BGer 5P.17/2002 |
BGer 5P.17/2002 vom 12.02.2002 |
[AZA 0/2]
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5P.17/2002
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IIe COUR CIVILE
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12 février 2002
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Composition de la Cour: M. Bianchi, président, Mme Escher et
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Mme Hohl, juges. Greffière: Mme Heegaard-Schroeter
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Statuant sur le recours de droit public
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formé par
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Dame H.________, représentée par Me Jean-Jacques Martin, avocat à Genève,
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contre
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l'arrêt rendu le 22 novembre 2001 par la Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose la recourante à
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1. dame G.________, représentée par Me Mike Hornung, avocat à
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Genève, et
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2. L.________, et
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3. M.________,
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tous deux représentés par Me Patrick Malek-Asghar, avocat
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à Genève;
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(art. 9 Cst. ; mesures provisionnelles: art. 598 al. 2 CC)
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Vu les pièces du dossier d'où ressortent
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les faits suivants:
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A.- a) B.________, né le 21 mars 1916, est décédé au Mexique le 26 février 2000. Il laisse comme héritiers son fils L.________ et sa fille dame G.________, jumeaux nés le 28 mai 1958. Après avoir divorcé de la mère de ses deux enfants, le de cujus avait épousé en secondes noces dame H.________, dont il n'a pas eu d'enfant et dont il a divorcé en 1983.
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b) Le 5 octobre 1995, B.________ et son ex-épouse dame H.________ ont ouvert un compte joint (n° XXXX), avec signatures individuelles, auprès de X.________ Private Bank (Switzerland) SA, à Genève, banque qui a été reprise par J.________ (Suisse) SA le 29 mars 2001. B.________ a été indiqué comme l'ayant droit économique des avoirs déposés sur ce compte. Il était prévu que, en cas de décès de l'un ou l'autre des titulaires, leurs héritiers seraient exclus de tous droits sur la relation bancaire. Au 30 mars 2001, ce compte présentait un solde de 10'557'536 US$.
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c) Par testament notarié du 25 septembre 1999, B.________ a attribué à son fils et à sa fille, à parts égales, tous les avoirs en monnaie mexicaine et en monnaies étrangères dont il disposait au Mexique et auprès de X.________ Bank, New York, et de ses filiales en Suisse, sous réserve de deux legs en faveur de son petit-fils et de son filleul, à prélever sur les fonds confiés à X.________ Bank.
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Il était précisé que son fils était institué héritier unique et universel de tous les biens qui n'étaient pas mentionnés dans le testament. M.________ a été désigné comme exécuteur testamentaire.
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La validité de ce testament a été constatée par le juge des affaires familiales d'Aguascalientes le 16 juin 2000.
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B.-a) Le 18 juin 2001, les enfants du défunt et l'exécuteur testamentaire ont saisi le Tribunal de première instance du canton de Genève d'une requête de mesures provisionnelles dirigée contre dame H._______ et J.________ (Suisse) SA et tendant à la saisie conservatoire de tous les avoirs ou créances dépendant de la succession, en particulier du compte joint n° XXXX.
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Statuant le même jour à titre pré-provisoire, le Tribunal de première instance a fait droit à la requête et astreint les requérants à verser des sûretés de 50'000 fr. dans un délai de 5 jours. Par ordonnance du 2 octobre 2001, rendue après audition des parties, il a pris acte du retrait de la procédure contre J.________ (Suisse) SA; sur le fond, il a levé la saisie conservatoire en tant qu'elle portait sur le compte joint, estimant que la clause d'exclusion à laquelle était soumis ce compte était opposable aux enfants, qui ne pouvaient donc pas en obtenir le blocage.
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b) Saisie d'un recours contre cette ordonnance, la Cour de justice l'a annulée le 22 novembre 2001 et a autorisé les requérants à procéder, à leurs frais, risques et périls, à la saisie conservatoire des avoirs, dépendant de la succession, sur le compte joint n° XXXX en mains de J.________ (Suisse) SA, à Genève; elle a en outre prescrit que les avoirs devaient rester en mains de J.________ (Suisse) SA, maintenu les sûretés de 50'000 fr. fournies par les requérants et fixé à ceux-ci un délai de 90 jours dès la signification du procès-verbal d'exécution pour ouvrir action en validation.
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C.- Contre cet arrêt, dame H.________ a interjeté un recours de droit public au Tribunal fédéral; elle conclut à son annulation et à ce que les requérants soient déboutés de toute autre conclusion, dépens à leur charge. Une réponse n'a pas été requise.
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Considérant en droit :
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1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 127 I 92 consid. 1; 127 II 198 consid. 2; 127 III 41 consid. 2a).
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a) La décision sur mesures provisionnelles en cause, prise en dernière instance cantonale, peut être entreprise par la voie du recours de droit public. En effet, la condition du dommage irréparable de l'art. 87 al. 2 OJ, par quoi on entend exclusivement le dommage juridique qui ne peut être réparé ultérieurement, notamment par le jugement final, est de toute manière réalisée (arrêt du 4 novembre 1994 de la Ie Cour civile, in RSPI 1996 II 241 c. 2; arrêt M. du 15 janvier 1990, in SJ 1990 p. 177 c. 2 p. 179; ATF 126 I 207 consid. 2 p. 210 et les arrêts cités).
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b) Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droit public est une voie de cassation et ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée (ATF 124 I 327 consid. 4a; 126 I 213 consid. 1c p. 216-217). Le présent recours est donc irrecevable dans la mesure où il tend à ce que les intimés soient déboutés de leurs conclusions.
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2.- La recourante se plaint tout d'abord d'une violation de l'art. 9 Cst. Elle soutient que la Cour de justice a considéré de manière arbitraire que les intimés, héritiers institués par testament, ont rendu vraisemblable un droit préférable au sens de l'art. 598 CC sur le compte bancaire litigieux.
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a)aa) D'après l'art. 598 CC, celui qui se croit autorisé à faire valoir, comme héritier légal ou institué, sur une succession ou sur des biens qui en dépendent, des droits préférables à ceux du possesseur, peut requérir du juge les mesures nécessaires pour garantir ses droits. Pour que les mesures conservatoires soient ordonnées, il est nécessaire et suffisant que la prétention successorale invoquée par l'héritier n'apparaisse pas d'emblée infondée (ATF 122 III 213 consid. 4a; Tuor/Picenoni, Berner Kommentar, n. 32 ad art. 598 al. 2 CC).
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bb) Selon la jurisprudence, les autorités cantonales jouissent d'une grande liberté en matière d'appréciation des preuves. Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'intervient que si cette appréciation est manifestement insoutenable, est en contradiction évidente avec la situation de fait, repose sur une inadvertance manifeste ou heurte de façon choquante le sentiment de la justice (ATF 127 I 54 consid. 2b; 118 Ia 28 consid. 1 et les références citées). Statuant sur recours contre une ordonnance de mesures provisionnelles, le Tribunal fédéral fait preuve d'une retenue d'autant plus grande que, compte tenu du but assigné à cette procédure particulière, le juge n'examine la cause que de manière sommaire et provisoire, se contentant de la preuve de la vraisemblance des faits allégués et du bien-fondé de l'action au fond (ATF 120 II 393 consid. 4c; 104 Ia 408 consid. 4; 99 II 344 consid. 2b; 97 I 481 consid. 3b p. 486-487).
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b) L'autorité cantonale a constaté en fait, d'une part, que le défunt et son ex-épouse avaient ouvert un compte joint auprès de X.________ Bank (Switzerland) SA, étant prévu qu'en cas de mort de l'un ou de l'autre, leurs héritiers seraient exclus de tous droits sur la relation bancaire et, d'autre part, que, par testament postérieur à cette ouverture de compte, le de cujus avait attribué à ses enfants tous les avoirs dont il disposait au Mexique et auprès de X.________ Bank, New York, et de ses filiales en Suisse, sous réserve de deux legs, son fils étant même institué héritier unique et universel de tous les biens non mentionnés dans le testament. La cour cantonale en a conclu que les requérants ont rendu vraisemblables des prétentions héréditaires sur les valeurs déposées sur le compte joint n° XXXX. Elle a en outre précisé que la clause d'exclusion ne vise que la relation contractuelle avec la banque, motif pour lequel les enfants ont intérêt à solliciter, avec l'exécuteur testamentaire, des mesures conservatoires pour prévenir un transfert des biens, que cette prérogative leur est réservée par le droit successoral et, enfin, que la recourante ne prétend pas être l'héritière ou la légataire du défunt, soutenant seulement que le de cujus lui aurait fait don de cette partie de son patrimoine.
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c)aa) Après avoir rappelé les allégués sur lesquels les intimés ont fondé leur requête de mesures provisionnelles et confirmé qu'elle-même ne prétend pas avoir la qualité d'héritière, la recourante fait valoir que les intimés n'ont fourni aux autorités judiciaires aucun élément de fait ou de droit permettant de fonder une réclamation successorale de droit mexicain sur le compte joint, qu'ils n'ont donné aucune indication sur les griefs qui leur permettraient d'attaquer l'acte constitutif de ce compte, que le défunt était parfaitement sain d'esprit, que le droit mexicain ne connaît pas le système de la réserve héréditaire, que les intimés n'ont d'ailleurs jamais allégué l'existence d'une lésion de leur réserve et que, partant, il n'existe aucun litige de droit successoral entre les parties, mais seulement un litige de nature contractuelle ayant pour objet la position des héritiers dans le cadre du contrat conclu avec la banque.
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Cette critique, de nature purement appellatoire, ne satisfait pas aux exigences de motivation déduites de l'art. 90 al. 1 let. b OJ; partant, elle est irrecevable (ATF 125 I 492 consid. 1b et les arrêts cités).
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bb) La recourante affirme ensuite que la simple référence, dans le testament, à l'existence de relations bancaires avec X.________ Bank et ses succursales en Suisse, sans que soit mentionné le compte joint de mai (sic) 1995, est insuffisante pour conclure à l'existence de droits préférentiels des enfants sur ce compte, d'autant que les intimés ont demandé le blocage et la saisie de tous les avoirs auprès de la banque J.________ (Suisse) SA.
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La cour cantonale a constaté que, par testament du 25 septembre 1999, postérieur à l'ouverture du compte joint, le de cujus a attribué à parts égales à ses deux enfants tous les avoirs dont il disposait, en particulier ceux se trouvant auprès des filiales de X.________ Bank en Suisse. Contrairement à l'opinion de la recourante, il n'est pas possible de déduire d'emblée de ce fait, qui n'est pas contesté, que le compte joint ne ferait pas partie de la succession. Partant, on ne saurait considérer comme arbitraire l'appréciation de la cour cantonale selon laquelle le droit préférable des enfants sur ce compte a été rendu vraisemblable.
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cc) Dans ces circonstances, il n'est pas nécessaire d'examiner plus avant - à supposer qu'ils soient recevables - les autres griefs de la recourante relatifs à l'absence de rapport contractuel entre les enfants et la banque, aux effets de la clause d'exclusion dont est assorti le compte joint et au titre en vertu duquel la recourante serait devenue propriétaire de cet argent.
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3.- La recourante fait enfin valoir une atteinte à sa liberté économique sous l'angle de sa liberté contractuelle (art. 27 Cst.). Plus précisément, l'arrêt attaqué, qui la prive de son droit de donner à la banque des instructions alors que ce droit lui est reconnu par contrat, représenterait une atteinte à sa liberté économique.
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Les mesures provisionnelles ordonnées sont fondées sur l'art. 598 al. 2 CC. Il est incontesté qu'une saisie conservatoire peut être autorisée au titre des mesures nécessaires pour garantir les droits du demandeur à une action en pétition d'hérédité (Tuor/Picenoni, op. cit. , n. 31 ad art. 598 CC). Vu la restriction du droit de disposer qu'implique une telle mesure, le grief de la recourante est infondé.
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4.- En conclusion, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable, aux frais de son auteur (art. 156 al. 1 OJ).
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Les intimés n'ayant pas été invités à répondre, il n'y a pas lieu de leur allouer des dépens.
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Par ces motifs,
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le Tribunal fédéral :
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1. Rejette le recours dans la mesure où il est recevable.
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2. Met un émolument judiciaire de 7'000 fr. à la charge de la recourante.
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3. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Cour de justice du canton de Genève.
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Lausanne, le 12 février 2002 HEE/frs
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Au nom de la IIe Cour civile
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du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
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Le Président,
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La Greffière,
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