BGer 1P.509/2005
 
BGer 1P.509/2005 vom 30.09.2005
Tribunale federale
{T 0/2}
1P.509/2005 /col
Arrêt du 30 septembre 2005
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger et Reeb.
Greffier: M. Kurz.
Parties
A.________,
recourante, représentée par Me Danielle Julmy-Hort, avocate,
contre
Juge de paix du district d'Avenches,
C.________, Compagnie d'assurances,
intimées,
Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Palais de Justice de l'Hermitage,
route du Signal 8, 1014 Lausanne.
Objet
récusation,
recours de droit public contre l'arrêt de la Cour administrative du 17 juin 2005.
Considérant:
que par jugement du 17 février 2005, la Juge de paix des districts de Payerne, d'Avenches et de Moudon a prononcé la mainlevée, en faveur d'une compagnie d'assurances, de l'opposition formée par A.________ à une poursuite portant sur 1029 fr. plus accessoires, représentant le montant d'une prime d'assurance;
que la Juge de paix a notamment considéré qu'après avoir signé une proposition d'assurance acceptée dans les quatorze jours par la partie poursuivante, la débitrice ne s'était pas départie de son offre, même si elle n'avait pas reçu les conditions générales d'assurance;
qu'en outre, il n'y avait pas à rechercher si le délai de deux mois prévu à l'art. 21 LCA était respecté, car l'envoi d'une sommation au sens de l'art. 20 LCA n'était pas établi par pièce;
que A.________ a agi en libération de dette, en faisant valoir derechef qu'elle n'avait pu consulter les conditions générales avant de remettre sa proposition, contrairement à ce qu'exige l'art. 3 LCA, et qu'une sommation avait été envoyée le 12 mai 2004, de sorte que la poursuite intentée le 16 septembre 2004 serait tardive;
qu'après avoir reçu la citation à comparaître devant la même Juge de paix, A.________ en a demandé la récusation au Tribunal cantonal vaudois;
que par arrêt du 17 juin 2005, la Cour administrative du Tribunal cantonal a rejeté la demande en se fondant sur l'ATF 120 Ia 82, la procédure de mainlevée ayant un autre objet que l'action au fond;
que A.________ forme un recours de droit public par lequel elle demande l'annulation de l'arrêt cantonal;
que le Tribunal cantonal se réfère aux considérants de son arrêt, la Juge de paix et la compagnie d'assurances ayant renoncé à se déterminer;
que la recourante invoque les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH, en relevant que la Juge de paix s'est déjà prononcée sur la validité de la conclusion du contrat d'assurance;
que la jurisprudence a renoncé à résoudre une fois pour toutes la question de savoir si le cumul, par un magistrat, de différentes fonctions contrevient ou non aux art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH (ATF 131 I 113 consid. 3.4 p. 117; 114 Ia 50 consid. 3d p. 57 ss et les arrêts cités);
que l'issue de la cause ne doit toutefois pas apparaître prédéterminée, mais demeurer au contraire indécise quant à la constatation des faits et à la résolution des questions juridiques;
qu'il faut en particulier examiner les fonctions procédurales que le juge a été appelé à exercer lors de son intervention précédente, prendre en compte les questions successives à trancher à chaque stade de la procédure, et mettre en évidence leur éventuelle analogie ou leur interdépendance, ainsi que l'étendue du pouvoir de décision du juge à leur sujet;
que selon la jurisprudence, le droit à un juge indépendant et impartial, n'est pas violé lorsque le juge qui a rejeté une demande de mainlevée d'opposition prend ensuite part au procès ouvert par l'action en reconnaissance de dettes (ATF 120 Ia 82 consid. 6);
que cet arrêt de principe ne dispense pas de rechercher quelles questions ont été concrètement tranchées lors de la procédure de mainlevée, et de quelle manière elles l'ont été;
qu'en l'occurrence, la Juge de paix ne s'est pas contentée de constater la présence d'un titre de mainlevée, mais a aussi rejeté les objections soulevées sur le fond par la recourante quant à la conclusion du contrat et au respect du délai fixé à l'art. 21 LCA;
qu'elle s'est ainsi livrée à une appréciation juridique complète, en se fondant sur les mêmes documents que ceux qui sont produits à l'appui de la demande de libération de dette;
que, dans ces circonstances, les doutes de la recourante à propos de l'impartialité de la Juge de paix apparaissent légitimes, car on ne voit pas en quoi une instruction plus complète de la cause pourrait amener la juge à revoir son opinion;
que le recours de droit public doit par conséquent être admis;
qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire (art. 156 al. 2 OJ), et qu'une indemnité de dépens est allouée à la recourante, à la charge du canton de Vaud.
Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé.
2.
Une indemnité de dépens de 1000 fr. est allouée à la recourante, à la charge de l'Etat de Vaud. Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 30 septembre 2005
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: