BGer 4C.9/2005 |
BGer 4C.9/2005 vom 24.03.2005 |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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4C.9/2005 /ech
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Arrêt du 24 mars 2005
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Ire Cour civile
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Composition
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MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Favre.
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Greffier: M. Ramelet.
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Parties
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X.________,
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défendeur et recourant, représenté par Me Violaine Jaccottet Sherif,
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contre
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Y.________, demandeur et intimé, représenté par Me Antoinette Haldy-Dimel.
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Objet
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contrat de mandat; responsabilité du médecin,
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recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 16 septembre 2004.
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Faits:
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A.
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A.a En 1974, Y.________ (le demandeur) a décidé de faire opérer son nez. Le but de l'intervention était d'ordre esthétique mais aussi fonctionnel, à savoir d'améliorer les cloisons nasales et faciliter la respiration. Le demandeur a été opéré successivement en Allemagne, où il est domicilié, par le docteur A.________ en 1974 et par le docteur B.________ en 1980, puis en Suisse par le docteur C.________ en 1984 et 1985. Ces interventions n'ont pas apporté les résultats escomptés.
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Insatisfait de la forme rectifiée de son nez et se plaignant d'avoir toujours davantage de peine à respirer, le demandeur a consulté par la suite le professeur D.________, à Munich (Allemagne), qui lui a déconseillé formellement toute intervention nouvelle et a refusé de l'opérer, puis le professeur E.________, à Berne, qui n'a pas voulu s'occuper de lui.
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Le demandeur s'est alors adressé au docteur X.________ (le défendeur), à Lausanne, en automne 1985. Il était alors particulièrement désappointé et a supplié le prénommé de tout entreprendre pour améliorer son état de santé. Le défendeur a admis que, pour un homme de l'art, il apparaissait, dès le premier examen, que le nez du demandeur avait été opéré et réopéré à plusieurs reprises, ce que le demandeur ne lui a pas dissimulé. Le défendeur a reconnu que, dans de telles circonstances, le spécialiste en chirurgie reconstructive avait le devoir d'approfondir très sérieusement l'état de santé actuel de son patient et qu'il devait non seulement procéder à une anamnèse, mais s'assurer qu'il avait en mains un dossier médical complet.
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Le défendeur a conseillé une nouvelle opération au demandeur, qui a accepté de se faire réopérer. Il a été constaté que le défendeur avait laissé entendre à son patient que l'intervention permettrait d'améliorer l'aspect esthétique du nez et que la fonction respiratoire serait améliorée.
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A.b Le défendeur a reçu le demandeur à deux reprises avant la première intervention. Ces consultations ont eu lieu le 28 octobre 1985 et le 10 février 1986. Lors du premier entretien, le défendeur a pris quelques photographies de son patient et a effectué des dessins.
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Il n'a pas été établi que le défendeur ait attiré l'attention du demandeur, par écrit ou oralement, lors ou entre les consultations précitées, sur le fait que la ou les opérations qu'il allait tenter présentaient de très hauts risques d'insuccès.
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Dans le livre que le défendeur a publié en 1987 au sujet de la rhinoplastie, il est fait mention de la nécessité d'une intervention secondaire dans environ 15% de toutes les opérations. Le certificat médical établi le 13 mars 1986 après la première opération réalisée par le défendeur indiquait notamment que, compte tenu des difficultés techniques de cette intervention, il serait sans doute nécessaire de procéder à une correction.
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A.c Le défendeur a opéré le demandeur les 10 février 1986, 28 novembre 1986, 15 avril 1988 et 6 septembre 1988. L'objet de ces quatre interventions chirurgicales peut être résumé comme il suit :
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- 10 février 1986: reconstitution des cartilages latéraux et redressement de l'arête nasale;
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- 28 novembre 1986: correction de l'aile nasale droite par une transplantation de cartilage;
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- 15 avril 1988: correction de l'aile nasale droite et de l'axe du nez avec greffe des cartilages;
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- 6 septembre 1988: correction de l'aile nasale droite par transplantation de cartilage et dégraissage des deux ailes nasales.
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A.d Après les opérations effectuées par le défendeur, le demandeur est demeuré insatisfait de la forme de son nez. Il s'est également plaint de douleurs aux oreilles et de maux de tête.
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Le demandeur a ainsi saisi le Bureau d'expertises extrajudiciaires de la Fédération des médecins suisses (FMH), qui a désigné deux experts, les docteurs E.________ et F.________ de l'Hôpital cantonal de Bâle. Dans leur rapport déposé le 3 juillet 1991, les médecins précités ont notamment constaté que les troubles de fonctionnement (ventilation nasale) étaient réels et que la forme extérieure du nez s'était un peu aggravée dès 1985. Ils ont relevé qu'il n'existait aucun document attestant de la teneur exacte des renseignements fournis au demandeur ni des promesses qui lui avaient prétendument été faites. Ils ont toutefois retenu que le défendeur s'était entretenu en détail avec son patient au sujet des possibilités de corrections lors d'une première entrevue. Les experts du Bureau d'expertises extrajudiciaires ont conclu qu'aucune faute chirurgicale ne pouvait être déduite des dossiers chirurgicaux et de l'examen du patient.
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B.
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B.a Par demande du 6 octobre 1995 déposée devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois, Y.________ a conclu, avec dépens, au paiement par X.________ de la somme de 100'000 fr., avec intérêt à 5 % l'an dès le 1er mai 1994. Dans sa réponse du 20 novembre 1995, le défendeur X.________ a conclu, avec dépens, à libération des fins de la demande et, reconventionnellement, au paiement par le demandeur du montant de 3'550 fr., avec intérêt à 5 % l'an dès le 16 novembre 1995, représentant une note d'honoraires pour la dernière opération et une consultation de février 1992. Dans sa réplique du 15 novembre 1996, le demandeur a conclu au rejet des conclusions reconventionnelles et invoqué la compensation.
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B.b En cours d'instance, deux expertises médicales ont été ordonnées. La première a été scindée en deux parties, l'une d'oto-rhino-laryngologie confiée au docteur G.________, à Zurich, et l'autre de chirurgie plastique confiée au docteur H.________, à Berlin (Allemagne). La seconde expertise de chirurgie plastique a mis en oeuvre le professeur I.________, à Freiburg im Breisgau (Allemagne).
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B.c Le docteur G.________ a déposé son rapport le 10 septembre 1999. En substance, l'expert expose que le demandeur a consulté le défendeur en vue d'une correction fonctionnelle et esthétique du nez et que, lors des consultations, le défendeur "a expliqué en détail au demandeur la technique qu'il entendait utiliser en lui dessinant sur papier les changements prévus". Par ailleurs, le docteur G.________ constate que les troubles fonctionnels sont réels et que l'obstruction nasale est à l'origine de troubles respiratoires, ayant notamment pour conséquence une mauvaise qualité du sommeil, des céphalées et une baisse des capacités physiques et mentales du demandeur. Pour l'expert, l'obstruction nasale, qui est le résultat de la sténose structurelle et dynamique au niveau de la valve externe et interne, est à l'origine des souffrances du demandeur, tant au niveau local que général. Il estime indispensable, sauf à mettre en danger la santé du demandeur, de traiter ce problème fonctionnel par une intervention chirurgicale. Au niveau esthétique, le docteur G.________ observe que la situation actuelle n'est pas satisfaisante et qu'outre la forme générale de la pyramide nasale, qui n'est pas parfaite, les cicatrices et altérations cutanées sont déplaisantes et attirent les regards. Selon lui, bien que présentant des risques non négligeables, seule une opération supplémentaire pourrait améliorer cette situation.
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B.d Dans son rapport déposé le 26 mars 2002, le docteur H.________ estime qu'en 1986, il fallait déconseiller les interventions sur le nez du demandeur, lesquelles représentaient un très haut risque. Selon lui, "cette circonstance semblait être parfaitement connue aussi bien de la part du demandeur que de la part du défendeur"; à cet égard, l'expert se réfère aux notes et dessins détaillés sur la planification de l'opération figurant dans le dossier du défendeur et rappelle que le demandeur avait déjà été opéré par le passé et avait essuyé le refus d'autres chirurgiens. Selon le docteur H.________, les dessins précités ont été exécutés pour "expliquer au patient la complexité de l'intervention et pour lui apporter toute la clarté sur les détails de chacun des stades de l'opération". Il en déduit que l'information a été donnée de manière détaillée et qu'"à ce moment-là, il devait être clair au demandeur quel énorme effort devait être fait pour une toute petite chance d'amélioration". Par ailleurs, l'expert constate qu'entre octobre 1985 et octobre 2001, l'aspect esthétique s'est partiellement amélioré (arête et pointe du nez) et partiellement péjoré (ailes nasales) et qu'aucune amélioration de la fonction respiratoire n'a pu être établie. Il conclut qu'un comportement fautif, au point de vue professionnel ou technique, ne peut être reproché au défendeur.
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B.e Le docteur I.________ a remis son rapport le 22 septembre 2003. En résumé, le troisième expert constate qu'en 1986, l'opération du nez du demandeur représentait un très haut risque, en ce sens qu'elle était susceptible d'entraîner des complications et des échecs. Il précise que la difficulté de pronostiquer le résultat postopératoire est directement proportionnelle au nombre des interventions antérieures et que, dans la région du nez, la présence de cicatrices dues aux précédentes opérations rendent les conditions moins favorables pour une intervention secondaire. Il note que le chirurgien qui procède à une telle intervention sera donc toujours appelé à mettre au centre de la discussion avec le patient le risque d'un échec fonctionnel et/ou cosmétique et celui de la possible nécessité de plusieurs interventions. L'expert considère que, lors de la première intervention du défendeur, il fallait certainement s'attendre au risque accru que le résultat postopératoire représentât un échec ou entraînât une augmentation des complications. Sur le vu de la nature jugée essentiellement esthétique des interventions du défendeur et de l'importance des charges économiques et personnelles qui en sont résultées pour le demandeur, le docteur I.________ estime qu'une information rigoureuse et plus approfondie qu'usuellement au sujet des risques et des chances de succès de l'intervention, de même que l'obtention d'un accord éclairé, de préférence en la forme écrite, étaient indispensables. Tout en indiquant ne pouvoir confirmer que le défendeur se fût procuré un dossier très complet, le docteur I.________ relève que le dossier contient des notes d'anamnèse sur le premier entretien du 28 octobre 1995 et "deux feuilles non datées représentant probablement des esquisses détaillées du plan opératoire", mais aucune annotation concernant les renseignements sur les risques ni aucune autorisation spéciale écrite du patient relative à l'opération. Par ailleurs, l'expert constate que, par rapport à 1985/1986, l'état du demandeur s'est péjoré, tant en ce qui concerne l'aspect esthétique du nez que du point de vue fonctionnel, et qu'il y a un lien de causalité entre l'opération et la péjoration. Il estime qu'à l'heure actuelle, une reconstruction ne pourrait être entreprise qu'avec des moyens considérables et avec un très haut risque d'échec supplémentaire.
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B.f Il a été retenu que le défendeur a reconnu que la situation actuelle du demandeur n'était pas satisfaisante. Il a admis qu'il était encore possible de réopérer le demandeur avec des chances suffisantes de succès et que le coût d'une telle opération ne serait pas inférieur à 20'000 fr.
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B.g Par jugement du 16 septembre 2004, dont les considérants ont été notifiés le 6 décembre 2004, la Cour civile a condamné X.________ à payer à Y.________ la somme de 67'000 fr., avec intérêt à 5 % l'an dès le 1er mai 1994, réparti les frais et dépens et rejeté toutes autres ou plus amples conclusions. En substance, la cour cantonale a retenu que le défendeur avait porté une atteinte illicite à l'intégrité corporelle du demandeur en l'opérant sans avoir obtenu son consentement éclairé. Elle l'a dès lors condamné à rembourser au demandeur les frais et honoraires liés aux opérations litigieuses, par 42'000 fr., à lui verser une somme pour les frais de traitements futurs, par 20'000 fr., et à lui payer une indemnité pour tort moral de 5'000 fr.
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Par acte du 16 décembre 2004, le défendeur a formé un recours en nullité devant la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois. Il a retiré son recours le 24 décembre 2004.
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C.
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Contre le jugement de la Cour civile précité, le défendeur interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Il conclut à la réforme du jugement en ce sens que les conclusions prises par le demandeur sont rejetées, que le défendeur n'est pas le débiteur de sa partie adverse et que celle-ci est reconnue sa débitrice de la somme de 3'550 fr., avec intérêt à 5 % l'an dès le 16 novembre 1995.
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L'intimé propose le rejet du recours.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours dont il est saisi (ATF 130 II 388, consid. 1, 509 consid. 8.1; 129 III 415 consid. 2.1).
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1.1 Le présent litige civile comporte un élément d'extranéité, le demandeur étant domicilié en Allemagne. Cet Etat, comme la Suisse où le défendeur a son domicile, est signataire de la Convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale conclue à Lugano le 16 septembre 1988 (RS 0.275.11, ci-après: CL ou Convention de Lugano). Entrée en vigueur pour les deux Etats ici concernés avant l'ouverture de l'action du demandeur, la Convention de Lugano est dès lors applicable (art. 1 al. 1 et 54 al. 1 CL). Ses règles de compétence l'emportent en effet sur les règles de compétence nationale, singulièrement sur celles de la Loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé, entrée en vigueur le 1er janvier 1989 (RS 291, ci-après: LDIP; cf. art. 1 al. 2 LDIP).
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En l'absence d'élection de for (art. 17 CL) et compte tenu du domicile suisse du défendeur (art. 52 al. 1 CL; art. 23 ss CC), les tribunaux suisses sont donc compétents (art. 2 al. 1 CL).
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1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ), ce qui suppose que la contestation litigieuse soit soumise à ce droit.
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Qualifiées selon la loi du for (ATF 128 III 295 consid. 2a et les arrêts cités), les relations contractuelles entre les parties relèvent en l'occurrence manifestement du mandat (art. 394 ss CO). La LDIP détermine le droit applicable à l'action, lorsque, comme en l'espèce, elle a été introduite après l'entrée en vigueur de la loi (cf. art. 198 LDIP). Aux termes de la LDIP, les faits ou actes juridiques qui ont pris naissance et produit tous leurs effets avant l'entrée en vigueur de cette loi sont régis par l'ancien droit (art. 196 al. 1 LDIP). Les faits ou actes juridiques qui ont pris naissance avant l'entrée en vigueur de la LDIP, mais qui continuent de produire des effets juridiques, sont régis par l'ancien droit pour la période antérieure à cette date; ils le sont, quant à leurs effets, par le nouveau droit pour la période postérieure (art. 196 al. 2 LDIP). En l'espèce, comme les interventions chirurgicales incriminées ont toutes été effectuées avant le 1er janvier 1989, date d'entrée en vigueur de la LDIP, l'ancien droit est applicable.
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Avant l'entrée en force de la LDIP, et en l'absence d'élection de droit, la jurisprudence du Tribunal fédéral désignait généralement comme applicable le droit de l'Etat avec lequel les faits ou les contrats présentaient les liens les plus étroits (cf. not. ATF 110 II 158 consid. 2b; 91 II 445 consid. 1); en matière contractuelle, il s'agissait en principe du droit du lieu d'exécution du contrat ou de la résidence du débiteur de la prestation caractéristique (ATF 112 II 450 consid. 1a; 96 II 149 consid. 2; 91 II 455 ibidem) et, en matière de responsabilité délictuelle, de celui du lieu de commission de l'acte illicite (ATF 111 II 471 consid. 1b; 110 II 200 consid. 6). En l'espèce, compte tenu des liens étroits de rattachement avec la Suisse (à la fois lieu de domicile du défendeur et d'exécution des interventions chirurgicales litigieuses), il sied de faire application du droit suisse, comme l'a bien vu la Cour civile.
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2.
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2.1 Interjeté par la partie qui a succombé intégralement dans ses conclusions libératoires et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il a été formé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ).
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2.2 Le recours en réforme ne permet pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Il n'est pas ouvert pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de fait qui en découlent (ATF 129 III 618 consid. 3 avec les références).
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Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2; 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Dans la mesure où une partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 130 III 102 ibidem; 127 III 248 ibidem). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des parties, qui ne peuvent en prendre de nouvelles (art. 55 al.1 let. b OJ ), il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al.1 OJ), ni par l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 130 III 136 consid. 1.4; 127 III 248 consid. 2c).
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3.
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3.1 Dans un premier moyen, le défendeur reproche tout d'abord à la Cour civile d'avoir jugé, à la lumière de la jurisprudence actuelle, qu'il avait violé son devoir d'information en matière médicale à l'égard du demandeur. Il fait valoir que les contours de ce devoir devaient être définis selon les précédents applicables au moment des faits et non pas selon ceux qui ont été rendus postérieurement; à le suivre, l'application de la dernière jurisprudence fait à tort supporter au praticien le fardeau de la preuve de l'information donnée à son patient.
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3.2 Le grief est infondé.
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En effet, il est constant qu'une nouvelle jurisprudence doit s'appliquer immédiatement, y compris aux affaires pendantes au moment où elle est adoptée et aux faits survenus avant que ce changement ne soit connu des justiciables (arrêt 1P.392/1996 du 28 mai 1997 reproduit in RDAF 1998 I p. 312 et in RDAF 1999 I p. 553, consid. 4; ATF 122 I 57 consid. 3c/bb). Ce principe est pleinement applicable en l'espèce, dès lors que les exceptions prévues par la jurisprudence (en matière de computation des délais, de recevabilité de recours ou d'assurances sociales notamment) n'entrent à l'évidence pas en ligne de compte in casu (à ce sujet, cf. not. arrêt 1P.392/1996 déjà cité, consid. 4; ATF 122 I 57 consid. 3c/bb avec les références; 120 V 128 consid. 3). Au surplus, le défendeur ne prétend pas, à juste titre, que le "changement" de jurisprudence - qu'il déplore manifestement - ait été dénué de motifs objectifs, ni qu'il y ait lieu de revenir à la pratique antérieure. A cet égard, il y a lieu de rappeler qu'une modification de la jurisprudence ne contrevient pas à la sécurité du droit, aux principes de la bonne foi, de la confiance et de l'interdiction de l'arbitraire lorsqu'elle s'appuie sur des raisons objectives, telles qu'une connaissance plus exacte ou complète de l'intention du législateur, la modification des circonstances extérieures, un changement de conception juridique ou l'évolution des moeurs (arrêt 1P.392/1996 déjà cité, consid. 4; ATF 130 V 492 consid. 4.1 et les arrêts cités; 122 I 57 consid. 3c/aa et les arrêts cités; 122 V 320 consid. 5; 117 II 452 consid. 3a).
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4.
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4.1 Le recourant fait ensuite valoir qu'au regard de la jurisprudence actuelle, une violation du devoir d'informer ne saurait être retenue. Il se prévaut des nombreuses exceptions au devoir d'informer, dont il affirme pouvoir bénéficier.
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4.2 L'exigence d'un consentement éclairé se déduit directement du droit du patient à la liberté personnelle et à l'intégrité corporelle, qui est un bien protégé par un droit absolu (ATF 117 Ib 197 consid. 2a; 113 Ib 420 consid. 2; 112 II 118 consid. 5e). Le médecin qui fait une opération sans informer son patient ni en obtenir l'accord commet un acte contraire au droit et répond du dommage causé, que l'on voie dans son attitude la violation de ses obligations de mandataire ou une atteinte à des droits absolus et, partant, un délit civil. L'illicéité d'un tel comportement affecte l'ensemble de l'intervention et rejaillit de la sorte sur chacun des gestes qu'elle comporte, même s'ils ont été exécutés conformément aux règles de l'art (arrêt 4P.265/2002 du 28 avril 2003 reproduit partiellement in RDAF 2003 I pp. 635 ss, consid. 4.1; ATF 108 II 59 consid. 3 et les références).
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Une atteinte à l'intégrité corporelle, à l'exemple d'une intervention chirurgicale, est illicite à moins qu'il n'existe un fait justificatif (ATF 117 Ib 197 consid. 2, avec les références). Dans le domaine médical, la justification de l'atteinte réside le plus souvent dans le consentement du patient; pour être efficace, le consentement doit être éclairé, ce qui suppose de la part du praticien de renseigner suffisamment le malade pour que celui-ci donne son accord en connaissance de cause (arrêt 4P.265/2002 précité, consid. 4.1 et les arrêts cités; ATF 113 Ib 420 consid. 4 et 6; 108 II 59 consid. 2; 105 II 284 consid. 6b).
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4.3 Le devoir d'information du médecin résulte également de ses obligations contractuelles, comme le confirment la doctrine et la jurisprudence constante (cf. not. arrêt 4P.265/2002 déjà cité, consid. 4.2 avec les références; 117 Ib 197 consid. 2a p. 200; 116 II 519 consid. 3b; 108 II 59 consid. 2; 105 II 284 consid. 6b avec les références).
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Le médecin doit donner au patient, en termes clairs, intelligibles et aussi complets que possible, une information sur le diagnostic, la thérapie, le pronostic, les alternatives au traitement proposé, les risques de l'opération, les chances de guérison, éventuellement sur l'évolution spontanée de la maladie et les questions financières, notamment relatives à l'assurance (arrêt 4P.265/2002 déjà cité, consid. 4.2 avec les références; sur les risques opératoires, cf. not. ATF 113 Ib 420 consid. 4 à 6; 108 II 59 consid. 2; 105 II 284 consid. 6c). Des limitations voire des exceptions au devoir d'information du médecin ne sont admises que dans des cas très précis, par exemple lorsqu'il s'agit d'actes courants sans danger particulier et n'entraînant pas d'atteinte définitive ou durable à l'intégrité corporelle (ATF 119 II 456 consid. 2a et les arrêts cités), s'il y a une urgence confinant à l'état de nécessité ou si, dans le cadre d'une opération en cours, il y a une nécessité évidente d'en effectuer une autre (arrêt 4P.265/2002 déjà cité, consid. 4.2 avec les références; ATF 108 II 59 consid. 2). On ne saurait non plus exiger que le médecin renseigne minutieusement un patient qui a subi une ou plusieurs opérations du même genre; toutefois, s'il s'agit d'une intervention particulièrement délicate quant à son exécution ou à ses conséquences, le patient a droit à une information claire et complète à ce sujet (arrêt 4C.348/1994 du 31 mai 1995 reproduit partiellement in SJ 1995 p. 708, consid. 5a; ATF 117 Ib 197 consid. 3b).
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4.4 C'est au médecin qu'il appartient d'établir qu'il a suffisamment renseigné le patient et obtenu le consentement éclairé de ce dernier préalablement à l'intervention (arrêt 4P.265/2002 déjà cité consid. 4.2 avec les références; cf. aussi. ATF 117 Ib 197 consid. 5a; 113 Ib 420 consid. 4; 108 II 59 consid. 3).
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En l'absence de consentement éclairé, la jurisprudence reconnaît au médecin la faculté de soulever le moyen du consentement hypothétique du patient. Le praticien doit alors établir que le patient aurait accepté l'opération même s'il avait été dûment informé. Le fardeau de la preuve incombe là aussi au médecin, le patient devant toutefois collaborer à cette preuve en rendant vraisemblable ou au moins en alléguant les motifs personnels qui l'auraient incité à refuser l'opération s'il en avait notamment connu les risques (arrêt 4P.265/2002 déjà cité, consid. 5.5 avec les références; question laissée ouverte not. in ATF 108 II 59 consid. 3).
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5.
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5.1 Concernant la définition du devoir d'information, le défendeur reproche à la cour cantonale de s'être fondée sur l'expertise du docteur I.________ pour définir les opérations chirurgicales litigieuses et d'avoir ainsi excédé son pouvoir d'appréciation en qualifiant ces interventions d'esthétiques, et non de thérapeutiques.
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En réalité, le défendeur se plaint en l'espèce de l'appréciation des preuves, singulièrement des expertises, et des constatations de fait qui en découlent. Le grief est irrecevable.
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5.2 Le défendeur fait également valoir que, contrairement à ce qu'a retenu la Cour civile, il ne lui appartenait pas de prouver qu'il avait informé son patient de manière complète, mais au demandeur d'établir que tel n'avait pas été le cas.
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L'argument tiré - implicitement - de la violation de l'art. 8 CC est manifestement mal fondé. En effet, c'est à bon droit que la cour cantonale a retenu qu'il appartenait au chirurgien, et non au patient, de prouver que ce dernier avait été dûment informé par ses soins. Cette répartition du fardeau de la preuve est confirmée par une jurisprudence constante, qui était au demeurant déjà en vigueur lors des opérations effectuées par le défendeur. Le grief est dénué de fondement.
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5.3 Le défendeur expose qu'aucune violation de son devoir d'informer ne peut lui être reprochée, les exceptions jurisprudentielles à ce devoir étant au surplus réalisées en l'espèce. Se référant à un ouvrage qu'il a publié en 1987, il conteste en particulier que l'intervention litigieuse ait comporté des risques non négligeables et prévisibles, dont le demandeur aurait dû être informé.
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L'autorité cantonale a retenu souverainement que le défendeur a reçu le demandeur le 28 octobre 1985 et le 10 février 1986. Lors de la première entrevue, les parties se sont entretenues au sujet des possibilités de correction du nez du demandeur. Il n'a pas été établi que le défendeur ait attiré l'attention du demandeur, par écrit ou oralement, sur les risques de l'intervention envisagée; à cet égard, les dessins "détaillés" figurant dans le dossier du défendeur ne démontrent pas le contraire, d'autant que, selon les experts, ils ont uniquement servi à expliquer le plan de l'intervention. Par ailleurs, il est établi par expertise que l'intervention litigieuse était à "très haut risque", ce qui signifie qu'il y avait un risque élevé qu'elle entraîne des complications supplémentaires et que le résultat postopératoire soit un échec. La difficulté de pronostiquer ce résultat était directement proportionnelle au nombre des interventions antérieures, lesquelles se chiffraient à quatre lorsque le demandeur a consulté le défendeur. Ce dernier en avait connaissance et a admis que tout spécialiste se devait alors d'approfondir l'anamnèse de son patient tout en s'assurant d'avoir un dossier médical complet.
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Dans un contexte si particulier, l'argument du défendeur visant à contester la prévisibilité et l'importance des risques de ses interventions ne peut manifestement être suivi. L'importance des risques opératoires a été confirmée par les expertises, de sorte que le défendeur ne saurait valablement la contester sans remettre en cause l'appréciation des preuves. En outre, dans la mesure où il n'a pu être établi que le défendeur ait eu en mains toutes les données médicales du demandeur, il est permis de douter qu'il ait pu être en mesure d'informer le patient de manière précise et complète sur les risques de l'intervention. Il y a également lieu de retenir qu'aucun élément ne démontre que le défendeur a exposé au demandeur la probable nécessité de plusieurs interventions subséquentes. En dépit de ce qu'il soutient, le défendeur n'était pas exempté de son obligation d'information par le fait que le demandeur avait déjà subi des interventions et sollicité l'avis de deux autres médecins avant de le rencontrer. A dire d'experts, ce sont précisément les antécédents médicaux du demandeur qui rendaient extrêmement délicate une nouvelle intervention. Aussi, le défendeur ne pouvait-il se contenter de "laisser entendre" à son patient que l'intervention permettrait d'améliorer l'aspect esthétique et fonctionnel du nez. Il se devait indubitablement de fournir une information claire et complète. Dès lors, le défendeur n'a pas établi avoir donné des renseignements sur le risque élevé d'un échec opératoire, pouvant amener le patient à subir une nouvelle intervention.
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En conséquence, il y a lieu d'admettre que les informations communiquées au demandeur n'étaient pas suffisantes et que la preuve d'un consentement éclairé du demandeur à l'intervention chirurgicale du défendeur n'a pas été apportée.
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5.4 Le défendeur allègue que le demandeur aurait accepté les interventions, même s'il avait été dûment informé. Il invoque l'existence d'un consentement hypothétique du demandeur.
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Ce moyen de défense n'ayant pas été soulevé en instance cantonale, le demandeur n'a pas allégué les motifs personnels qui l'auraient incité à refuser l'opération (cf. jugement attaqué, p. 52); il ne l'a pas fait non plus dans le cadre de sa réponse au recours en réforme. En application de la jurisprudence susrappelée (not. arrêt 4P.265/2002 déjà cité, consid. 5.5 avec les références), il y a dès lors lieu de considérer objectivement, en se fondant sur la situation personnelle concrète, s'il est compréhensible, pour un patient sensé, de s'opposer à l'opération.
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En l'occurrence, même s'il était "particulièrement désappointé" et insistant, le demandeur n'en attendait pas moins du défendeur qu'il améliore son état de santé. Or, il est établi que l'opération envisagée par le défendeur était délicate et présentait en réalité un "haut risque" de complications et d'échecs; ce risque s'est d'ailleurs concrètement traduit en l'espèce par une succession de quatre interventions assez lourdes avec pour conséquence une péjoration de l'état de santé général du demandeur et l'absence d'amélioration notable de son aspect physique. Il n'est ainsi pas douteux qu'un patient dans la même situation que le demandeur aurait renoncé à l'intervention proposée par le défendeur s'il avait eu connaissance des risques et des conséquences auxquels il s'exposait en l'acceptant. En outre, il est conforme à l'expérience générale de la vie qu'un patient n'accepte pas d'assumer une dépense de plusieurs dizaines de milliers de francs pour une opération entraînant trois autres interventions supplémentaires, sans qu'aucune amélioration, que ce soit sur le plan esthétique ou physiologique, ne s'ensuive. Partant, on ne saurait admettre le consentement hypothétique du demandeur à l'intervention litigieuse. Mal fondé, le moyen du défendeur doit être rejeté.
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5.5 Sur le vu de ce qui précède, il apparaît que la responsabilité contractuelle du défendeur est engagée. Faute de consentement éclairé, l'intervention est illicite dans son ensemble; le médecin devra réparer tout dommage en lien de causalité avec l'intervention, quand bien même aucune règle de l'art n'aurait été violée (cf. ATF 108 II 59 consid. 3 p. 62).
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6.
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6.1 Le défendeur reproche ensuite à la cour cantonale d'avoir admis, sans le prouver, un lien de causalité entre l'état de santé actuelle du demandeur et les opérations litigieuses.
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6.2 Tandis que la causalité naturelle relève des constatations de fait, qui lient le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ; ATF 128 III 174 consid. 2b, 180 consid. 2d), l'existence d'un rapport de causalité adéquate ressortit à l'application du droit et peut être revue librement en instance de réforme (ATF 123 III 110 consid. 2; 116 II 519 consid. 4a).
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En matière médicale en particulier, et comme le rappelait notamment un arrêt rendu en 1982 (cf. ATF 108 II 59 consid. 3), du reste cité par le défendeur, le fait auquel l'ordre juridique attache le devoir de réparation est l'acte accompli en violation d'une obligation contractuelle ou d'une norme générale de comportement. L'opération effectuée sans le consentement éclairé du patient, dans sa globalité, est contraire au droit. L'existence d'un lien de causalité doit donc s'apprécier entre l'intervention chirurgicale, considérée dans son ensemble, et le préjudice subi par le patient. Ce lien existe, de manière naturelle et adéquate, lorsque l'opération aboutit à un échec, c'est-à-dire à une atteinte à la vie, la santé ou l'intégrité corporelle, et qu'elle apparaît au surplus normalement propre, selon le cours ordinaire des choses, à provoquer un résultat du genre de celui qui s'est produit.
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6.3 En l'occurrence, se fondant sur les conclusions de plusieurs experts, la cour cantonale a retenu, d'une manière qui lie le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme, un lien de causalité naturelle entre les interventions effectuées par le défendeur et l'état du demandeur. Par ailleurs, le rapport de causalité adéquate doit également être retenu. Il est en effet établi que les opérations faites par le défendeur n'ont pas eu les résultats escomptés et qu'elles ont même péjoré l'état de santé du demandeur sous certains aspects. Selon le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, les conséquences des interventions étaient objectivement prévisibles et ces dernières étaient propres à provoquer un effet du genre de celui qui s'est produit (sur la causalité adéquate, cf. ég. ATF 129 II 312 consid. 3.3; 119 Ib 334 consid. 5b). Mal fondé, le grief tiré de l'absence de causalité doit ainsi être rejeté.
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7.
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Enfin, le défendeur fait valoir qu'il ne peut être tenu pour responsable du préjudice allégué au motif qu'aucune faute ne peut lui être reprochée, la décision d'opérer et l'exécution de l'intervention ayant été conformes aux règles de l'art.
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L'argument est mal fondé à plusieurs titres. En premier lieu, selon les principes déjà rappelés, l'absence de consentement du patient rend une intervention illicite dans son ensemble, même si les gestes que celle-ci comporte ont été exécutés conformément aux règles de l'art (cf. arrêt 4P.265/2002 déjà cité, consid. 4.1; ATF 108 II 59 consid. 3 et les références). Ensuite, le défendeur ne démontre pas que la violation de son devoir d'informer son patient serait intervenue sans sa faute, laquelle est présumée (art. 97 al. 1 CO), et les faits constatés par la cour cantonale ne laissent pas non plus apparaître un renversement de cette présomption. Au surplus, la question du dommage n'est pas abordée par le recourant. Le grief est derechef sans fondement.
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8.
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En définitive, le recours doit être rejeté. Compte tenu de l'issue de la cause, le recourant supportera l'émolument de justice et versera à l'intimé une indemnité de dépens (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté.
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2.
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Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge du défendeur.
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3.
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Le défendeur versera au demandeur une indemnité de 5'000 fr. à titre de dépens.
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4.
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Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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Lausanne, le 24 mars 2005
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Au nom de la Ire Cour civile
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: Le greffier:
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