BGer 4P.247/2002
 
BGer 4P.247/2002 vom 22.04.2003
Tribunale federale
{T 0/2}
4P.247/2002 /ech
Arrêt du 22 avril 2003
Ire Cour civile
Composition
MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.
Parties
X.________ & Cie SA,
recourante, représentée par Me Gabriel Aubert, avocat, chemin des Crêts-de-Champel 4, 1206 Genève,
contre
A.________,
intimée, représentée par Me Jacques Borowsky, avocat, rue Ferdinand-Hodler 7, 1207 Genève,
Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève, case postale 3688, 1211 Genève 3.
Objet
art. 9 et 29 al. 2 Cst.; arbitraire; droit d'être entendu
recours de droit public contre l'arrêt de la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève du 9 octobre 2002
Faits:
A.
X.________ & Cie SA exploite le magasin «Z.________», à Genève. Dès le 12 juillet 1995, A.________ a travaillé dans ce commerce en qualité de vendeuse en parfumerie au stand W.________. Elle percevait un salaire mensuel brut de 3700 fr., ainsi que deux primes annuelles correspondant, l'une, aux 35 % d'un salaire mensuel brut et, l'autre, au 0,33 % du chiffre d'affaires réalisé par la vendeuse; la maison W.________ lui versait également une commission en fonction du chiffre d'affaires.
Le 3 janvier 1996, X.________ & Cie SA a résilié le contrat de travail pour le 29 février 1996. Le lendemain, elle a indiqué par écrit à la travailleuse que le motif du licenciement résidait en une «incompatibilité d'humeur avec son chef hiérarchique», B.________. Le certificat de travail, établi par l'employeur le 29 février 1996, est libellé ainsi:
«Mademoiselle A.________ est au bénéfice d'excellentes connaissances en cosmétique et en parfumerie et a su ainsi satisfaire une clientèle très exigeante, qu'elle a su fidéliser grâce à ses contacts privilégiés.»
Le 8 février 1996, A.________ s'est inscrite auprès de l'agence de placement Y.________ SA. Son dossier a été traité par C.________, puis, en 1997, par D.________. En reprenant le cas, l'employée de Y.________ SA a été avertie que A.________ n'avait pu être placée à la suite de renseignements négatifs donnés par «Z.________». D.________ a d'abord contacté une autre agence de placement; celle-ci a refusé le dossier, les références au sujet de A.________ étant mauvaises. La collaboratrice de Y.________ SA a également eu un entretien téléphonique avec B.________. Le contenu de cette conversation sera examiné plus loin. Sur la base des informations obtenues, D.________ a refusé de poursuivre les démarches de placement. Le 7 juillet 1997, elle a rendu son dossier à A.________, en lui expliquant que ses connaissances professionnelles et linguistiques n'étaient pas en cause, mais que les références négatives de son dernier employeur la pénalisaient.
Parallèlement, dès avril 1996, A.________ a bénéficié des services de l'office cantonal de l'emploi. Son dossier était traité par H.________. Ce dernier a présenté la candidature de A.________ notamment à la pharmacie U.________, qui cherchait une vendeuse expérimentée. Après avoir mis beaucoup de temps à se déterminer, la cheffe du personnel a refusé, le 8 septembre 1997, d'engager A.________; gênée, elle a déclaré au conseiller en placement que sa décision était motivée par des mauvaises références dont elle n'a pas précisé la source; les compétences professionnelles et la présentation de la candidate n'étaient pas en cause. Toutes les démarches entreprises par H.________ pour trouver un emploi à A.________ sont demeurées vaines. Les notes tenues par le conseiller en placement font état, notamment, d'offres de sa cliente dans le secteur de la vente et auprès d'agences de voyage; il y est indiqué que de nombreux postes ont échappé à la postulante en raison de mauvais renseignements donnés par son ancien employeur. Selon H.________, A.________ était très motivée et très sociale. Il a déclaré ne pas comprendre pourquoi elle ne trouvait pas d'emploi; à son sens, il était évident qu'il y avait eu problème et que «quelqu'un a[vait] dû donner un renseignement qui a[vait] fait bloc».
Par courrier du 26 février 1997, A.________ est intervenue auprès de X.________ & Cie SA afin de faire cesser les propos diffamatoires tenus à son sujet par son ancienne cheffe lors de contacts avec des employeurs potentiels. Le 18 mars 1997, X.________ & Cie SA a répondu que B.________ n'avait en aucun cas tenu des propos pouvant porter préjudice à son ancienne subordonnée et qu'elle avait été invitée à ne plus donner de renseignements sur celle-ci. Le 19 septembre 1997, A.________ est à nouveau intervenue auprès de son dernier employeur, par l'intermédiaire du Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs (ci-après: SIT). Une première rencontre a réuni E.________, administrateur de X.________ & Cie SA, F.________, chef du personnel du magasin «Z.________», G.________, représentant le SIT, et B.________; celle-ci a reconnu à cette occasion avoir donné, une fois, des renseignements négatifs au sujet de son ancienne subordonnée. Une seconde réunion a eu lieu le 16 avril 1998, en présence de A.________.
Ayant épuisé ses droits à l'assurance-chômage le 20 juin 1996, A.________ a occupé un emploi temporaire à l'Université de Genève jusqu'au 20 décembre 1996. Par la suite, elle a perçu à nouveau des indemnités de chômage jusqu'en décembre 1998.
B.
Par demande déposée le 21 janvier 1999, A.________ a assigné X.________ & Cie SA en paiement de 36 254 fr., à titre de dommages-intérêts, et de 20 000 fr., à titre d'indemnité pour tort moral, le tout avec intérêts. Elle a également conclu à ce qu'il soit fait interdiction à son ex-employeur et à son ancienne cheffe de donner des renseignements à son sujet.
Par jugement du 19 mars 2001, le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève a déclaré irrecevable cette dernière conclusion et a débouté A.________ de toutes ses autres conclusions.
Statuant le 12 décembre 2001 sur appel de la travailleuse, la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève a confirmé le jugement de première instance. Elle a retenu qu'à l'occasion de deux entretiens téléphoniques, dont l'un avec D.________, B.________ avait fourni des renseignements au sujet de A.________, indiquant notamment que celle-ci n'était pas faite pour travailler en équipe et devait être placée dans un bureau, si possible seule. Se fondant sur les témoignages des anciennes collègues de A.________, la cour cantonale a tenu cette information pour exacte. Comme les renseignements donnés par B.________ étaient conformes à la réalité et d'un intérêt pertinent pour un éventuel employeur, la responsabilité de X.________ & Cie SA n'était pas engagée.
A.________ a formé un recours de droit public contre l'arrêt du 12 décembre 2001. Par arrêt du 10 juin 2002, le Tribunal fédéral a admis le recours et annulé la décision cantonale. D'une part, il a estimé que la Cour d'appel était tombée dans l'arbitraire en tronquant une partie du témoignage de D.________, qu'elle considérait par ailleurs comme crédible. En effet, il ressortait du procès-verbal d'enquêtes que l'employée de l'agence de placement avait déclaré, en rapport avec les informations données par B.________ sur A.________, que «la vente n'était donc pas son élément»; que l'on considère cette phrase comme une retranscription des propos de B.________ ou comme un commentaire de D.________ à la suite de ces propos, son omission par la cour cantonale était de toute manière arbitraire dans la mesure où l'affirmation en cause contredisait manifestement la teneur du certificat de travail, louant les qualités de vendeuse de la travailleuse. D'autre part, le Tribunal fédéral a estimé que la cour cantonale avait établi de manière arbitraire que A.________ avait entretenu des contacts personnels difficiles avec ses collègues, seuls deux témoins sur cinq ayant fait état de tels problèmes. C'était donc sur la base de déductions insoutenables que la cour cantonale avait qualifié les renseignements donnés par B.________ de conformes à la réalité.
La Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes a rendu un nouvel arrêt en date du 9 octobre 2002. Après avoir annulé le jugement de première instance, elle a condamné X.________ & Cie SA à payer à A.________, d'une part, la somme brute de 37 736 fr.05 à titre de dommages-intérêts, avec intérêts à 5% dès le 24 janvier 1999, invitant la partie qui en a la charge à effectuer les déductions sociales et légales usuelles et, d'autre part, le montant de 10 000 fr. à titre de réparation morale, avec intérêts à 5% dès le 24 janvier 1999. Elle a par ailleurs déclaré irrecevables les conclusions par lesquelles A.________ entendait faire interdiction à X.________ & Cie SA de donner des renseignements sur elle-même.
C.
X.________ & Cie SA forme un recours de droit public au Tribunal fédéral, concluant à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision.
Dans sa réponse, A.________ propose le rejet du recours et demande le bénéfice de l'assistance judiciaire, y compris la désignation d'un avocat d'office selon lettre complémentaire du 14 mars 2003.
Invitée à se déterminer, la cour cantonale se réfère à sa décision.
X.________ & Cie SA a également interjeté un recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
1.1 Conformément à la règle générale de l'art. 57 al. 5 OJ, il convient de traiter le recours de droit public avant le recours en réforme.
1.2 De jurisprudence constante, le recours de droit public n'a, sauf exceptions non réalisées en l'espèce, qu'une fonction cassatoire de sorte que les conclusions qui tendent à obtenir plus ou autre chose que l'annulation de la décision cantonale sont irrecevables (ATF 127 II 1 consid. 2c p. 5; 127 III 279 consid. 1b p. 282). Bien que superflue, la demande de retourner le dossier à la cour cantonale n'est toutefois pas irrecevable, car le renvoi de la cause constitue la suite obligatoire d'une admission du recours (Messmer/Imboden, Die eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsachen, p. 226, note 10).
1.3 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art. 90 al. 1 let. OJ; ATF 128 III 50 consid. 1c p. 53/54 et les arrêts cités).
2.
2.1 Invoquant l'art. 29 al. 2 Cst. protégeant le droit d'être entendu, la recourante reproche tout d'abord à la cour cantonale d'avoir omis de se prononcer sur des témoignages pertinents à propos de l'attitude au travail de l'intimée ou d'en avoir écartés d'autres sans motiver sa décision. A son sens, les juges genevois ne pouvaient simplement se référer à l'arrêt du Tribunal fédéral rendu sur recours de droit public pour admettre que les renseignements négatifs donnés par la recourante n'étaient pas conformes à la réalité. Ils devaient procéder à une nouvelle appréciation des preuves alléguées, soit les témoignages des anciennes collègues de l'intimée et la déclaration écrite du directeur d'un précédent employeur de l'intimée, moyens qui n'avaient pas été tous examinés par le Tribunal fédéral dans l'arrêt du 10 juin 2002. Or, il ressortirait de ces éléments que l'attitude de l'intimée était inappropriée selon cinq témoins assermentés, et non deux comme l'avait retenu le Tribunal fédéral dans l'arrêt sur recours de droit public.
2.2 Selon la jurisprudence, le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend, en particulier, le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, le droit de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort du procès, le droit d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16; 124 I 49 consid. 3a, 241 consid. 2).
La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu le devoir pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 126 I 97 consid. 2b; 125 II 369 consid. 2c; 124 II 146 consid. 2a). L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs soulevés par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, lui apparaissent pertinents (ATF 126 I 97 consid. 2b; 121 I 54 consid. 2c p. 57 et les arrêts cités).
2.3 Selon l'arrêt attaqué, les renseignements donnés par B.________ étaient inexacts sur deux points. D'une part, il était faux de prétendre que les contacts personnels de l'intimée avec ses collègues du magasin «Z.________» étaient difficiles et que la vendeuse licenciée n'était pas faite pour travailler en équipe. D'autre part, il n'était pas conforme à la vérité d'affirmer que «la vente n'était pas [l']élément» de l'intimée. Sous l'angle du droit d'être entendu, la recourante ne remet en cause que le premier point.
A ce sujet, la cour cantonale s'est effectivement référée à l'arrêt du Tribunal fédéral du 10 juin 2002, dont il ressort que la majorité des collègues entendues, soit Mesdames I.________, J.________ et K.________, n'ont pas rencontré de problèmes particuliers avec l'intimée, contrairement à Mesdames L.________ et M.________. Certes, le Tribunal fédéral, saisi d'un recours de droit public pour arbitraire, ne se substitue pas à l'autorité cantonale et ne procède pas lui-même à l'appréciation des preuves comme le ferait une cour d'appel. Il n'en demeure pas moins que, dans le cas particulier, la cour de céans a constaté que trois collègues sur cinq de l'intimée n'avaient pas éprouvé de difficultés avec cette dernière, les témoignages n'étant donc pas univoques sur cette question. Dans la mesure où sa précédente appréciation desdits témoignages avait été qualifiée d'arbitraire par le Tribunal fédéral, la cour cantonale ne pouvait pas à nouveau conclure, de manière générale, à la réalité des difficultés relationnelles de l'intimée avec ses collègues en se fondant sur les déclarations des mêmes témoins. Or, c'est bien sur les mêmes témoignages, à l'exception de celui de Madame I.________ qu'elle ne mentionne pas, que la recourante aurait voulu que la cour cantonale se prononce une nouvelle fois, soit ceux de Mesdames M.________, K.________, L.________ et J.________. En l'absence de nouveaux moyens de preuve pertinents, la Cour d'appel n'était pas tenue de procéder à une nouvelle appréciation des preuves. Au demeurant, le témoignage de B.________, également invoqué par la recourante, pouvait manifestement être écarté sans arbitraire puisque c'est précisément la véracité des propos de la susnommée qui était examinée. De même, l'absence de référence, dans l'arrêt attaqué, à la déclaration du président de V.________ n'est pas critiquable, s'agissant d'un écrit établi près de quatre ans après les faits, à l'adresse de la recourante, par une personne qui n'a pas été entendue comme témoin. Quoique succincte, la motivation de l'arrêt attaqué est suffisante pour comprendre ce qui a guidé les juges cantonaux dans leur décision. Le Tribunal fédéral ayant déjà constaté que les témoins ne parlaient pas d'une même voix, la Cour d'appel pouvait, sans tomber dans l'arbitraire ni violer le droit d'être entendu de la recourante, retenir sur cette base qu'il était faux d'affirmer, sans nuance, à l'instar de la cheffe du rayon parfumerie, que l'intimée ne s'entendait pas avec ses collègues et n'était pas faite pour travailler en équipe. Le premier grief est mal fondé.
3.
3.1 Toujours sous l'angle du droit d'être entendu, la recourante se plaint d'un défaut de motivation dont l'arrêt attaqué serait entaché à propos du lien de causalité naturelle entre les mauvaises références données et le chômage de l'intimée. Elle fait valoir que, preuves à l'appui, elle a allégué des faits qui expliquent la difficulté de l'intimée à trouver un emploi, indépendamment des renseignements défavorables qui auraient été fournis sur la travailleuse par la cheffe du rayon parfumerie du magasin «Z.________». Or, la cour cantonale ne s'est pas prononcée sur ces faits, qui sont les suivants: l'intimée a connu sept emplois en cinq ans, ce qui démontrerait une instabilité propre à décourager un employeur intéressé; l'intimée n'a produit que deux certificats de travail, l'absence d'autres certificats étant précisément de nature à dissuader un éventuel employeur de l'engager; le président de la société V.________, qui a employé l'intimée du 1er mai au 31 juillet 1995, a attesté par écrit qu'il avait dû faire de nombreuses observations à la vendeuse au sujet de sa façon de mélanger vie privée et travail, si bien que les mauvaises références pouvaient également provenir de cette entreprise; enfin, il ressort de son curriculum vitae que l'intimée a occupé plusieurs emplois dans des secteurs hors de la parfumerie. A cet égard, la recourante ne voit pas comment les renseignements donnés par B.________ ont empêché l'intimée de trouver un emploi non seulement comme vendeuse en parfumerie, mais aussi comme employée de bureau, réceptionniste, hôtesse d'accueil ou vendeuse de vêtements dans tout le canton de Genève; en jugeant que la mauvaise réputation de l'intimée dans la parfumerie lui fermait les portes dans d'autres secteurs de l'économie, la Cour d'appel n'aurait donné aucune base raisonnable à sa décision qui, partant, serait arbitraire.
3.2 La définition et la portée du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. ont été rappelées ci-dessus au considérant 2.2.
Par ailleurs, selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci est insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motif objectif et en violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution paraît également concevable, voire même préférable (ATF 128 I 81 consid. 2 p. 86, 177 consid. 2.1 p. 182, 273 consid. 2.1 p. 275; 128 II 259 consid. 5 p. 280).
En matière d'appréciation des preuves, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur le sens et le portée d'un tel élément, ou encore lorsqu'elle tire des constatations insoutenables des éléments recueillis (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid. 4a).
3.3 En l'espèce, la recourante ne s'est pas heurtée à un refus d'administration de preuves de la part de la cour cantonale. Elle admet elle-même avoir pu produire les preuves des faits qu'elle invoque à présent. Par ailleurs, conformément à la jurisprudence susmentionnée, la cour cantonale n'était pas tenue de discuter tous les faits mis en évidence par les parties. Il lui suffisait d'indiquer les faits et moyens qui, sans arbitraire, lui apparaissaient pertinents et qui motivaient sa décision.
A la lecture de l'arrêt attaqué, il apparaît que la cour cantonale s'est fondée sur les témoignages de D.________ et de H.________ pour retenir un lien de causalité naturelle entre les mauvais renseignements donnés par «Z.________» et le chômage de longue durée subi par l'intimée. Tenant compte de la formation, des connaissances linguistiques, de l'expérience professionnelle et de l'état d'esprit positif de l'intimée, les juges genevois sont ainsi parvenus à la conviction que les renseignements défavorables et erronés fournis par la recourante ont bel et bien été la cause des échecs des démarches entreprises par l'intimée ou ses conseillers en placement afin de retrouver un emploi de mars 1996 à décembre 1998. Même si, sur d'autres points, il ne se distingue pas par sa clarté, l'arrêt attaqué laisse ressortir d'une manière suffisante au regard de l'art. 29 al. 2 Cst. l'importance capitale accordée par la cour cantonale aux deux témoignages précités dans l'établissement du lien de causalité naturelle. Un défaut de motivation ne saurait être retenu.
Lorsqu'elle a repris le dossier en 1997, l'employée de l'agence de placement a été informée que l'intimée n'avait pu être placée jusqu'alors en raison de mauvais renseignements donnés par «Z.________». Dans le cadre de ses démarches, D.________ a tout d'abord essuyé un refus de la part d'une autre agence de placement, car les références au sujet de l'intimée étaient mauvaises. Contactant ensuite «Z.________» par téléphone, elle s'est vu confirmer, de la bouche de la cheffe du rayon parfumerie, que l'intimée ne s'entendait pas avec ses collègues, qu'elle n'était pas faite pour travailler en équipe et que la vente n'était pas son élément. Nantie de cette information, l'employée de l'agence a estimé qu'elle n'était pas en mesure de trouver un emploi à l'intimée, à qui elle a retourné son dossier. La cour cantonale a considéré ce témoignage, émanant d'une professionnelle du placement, comme crédible. Or, la recourante ne démontre pas en quoi il serait arbitraire de croire D.________. Pour sa part, H.________ s'est déclaré convaincu que l'emploi offert par la pharmacie U.________ avait échappé à l'intimée en raison des renseignements défavorables donnés par «Z.________» au sujet de son ancienne employée. La cour cantonale a repris cette conviction à son compte et, là également, la recourante ne prétend pas qu'il serait arbitraire d'accorder crédit au témoignage du fonctionnaire de l'office cantonal de l'emploi. Au contraire, la concordance des explications de deux personnes expérimentées en placement de personnel ne fait qu'en renforcer la valeur probante. Sur la base de ces témoignages, il n'était pas arbitraire d'admettre implicitement que tout employeur intéressé par la candidature de l'intimée obtenait les mêmes renseignements défavorables de la part du magasin «Z.________» et d'en conclure que les mauvaises références ainsi colportées ont empêché l'intimée de retrouver un emploi de mars 1996 à décembre 1998. Les arguments présentés par la recourante ne sont pas de nature à changer la donne; ils pouvaient être omis de l'état de fait sans que l'arrêt attaqué ne soit entaché d'un défaut de motivation. Il n'était en effet pas arbitraire d'admettre implicitement que les circonstances en question n'avaient pas concouru à la survenance du dommage. Ainsi, le fait que l'intimée a occupé sept emplois en cinq ans démontre plutôt que la travailleuse n'avait, avant son passage au magasin «Z.________», éprouvé aucune peine à retrouver un poste. En outre, l'absence de tous les certificats correspondant aux emplois occupés doit être relativisée dans la mesure où la recourante elle-même, dernier employeur, a rédigé un certificat de travail élogieux à l'adresse de l'intimée. Quant au président de V.________, la recourante ne prétend pas qu'il aurait rapporté l'opinion mitigée qu'il avait apparemment de l'intimée d'une autre manière que par une déclaration écrite à la recourante presque quatre ans après la fin des rapports de travail; on ne voit dès lors pas en quoi cet élément aurait pu constituer un obstacle pour l'intimée dans sa quête d'emploi. Enfin, l'intimée pouvait effectivement se prévaloir d'une formation et d'une expérience professionnelle dans d'autres domaines que la parfumerie, mais qui impliquaient toujours des contacts (vendeuse, hôtesse d'accueil, secrétaire, réceptionniste). Si elle a noté au passage que les mauvaises références circulaient vite dans le «petit monde» de la parfumerie, la cour cantonale n'en a pas pour autant exclu que l'intimée ait dirigé ses recherches d'emplois dans d'autres secteurs et qu'elle ait été, là aussi, désavantagée par les renseignements défavorables fournis par la recourante sur ses rapports avec les autres. A cet égard, les témoignages sur lesquels la Cour d'appel s'est fondée pour établir un lien de causalité naturelle entre le comportement de la recourante et le chômage de l'intimée ne font nulle part état de recherches orientées exclusivement dans le domaine de la vente de cosmétiques.
Sur le vu de ce qui précède, tant le moyen tiré d'une violation du droit d'être entendu que le grief d'arbitraire se révèlent mal fondés. Le recours doit être rejeté.
4.
Comme la valeur litigieuse dépassait 30 000 fr. à l'ouverture de l'action, la procédure n'est pas gratuite (art. 343 al. 2 et 3 CO; ATF 115 II 30 consid. 5b). La recourante, qui succombe, prendra à sa charge les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) et versera à l'intimée une indemnité à titre de dépens (art. 159 al. 1 OJ).
Bénéficiaire du revenu minimum cantonal d'aide sociale, l'intimée doit être considérée comme indigente au sens de l'art. 152 al. 1 OJ. Sa demande d'assistance judiciaire sera donc admise dans la mesure où elle n'a pas perdu son objet, dès lors que le risque existe pour la prénommée de ne pouvoir recouvrer les dépens auxquels elle a droit; son conseil sera désigné comme avocat d'office.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 2500 fr. à titre de dépens.
4.
La demande d'assistance judiciaire de l'intimée est admise, autant qu'elle n'est pas sans objet, et Me Jacques Borowsky est désigné comme avocat d'office.
5.
Au cas où les dépens ne pourraient pas être recouvrés, la caisse du Tribunal fédéral versera à Me Jacques Borowsky le montant de 2500 fr. à titre d'honoraires d'avocat d'office.
6.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.
Lausanne, le 22 avril 2003
Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière: