BGer 6S.395/2001 |
BGer 6S.395/2001 vom 10.07.2001 |
[AZA 0/2]
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6S.395/2001/ROD
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COUR DE CASSATION PENALE
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10 juillet 2001
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Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
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M. Wiprächtiger et M. Kolly, Juges. Greffier: M. Denys.
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Statuant sur le pourvoi en nullité
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formé par
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X.________, représenté par Me Stefan Disch, avocat à Lausanne,
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contre
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l'arrêt rendu le 17 avril 2001 par le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois dans la cause qui oppose le recourant à Y.________;
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(art. 8 al. 1 let. c LAVI)
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Vu les pièces du dossier d'où ressortent
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les faits suivants:
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A.- Par ordonnance de condamnation du 27 février 2001, le Juge d'instruction de l'arrondissement de La Côte a condamné Y.________, pour actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP), à trois mois d'emprisonnement avec sursis durant deux ans. Il en ressort qu'à la fin avril ou au début mai 2000, Y.________ a caressé par dessus les habits le sexe de X.________, lequel souffre d'un important handicap mental. Le juge a retenu la version des faits de Y.________ et l'a mis au bénéfice du doute s'agissant des actes de sodomie qui lui étaient reprochés. Pour la procédure cantonale, l'avocat Stefan Disch a été désigné comme curateur de représentation et conseil d'office de X.________.
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B.- Par arrêt du 17 avril 2001, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois a déclaré irrecevable l'opposition formée par X.________ contre l'ordonnance de condamnation et a maintenu ladite ordonnance.
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C.- X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il conclut à l'annulation de la décision attaquée et sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire.
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Considérant en droit :
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1.- a) L'art. 270 let. e ch. 2 PPF, entré en vigueur le 1er janvier 2001 (RO 2000 III p. 2721 et 2723), prévoit que la victime peut se pourvoir en nullité si elle peut faire valoir une violation des droits que lui accorde la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI; RS 312. 5). Par cette disposition, le législateur a codifié la jurisprudence antérieure (ATF 122 IV 37 consid. 1a p. 40 et les arrêts cités).
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b) Eu égard aux reproches d'actes d'ordre sexuel commis sur lui par l'intimé, le recourant apparaît comme une victime au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI. Il est donc légitimé à faire valoir une violation des droits que lui accorde la LAVI. En l'espèce, il invoque une violation de l'art. 8 al. 1 let. c LAVI pour le motif qu'il a été indûment privé d'une voie de droit cantonale. Selon l'art. 8 al. 1 let. c LAVI, la victime peut intervenir dans la procédure et, en particulier, former contre le jugement les mêmes recours que le prévenu, si elle était déjà partie à la procédure auparavant et dans la mesure où la sentence touche ses prétentions civiles ou peut avoir des effets sur le jugement de ces dernières.
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c) Le Code de procédure pénale vaudois (CPP/VD) permet à certaines conditions au juge d'instruction durant la phase de l'enquête de rendre une ordonnance de condamnation et de statuer ainsi sur la peine et les conclusions civiles (art. 264 CPP/VD). Lorsque le juge d'instruction envisage de rendre une telle ordonnance, il en informe les parties, lesquelles peuvent formuler toute réquisition, la partie civile pouvant en outre prendre des conclusions civiles sommairement motivées (art. 188 al. 2 CPP/VD). La victime peut faire opposition à l'ordonnance de condamnation dans la mesure où elle touche ses prétentions civiles ou peut avoir des effets sur le sort de ces dernières (art. 267 al. 5 CPP/VD). Lorsque le juge d'instruction rend une ordonnance de condamnation sur une partie des faits seulement et considère que les autres faits ne sont pas punissables, l'ordonnance peut être attaquée par la voie de l'opposition, l'ensemble de la cause étant alors portée devant le tribunal d'accusation, qui statue comme en cas de recours contre une ordonnance de non-lieu et de renvoi (art. 271 CPP/VD).
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Il apparaît donc que le canton de Vaud n'a pas fait usage de la faculté ouverte par l'art. 9 al. 4 LAVI, qui, en ce qui concerne les prétentions civiles, habilite les cantons à édicter des dispositions différentes pour la procédure de l'ordonnance pénale et à exclure ainsi les droits prévus aux lettres a et c de l'art. 8 al. 1 LAVI (cf. ATF 122 IV 79 consid. 4a/cc in fine p. 89). Au contraire, l'art. 267 al. 5 CPP/VD se calque sur la formulation de l'art. 8 al. 1 let. c LAVI.
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d) L'état de fait contenu dans l'arrêt attaqué est sommaire. Dans la mesure toutefois où l'arrêt renvoie aux pièces du dossier, il est possible de s'y référer.
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Le 2 novembre 2000, le juge d'instruction a indiqué aux parties qu'il pensait rendre une ordonnance de condamnation et leur a rappelé la teneur de l'art. 188 al. 2 CPP/VD, en particulier la possibilité de prendre des conclusions civiles. Le 22 novembre 2000, le recourant, par l'entremise de son curateur et conseil d'office, a requis un complément d'instruction; il a relevé n'avoir jamais comparu devant le juge et que sa version des faits divergeait de celle de l'intimé s'agissant des actes de sodomie; il a sollicité son audition par le juge, le cas échéant avec l'assistance d'une personne spécialisée, ainsi que la diffusion en présence des conseils des parties de la cassette vidéo enregistrée lors de son audition par la police; il a réservé la possibilité de demander une expertise de crédibilité; enfin, il a requis qu'un délai lui soit imparti après les mesures d'instruction pour articuler ses prétentions civiles. Le 6 février 2001, le juge d'instruction a de nouveau avisé les parties qu'il se proposait de rendre une ordonnance de condamnation et a renvoyé à l'art. 188 al. 2 CPP/VD. Par courrier du 9 février 2001, le recourant s'est étonné de n'avoir pas été informé de la suite donnée à ses réquisitions. Le juge d'instruction a répondu le 12 février 2001 qu'il était libre de donner suite ou non aux réquisitions des parties et que celles-ci pouvaient en tout temps l'interpeller afin de connaître l'évolution de l'enquête.
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Le Tribunal d'accusation a exposé que le recourant avait reçu deux avis du juge d'instruction l'invitant notamment à prendre des conclusions civiles, qu'il n'indiquait pas dans son opposition pour quelles raisons il n'en avait pas prises et que rien ne permettait de discerner ce qui aurait pu l'empêcher de conclure sur le fond. Dans ces conditions, le Tribunal d'accusation a considéré que le recourant ne pouvait bénéficier de l'art. 8 al. 1 let. c LAVI et a ainsi écarté son opposition et maintenu l'ordonnance de condamnation.
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e) Pour pouvoir recourir selon l'art. 8 al. 1 let. c LAVI, la victime doit avoir eu qualité de partie dans le cours de la procédure pénale; elle doit avoir élevé des prétentions civiles pour autant que cela pouvait raisonnablement être exigé d'elle; la sentence pénale doit avoir des effets sur ses prétentions civiles; la victime doit enfin indiquer en quoi ces conditions sont réunies (sur l'ensemble de ces conditions, cf. ATF 120 IV 44 consid. I/4-8 p. 51 ss; Corboz, Les droits procéduraux découlant de la LAVI, SJ 1996, p. 53 ss, spéc. 76 ss).
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Il ne fait aucun doute que le recourant était une partie dans la procédure cantonale. Il n'a pas pris de conclusions civiles alors que la procédure cantonale a été menée jusqu'à un stade qui lui aurait permis de le faire puisqu'à deux reprises il a été invité à articuler ses prétentions. Il s'agit donc d'examiner si l'abstention du recourant s'explique par des motifs compréhensibles.
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Si l'on n'en discerne pas, le recourant ne saurait bénéficier de l'art. 8 al. 1 let. c LAVI. Cela découle de la conception même de la LAVI, qui a en particulier pour but de permettre à la victime de faire valoir ses prétentions dans la procédure pénale elle-même.
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Le recourant ne fournit aucune justification à son abstention mais se borne à dire qu'il a requis du juge d'instruction un complément d'enquête et que la procédure devant celui-ci n'offre pas les mêmes garanties que devant un tribunal. Il n'indique pas ce qui l'aurait empêché de chiffrer ses conclusions ni en quoi précisément le complément d'enquête requis aurait été décisif pour établir ses prétentions. Eu égard à l'infraction en cause, il pouvait, indépendamment d'un éventuel dommage, prétendre à une indemnité pour tort moral. Alors que l'intimé a uniquement reconnu avoir prodigué des caresses, le recourant prétend avoir également subi des actes de sodomie.
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Cette divergence n'est certes pas sans incidence sur l'étendue de la réparation morale. Cependant, même lorsqu'une affaire est menée jusqu'au stade du jugement, il est fréquent que de profondes divergences subsistent entre l'accusé et la victime quant aux faits. Cette situation ne saurait justifier que la victime s'abstienne de prendre des conclusions civiles car, sinon, cela reviendrait à dire qu'il n'est possible d'en prendre que si l'accusé a reconnu la matérialité des faits. Sans explication de sa part, rien ne permet de discerner pourquoi le recourant n'a pas été en mesure d'articuler ses prétentions dans le cadre de la procédure pénale. Aussi, faute d'avoir conclu sur le fond, ne saurait-il bénéficier de l'art. 8 al. 1 let. c LAVI et remettre en cause le prononcé pénal. Le Tribunal d'accusation n'a pas violé le droit fédéral.
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Pour le reste, le recourant relève qu'en procédure vaudoise, l'opposition à une ordonnance de condamnation n'a pas besoin d'être motivée. Il invoque de la sorte non pas une violation du droit fédéral mais du droit cantonal de procédure, ce qui n'est pas admissible dans un pourvoi (cf. art. 269 PPF).
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2.- Les frais doivent être mis à la charge du recourant qui succombe (art. 278 al. 1 PPF).
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Comme le pourvoi était d'emblée dépourvu de chances de succès, l'assistance judiciaire est refusée (art. 152 al. 1 OJ).
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Il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité à l'intimé, qui n'a pas eu à intervenir dans la procédure devant le Tribunal fédéral.
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Par ces motifs,
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le Tribunal fédéral,
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1. Rejette le pourvoi dans la mesure où il est recevable.
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2. Rejette la requête d'assistance judiciaire.
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3. Met un émolument judiciaire de 500 francs à la charge du recourant.
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4. Communique le présent arrêt en copie au mandataire du recourant, à l'intimé et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois.
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Lausanne, le 10 juillet 2001
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Au nom de la Cour de cassation pénale
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du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
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Le Président,
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Le Greffier,
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