BGer 5C.75/2005 |
BGer 5C.75/2005 vom 11.05.2005 |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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5C.75/2005 / MSI / fzc
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Arrêt du 11 mai 2005
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IIe Cour civile
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Composition
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MM. et Mme les Juges Raselli, Président, Meyer et Hohl.
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Greffière: Mme Michellod Bonard.
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Parties
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X.________,
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demandeur et recourant, représenté par Me Pierre Christe, avocat,
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contre
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Y.________, Compagnie d'assurances,
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défenderesse et intimée, représentée par Me Alain Schweingruber.
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Objet
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contrat d'assurance,
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recours en réforme contre l'arrêt de la Cour civile du Tribunal cantonal de la République et Canton du Jura
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du 9 février 2005.
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Faits:
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A. Le 6 décembre 2001, X.________ a acheté une Mercedes C200 d'occasion. Il a assuré ce véhicule auprès de Y.________ Assurances, notamment contre le vol.
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Le 22 avril 2003 à 20h, X.________ a, selon ses dires, parqué sa Mercedes sur la place B.________ à C.________ et en a fermé les portes. Lorsqu'il est sorti à 1h30 de l'établissement public où il avait passé la soirée avec un ami, il a constaté que sa voiture avait disparu. Il a alors appelé cet ami pour qu'il vienne le chercher sur le parking. Ce dernier a appelé la police pour annoncer le vol. X.________ est passé au poste le lendemain pour déposer plainte.
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Par courrier du 23 octobre 2003, Y.________ Assurances a informé X.________ qu'elle refusait d'intervenir dans le règlement du vol de la Mercedes et qu'elle résiliait le contrat avec effet rétroactif pour cause de réticence. A l'appui de sa décision, Y.________ Assurances faisait valoir que l'assuré n'avait pas rapporté la preuve du vol et qu'il n'avait pas répondu correctement aux questions posées lors de la signature de la proposition d'assurance.
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B.
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Le 20 juillet 2004, X.________ a ouvert action contre Y.________ Assurances en paiement d'un montant de 20'000 fr. plus intérêts à 5% dès le 22 novembre 2003.
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Par arrêt du 9 février 2005, la Cour civile du Tribunal cantonal du Jura a rejeté la demande. Après avoir estimé que le demandeur n'avait pas commis de réticence (consid. 1), la cour cantonale a considéré que les déclarations du demandeur relatives au nombre de clés remises lors de l'achat du véhicule étaient contredites par le témoignage du vendeur et étaient en outre peu vraisemblables. Elle a par conséquent estimé que le demandeur avait échoué dans la preuve de la haute vraisemblance de la survenance du vol (consid. 2).
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C.
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X.________ interjette un recours en réforme, concluant à ce que la défenderesse soit condamnée à lui verser la somme de 20'000 fr. plus intérêts à 5% dès le 22 novembre 2003. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale. Il n'a pas été ordonné d'échange d'écriture.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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Interjeté en temps utile contre une décision finale rendue dans une contestation civile par l'autorité suprême du canton, le recours est recevable sous l'angle des art. 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ. Il l'est aussi au regard de l'art. 46 OJ, la valeur litigieuse étant supérieure à 8'000 fr.
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2.
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Le demandeur se plaint d'une violation des art. 8 CC et 39 LCA.
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2.1 En vertu de l'art. 8 CC, la preuve du sinistre incombe à l'ayant droit, lequel doit, sur la demande de l'assureur, fournir à ce dernier tout renseignement sur les faits à sa connaissance qui peuvent servir à déterminer les circonstances dans lesquelles le sinistre s'est produit ou à fixer les conséquences du sinistre (art. 39 al. 1 LCA). La cour cantonale a toutefois retenu à juste titre que dans un cas tel que celui d'espèce, où l'ayant droit est dans l'impossibilité de rapporter la preuve matérielle du sinistre, il doit seulement établir la vraisemblance prépondérante de la survenance de l'événement assuré. Ainsi, il est loisible au juge du fait, qui apprécie librement les preuves, d'admettre qu'un fait s'est produit de la façon qui apparaît dans le cas particulier la plus vraisemblable selon l'expérience générale (ATF 130 III 321 consid. 3.3 p. 325). D'un autre côté, face à une preuve qui n'est pas absolue, mais fondée sur l'expérience générale de la vie, sur des présomptions de fait ou sur des indices, l'assureur a le droit d'administrer la preuve de circonstances concrètes propres à faire échouer la preuve principale en éveillant chez le juge des doutes sur l'exactitude de l'allégation qui fait l'objet de celle-ci (ATF 130 III 321 consid. 3.4 p. 326)
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2.2 La cour cantonale a examiné les déclarations du demandeur et celles du vendeur du véhicule concernant le nombre de clés remises lors de l'achat. Elle a estimé que ces déclarations étaient contradictoires et qu'il était en outre peu vraisemblable que le demandeur se soit accommodé, durant plus d'un an, d'une seule clé à fonctionnement mécanique, vu les manoeuvres que cela impliquait pour ouvrir le véhicule.
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Ces considérations relèvent de l'appréciation des preuves (ATF 130 III 321 consid. 5 p. 327). Elles ne peuvent donc être critiquées dans le cadre d'un recours en réforme (art. 55 al. 1 let. c OJ). Ainsi, lorsque le recourant affirme que ses déclarations ne sont pas contredites par celles du garagiste, il présente un grief irrecevable. Il se prévaut certes d'une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2, 2e phrase OJ), mais un tel grief suppose que l'autorité, par simple inattention, ait omis de prendre en considération tout ou partie d'une pièce déterminée, l'ait mal lue ou mal comprise (cf. ATF 121 IV 104 consid. 2b p. 106; 115 II 399 consid. 2a). Dès l'instant où une constatation de fait repose sur une appréciation, même insoutenable, d'une preuve, d'un ensemble de preuves ou d'indices, une inadvertance est exclue et seule la voie du recours de droit public est ouverte pour se plaindre de la façon dont les juges ont apprécié les preuves (art. 43 al. 1, 2e phrase et art. 84 al. 1 let. a OJ). En l'espèce, il n'apparaît pas que les juges aient omis de lire une partie des déclarations du demandeur ou du garagiste. Leur appréciation ne peut donc être remise en cause dans le présent recours en réforme. Il en va de même pour la vraisemblance de l'utilisation d'une clé mécanique.
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2.3 Le demandeur reproche à la cour cantonale d'être partie d'une fausse conception du degré de la preuve et d'avoir exigé la certitude de la survenance du sinistre en lieu et place de la haute vraisemblance. Il soutient qu'un examen attentif de l'arrêt révèle que seule la preuve absolue du sinistre aurait amené la cour cantonale à admettre son action en paiement.
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Il est vrai qu'en affirmant que le preneur d'assurance devait apporter la preuve stricte de la survenance du sinistre si l'assureur était parvenu à éveiller de sérieux doutes chez le juge, la cour cantonale a présenté la jurisprudence de manière erronée (arrêt attaqué consid. 2.1 in fine). Le Tribunal fédéral a en effet considéré que dans ce cas de figure, il n'y avait plus de place pour une preuve stricte (ATF 130 III 321 consid. 3.4 in fine p. 326 s.).
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Cependant, au stade de l'application du droit, la cour cantonale s'est uniquement fondée sur le critère de la haute vraisemblance. Après avoir analysé les allégations du demandeur et les éléments infirmant sa version, elle a considéré, par une appréciation qui ne peut être critiquée dans un recours en réforme, que ces derniers étaient suffisants pour la faire douter de l'existence du sinistre. Elle en a conclu que le demandeur avait échoué dans la preuve de la haute vraisemblance de la survenance du vol de sa voiture et a rejeté ses conclusions. Ce faisant, la cour cantonale n'a pas exigé du demandeur plus que la vraisemblance prépondérante de sa version des faits et n'a donc pas violé le droit fédéral.
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3.
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Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté dans la mesure où il est recevable et le demandeur, qui succombe, supportera les frais de la procédure fédérale (art. 156 al. 1 OJ). La défenderesse n'ayant pas été invitée à déposer d'observations, il n'y a pas lieu de lui octroyer de dépens.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2.
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Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge du demandeur.
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3.
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Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal de la République et Canton du Jura.
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Lausanne, le 11 mai 2005
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Au nom de la IIe Cour civile
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: La greffière:
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