 103 let. a OJ, a qualité pour recourir quiconque est atteint par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. La jurisprudence considère comme intérêt digne de protection, au sens de cette disposition, tout intérêt pratique ou juridique à demander la modification ou l'annulation de la décision attaquée que peut faire valoir une personne atteinte par cette dernière. L'intérêt digne de protection consiste ainsi en l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant ou, en d'autres termes, dans le fait d'éviter un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 114 V 96 consid. 2b et les références; 110 V 150 consid. 2c, ATF 109 V 59 consid. 1, ATF 108 Ib 93 consid. 3b/aa, ATF 106 V 188 consid. 1; DTA 1983, no 9 p. 38, 1980 no 30 p. 61).
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Quand une caisse de compensation dirige son action au sens de l'art. 81 al. 3 RAVS contre un seul débiteur, celui-ci ne peut, dans le cadre de cette procédure et au moyen d'une dénonciation du litige, évoquer en garantie un tiers responsable en faisant valoir à son égard une prétention récursoire (ATF 112 V 261). D'autre part, lorsqu'une caisse de compensation a dirigé son action contre deux débiteurs, que la juridiction cantonale a admis la responsabilité solidaire de ceux-ci, que l'un d'eux a déféré ce jugement au Tribunal fédéral des assurances alors que l'autre, en cours de procédure, a versé le montant total requis solidairement à titre de réparation du dommage, le litige devient sans objet et l'affaire doit être rayée du rôle. Dans ce cas - une des conséquences de la radiation étant que le jugement cantonal n'acquiert pas force de chose jugée (GYGI, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., p. 326) - un intérêt digne de protection du recourant à ce que le juge fédéral des assurances sociales statue sur la culpabilité d'autres débiteurs mis en cause par la caisse - en vue d'une éventuelle action récursoire intentée devant le juge civil - n'existe pas (arrêt non publié W. du 12 décembre 1988).
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Il en va autrement lorsque, comme en l'espèce, la caisse de compensation a dirigé son action contre plusieurs débiteurs, que la juridiction cantonale a admis la responsabilité d'un seul d'entre eux et que le jugement de première instance aurait, en raison de sa force de chose jugée quant à ce point précis, un effet libératoire pour les organes de l'employeur dont les premiers juges ont admis qu'ils ne répondaient pas du dommage causé à la caisse de compensation. Car, s'il est vrai que le juge civil n'est pas lié par les conclusions du juge des assurances sociales sur ce point, il n'en demeure pas moins que, pour apprécier la situation juridique dans le cadre de l'action récursoire, il prendra nécessairement cet élément en considération.
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Dans un tel cas, l'existence d'un intérêt digne de protection et, partant, la pertinence d'un contrôle en dernière instance s'imposent d'autant plus qu'en raison des principes régissant la responsabilité solidaire, un jugement cantonal acquiert, à défaut d'avoir été entrepris, force de chose jugée à l'égard du débiteur solidaire qui ne l'a pas contesté. Ainsi, quand le Tribunal fédéral des assurances libère un débiteur de son obligation de dédommager la caisse, motif pris que la créance de celle-ci était périmée, la portée de son arrêt ne s'étend pas au débiteur solidaire qui a également été condamné à réparer le dommage car, pour ce dernier, le jugement cantonal a force de chose jugée (arrêt non publié G. du 19 octobre 1988).
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c) En l'occurrence, A. S. conclut, à titre subsidiaire, à ce que la responsabilité des administrateurs C. K. et R. W. soit reconnue solidairement avec la sienne. Or, compte tenu de ce qui précède, un intérêt digne de protection à attaquer le jugement cantonal en tant qu'il retient l'absence de responsabilité de ces administrateurs doit être admis. Cet intérêt, bien qu'essentiellement pécuniaire, s'inscrit dans le cadre de prétentions relevant de la compétence du juge des assurances sociales et mérite donc protection en vertu de l'art. 103 let. a OJ.
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d) En l'espèce, on ne saurait reprocher au recourant d'alléguer des faits nouveaux ou de faire valoir de nouveaux moyens de preuve dont il aurait dû se prévaloir en première instance. En effet, en ce qui le concerne, cette procédure visait les rapports juridiques entre la caisse de compensation et lui-même, tant et si bien qu'il ne lui appartenait pas, devant le juge cantonal, d'invoquer des moyens relatifs à la culpabilité d'autres administrateurs de la société C. S.A.
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Les juges de première instance ont admis les allégations des deux administrateurs précités, d'après lesquelles ils auraient démissionné de la société le 8 septembre 1986, après avoir vainement essayé de convaincre A. S. d'informer le juge conformément à l'art. 725 CO. Or, comme le relève le recourant, selon une lettre qu'il produit à l'appui de ses affirmations, C. K. a démissionné en réalité le 13 mars 1987. De plus, dans une lettre adressée à tous les membres de la société le 18 septembre 1986, signée par A. S. et C. K., il était communiqué qu'une solution d'assainissement pouvait être trouvée. Dans ces conditions, l'on ne voit pas comment, dix jours auparavant, C. K. aurait pu démissionner à cause de l'"entêtement du recourant et de sa volonté d'essayer de sauver à tout prix la société".
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Ce point de fait ainsi que ceux relatifs à la participation effective des deux administrateurs à la gestion de la société n'ont pas été élucidés à satisfaction de droit, les pièces figurant au dossier ne permettant pas de trancher la question de la responsabilité solidaire de C. K. et de R. W. (art. 105 al. 2 et 132 OJ). Aussi le dossier de la cause doit-il être renvoyé à la juridiction de première instance pour que, sur la base d'une instruction complémentaire, elle statue à nouveau sur cette question.
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