BGE 132 V 65 |
9. Extrait de l'arrêt dans la cause Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève contre S. et Tribunal des assurances sociales du canton de Genève |
I 336/04 du 8 février 2006 |
Regeste |
Art. 4 und 28 IVG (in der bis 31. Dezember 2002 gültig gewesenen Fassung): Diagnose "Fibromyalgie"; Ermittlung der Invalidität. |
Die Fibromyalgie weist zahlreiche mit den somatoformen Schmerzstörungen gemeinsame Aspekte auf, sodass es sich beim aktuellen Kenntnisstand aus juristischer Sicht rechtfertigt, die von der Rechtsprechung im Bereich der somatoformen Schmerzstörungen entwickelten Grundsätze bei der Würdigung des invalidisierenden Charakters einer Fibromyalgie analog anzuwenden. (Erw. 4) |
Sachverhalt |
A. Après avoir arrêté de travailler quelques années pour s'occuper de sa famille, S., née en 1961, a bénéficié de prestations de chômage dès le 15 janvier 1998. Au mois de septembre suivant, elle a commencé à ressentir des douleurs à la nuque, au dos, ainsi qu'aux membres supérieurs. Déclarée incapable de travailler à partir du 20 août 1999, elle s'est annoncée à l'assurance-invalidité le 21 décembre 2000, sollicitant l'octroi d'une rente.
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Dans un rapport du 5 février 2001, le médecin traitant de l'assurée, la doctoresse P., spécialiste en rhumatologie et médecine interne, a posé le diagnostic de cervico-lombalgies chroniques, fibromyalgie, état dépressif réactionnel, polyarthrite scapulo humérale (PSH) droite chronique; à son avis, aucune activité n'était adaptée en raison des douleurs, de la fatigue et de l'humeur dépressive de sa patiente. Quant à son confrère J., spécialiste en neurologie, il a attesté, le 2 février 2000, que l'examen neurologique était normal, et retenu la possibilité du diagnostic de fibromyalgie.
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L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'office AI) a requis l'avis du Service médical régional AI [SMR] sur le cas. A l'issue d'un examen pluridisciplinaire de l'assurée, les docteurs L., spécialiste en médecine générale, F., spécialiste en médecine interne et rhumatologie et V., spécialiste en psychiatrie, ont posé le diagnostic de fibromyalgie (rapport du 2 avril 2002). Au plan ostéoarticulaire strict, ils ont considéré qu'il n'existait pas de limitations fonctionnelles ni de cause d'incapacité de travail. Quant à l'état dépressif qui avait été traité durant plusieurs mois, les trois médecins du SMR ont estimé qu'"il ne constituait plus une pathologie psychiatrique importante pouvant constituer une comorbidité au trouble somatoforme douloureux". Dans leur appréciation finale, ils ont conclu qu'en l'absence d'une atteinte rhumatologique et psychiatrique invalidante, S. disposait d'une pleine capacité de travail aussi bien comme serveuse (dernière activité exercée) qu'en tant qu'employée de commerce (profession apprise).
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B. L'assurée a déféré cette décision à la Commission cantonale genevoise de recours en matière d'AVS/AI (aujourd'hui: Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève), en concluant implicitement à l'octroi d'une rente d'invalidité. En cours de procédure, elle a produit plusieurs pièces médicales, dont un document (du 4 avril 2003) du docteur G., spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, attestant qu'elle souffrait d'un trouble anxieux-dépressif dans le cadre d'une fibromyalgie.
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Après avoir ordonné deux comparutions personnelles des parties et demandé aux docteurs G. et P. de répondre par écrit à un certain nombre de questions, la juridiction cantonale a, par jugement du 11 mai 2004, admis le recours et renvoyé la cause à l'office AI afin que celui-ci alloue une rente d'invalidité entière à l'assurée à partir du mois d'août 2000.
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C. L'office AI interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont il demande l'annulation, en concluant à la confirmation de sa décision du 13 juin 2002.
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L'assurée intimée n'a pas répondu au recours. En revanche, elle a fait parvenir trois rapports médicaux émanant des docteurs P. (du 1er février 2005), R., spécialiste en cardiologie (du 15 février 2005) et G. (du 8 novembre 2004). L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.
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Extrait des considérants: |
Erwägung 3 |
3.1 Des rapports médicaux versés au dossier, il ressort que S. souffre principalement de douleurs (sont notamment concernées chez elle les régions de la nuque, du dos et des membres supérieurs), d'une asthénie importante, de troubles du sommeil et de l'humeur. Les investigations pratiquées n'ont révélé aucune atteinte somatique pouvant expliquer son état (en particulier, le status neurologique a été qualifié de normal, de même que les résultats des tests sanguins). Ces symptômes douloureux sans substrat clairement objectivable ont amené tant la doctoresse P. que les médecins du SMR à poser le diagnostic de "fibromyalgie". Pourtant, à la lecture de leurs considérations médicales, on peut constater que la même symptomatologie est parfois aussi assimilée à un "trouble somatoforme douloureux". Ainsi, la rhumatologue a-t-elle mentionné, dans un rapport du 30 janvier 2004 établi à l'intention de la juridiction cantonale, que "S. souffre effectivement d'un trouble somatoforme douloureux diffus et chronique [...]". Les médecins du SMR l'ont également évoqué dans leurs conclusions (p. 6 de leur rapport). On peut dès lors se demander si le diagnostic de "fibromyalgie" peut ou doit être traité de manière analogue au "trouble somatoforme douloureux", qui entre dans la catégorie des atteintes à la santé d'ordre psychique (cf. ATF 130 V 353 consid. 2.2.2).
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3.3 Depuis plusieurs années, le diagnostic de "fibromyalgie" fait l'objet d'une controverse dans la communauté médicale. Parce qu'un tel diagnostic ne fait que définir un état douloureux et qu'à ce jour, les recherches entreprises n'ont révélé aucune explication pathogénique satisfaisante à cette situation clinique (absence d'anomalies tissulaires ou biochimiques évidentes), certains médecins en contestent l'existence même. Selon eux, la fibromyalgie n'est pas une maladie mais une étiquette pour décrire des maux inexplicables qui relèveraient davantage d'une problématique bio-psycho-sociale que d'une véritable pathologie médicale. D'autres, en revanche, y attachent une valeur de maladie. Il est à noter que la fibromyalgie est très souvent mise en relation avec d'autres phénomènes douloureux dont le trouble somatoforme douloureux et le syndrome de fatigue chronique, en raison notamment d'une importante similitude dans leur symptomatologie respective. Comme la fibromyalgie ne peut guère, étant donné son étiologie incertaine, être rangée dans la catégorie des atteintes à la santé psychiques ou psychosomatiques, ou encore dans celle des atteintes à la santé organiques, il se dégage une tendance générale parmi les auteurs d'admettre une combinaison de ces deux éléments, avec cependant une prépondérance des facteurs psychosomatiques (voir sur cette controverse médicale, par exemple: PIERRE-ALAIN BUCHARD, op. cit., p. 443 ss; JACQUES-ANTOINE PFISTER, Fibromyalgie, trouble somatoforme douloureux, syndrome de fatique chronique - quels repères médicaux, humains et assécurologiques?, in: Revue médicale de la Suisse romande, 2003, p. 650 ss; WOLFGANG HAUSOTTER, Begutachtung somatoformer und funktioneller Störungen, 2e éd. Urban et Fischer, Munich 2004, p. 105 ss; HERBERT CSEF, Was sind CFS, MCS und FM? Stellenwert und Gemeinsamkeiten dreier "Modekrankheiten" in: Grenzwertige psychische Störungen, Diagnostik und Therapie in Schwellenbereichen, éd. Thieme 2004, p. 63 ss, plus spécialement p. 73; N.M. HADLER, Die Semiotik der Fibromyalgie und verwandter somatoformer Störungen, in: Praxis 94/2005, éd. Hans Huber, Berne, p. 1999 ss; KARL C. MAYER, Fibromyalgie - Stichworte zu einer Kontroverse, sous http://www.neuro24.de/fibromyalgie.htm).
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3.4 Il n'est pas nécessaire de prendre position sur cette controverse médicale. D'une part, il n'appartient pas à l'administration ou au juge de remettre en cause le diagnostic posé par un médecin, quel que soit le courant médical dont il se réclame; est seul décisif que le diagnostic s'appuie lege artis sur les critères d'un système de classification reconnu. D'autre part, ce qui importe pour juger du droit aux prestations d'un assuré, c'est la répercussion de l'atteinte à la santé diagnostiquée sur la capacité de travail (art. 4 al. 1 LAI, art. 16 LPGA). Seule la réponse à cette question intéresse finalement le juriste dans une procédure portant sur l'incapacité de travail ou l'invalidité; le débat médical relatif à la dénomination diagnostique la mieux appropriée pour décrire l'état de souffrance du patient se révèle dans ce contexte plutôt secondaire (cf. MEYER-Blaser, Der Rechtsbegriff der Arbeitsunfähigkeit und seine Bedeutung in der Sozialversicherung, in: Schmerz und Arbeitsunfähigkeit, St. Gall 2003, p. 64, note 93). On rappellera qu'un diagnostic est une condition juridique nécessaire, mais non suffisante pour conclure à une atteinte à la santé invalidante (cf. ATF 131 V 50 consid. 1.2, ATF 130 V 353 consid. 2.2.3).
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Erwägung 4 |
Erwägung 4.2 |
4.2.1 Selon la jurisprudence, les troubles somatoformes douloureux n'entraînent pas, en règle générale, une limitation de longue durée de la capacité de travail pouvant conduire à une invalidité (ATF 130 V 354 consid. 2.2.3). Il existe une présomption que les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets peuvent être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 131 V 50). Pour les raisons qui viennent être exposées ci-dessus, il y a lieu de poser la même présomption en présence d'une fibromyalgie.
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4.2.2 Le Tribunal fédéral des assurances a toutefois reconnu qu'il existe des facteurs déterminés qui, par leur intensité et leur constance, rendent la personne incapable de fournir cet effort de volonté, et établi des critères permettant d'apprécier le caractère invalidant de troubles somatoformes douloureux (cf. ATF 130 V 354 et ATF 131 V 50). Il est légitime d'admettre que ces circonstances sont également susceptibles de fonder exceptionnellement un pronostic défavorable dans les cas de fibromyalgie. A cet égard, on retiendra, au premier plan, la présence d'une comorbidité psychiatrique importante par sa gravité, son acuité et sa durée. Peut constituer une telle comorbidité un état dépressif majeur (voir en matière de troubles somatoformes douloureux ATF 130 V 358 consid. 3.3.1 et la référence). Parmi les autres critères déterminants, doivent être considérés comme pertinents et transposables au contexte de la fibromyalgie, un processus maladif s'étendant sur plusieurs années sans rémission durable (symptomatologie inchangée ou progressive), des affections corporelles chroniques, une perte d'intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie et l'échec de traitements ambulatoires ou stationnaires conformes aux règles de l'art (même avec différents types de traitement), cela en dépit de l'attitude coopérative de la personne assurée. En présence d'une comorbidité psychiatrique, il sera également tenu compte de l'existence d'un état psychique cristallisé résultant d'un processus défectueux de résolution du conflit, mais apportant un soulagement du point de vue psychique (profit primaire tiré de la maladie, fuite dans la maladie). Enfin, comme dans les cas de troubles somatoformes douloureux, on conclura à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable (par exemple une discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact).
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5.1 Les médecins du SMR ont motivé l'existence d'une capacité de travail entière principalement par le fait qu'ils n'ont pas pu mettre en évidence de comorbidité psychiatrique chez l'assurée. Si ce critère est d'importance, il n'est toutefois pas exclusif (voir consid. 4.2.2 supra). Et bien que le rapport d'expertise contienne une anamnèse familiale et professionnelle assez détaillée de l'assurée, il n'est pas possible de se faire une opinion sur l'existence ou non de circonstances susceptibles exceptionnellement de fonder un pronostic défavorable. Les médecins du SMR se contentent en effet de procéder à un descriptif du parcours de vie de S. sans mettre les informations recueillies en perspective avec leur mission d'expertise qui, dans les cas d'une symptomatique douloureuse, consiste surtout à porter une appréciation sur la vraisemblance de l'état douloureux et, le cas échéant, à déterminer si la personne expertisée dispose des ressources psychiques lui permettant de surmonter cet état. Or, on ne saurait sans plus accorder une pleine force probante à une prise de position médicale sur la capacité de travail (raisonnablement exigible) d'un assuré, lorsque l'expert ne met pas en rapport ses constatations, impressions et estimations qu'il a rassemblées au cours de l'évaluation de l'état de santé de celui-ci.
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5.3 Enfin, il n'y a pas lieu de prendre en considération les pièces médicales produites par l'intimée postérieurement à la clôture de l'échange d'écritures. En effet, sauf dans le cadre d'un nouvel échange d'écritures ordonné par le tribunal, la production de nouvelles écritures et de nouveaux moyens de preuve n'est en principe pas admise; demeure réservée la situation où de telles pièces constituent des faits nouveaux importants ou des preuves concluantes au sens de l'art. 137 let. b OJ et pourraient dès lors justifier la révision de l'arrêt du tribunal (ATF 127 V 357 consid. 4a). Ce n'est pas le cas ici. En particulier, le certificat (du 1er février 2005) de la doctoresse P. constitue simplement un avis médical supplémentaire sur la capacité de travail de l'assurée en raison d'atteintes à la santé déjà décrites dans le dossier, tandis que celui (du 8 novembre 2004) du docteur G. renferme uniquement une appréciation de la situation de l'assurée à la date d'établissement dudit certificat.
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5.4 Il s'impose donc de renvoyer la cause à l'office AI pour qu'il en complète l'instruction, notamment par une nouvelle expertise interdisciplinaire qui devra comporter un volet rhumatologique et psychiatrique. Il incombera aux experts appelés à se prononcer de fournir tous les éléments permettant de déterminer avec précision l'incidence des troubles de l'intimée sur sa capacité de travail à la lumière des considérants topiques du présent arrêt. Dans cette mesure, le recours est bien fondé.
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