BGer 1P.110/2001
 
BGer 1P.110/2001 vom 30.07.2001
[AZA 1/2]
1P.110/2001
Ie COUR DE DROIT PUBLIC
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30 juillet 2001
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Nay, Aeschlimann, Féraud et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante. Greffier: M. Jomini.
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Statuant sur le recours de droit public
formé par
la commune d'Orbe, représentée par Me Stefan Graf, avocat à Lausanne,
contre
l'arrêté pris le 8 janvier 2001 par le Conseil d'Etat du canton de Vaud, relatif à la création de trois aires provisoires de stationnement temporaire pour les gens du voyage, le Conseil d'Etat étant représenté par Me Denis Sulliger, avocat à Vevey;
(aménagement du territoire)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- Le Conseil d'Etat du canton de Vaud a pris le 8 janvier 2001 un arrêté relatif à la création de trois aires provisoires de stationnement temporaire pour les gens du voyage, dont le texte est le suivant:
Le Conseil d'Etat du canton de Vaud,
vu les articles 5 et 7 de la Constitution fédérale,
vu l'article 36, alinéa 2 de la loi fédérale
sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979
(LAT),
vu l'article 5 de la loi du 4 décembre 1985 sur
l'aménagement du territoire et les constructions,
vu le préavis du Département de la sécurité et
de l'environnement et du Département des infrastructures,
arrête:
Article premier.- Compte tenu du manque avéré
d'aires de stationnement pour les gens du voyage
sur le territoire cantonal, de la récente dégradation
des relations entre la population et les gens
du voyage, ainsi que des risques importants pour la
sécurité publique et pour la propriété qui en découlent,
le Conseil d'Etat prend les dispositions
nécessaires suivantes.
Le présent arrêté a pour objet de permettre à
titre provisoire et urgent la création de trois
aires de stationnement pour les gens du voyage et
d'arrêter à cette fin la procédure y relative.
Art. 2.- Ces trois aires sont réparties sur le
territoire cantonal et localisées de la manière
suivante:
Région Ouest - Parcelle n° 718, située au lieu- dit "Les Allevays" sur la commune de Saint-Cergue
(propriété de la commune de Nyon);
Région Nord - Parcelle n° 33, située au lieu- dit "En Rozaigue" sur la commune d'Orbe (propriété
de l'Etat de Vaud);
Région Lausanne - Parcelle n° 1042 (ancienne
n° 262), située sur la commune de Cheseaux-sur- Lausanne (propriété de l'Etat de Vaud).
Art. 3.- Les gens du voyage peuvent occuper
ces aires pendant les mois de mars à novembre pour
de courts séjours.
Art. 4.- En dérogation aux procédures ordinaires
prévues par la LATC, les aires de stationnement
mentionnées à l'article 2 peuvent être aménagées de
manière provisoire, sommaire et réversible.
Art. 5.- Le Département de la sécurité et de
l'environnement (DSE) est chargé d'engager les procédures
ordinaires prévues par la LATC afin d'obtenir
une planification adéquate et un permis de
construire pour chacune des trois aires mentionnées
à l'article 2, dans un délai maximal de trois ans à
compter de l'adoption du présent arrêté.
Art. 6.- Comme c'est le cas pour les aires
déjà existantes à Payerne et Rennaz, l'Etat assurera
la gestion de ces nouvelles aires. L'encaissement
des taxes de stationnement sera en principe
effectué par la gendarmerie cantonale vaudoise et
ces taxes tiendront compte des coûts de nettoyage
et/ou de remise en état des lieux.
Art. 7.- Le présent arrêté entre en vigueur
dès son adoption par le Conseil d'Etat. Il prend
fin à l'issue des procédures prévues à l'article 5,
mais au plus tard le 31 décembre 2003.
Art. 8.- Le Département de la sécurité et de
l'environnement et le Département des infrastructures
sont chargés conjointement de son exécution.
L'arrêté a été publié tel quel dans la Feuille des avis officiels du canton de Vaud le 19 janvier 2001.
B.- La parcelle destinée à accueillir l'aire de stationnement de la "région Nord", à Orbe, a une surface de 14'841 m2; elle se trouve au bord d'une route, à l'extérieur de la localité, et elle a été classée dans la zone agricole du plan général d'affectation de la commune d'Orbe, entré en vigueur en 1986.
C.- Agissant par la voie du recours de droit public, la commune d'Orbe demande au Tribunal fédéral d'annuler entièrement l'arrêté du 8 janvier 2001, subsidiairement de l'annuler en tant qu'il a trait à la création d'une aire provisoire de stationnement temporaire pour les gens du voyage sur la parcelle n° 33, située au lieu-dit "En Rozaigue" sur son territoire. Elle se plaint en substance d'une violation de son autonomie et d'une application arbitraire des règles d'aménagement du territoire, en particulier de l'art. 36 al. 2 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700), cité en préambule de l'arrêté.
Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours.
La commune recourante, invitée à déposer un mémoire complétif conformément à l'art. 93 al. 2 OJ, maintient ses conclusions après avoir eu connaissance de la motivation présentée par le Conseil d'Etat.
D.- Le Tribunal fédéral a rendu le 3 avril 2001 un premier arrêt dans cette cause. Il a déclaré partiellement irrecevable le recours de la commune d'Orbe, traité comme un recours de droit administratif, en tant qu'il était dirigé contre l'autorisation d'aménager la parcelle n° 33, au lieu-dit "En Rozaigue" à Orbe, conformément à ce que prévoit l'art. 4 de l'arrêté du 8 janvier 2001; il a transmis l'affaire au Tribunal administratif du canton de Vaud afin qu'il statue, le cas échéant, sur ce point. Pour le reste, le Tribunal fédéral a décidé de poursuivre l'instruction du recours de droit public.
Le Tribunal fédéral a considéré, dans cet arrêt, que les travaux prévus dans le cas particulier pour l'aménagement du sol et l'équipement, même qualifiés de provisoires, nécessitaient une autorisation de construire en vertu de l'art. 22 al. 1 LAT. Ces installations n'étant manifestement pas conformes à l'affectation de la zone agricole, elles requièrent une dérogation ou autorisation exceptionnelle au sens des art. 24 ss LAT. L'art. 4 de l'arrêté du 8 janvier 2001, qui autorise la réalisation immédiate de l'aire de stationnement, contient implicitement cette décision. Or, en vertu du droit fédéral (art. 98a al. 1 OJ en relation avec l'art. 34 al. 1 LAT), une voie de recours devant une autorité judiciaire cantonale doit en pareil cas être ouverte. Aussi l'affaire a-t-elle été transmise au Tribunal administratif cantonal, dans la mesure où la contestation portait sur l'autorisation de construire.
Le Tribunal fédéral a par ailleurs considéré, sur la base d'un premier examen sommaire, que les autres dispositions contestées de l'arrêté du 8 janvier 2001, concernant la planification de l'utilisation du sol aux trois emplacements mentionnés à l'art. 2, pourraient éventuellement être assimilées à des mesures adoptées dans le cadre du plan directeur cantonal ou dans une procédure débouchant sur l'établissement d'un plan d'affectation cantonal ou communal. Le recours de droit public pouvait, le cas échéant, être formé directement contre ces mesures d'aménagement du territoire (cf. art. 34 al. 3 LAT).
E.- Après le jugement partiel du 3 avril 2001, le Tribunal fédéral a invité la recourante à déposer un mémoire complétif (cf. supra, let. C); aucune autre mesure d'instruction n'a été ordonnée.
Auparavant, par une ordonnance du 15 mars 2001, le Président de la Ie Cour de droit public avait admis la requête d'effet suspensif présentée par la commune d'Orbe, à propos de la réalisation des travaux d'aménagement de la parcelle n° 33 précitée. Ces mesures provisionnelles fondées sur le droit fédéral ont pris fin avec l'arrêt du 3 avril 2001, reconnaissant la compétence du Tribunal administratif cantonal pour statuer sur la validité de cette autorisation de construire et, partant, depuis la transmission de l'affaire, pour suspendre le cas échéant à titre provisoire les effets de l'art. 4 de l'arrêté du 8 janvier 2001.
Considérant en droit :
1.- Comme cela a déjà été exposé dans l'arrêt du 3 avril 2001, l'arrêté attaqué contient différentes mesures, décisions ou prescriptions. En matière d'aménagement du territoire, son art. 4 équivaut à une autorisation de construire pour l'aménagement immédiat d'une aire de stationnement pour les gens du voyage sur le territoire de la commune recourante; cette autorisation n'est plus litigieuse devant le Tribunal fédéral depuis l'arrêt du 3 avril 2001 (cf. supra, let. D).
L'art. 5 de l'arrêté attaqué dispose par ailleurs que seront engagées par un département cantonal les "procédures ordinaires prévues par la [loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC)] afin d'obtenir une planification adéquate et un permis de construire" pour trois aires de stationnement pour les gens du voyage, dont la localisation est définie à l'art. 2 de cet arrêté. Le but de cette démarche du canton est exposé aux art. 1er et 3 de l'arrêté attaqué. Par ces mesures, le gouvernement cantonal entend régler, du point de vue de l'aménagement du territoire, certains problèmes posés par le séjour des gens du voyage dans le canton de Vaud. On peut considérer qu'il s'agit là d'une activité ayant des effets sur l'organisation du territoire, dès lors que des emplacements doivent être réservés à cette utilisation. Des mesures de planification, prises dans le cadre du plan directeur cantonal (art. 6 ss LAT) ou dans un plan d'affectation (art. 14 ss LAT), voire éventuellement sous une autre forme prévue par le droit cantonal de l'aménagement du territoire, pourraient donc se justifier. Il serait alors possible d'adopter ces mesures de planification parallèlement à la délivrance d'autorisations de construire dérogatoires, qui précisément ne sont pas conformes à la planification actuelle. On peut, en d'autres termes, contester séparément les mesures prévues dans l'arrêté attaqué en matière de planification. Tel est, selon le mémoire complétif de la recourante, le sens du recours de droit public après que le Tribunal fédéral a prononcé l'irrecevabilité des griefs contre l'autorisation de construire délivrée selon l'art. 4 de l'arrêté attaqué.
Cet arrêté prévoit encore, à son art. 6, que l'Etat assurera la gestion des aires de stationnement; il fixe certaines modalités des taxes d'utilisation. Cette prescription, qui ne concerne pas directement l'aménagement du territoire, n'est pas contestée par la recourante. Il en va de même des dispositions finales des art. 7 et 8 de l'arrêté.
L'objet de la contestation étant ainsi délimité, il convient d'examiner la recevabilité du recours de droit public.
Le Tribunal fédéral se prononce d'office et librement à ce sujet (ATF 127 III 41 consid. 2a p. 42; 126 I 207 consid. 1 p. 209 et les arrêts cités).
2.- a) Le recours de droit public formé par une commune pour violation de son autonomie est, selon la jurisprudence, un recours "pour violation de droits constitutionnels des citoyens", au sens de l'art. 84 al. 1 let. a OJ, et les conditions légales de recevabilité des art. 84 ss OJ s'y appliquent (cf. notamment ATF 119 Ia 214 consid. 1a p. 216; 103 Ia 468 consid. 4a p. 474; Walter Kälin, Das Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde, 2e éd. Berne 1994 p. 42).
Dans sa disposition consacrée à la juridiction constitutionnelle, la nouvelle Constitution fédérale, du 18 avril 1999, mentionne spécialement ce recours (réclamation pour violation de l'autonomie des communes - art. 189 al. 1 let. b Cst.), en le distinguant des autres recours (ou réclamations) pour violation de droits constitutionnels (art. 189 al. 1 let. a Cst.). On ne saurait cependant déduire de cette formulation, en l'état de la législation fédérale, qu'il faut soumettre le recours de droit public pour violation de l'autonomie communale à d'autres conditions que celles applicables au recours de droit public pour violation de droits constitutionnels des citoyens selon l'art. 84 al. 1 let. a OJ. Le Message du Conseil fédéral relatif à la nouvelle Constitution fédérale expose du reste que cette mention spéciale du recours pour violation de l'autonomie communale n'a pas d'autre portée que de consacrer expressément la solution jurisprudentielle (FF 1997 I 433; cf. Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. I, Berne 2000, p. 726).
b) Selon la jurisprudence relative à l'art. 84 al. 1 let. a OJ, le recours pour violation de droits constitutionnels des citoyens n'est recevable que si l'acte attaqué, pris sous la forme d'un arrêté de portée générale ou d'une décision particulière, affecte d'une façon quelconque la situation juridique du justiciable, notamment en lui imposant une obligation de faire, de s'abstenir ou de tolérer (ATF 125 I 119 consid. 2a p. 121; 113 Ia 232 consid. 1 p. 234 et les arrêts cités). La commune qui se plaint d'une violation de son autonomie doit elle aussi être atteinte ou affectée dans sa situation juridique, en tant que détentrice de la puissance publique (cf. ATF 124 I 223 consid. 1b p. 226 et les arrêts cités).
Les dispositions de l'arrêté attaqué en matière d'aménagement du territoire, seules litigieuses devant le Tribunal fédéral (art. 5, en relation avec les art. 1er, 2 et 3 - cf. supra, consid. 1), n'ont pas un caractère purement général et abstrait, puisqu'elles se rapportent à l'utilisation, dans des conditions bien définies, de trois terrains désignés de façon précise (à Saint-Cergue, Orbe et Cheseaux-sur-Lausanne). Cela étant, il est généralement difficile de déterminer la nature juridique des instruments d'aménagement du territoire si l'on se réfère aux régimes classiques du droit administratif, celui de la norme ou celui de la décision (cf. notamment Pierre Moor, Droit administratif, vol. II, Berne 1991, p. 290). Cette question est d'autant plus délicate quand la mesure d'aménagement du territoire est contenue dans un acte qui, comme l'arrêté attaqué, ne se présente pas d'emblée sous la forme d'un plan - plan directeur ou plan d'affectation - prévu par la législation fédérale ou cantonale. Il faut donc déterminer quels sont les effets juridiques de cet acte, et examiner en particulier s'il s'apparente à un plan directeur cantonal ou à un plan d'affectation, la jurisprudence ayant déjà résolu à ce propos la question de la recevabilité du recours de droit public.
Ainsi, une décision cantonale sur l'adoption d'un plan d'affectation, vu les effets contraignants de ce plan sur le mode d'utilisation du sol (art. 14 al. 1 LAT), peut faire l'objet d'un recours de droit public de la part du propriétaire touché mais aussi de la commune concernée; c'est le cas par exemple lorsqu'un plan communal n'est pas approuvé par l'autorité cantonale (cf. ATF 119 Ia 300; 111 Ia 129; Alfred Kuttler, Zum Schutz der Gemeindeautonomie in der neueren bundesgerichtlichen Rechtsprechung, in: Juridiction constitutionnelle et juridiction administrative, Zurich 1992 p. 54), ou lorsque le canton adopte un plan d'affectation en se substituant à la commune, ou encore crée un zone réservée (cf. ATF 114 Ia 291; 111 Ia 67). Par ailleurs, s'agissant des plans directeurs des cantons, la jurisprudence se fonde sur la règle de l'art. 9 al. 1 LAT, aux termes de laquelle ces plans ont force obligatoire pour les autorités, pour admettre que les communes peuvent être atteintes par un tel plan dans leur situation juridique et, partant, former un recours de droit public (ATF 119 Ia 285 consid. 4a p. 294 et les arrêts cités; Kuttler, op. cit. , p. 51). En revanche, comme les plans directeurs n'ont selon la loi aucune force obligatoire pour les particuliers, notamment pour les propriétaires fonciers, la voie du recours de droit public, contre le plan directeur lui-même, ne leur est pas ouverte (cf. ATF 119 Ia 285 consid. 3b p. 289; 113 Ib 299 consid. 2b p. 302).
c) aa) Dans sa réponse au recours de droit public, le Conseil d'Etat expose que l'art. 5 de l'arrêté attaqué prévoit l'élaboration de plans d'affectation cantonaux au sens de l'art. 45 al. 2 LATC et que cet arrêté déroge à l'autonomie communale. Cette réponse n'est pas plus précise quant aux effets juridiques de cet acte. Les normes du droit de l'aménagement du territoire citées dans le préambule de l'arrêté attaqué (l'art. 36 al. 2 LAT et l'art. 5 LATC) ne donnent pas davantage des indications claires à ce sujet. L'art. 5 al. 1 LATC permet au Conseil d'Etat d'adopter des arrêtés destinés à compléter la loi cantonale; cette disposition ne définit toutefois ni le contenu, ni la portée de ces arrêtés.
Quant à l'art. 36 al. 2 LAT, il autorise les gouvernements cantonaux à prendre des mesures provisionnelles (dans le texte allemand: "vorläufige Regelungen") aussi longtemps que le droit cantonal n'aura pas désigné d'autres autorités compétentes.
Il n'est pas certain que le gouvernement cantonal puisse, après que la législation cantonale sur l'aménagement du territoire a été adaptée aux exigences de la loi fédérale de 1979 et à celles d'autres lois fédérales ayant des incidences sur l'utilisation du sol - telle la loi fédérale sur la protection de l'environnement (LPE) -, se prévaloir encore de l'art. 36 al. 2 LAT non pas pour compléter la réglementation cantonale mais pour déroger aux règles ordinaires lorsqu'il est confronté à un problème d'aménagement concret nécessitant des mesures d'urgence (cf. ATF 117 Ia 352 consid. 5 p. 357; 114 Ib 321 consid. 4a-b p. 325; 108 Ib 479 consid. 2b p. 482; Alexander Ruch, Commentaire LAT, Zurich 1999, n. 18 ad art. 36 LAT); cette question peut néanmoins demeurer indécise.
Quoi qu'il en soit, même si l'arrêté attaqué pouvait être considéré comme une réglementation provisoire ou une mesure provisionnelle au sens de l'art. 36 al. 2 LAT, on ne pourrait rien déduire de cette règle du droit fédéral au sujet de ses effets juridiques. Au reste, cet arrêté n'a pas pour objet de créer des zones réservées au sens de l'art. 27 LAT ou de l'art. 46 LATC - il s'agit d'une mesure provisionnelle expressément mentionnée à l'art. 36 al. 2 LAT -, dans le périmètre desquelles les communes concernées ne pourraient plus prendre de mesures d'aménagement du territoire susceptibles d'entraver l'établissement de futurs plans d'affectation.
Il ne contient pas d'autre disposition qui modifierait d'ores et déjà, de façon immédiate et contraignante, le régime d'utilisation du sol défini par les plans d'affectation communaux en vigueur.
bb) L'art. 5 de l'arrêté attaqué dispose qu'un département cantonal est "chargé d'engager les procédures ordinaires prévues par la LATC afin d'obtenir une planification adéquate et un permis de construire pour chacune des trois aires mentionnées à l'art. 2". En adoptant cette disposition, le Conseil d'Etat a envisagé que la "planification adéquate" puisse prendre la forme de plans d'affectation cantonaux, que l'Etat peut établir d'après la loi "pour des tâches, des entreprises ou des constructions intéressant l'ensemble ou une partie importante du canton" (art. 45 al. 2 let. b LATC). Le texte de l'art. 5 de l'arrêté n'exclut cependant pas l'adoption de plans d'affectation communaux (cf. art. 45 al. 1 LATC), selon les "procédures ordinaires prévues par la LATC", soit les art. 56 ss LATC, au cas où les autorités compétentes des communes accepteraient le projet du département. En d'autres termes, l'arrêté attaqué ne prive pas formellement, sur ce point, les communes concernées d'une partie de leurs attributions dans le domaine des plans d'affectation (cf. , a contrario, ATF 117 Ia 352 consid. 3b p. 355). De même, pour l'octroi des permis de construire à la suite de l'élaboration de la "planification adéquate", l'arrêté attaqué n'exclut pas l'application des règles ordinaires de procédure des art. 103 ss LATC, consacrant la compétence des municipalités, les départements cantonaux étant seulement appelés à délivrer les autorisations spéciales prévues par des règles particulières du droit cantonal (art. 120 ss LATC).
Si, pour garantir l'adoption et l'entrée en vigueur de la "planification adéquate" dans le délai fixé à l'art. 5 in fine de l'arrêté attaqué, le département cantonal décide d'engager une procédure d'établissement d'un plan d'affectation cantonal, les communes concernées conserveront la possibilité, selon les règles ordinaires de l'art. 73 LATC et des art. 56 ss LATC auxquelles cet article renvoie, de contester dans cette procédure la réalisation des conditions de l'art. 45 al. 2 LATC et, le cas échéant, le contenu du plan d'affectation.
A ce stade-là, elles pourront donc se prévaloir de leur autonomie et de leurs attributions en matière d'aménagement du territoire.
De ce point de vue, l'arrêté attaqué n'affecte donc pas la commune recourante dans sa situation juridique de collectivité compétente pour l'aménagement de son territoire. Il doit bien plutôt être interprété comme une directive ou une ordonnance interne, destinée au Département cantonal de la sécurité et de l'environnement - chargé d'engager les procédures ordinaires selon la LATC -, qui ne crée pas d'obligations à la charge des tiers ou des communes.
cc) Au surplus, l'arrêté attaqué ne saurait être assimilé à un élément du plan directeur cantonal. Manifestement, ni son contenu ni sa forme ne correspondent aux définitions légales des art. 6 ss LAT et 25 ss LATC. En particulier, il n'a pas été adopté à la suite d'une consultation publique selon l'art. 28 al. 2 LATC et il n'a pas été soumis au Grand Conseil (art. 8 et 29 LATC). Il est donc exclu de reconnaître à cet arrêté une force obligatoire pour les autorités communales, par une application analogique de l'art. 9 al. 1 LAT (cf. supra, consid. 2b; cf. également art. 31 al. 1 LATC, dont la portée correspond à celle de l'art. 9 al. 1 LAT).
d) En résumé, les dispositions litigieuses de l'arrêté attaqué ne portent pas directement atteinte à la situation juridique de la commune recourante. Il est vrai que, dans sa réponse, le Conseil d'Etat fait valoir que cet arrêté déroge à l'autonomie communale; mais sans doute se réfère-t-il à ce propos aux autorisations de construire octroyées selon l'art. 4 ("en dérogation aux procédures ordinaires prévues par la LATC"), au sujet desquelles le Tribunal fédéral n'a pas à se prononcer dans la présente procédure. Peut-être aussi le Conseil d'Etat estime-t-il, plus généralement, qu'en prévoyant des mesures d'aménagement du territoire, l'arrêté attaqué restreint indirectement la liberté de décision des communes concernées, ou annonce d'éventuelles restrictions futures; cela ne signifie pas pour autant que ces mesures affectent d'ores et déjà la situation juridique de ces communes.
Aussi le recours de droit public doit-il être déclaré irrecevable.
3.- Il n'y a pas lieu de percevoir un émolument judiciaire (art. 156 al. 2 OJ). Ni la recourante, vu l'irrecevabilité de ses conclusions, ni l'Etat de Vaud, en tant que collectivité publique, n'ont droit à des dépens (art. 159 al. 1 et 2 OJ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Déclare irrecevable le recours de droit public;
2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire ni alloué de dépens;
3. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et, pour information, au Tribunal administratif du canton de Vaud.
___________
Lausanne, le 30 juillet 2001 JIA/col
Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,