BGer U 226/2003 |
BGer U 226/2003 vom 24.08.2004 |
Eidgenössisches Versicherungsgericht
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Tribunale federale delle assicurazioni
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Tribunal federal d'assicuranzas
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Cour des assurances sociales
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du Tribunal fédéral
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Cause
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{T 7}
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U 226/03
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Arrêt du 24 août 2004
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IVe Chambre
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Composition
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MM. les Juges Ferrari, Président, Ursprung et Boinay, suppléant. Greffière : Mme von Zwehl
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Parties
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M.________, recourant, représenté par Me Alain Ribordy, avocat, rue St-Pierre-Canisius 1, 1701 Fribourg,
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contre
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Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée
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Instance précédente
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Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne
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(Jugement du 15 mai 2003)
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Faits:
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A.
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M.________, né en 1968, travaillait en qualité de manoeuvre pour le compte de la société B.________ SA. A ce titre, il était assuré contre le risque d'accidents auprès de la Caisse nationale suisse en cas d'accidents (CNA).
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Le 12 janvier 1999, il a été heurté à la tête par une pièce de tôle manipulée par une grue et projeté au sol. Il a été immédiatement hospitalisé à l'hôpital C.________ où les médecins ont diagnostiqué une fracture spiroïde du tibia distal à droite, une fracture proximale du péroné droit, une fracture du rocher droit avec pneumoencéphale (avis de sortie du 2 février 1999). La CNA a pris en charge le cas.
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Sur le plan orthopédique, l'évolution a été jugée favorable (rapport de la doctoresse G.________ du 21 juillet 1999). En revanche, depuis l'accident, l'assuré a commencé à se plaindre de céphalées, d'acouphènes et de vertiges. Le docteur A.________, médecin associé du service d'oto-rhino-laryngologie (ORL) de l'hôpital C.________, a fait état d'un status après TCC grave avec fracture de la base du crâne et fracture longitudinale du rocher droit, ainsi que d'un déficit cochléovestibulaire droit post-traumatique avec cupulolithiase chronique (rapport du 8 septembre 1999). A l'issue d'investigations plus approfondies, hormis la perte définitive de 80 % de l'audition du côté droit et la possibilité d'une cupulolithiase atypique, l'existence d'autres affections de nature ORL n'a pas pu être confirmée (rapports du docteur U.________ des 20 octobre 1999, 4 avril et 18 mai 2000). En date du 18 juillet 2000, le docteur B.________, médecin d'arrondissement de la CNA, a constaté qu'il n'y avait pas de séquelle ni de limitation fonctionnelle au niveau du membre inférieur droit, et s'est prononcé pour une pleine capacité de travail (rapport du 18 juillet 2000). Egalement appelé à donner son appréciation sur le cas, le docteur L._________, spécialiste FMH ORL à la division de médecine de la CNA, a conclu à une reprise du travail, et estimé l'atteinte à l'intégrité physique à 15 % (rapport du 10 août 2000). Le 11 septembre 2000, l'assuré s'est présenté à son employeur, mais cette tentative s'est soldée par un échec.
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Par décision du 4 septembre 2000, la CNA a alloué à M.________ une indemnité pour atteinte à l'intégrité d'un taux de 15 %. Dans une autre décision du 23 novembre suivant, elle l'a reconnu apte à exercer en plein son activité professionnelle dès le 4 décembre 2000 et, par conséquent, mis un terme au versement des indemnités journalières à partir de cette date. L'assuré a fait opposition à ces deux décisions. Après avoir procédé à une enquête sur le lieu de travail de M.________ et convoqué le prénommé pour un nouvel examen oto-neurologique par le docteur L._________ (rapport du 14 janvier 2002), la CNA a écarté les oppositions dans une nouvelle décision du 22 janvier 2002.
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B.
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Par jugement du 15 mai 2003, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a rejeté le recours formé par l'assuré contre la décision sur opposition de la CNA.
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C.
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M.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement. Principalement, il conclut à l'octroi d'une rente fondée sur un degré d'invalidité de 100 % dès le 4 décembre 2000; subsidiairement, au versement d'indemnités journalières jusqu'à droit connu sur sa demande de prestations de l'assurance-invalidité tendant à la mise en oeuvre de mesures de réadaptation qu'il avait déposée le 10 mai 2000; plus subsidiairement encore, au renvoi de la cause à la CNA pour instruction complémentaire. Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite.
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La CNA conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales, division maladie et accidents (depuis le 1er janvier 2004 intégrée à l'Office fédéral de la santé publique), a renoncé à présenter des déterminations.
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Considérant en droit:
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1.
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La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) du 6 octobre 2000, entrée en vigueur au 1er janvier 2003, n'est pas applicable au présent litige, dès lors que le juge des assurances sociales n'a pas à prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de fait postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du 22 janvier 2002 (ATF 129 V 4 consid. 1.2 et les arrêts cités).
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2.
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Est litigieux le point de savoir si la CNA était fondée, par sa décision sur opposition du 22 janvier 2002, à supprimer avec effet au 4 décembre 2000 le droit du recourant à des prestations d'assurance pour les suites de l'accident du 12 janvier 1999.
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L'obligation de l'intimée d'allouer, au-delà de cette date, des prestations pour l'accident dont le recourant a été victime suppose l'existence, à ce moment-là, d'un lien de causalité naturelle et adéquate entre cet événement et l'atteinte à la santé. Le jugement entrepris expose de manière exacte et complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels concernant la causalité naturelle et adéquate, ainsi que ceux relatifs à l'appréciation des preuves dans le domaine de l'assurance sociale (cf. ATF 125 V 353 consid. 3b/ee). Il suffit d'y renvoyer.
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3.
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Le recourant conteste disposer d'une capacité de travail totale dans son ancienne activité professionnelle. En particulier, il fait valoir que les vertiges et les céphalées dont il souffre continuellement depuis l'accident ont largement été sous-estimés, sinon occultés, par les médecins d'arrondissement de la CNA. Il serait par ailleurs affecté de troubles psychiques qui, à tort, n'auraient pas été pris en compte par l'assureur-accidents. A l'appui de ses dires, il produit un rapport du service de psychiatrie adulte de l'hôpital B.________ du 20 février 2003.
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4.
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4.1 Il est constant qu'à la suite de l'accident dont il a été victime le 12 janvier 1999, M.________ a subi des lésions physiques touchant le membre inférieur droit (fracture du tibia; fracture du péroné) et la tête (fracture du rocher droit avec pneumoencéphale ayant entraîné un déficit vestibulaire périphérique droit; status après TCC grave). A cet époque, il était employé auprès de la société B.________ SA, entreprise active dans le domaine de la construction métallique. D'après le rapport d'enquête effectué sur place, l'activité qui lui était dévolue consistait en des travaux de peinture (au pistolet) et de soudage (au fil) en position debout ou à genoux (plus rarement assise devant un établi); parfois, l'assuré était appelé à effectuer des travaux de montage à l'extérieur. Les pièces qu'il était amené à manipuler étaient plutôt légères (5 à 10kg); à certaines (rares) occasions, elles pouvaient toutefois peser entre 54 et 112 kg. Il convient dès lors d'examiner si, comme le soutient l'intimé, le recourant a recouvré une capacité de travail entière dans son ancienne activité nonobstant les conséquences médicales imputables à l'accident du 12 janvier 1999.
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4.2
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4.2.1 Il n'est pas contesté que les fractures du tibia et du péroné ont guéri sans laisser de séquelles significatives (voir les rapports du service d'orthopédie de l'hôpital C.________, ainsi que ceux du docteur B.________).
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4.2.2 En ce qui concerne les conséquences oto-neurologiques du choc à la tête subi par l'assuré, le docteur L._________ a conclu, au terme des tests effectués, que le déficit vestibulaire périphérique droit était pratiquement entièrement compensé; selon lui, il pouvait certes persister des troubles de l'équilibre - dont la relation de causalité avec l'événement accidentel devait être admise - mais ces troubles constituaient une contre-indication seulement pour des travaux sur des machines à rotation ou impliquant un risque de chutes; sous cette réserve, M.________ conservait une capacité de travail entière (rapport du 9 janvier 2001). Il n'existe pas de motif sérieux de s'écarter de cette appréciation qui rejoint dans les grandes lignes celle émise par le docteur U.________, également spécialiste FMH ORL, auquel l'assuré avait été adressé à sa sortie de l'hôpital (voir en particulier le rapport du 18 mai 2000). Dès lors que le poste anciennement occupé par l'assuré se déroule entièrement au sol et sans l'aide de machines à rotation, le point de vue de l'intimée n'est à cet égard pas critiquable.
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4.2.3 Il reste que M.________ a été victime d'un TCC grave (voir le rapport du docteur A.________). Dans le dossier constitué par la CNA figurent des rapports du docteur E.________, médecin traitant, et du docteur C.________, neurologue, qui ont souligné à plusieurs reprises la persistance chez l'assuré de céphalées post-traumatiques ressenties comme très invalidantes. Le neurologue a même mentionné une anxiété majeure accompagnée de manifestations neurovégétatives telle qu'un tremblement d'attitude, une tendance à la transpiration, et une sensation de vertige accentuée, évoquant un état dépressif réactionnel (rapport du 13 juillet 2001); cette hypothèse s'est révélée pertinente puisque M.________ a dû être hospitalisé du 2 décembre 2002 au 7 février 2003 à l'hôpital B.________ pour un état dépressif sévère sans symptômes psychotiques (voir le rapport du 20 février 2003 du service de psychiatrie adulte et de psychogériatrie). Si les docteurs C.________ et E.________ ne se sont pas véritablement prononcés sur la capacité de travail résiduelle de l'assuré à raison des troubles qu'ils ont attestés, le médecin traitant a préconisé à tout le moins un changement d'activité professionnelle, l'atmosphère bruyante de l'entreprise provoquant des céphalées encore plus importantes (rapport du 4 octobre 2000). Or, les symptômes décrits par ces médecins font penser au tableau clinique typique dans les cas de traumatisme cranio-cérébral, sans preuve d'un déficit fonctionnel organique. Selon la jurisprudence, dans une telle hypothèse, l'existence d'un lien de causalité naturelle entre l'accident et l'incapacité de travail ou de gain doit être en principe admise; il faut cependant que, médicalement, les plaintes puissent de manière crédible être attribuées à une atteinte à la santé; celle-ci doit apparaître, avec un degré prépondérant de vraisemblance, comme la conséquence de l'accident (voir ATF 119 V 338 consid. 2, 117 V 360 consid. 4b; RAMA 2000 no U 395 p. 317). In casu, au regard des documents médicaux recueillis jusqu'ici, on ne saurait ni établir ni exclure l'existence d'un tel lien de causalité. La CNA qui avait connaissance de ces pièces médicales ne pouvait donc les écarter sans de plus amples investigations. En particulier, à défaut d'informations circonstanciées sur l'origine des troubles, elle n'était pas fondée, d'une part, à se passer d'examiner la question du lien de causalité naturelle et, d'autre part, pour l'analyse du caractère adéquat de ce lien, à faire application de la jurisprudence sur les troubles psychiques consécutifs à un accident de gravité moyenne, en se fondant sur les critères énumérés aux ATF 115 V 140 6c/aa et 409 consid. 5c/aa.
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4.3 Partant, il y a lieu de renvoyer la cause à l'intimée afin qu'elle procède à une instruction complémentaire afin de déterminer la nature exacte des troubles attestés par les médecins précités - en particulier au regard de la question de la causalité naturelle avec l'accident assuré -, et leur répercussion sur la capacité de travail de l'assuré. Après quoi elle rendra une nouvelle décision.
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5.
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Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Le recourant, qui obtient gain de cause sur sa conclusion subsidiaire, a droit à une indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ). La demande d'assistance judiciaire est ainsi sans objet.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
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1.
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Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 15 mai 2003 et la décision du 23 novembre 2000, ainsi que la décision sur opposition du 22 janvier 2002 de la CNA sont annulés, la cause étant renvoyée à l'intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.
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2.
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Il n'est pas perçu de frais de justice.
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3.
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La CNA versera au recourant la somme de 2'500 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.
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4.
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Le Tribunal des assurances du canton Vaud statuera sur les dépens pour la procédure de première instance au regard de l'issue du procès de dernière instance.
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5.
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Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique.
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Lucerne, le 24 août 2004
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Au nom du Tribunal fédéral des assurances
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Le Président de la IVe Chambre: La Greffière:
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