BGE 133 V 224 |
30. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit social dans la cause Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents contre E. et L. ainsi que Tribunal des assurances sociales de la République et canton de Genève (recours de droit administratif) |
U 401/06 du 12 janvier 2007 |
Regeste |
Art. 24 UVG; Art. 36 Abs. 1 UVV; Begriff und Zweck der Integritätsentschädigung; Dauerhaftigkeit eines Integritätsschadens bei Berufskrankheiten mit erheblicher Beeinträchtigung der Lebenserwartung. |
Eine Berufskrankheit mit erheblicher Beeinträchtigung der Lebenserwartung des Versicherten bewirkt dann keinen dauernden Integritätsschaden, wenn zwischen dem Zeitpunkt, in dem die Behandlung keine Verbesserung des Zustandes mehr versprach, und demjenigen des Todes weniger als zwölf Monate lagen (E. 5.4). |
Sachverhalt |
A. M., né en 1945, mécanicien de formation, a travaillé au service de l'entreprise X. SA entre 1985 et 2003. Le 17 septembre 2003, alors qu'il était incapable de travailler depuis le 1er juillet précédent, il a annoncé une maladie professionnelle à la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).
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Selon un rapport de l'Hôpital Y. du 24 septembre 2003, M. a été suivi dans cet établissement pour un mésothéliome pleural gauche diagnostiqué en août 2003. Le 12 septembre 2003, il a subi une thoracoscopie exploratrice avec biopsies pleurales et prélèvements cytologiques. A partir du 7 octobre 2003, il a été suivi par la division d'oncologie médicale du Centre hospitalier Z. Un traitement de chimiothérapie néo-adjuvante a été entrepris. En cas de réponse thérapeutique positive, une intervention chirurgicale était envisagée. En cas de progression sous traitement, une poursuite du traitement de chimiothérapie à visée palliative serait proposée au patient. Après un nouveau bilan, le 17 novembre 2003, une amélioration est apparue à gauche, mais une progression à droite a été constatée. Décision a alors été prise de renoncer à une intervention chirurgicale et de poursuivre la chimiothérapie par Gemcitabine et Oxaliplatine sur un mode ambulatoire. En février 2004, les médecins ont constaté une progression pleurale bilatérale après cinq cycles de chimiothérapie. Une deuxième ligne de chimiothérapie par Vinorelbine a été suivie d'avril à mai 2004.
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L'état général du patient s'est ensuite progressivement péjoré. Celui-ci a été hospitalisé en médecine interne pour pancytopénie et surinfection, avant d'être admis, le 3 juin 2004, au Département de réhabilitation et gériatrie C. Il a alors été traité par oxygénothérapie au long cours, physiothérapie respiratoire, antibiothérapie et adaptation du traitement d'opiacée dans le cadre de décompensation respiratoire et anxiolyse. Il est décédé le 28 juillet 2004.
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L'anamnèse professionnelle a mis en évidence un certain nombre de situations correspondant à une exposition vraisemblable à l'amiante, à savoir cinq ans dans la marine française, cinq ans lors de la manipulation de garnitures de freins comme mécanicien au service de W., six semaines lors du démontage d'un système de chauffage à l'occasion d'un travail temporaire et, enfin, une période d'exposition passive éventuelle dans un local floqué à l'amiante alors que l'intéressé était au service de X. SA (rapport de l'Institut universitaire romand de Santé au Travail du 11 septembre 2003).
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B. La CNA a pris en charge le traitement médical et versé les indemnités journalières légales. Par décision du 19 octobre 2004, elle a alloué des prestations de survivants à la veuve de l'assuré, E., et à sa fille, L.
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Le 7 avril 2005, E. et L. ont demandé à la CNA de statuer sur le droit à l'indemnité pour atteinte à l'intégrité à laquelle aurait pu selon elles prétendre M. Par décision du 8 juillet 2005, puis par décision sur opposition du 2 septembre 2005, la CNA a refusé le versement de l'indemnité requise.
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C. E. et L. ont recouru contre la décision sur opposition en concluant au versement d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 100 %, avec intérêts à 5 % l'an dès le 2 juillet 2003.
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Statuant le 4 juillet 2006, le Tribunal cantonal des assurances de la République et canton de Genève a annulé la décision attaquée et reconnu aux deux survivantes, en leur qualité d'héritières, une indemnité pour atteinte à l'intégrité. Il a renvoyé la cause à la CNA pour nouvelle décision au sens des motifs.
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D. La CNA a formé un recours de droit administratif, dans lequel elle conclut à l'annulation de ce jugement et au rétablissement de sa décision du 2 septembre 2005. E. et L. concluent au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
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Extrait des considérants: |
Erwägung 2 |
2.1 Selon l'art. 24 LAA, si, par suite de l'accident, l'assuré souffre d'une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique, il a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l'intégrité (al. 1). L'indemnité est fixée en même temps que la rente d'invalidité ou, si l'assuré ne peut prétendre à une rente, lorsque le traitement médical est terminé (al. 2). Le droit à la rente prend naissance dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité ont été menées à terme (art. 19 al. 1, première phrase, LAA).
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3. En cas de maladie professionnelle grave et incurable, qui réduit considérablement l'espérance de vie, le droit à une indemnité pour atteinte à l'intégrité prend naissance dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré. Dans ce cas, une stabilisation de l'état de santé n'est pas exigée. A partir du moment où l'état de santé ne peut plus être influencé par un traitement et donne lieu à des soins palliatifs, un certain laps de temps doit s'écouler pour que l'on puisse admettre le caractère durable de l'atteinte à l'intégrité. A ce jour, le Tribunal fédéral des assurances n'a pas fixé de durée minimale. Il n'a pas suivi l'opinion exprimée par FREI (op. cit., p. 58) et suivie par DUC (loc. cit., p. 954), selon laquelle une seconde logique pendant laquelle l'assuré se trouverait confronté, une fois le traitement médical achevé, à la perspective de devoir vivre avec une atteinte qui ne peut plus être améliorée serait déjà suffisante pour satisfaire à l'exigence d'une atteinte durable à l'intégrité (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 372/99 du 27 décembre 2001; RAMA 2002 n° U 460 p. 416 consid. 6c, U 327/00; RAMA 2004 n° U 508 p. 268 consid. 5.3.3, U 105/03). Dans cette optique, il a considéré qu'une durée de trois mois était insuffisante (RAMA 2004 n° U 508 p. 265, U 105/03; cf. également FRÉSARD/MOSER-SZELESS, L'assurance-accidents obligatoire, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, vol. XIV [Meyer, édit.], 2e éd., Bâle, Genève, Munich 2007, p. 916 n. 232).
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En revanche, le Tribunal fédéral des assurances a jugé que la condition du caractère durable de l'atteinte, déterminante pour le droit à l'indemnité, était réalisée en présence d'un mésothéliome pleural affectant un assuré qui a encore vécu deux ans après la survenance de la maladie et qui a subi un traitement palliatif pendant sa dernière année de vie (RAMA 2006 n° U 575 p. 102, U 257/04; voir également MASSIMO ALIOTTA, Asbestopfer: Neuere Rechtsentwicklungen in der EU und in der Schweiz, HAVE/REAS, 4/2005 p. 364 ss). Dans le dernier arrêt cité, le tribunal a laissé indécis le point de savoir si une durée d'une année au moins de survie pendant le traitement palliatif devait servir de ligne directrice pour d'autres cas de maladies professionnelles liées à l'amiante (RAMA 2006 n° U 575 p. 108 consid. 3 in fine, U 257/04).
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Erwägung 4 |
4.1 Entendu en procédure cantonale, le docteur R., médecin spécialiste FMH en médecine interne et en oncologie médicale, qui a suivi l'assuré, a indiqué que le mésothéliome pleural n'est pas forcément incurable, mais les chances de guérison dans le meilleur des cas restent faibles. Dans le cas de l'assuré décédé, il subsistait des doutes, au moment où le diagnostic a été posé, sur le caractère résécable ou non de la maladie. C'est pour cette raison qu'il a été décidé de faire un premier cycle de chimiothérapie et de refaire un bilan ensuite. A l'issue de ce premier cycle et de ce bilan, les médecins ont dû constater que la persistance de foyers tumoraux rendait l'opération chirurgicale inutile. A partir de ce moment, un traitement par chimiothérapie a été mis en place. Ce traitement peut être qualifié de palliatif en ce sens qu'il ne vise pas et ne permet pas d'atteindre la guérison, mais le maintien de la qualité de vie et une certaine durée de vie. En ce qui concerne la durée de vie, aucun pronostic ne peut être posé. Toujours selon ce spécialiste, le moment à partir duquel on ne pouvait plus attendre une amélioration sensible de l'état de santé de l'assuré - et, par conséquent, à partir duquel on a renoncé à des soins à visée curative - se situait, dans le cas d'espèce, au moment où il a été renoncé à l'opération chirurgicale, soit à mi-novembre 2003.
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5. Pour des motifs d'égalité de traitement et de sécurité de droit, il convient de fixer une certaine durée minimale à partir de laquelle la condition du caractère durable est remplie en cas de maladie professionnelle qui réduit considérablement l'espérance de vie du patient. Cette durée doit être fixée, conformément à la jurisprudence précitée, à partir du moment où l'état de santé ne peut plus être influencé par un traitement et donne lieu à des soins palliatifs. Pour la fixer, il faut tenir compte de la nature et du but de l'indemnité, ainsi que des modalités de l'indemnisation.
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5.1 Sous le régime de la LAMA, la rente d'invalidité comportait souvent une composante visant à indemniser l'atteinte à l'intégrité, surtout dans des situations où le degré d'invalidité était faible. L'introduction de la LAA a adapté la notion d'invalidité de l'assurance-accidents à celle de l'assurance-invalidité, soit une notion purement économique, qui ne permettait plus une indemnisation de l'atteinte à l'intégrité par le biais d'une rente. Aussi bien le législateur a-t-il jugé nécessaire de prévoir - même dans les cas où une rente n'est pas versée - le paiement d'une indemnité en capital spéciale pour atteinte à l'intégrité. Cette indemnité joue le rôle d'une réparation morale (Message du Conseil fédéral à l'appui d'un projet de loi fédérale sur l'assurance-accidents, FF 1976 III 170, p. 195; PETER OMLIN, Die Invalidität in der obligatorischen Unfallversicherung mit besonderer Berücksichtigung der älteren Arbeitnehmerinnen und Arbeitnehmer, thèse Fribourg 1995, p. 75 s.). Elle sert à compenser un préjudice immatériel (douleurs, souffrances, diminution de la joie de vivre, limitation des jouissances offertes par l'existence etc.) qui perdure au-delà de la phase du traitement médical et dont il y a lieu d'admettre qu'il subsistera la vie durant (FREI, op. cit., p. 36 ss; DUC, op. cit. p. 954 note de bas de page 7). Elle ne vise pas indemniser les souffrances physiques ou psychiques - si intenses soient-elles - de l'assuré pendant le traitement médical. Un traitement particulièrement long et douloureux n'est un critère décisif ni pour le droit à l'indemnité ni pour son étendue, le législateur ayant mis l'accent sur le caractère durable - voire permanent - de la lésion, une fois le traitement médical achevé. En cela, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité se distingue de la réparation morale selon le droit civil, qui n'implique pas une atteinte durable et qui vise toutes les souffrances graves liées à une lésion corporelle (TERCIER, L'évolution récente de la réparation du tort moral dans la responsabilité civile et l'assurance-accidents, in RSJ 80/1984 p. 58; ALEXANDRE GUYAZ, L'indemnisation du tort moral en cas d'accident, in SJ 2003 II p. 15 ss; FRÉSARD/MOSER-SZELESS, op. cit., p. 915 n. 229).
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5.4 Sur le vu de ces considérations, un laps de temps de quelques mois à partir du moment où le traitement ne peut plus apporter d'amélioration n'est pas suffisant pour fonder le droit à l'indemnité. Il y a lieu de considérer que la durée d'une année - retenue dans l'arrêt publié in RAMA 2006 n° U 575 p. 102, U 257/04 - représente à cet égard une durée minimale, sous peine de vider de son sens la notion centrale qui est le fondement même de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité, savoir la réparation d'un préjudice futur et durable qui doit en priorité bénéficier à l'assuré. Le législateur est du reste conscient du fait que les victimes de l'amiante, en regard de la législation actuelle, ne peuvent souvent pas bénéficier d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité. La plupart du temps, en effet, aucune rente d'invalidité n'est versée et le traitement médical se poursuit jusqu'au décès de l'assuré. C'est la raison pour laquelle le projet de consultation de la révision de la LAA du Département fédéral de l'intérieur prévoit de donner au Conseil fédéral la compétence d'adopter une réglementation spéciale pour ces situations (le projet peut être consulté sur l'adresse internet http://www.bag.admin.ch/themen/versicherung/00321/index.html?lang=fr ).
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A ce jour, la jurisprudence fédérale ne s'est pas prononcée au sujet de cette pratique. Il n'y a pas lieu de le faire en l'espèce. Cette pratique repose sur le principe d'une avance en faveur de l'assuré six mois après la survenance de la maladie. Elle ne peut donc pas être allouée après le décès de l'assuré en faveur de ses héritiers. Après le décès de l'assuré, seuls sont applicables les principes développés au considérant précédent.
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