BGE 142 V 192 |
21. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit social dans la cause A. contre Service de l'assurance-maladie du canton de Genève (recours en matière de droit public) |
9C_105/2016 du 5 avril 2016 |
Regeste |
Art. 6a Abs. 3 KVG; Art. 2 Abs. 6 KVV; Art. 1 Abs. 1 Anhang II FZA; Art. 4, Art. 11 Abs. 1 und 3 Bst. a, Art. 83 der Verordnung (EG) Nr. 883/2004; Anhang XI der Verordnung (EG) Nr. 883/2004. |
Sachverhalt |
Dans un courrier du 2 septembre 2014, le Service de l'assurance maladie du canton de Genève (ci-après: SAM) a informé A. des modalités d'exercice du droit d'option entre l'affiliation à l'assurance maladie suisse et la couverture maladie française. En cas d'option pour le régime français d'assurance, il lui incombait de compléter le formulaire de déclaration correspondant, muni du cachet et de la signature de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de son lieu de résidence, et de le renvoyer au SAM dans les trois mois; à défaut, elle serait affiliée d'office à l'assurance obligatoire des soins suisse. Le 9 septembre 2014, A. a demandé au SAM d'être exemptée de l'affiliation à l'assurance maladie suisse, en indiquant être au bénéfice d'un contrat d'assurance couvrant ce risque en France, en Suisse et dans l'Union européenne souscrit le 18 juin 2014 auprès de la société B. (sise en Grande-Bretagne). Elle précisait ne pas avoir à soumettre sa requête à la CPAM, motif pris de la nullité de plein droit de toute disposition légale, réglementaire ou conventionnelle "ne respectant pas les principes et l'esprit d'un règlement européen".
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Par décision du 22 décembre 2014, le SAM a refusé de dispenser A. de l'affiliation à l'assurance obligatoire des soins suisse, faute pour elle d'avoir produit le formulaire attestant de son affiliation en France au régime général d'assurance maladie. Par décision du 8 janvier 2015, il a affilié d'office l'intéressée auprès de la caisse-maladie C. SA, avec effet au 1er janvier 2015. Il a par ailleurs indiqué à A. qu'elle pouvait encore lui transmettre dans les trente jours le formulaire dûment complété, démarche qui serait alors considérée comme une demande d'annulation de son affiliation d'office.
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Le 7 avril 2015, le SAM a rendu deux décisions par lesquelles il a rejeté les oppositions formées par A. à l'encontre des prononcés des 22 décembre 2014 et 8 janvier 2015.
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C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A. demande au Tribunal fédéral d'annuler le jugement cantonal. Elle conclut principalement à ce qu'il constate qu'elle est affiliée à une assurance la couvrant pour le risque maladie en France, en Suisse et dans l'Union européenne, qu'elle respecte les conditions d'exemption à l'affiliation de l'assurance maladie suisse en conformité avec les règles de droit suisse et communautaire applicables, qu'elle est dispensée de s'assurer à l'assurance maladie suisse et qu'elle ne doit pas être affiliée d'office à "une assurance de type LAMal". A titre subsidiaire, elle demande le renvoi de la cause à la juridiction de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
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Extrait des considérants: |
Erwägung 3 |
3.2 Ce principe peut être assorti d'exceptions. En effet, en application de l'art. 83 du Règlement n° 883/2004, l'Annexe XI audit règlement régit les modalités particulières d'application des législations de certains Etats membres. Il en ressort notamment que les personnes soumises aux dispositions légales suisses peuvent, sur demande, être exemptées de l'assurance maladie obligatoire (LAMal) en tant qu'elles résident dans l'un des Etats suivants et peuvent prouver qu'elles y bénéficient d'une couverture en cas de maladie: Allemagne, Autriche, France, Italie et, dans certains cas, la Finlande et le Portugal (voir également Annexe II ALCP, section A, par. 1, let. i, ch. 3b). Cette faculté est communément appelée "droit d'option" (pour la situation sous l'empire du Règlement [CEE] n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté [RO 2004 121], applicable dans les rapports entre la Suisse et les Etats membres de l'Union européenne (UE) jusqu'au 31 mars 2012, voir ATF 135 V 339 consid. 4.3.2 p. 344).
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Erwägung 3.4 |
3.4.1 Jusqu'au 1er juin 2002, les relations entre la Suisse et la France en matière de sécurité sociale étaient exclusivement régies par la Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la République française du 3 juillet 1975 (RS 0.831.109.349.1). Les travailleurs frontaliers - sur cette notion, voir l'art. 1 let. f du Règlement n° 883/2004 - n'avaient alors pas l'obligation de s'affilier à la LAMal, faute de domicile en Suisse (art. 3 LAMal), mais ils en avaient la faculté (art. 3 OAMal). Lors des négociations de l'ALCP, les autorités françaises n'ont pas souhaité l'introduction d'un droit d'option, car cela revenait à remettre en cause le principe de l'unicité de la législation applicable. Elles sont revenues sur cette position de principe après avoir été saisies par le Groupement transfrontalier européen - dont la vocation est de veiller à l'intérêt des populations transfrontalières - d'un rapport insistant sur l'importance du droit d'option pour les travailleurs frontaliers. Sur la base des conclusions d'une expertise indépendante, le gouvernement français s'est engagé dans un premier temps à accepter un droit d'option, mais en faveur seulement des régimes nationaux (LAMal ou couverture maladie universelle [CMU]). Comme une majorité de travailleurs frontaliers se trouvait alors au bénéfice d'un contrat d'assurance privé, le gouvernement a finalement admis que le choix pouvait aussi se porter sur des opérateurs privés en cas d'option pour la couverture d'assurance en France (ATF 135 V 339 consid. 4.3.3 p. 344; voir également GUYLAINE RIONDEL BESSON, La sécurité sociale des travailleurs frontaliers dans le cadre de l'Accord sur la libre circulation des personnes, signé entre la Suisse et la Communauté européenne: l'exemple de l'assurance-maladie maternité, CGSS 30/2003 p. 25 s.).
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I. Les travailleurs frontaliers résidant en France et soumis obligatoirement à la législation suisse de sécurité sociale au titre des dispositions de l'accord du 21 juin 1999 entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, mais qui, sur leur demande, sont exemptés d'affiliation obligatoire au régime suisse d'assurance maladie en application des dispositions dérogatoires de cet accord, sont affiliés obligatoirement au régime général dans les conditions fixées par l'article L. 380-1.
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II. Toutefois, les travailleurs frontaliers occupés en Suisse et exemptés d'affiliation obligatoire au régime suisse d'assurance maladie peuvent demander à ce que les dispositions du I ne leur soient pas appliquées, ainsi qu'à leurs ayants droit, jusqu'à la fin des dispositions transitoires relatives à la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'Union européenne, soit douze ans à partir de l'entrée en vigueur de l'accord du 21 juin 1999 précité, à condition d'être en mesure de produire un contrat d'assurance maladie les couvrant, ainsi que leurs ayants droit, pour l'ensemble des soins reçus sur le territoire français. Ces dispositions ne sont pas applicables aux travailleurs frontaliers, ainsi qu'à leurs ayants droit, affiliés au régime général à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007. Les travailleurs ayant formulé une telle demande peuvent ultérieurement y renoncer à tout moment, pour eux-mêmes et pour leurs ayants droit indistinctement, et sont, à partir de la date de cette renonciation, affiliés au régime général en application des dispositions du I.
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3.5 Les modalités de l'exercice à compter du 1er juin 2014 du droit d'option en matière d'assurance-maladie entre la Suisse et la France ont été explicitées dans une note conjointe du 23 mai 2014 (Note conjointe relative à l'exercice du droit d'option en matière d'assurance maladie dans le cadre de l'Accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'Union européenne, document consultable à l'adresse: www.bag.admin.ch, sous la rubrique Assurance-maladie - Affaires internationales/UE/AELE - Obligation de s'assurer). A la différence de la note conjointe du 1er février 2013 valable jusqu'au 31 mai 2014, en vertu de laquelle les travailleurs frontaliers pouvaient faire usage de leur droit d'option soit en s'affiliant au régime général d'assurance maladie (CMU), soit en souscrivant à une assurance maladie privée, la note conjointe du 23 mai 2014 mentionne uniquement l'affiliation par l'inscription à la CPAM du lieu de résidence. Il y est par ailleurs expressément précisé que depuis le 1er juin 2014, il n'est plus possible de choisir entre souscrire un contrat d'assurance maladie privée et le régime général d'assurance maladie. La note conjointe décrit en outre les démarches à entreprendre. L'exemption au principe de l'assurance obligatoire en Suisse est conditionnée à la présentation du formulaire "Choix du système d'assurance-maladie applicable" attestant que l'intéressé est effectivement affilié en France au régime général d'assurance maladie. Le formulaire doit être obligatoirement visé par la CPAM du lieu de résidence de l'intéressé et être déposé dans les trois mois à compter de la soumission au régime suisse de sécurité sociale (1er jour de prise d'activité en Suisse) ou de la domiciliation en France auprès de l'autorité cantonale compétente en matière d'assurance maladie en ce qui concerne les travailleurs frontaliers. En l'absence de ce formulaire dûment rempli et visé, l'exemption à une couverture maladie suisse n'est pas possible.
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5.1 Comme cela a été précédemment mis en évidence (cf. supra consid. 3.1), le droit d'option constitue une dérogation au principe de la lex loci laboris (art. 11 par. 3 let. a du Règlement n° 883/2004) ainsi que du principe de l'unicité du droit applicable (art. 11 par. 1 du Règlement n° 883/2004). En instaurant le droit d'option des travailleurs frontaliers, la France a fait usage de la possibilité qui lui était offerte d'assurer sur son territoire des personnes qui y résident et qui, normalement, devraient être assurées en Suisse en raison de l'activité qu'elles y exercent, et, partant, de les libérer de l'obligation d'assurance dans cet Etat. Cette question doit cependant être clairement distinguée de celle relative à l'aménagement interne à la France des modalités d'assujettissement à l'assurance maladie. Ni l'art. 11 par. 3 let. a du Règlement n° 883/2004, ni l'inscription relative à la Suisse de l'annexe XI du Règlement n° 883/2004 n'ont pour objet de déterminer les conditions d'assujettissement au régime français de l'assurance maladie. Comme l'a rappelé à plusieurs reprises la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), il appartient à la législation de chaque Etat membre de déterminer ces conditions; celles-ci ne peuvent toutefois pas avoir pour effet d'exclure de l'application de la législation en cause les personnes auxquelles cette législation est applicable en vertu du Règlement n° 1408/71, respectivement du Règlement n° 883/2004 (arrêts de la CJUE du 3 mai 1990 C-2/89 Kits van Heijningen, Rec. 1990 I-1755, points 19 et 20 et du 4 juin 2015 C-543/13 Fischer-Lintjens, non encore publié au Recueil général, point 49 et l'arrêt Salemink cité).
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5.2 En conséquence, c'est à la France qu'il incombe de déterminer les conditions auxquelles les travailleurs frontaliers qui résident sur son territoire et souhaitent exercer leur droit d'option peuvent s'affilier à la branche "assurance maladie" du régime français de la sécurité sociale (voir LIONEL TAUXE, Assurance-maladie des travailleurs frontaliers: fin d'une solution sur mesure ou d'un privilège?, Sécurité sociale CHSS 4/2014 p. 251). En réaménageant à compter du 1er juin 2014 le droit d'option de telle sorte que les travailleurs frontaliers qui demandent à être assujettis en France sont obligatoirement assurés au régime général de l'assurance maladie (CMU) et en excluant à compter de la même date la possibilité de bénéficier d'un assujettissement équivalent par le biais de la souscription d'une assurance maladie privée, l'Etat français a opéré un choix législatif qui relève de sa compétence exclusive et qui ne saurait être remis en cause par les autorités suisses. Il n'en demeure pas moins que ce choix n'a pas pour effet d'exclure les travailleurs frontaliers du champ d'application de la législation nationale (suisse) qui leur est applicable en premier lieu en vertu du Règlement n° 883/2004.
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5.4 Pour le surplus, il peut être renvoyé aux considérations de la juridiction cantonale relatives à l'absence d'atteinte à l'ordre public suisse dans l'obligation qu'impose l'art. L. 308-3-1 du Code de la sécurité sociale aux résidents français travaillant en Suisse de se soumettre au régime général de l'assurance maladie (CMU) lorsqu'ils n'entendent pas être affiliés au régime suisse de la LAMal. On précisera cependant que la recourante fait une interprétation erronée de l'art. L. 380-1 du Code de la sécurité sociale, selon lequel toute personne résidant en France métropolitaine ou dans un département d'outre-mer de façon stable et régulière relève du régime général lorsqu'elle n'a droit à aucun titre aux prestations en nature d'un régime d'assurance maladie et maternité, lorsqu'elle en déduit qu'elle doit être considérée comme bénéficiant "à un autre titre" des prestations en nature d'un régime d'assurance maladie, au motif qu'elle dispose d'une couverture maladie par son contrat d'assurance maladie privée. Il ressort en effet de la décision n° 2015-460 QPC du Conseil constitutionnel français précitée (point 14) que par "régime d'assurance maladie et maternité" visé par l'art. L. 380-1 du Code de la sécurité sociale, il faut entendre un "régime obligatoire de base d'assurance maladie". Le Conseil constitutionnel français a retenu que "le législateur français s'est fixé pour objectif, selon les termes de l'art. L. 380-1, d'offrir une couverture d'assurance maladie de base aux personnes n'ayant 'droit à aucun titre aux prestations en nature d'un régime d'assurance maladie et maternité' [et] qu'à ce titre, il a prévu une affiliation obligatoire à la branche maladie du régime général de sécurité sociale des personnes résidant en France qui ne sont affiliées à aucun autre titre à un régime obligatoire de base d'assurance maladie". Or l'attestation d'adhésion au "contrat de groupe 'D.', placé auprès de certains assureurs de E." ne correspond pas à une affiliation à un régime obligatoire de base d'assurance maladie au sens de la définition donnée par le Conseil constitutionnel français.
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Erwägung 6 |
6.2 D'après l'art. 4 du Règlement n° 883/2004, les personnes auxquelles le présent règlement s'applique bénéficient, à moins que le présent règlement n'en dispose autrement, des mêmes prestations et sont soumises aux mêmes obligations, en vertu de la législation de tout Etat membre, que les ressortissants de celui-ci. Pour la Suisse, l'égalité de traitement ainsi définie interdit tout traitement discriminatoire dans l'application de sa propre législation entre un ressortissant de l'UE, entrant dans le champ d'application du Règlement n° 883/2004, et un citoyen suisse (voir ATF 136 V 182 consid. 7.1 p. 192 et les références). A l'inverse de ce que prétend la recourante, ce principe n'a pas pour effet d'obliger les autorités suisses à traiter tous les ressortissants européens de manière identique, sans égard à la législation nationale qui leur est applicable, et de les soumettre à des règles relatives à un Etat européen avec lequel ils n'ont aucun lien et dont la législation ne leur est pas applicable en vertu du Règlement n° 883/2004. En d'autres termes, il ne permet pas à la recourante de bénéficier d'un droit qui serait reconnu à un autre ressortissant européen (par exemple allemand) en vertu des modalités d'exercice du droit d'option applicables aux personnes résidant en Allemagne, dès lors qu'elle ne réside pas dans cet Etat et que, partant, l'application du régime allemand de sécurité sociale n'entre pas en considération. Il convient en revanche de relever qu'un travailleur frontalier de nationalité suisse, résidant en France et travaillant en Suisse, est confronté au même choix que la recourante et est tenu d'exercer son droit d'option entre l'assurance obligatoire des soins suisse ou le régime général d'assurance maladie français. Le grief est mal fondé.
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Erwägung 7 |