BGer 5P.60/2000 |
BGer 5P.60/2000 vom 06.03.2000 |
[AZA 0]
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5P.60/2000
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IIe COUR CIVILE
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6 mars 2000
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Composition de la Cour: M. Bianchi, juge présidant, Mme
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Nordmann et M. Merkli, juges. Greffier: M. Abrecht.
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Statuant sur le recours de droit public
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formé par
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X.________, représenté par Me Anne Ducommun, avocate à Neuchâtel,
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contre
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l'arrêt rendu le 23 décembre 1999 par l'autorité tutélaire de surveillance du canton de Neuchâtel, confirmant la fixation par l'autorité tutélaire du district de Neuchâtel de la rémunération due au recourant en sa qualité de curateur de Y.________;
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(art. 4 aCst. ; rémunération du curateur)
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Vu les pièces du dossier d'où ressortent
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les f a i t s suivants:
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A.- Le 17 décembre 1993, l'autorité tutélaire du district de Neuchâtel a instauré une mesure de curatelle volontaire sur Y.________, qui déclarait éprouver des difficultés à gérer ses affaires financières, et a désigné l'avocat X.________ en qualité de curateur.
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Dans un premier rapport du 5 juillet 1996, portant sur la période s'étendant du début de la mesure jusqu'à la fin de l'année 1995, le curateur a longuement exposé la situation de son pupille et proposé que ses honoraires soient fixés à 17'020 fr., 400 fr. de frais y compris, pour une activité estimée à 133 heures 30. Après avoir entendu le curateur et l'avoir à cette occasion invité à limiter son activité au nécessaire pour l'avenir, l'autorité tutélaire lui a alloué la rémunération demandée.
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B.- Le 16 décembre 1998, le curateur a fait parvenir à l'autorité tutélaire son rapport pour la période allant du 1er janvier 1996 au 31 août 1998. Il proposait - compte tenu d'un mémoire d'honoraires intermédiaire du 23 avril 1998 - que ses honoraires soient fixés à 14'023 fr. 95, 499 fr. 45 de frais y compris, pour une activité totale de 105 heures 30.
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Par décision du 26 janvier 1999, l'autorité tutélaire a approuvé le rapport et les comptes présentés par le curateur et fixé à 10'000 fr. sa rémunération, à payer par l'État. Elle a motivé sa décision par le fait que le curateur avait été averti à l'audience du 10 février 1997, rappelée par courrier du 14 septembre 1998, qu'il devait réduire son activité, et qu'il n'avait manifestement pas donné suite à ces injonctions.
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C.- Par arrêt rendu le 23 décembre 1999, l'autorité tutélaire de surveillance du canton de Neuchâtel a rejeté avec suite de frais le recours interjeté par le curateur contre cette décision. Elle a considéré que si la décision de l'autorité tutélaire était critiquable dans sa motivation, dès lors qu'elle ne précisait pas en quoi le curateur aurait exercé une activité superflue ni quels critères elle avait pris en considération pour arrêter la rémunération du recourant aux 10'000 fr. contestés, elle n'était en revanche pas arbitraire dans son résultat. En effet, au vu de la situation financière très obérée du pupille et de la nature de l'activité déployée - qui avait essentiellement consisté en des démarches administratives courantes ainsi qu'en une assistance personnelle et morale -, une rémunération de 500 fr. par mois ou de près de 95 fr. par heure échappait à toute critique.
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D.- Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral, le curateur conclut avec suite de frais et dépens à l'annulation de cet arrêt. Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
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Considérant en droit :
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1.- Le recours a pour objet une décision de dernière instance cantonale fixant la rémunération du curateur. La durée de la curatelle et sa rémunération sont fixées par l'autorité tutélaire (art. 417 al. 2 CC), dont la décision peut faire l'objet d'un recours à l'autorité de surveillance (art. 420 al. 2 CC). Quoique rendues par une autorité administrative (cf. ATF 113 II 394 consid. 2) dans un domaine ressortissant matériellement au droit administratif fédéral (Geiser, Basler Kommentar, Schweizerisches Zivilgesetzbuch I/2, 1999, n. 44 ad art. 420 CC), les décisions de l'autorité de surveillance ne peuvent être portées devant le Tribunal fédéral par la voie du recours de droit administratif, l'art. 100 let. g OJ disposant qu'un tel recours n'est pas recevable contre les décisions en matière de surveillance des autorités de tutelle.
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Le recours en réforme est également exclu tant au regard de l'art. 46 OJ - les décisions de l'autorité de surveillance en matière de tutelle, même lorsqu'elles portent sur des droits de nature pécuniaire, ne tranchant pas des contestations civiles (ATF 41 II 297) - qu'au regard de l'art. 44 OJ, qui ne mentionne pas parmi les décisions gracieuses pouvant faire l'objet d'un recours en réforme celle fixant la rémunération du curateur (Geiser, op. cit. , n. 44 ad art. 420 CC). Une telle décision pourrait dès lors en principe être attaquée par la voie du recours en nullité (art. 68 al. 1 OJ; Geiser, op. cit. , n. 44 ad art. 420 CC), mais pour les seuls motifs de nullité prévus par l'art. 68 al. 1 OJ, qui ne sont pas en cause en l'espèce (cf. consid. 2 infra).
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Il s'ensuit que le recours de droit public est recevable au regard du principe de la subsidiarité absolue ancré à l'art. 84 al. 2 OJ (cf. ATF 116 II 399; 113 II 394).
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2.- a) Dans la mesure où le recourant s'en prend tout d'abord à la motivation de la décision de l'autorité tutélaire - en alléguant que demander à un curateur privé de réduire son activité au strict nécessaire (au demeurant jamais défini) pour des raisons de prise en charge financière reviendrait à créer des différences insoutenables avec les curateurs professionnels de l'office des tutelles, lesquels ne sont jamais soumis à de telles restrictions -, sa critique tombe à faux. En effet, les juges cantonaux se sont justement distanciés de cette motivation en considérant qu'au regard de la totalité des heures indiquées par le recourant, la rémunération allouée n'était pas arbitrairement basse.
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b) aa) Le recourant se plaint ensuite précisément de ce qu'une rémunération horaire de 95 fr. pour un avocat agissant en qualité de curateur serait arbitraire, car elle ne tiendrait pas compte des charges inhérentes à l'activité indépendante de l'avocat. Le recourant invoque à cet égard par analogie la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle la rémunération de l'avocat d'office doit au moins couvrir ses frais généraux, qui représentent d'ordinaire entre 40% et 50% de son revenu professionnel brut (cf. SJ 1996 p. 667).
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Dès lors qu'en juin 1999, l'Ordre des avocats neuchâtelois a adapté ses usages pour la fixation des honoraires en augmentant la rémunération horaire de 210 fr. (montant fixé en 1994) à 220 fr., le tarif horaire appliqué en l'espèce n'aurait pas dû être inférieur à 110 fr. Le recourant souligne qu'à l'instar de l'avocat d'office, le curateur doit accepter la mission qui lui est confiée. Dès lors, même si sa rémunération peut être inférieure au tarif applicable à sa profession lorsque son mandat se limite à la gestion des biens de son pupille, elle ne peut se limiter à un tarif horaire qui ne couvre même pas ses frais généraux.
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bb) Aux termes de l'art. 417 al. 2 CC, la durée de la curatelle et sa rémunération sont fixées par l'autorité tutélaire. La loi ne précise pas comment doit être fixée cette rémunération. Selon la doctrine et la jurisprudence quasi unanimes, ce n'est que lorsque le curateur doit fournir des services propres à son activité professionnelle qu'il a droit à une rémunération particulière, fixée en principe sur la base du tarif professionnel reconnu; même en pareil cas, l'autorité tutélaire conserve néanmoins un certain pouvoir d'appréciation, lui permettant selon les circonstances - notamment en fonction de la situation économique du pupille - de réduire l'indemnité qui serait due selon le tarif (ATF 116 II 399 consid. 4b).
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cc) En l'espèce, le recourant ne conteste pas que la mission qui lui a été confiée a essentiellement consisté en des démarches administratives courantes ainsi qu'en une assistance personnelle et morale et qu'elle ne requérait ainsi pas de connaissances professionnelles particulières, à la différence de l'activité de l'avocat d'office. Le recourant ne saurait ainsi prétendre à une rémunération équivalente à celle d'un avocat d'office du simple fait qu'il était également tenu d'accepter sa mission (cf. art. 382 al. 1 et 367 al. 3 CC). Tandis que le mandat d'avocat d'office entre dans le cadre de l'activité et des obligations professionnelles de l'avocat (cf. art. 12 ss de la loi neuchâteloise sur l'assistance judiciaire et administrative, RSN 161. 3), la fonction de curateur privé compète à toute personne majeure de sexe masculin apte à remplir ces fonctions (cf. art. 379 al. 1, 382 al. 1 et 367 al. 3 CC) et peut être limitée à deux tutelles ou curatelles (cf. Häfeli, Basler Kommentar, Schweizerisches Zivilgesetzbuch I/2, 1999, n. 9 ad art. 382/383 CC) ou à une tutelle ou curatelle particulièrement absorbante (art. 383 ch. 4 CC). Dans la mesure où l'avocat désigné comme curateur ne doit pas fournir des services propres à son activité professionnelle, il ne s'impose donc pas de tenir compte de ses charges professionnelles dans la fixation de sa rémunération, qui doit néanmoins rester équitable.
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En l'occurrence, une rémunération horaire de 95 fr., représentant 45% du tarif horaire de 210 fr. fixé par l'Ordre des avocats neuchâtelois pour la période considérée, ne saurait être qualifiée d'arbitrairement basse.
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c) Le recourant se plaint enfin d'une violation du principe de la confiance. Selon lui, le fait que l'autorité tutélaire avait admis le tarif horaire de 124 fr. qu'il avait invoqué pour la première période de son activité (1994/1995) "constitu[ait] sans aucun doute une promesse quant à au moins appliquer ledit tarif à l'avenir".
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Ce grief tombe à faux. En effet, l'autorité, qui dispose d'un certain pouvoir d'appréciation lorsqu'il s'agit de fixer la rémunération du curateur, peut appliquer un tarif plus bas que celui admis précédemment si les honoraires réclamés lui apparaissent trop élevés dans leur ensemble (ATF 116 II 399 consid. 4d). Or c'est précisément ce qu'ont fait les juges cantonaux en considérant que le recourant ne saurait tirer argument d'une comparaison avec la rémunération "pour le moins généreuse" obtenue en février 1997 (arrêt attaqué, consid. 2b in fine).
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3.- En définitive, le recours se révèle manifestement mal fondé et ne peut dès lors qu'être rejeté, avec suite de frais pour son auteur (art. 156 al. 1 OJ).
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Par ces motifs,
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le Tribunal fédéral,
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vu l'art. 36a OJ:
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1. Rejette le recours.
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2. Met un émolument judiciaire de 1'500 fr. à la charge du recourant.
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3. Communique le présent arrêt en copie au mandataire du recourant et à l'autorité tutélaire de surveillance du canton de Neuchâtel.
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Lausanne, le 6 mars 2000 ABR/frs
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Au nom de la IIe Cour civile
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du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
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Le Juge présidant,
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Le Greffier,
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