BGer 5C.200/2005 |
BGer 5C.200/2005 vom 21.10.2005 |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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5C.200/2005 /frs
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Arrêt du 21 octobre 2005
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IIe Cour civile
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Composition
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MM. et Mmes les Juges Raselli, Président,
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Nordmann, Escher, Meyer et Marazzi.
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Greffier: M. Braconi.
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Parties
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X.________,
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Y.________,
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demanderesses et recourantes,
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toutes deux représentées par Me Robert Liron, avocat,
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contre
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Z.________,
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défendeur et intimé,
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représenté par Me Pierre-Dominique Schupp, avocat,
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Objet
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immissions,
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recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud du
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14 juin 2005.
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Faits:
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A.
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Le 5 février 2002, X.________ et Y.________, propriétaires de la parcelle n° xxx du cadastre communal de A.________, ont ouvert action contre Z.________, propriétaire du bien-fonds voisin n° zzz, sur la base de l'art. 684 CC; se plaignant d'immissions excessives (à savoir "privation de lumière et d'ensoleillement", ainsi que "maintien artificiel d'une humidité excessive"), elles ont conclu à ce que le défendeur soit condamné, sous la commination des peines de l'art. 292 CP, à abattre huit arbres.
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B.
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Par jugement du 17 septembre 2004, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois a rejeté la demande.
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Par arrêt du 18 février 2005 (notifié le 14 juin suivant), la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a confirmé cette décision.
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C.
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Contre cet arrêt, les demanderesses exercent un recours en réforme au Tribunal fédéral; elles reprennent les conclusions formulées devant les juridictions cantonales, en précisant qu'un des arbres a été abattu dans l'intervalle vu son mauvais état.
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Le défendeur n'a pas été invité à répondre.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la recevabilité du recours dont il est saisi (ATF 131 I 57 consid. 1 p. 59, 153 consid. 1 p. 156 et la jurisprudence citée).
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1.1 Déposé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance par le tribunal suprême du canton, le recours est recevable sous l'angle des art. 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.
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1.2 Le présent litige porte sur un droit de nature pécuniaire (ATF 52 II 292 consid. 1). La valeur litigieuse équivaut à l'augmentation de valeur que l'abattage des arbres procurerait au fonds des demanderesses ou, si elle est plus élevée, à la diminution de valeur qu'il entraînerait pour le fonds du défendeur (cf. ATF 45 II 402 consid. 1 p. 405/406; Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. I, n. 9.5 ad art. 36 OJ; Messmer/Imboden, Die eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsachen, ch. 61 n. 29, avec d'autres références); contrairement à l'opinion des demanderesses, elle ne correspond dès lors pas au coût de l'abattage des arbres en cause, estimé à 15'000 fr. (cf. ZR 87/1988 n° 132 p. 134 s.; Frank/Sträuli/Messmer, Kommentar zur Zürcherischen Zivilprozessordnung, 3e éd., n. 2 ad § 24 ZPO).
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Il n'y a pas lieu de rechercher plus avant si la valeur litigieuse exigée par la loi (art. 46 OJ) serait atteinte de ce point de vue, car le recours est voué à l'insuccès.
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1.3 En instance de réforme, le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité cantonale, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées ou que des constatations ne reposent manifestement sur une inadvertance (art. 63 al. 2 OJ).
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En l'espèce, il ressort du jugement de première instance, dont l'état de fait a été intégralement repris par la Chambre des recours (cf. Poudret, op. cit., vol. II, n. 4.7 ad art. 63 OJ et les arrêts cités), que, depuis le dépôt de la demande, deux arbres ont été abattus, et non pas un seul comme l'affirment les demanderesses. Au surplus, "trois sapins" visés par les conclusions de la demande se trouvent sur la "parcelle n° 48"; or, il n'est pas constaté que le défendeur disposerait sur elle d'un droit de propriété ou d'un autre droit - réel ou personnel - lui permettant d'utiliser ledit fonds (cf. sur ce dernier point: Steinauer, Les droits réels, vol. II, 3e éd., § 50 n. 1905 et les arrêts cités). Dans la mesure où elles tendent à l'abattage des trois "épicéas" (n°s 1, 5 et 6), les conclusions des demanderesses sont d'emblée mal fondées.
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2.
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Les demanderesses reprochent d'abord à l'autorité cantonale d'avoir refusé d'ordonner une inspection locale, mesure dont elles requièrent expressément l'administration.
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Hormis quelques exceptions qui n'entrent pas en ligne de compte, le Tribunal fédéral ne saurait administrer de preuves lui-même (art. 55 al. 1 let. c et 63 al. 2 OJ). En tant qu'elle s'adresse à la cour de céans, la requête tendant à une inspection locale est dès lors irrecevable. Elle l'est, de toute manière, pour une autre raison. Les demanderesses ne dénoncent pas une violation de l'art. 8 CC, disposition qui accorde au justiciable le droit à l'administration de preuves de nature à influer sur le sort de la décision (ATF 114 II 289 consid. 2a p. 290). Comme elles l'admettent expressément, l'autorité cantonale a refusé d'ordonner une inspection locale à la suite d'une appréciation anticipée des preuves (ATF 131 I 153 consid. 3 p. 157 et les citations); or, ce résultat ne peut être sanctionné que dans un recours de droit public (ATF 114 II 289 consid. 2a p. 291).
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3.
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3.1 Se ralliant au premier juge, la Chambre des recours a considéré que le litige devait tout d'abord être examiné au regard de la législation cantonale, réservée par l'art. 688 CC, l'art. 684 CC n'intervenant qu'à titre subsidiaire. A cet égard, les plantations litigieuses sont protégées par la loi sur la protection de la nature, des monuments et des sites du 10 décembre 1969 (LPNMS); elles ne peuvent faire l'objet des actions instituées aux art. 50 et 57-59 du Code rural et foncier du 7 décembre 1987 (CRF) qu'à condition de causer un préjudice grave à la propriété des demanderesses (cf. art. 61 al. 1 ch. 3 CRF). Cette hypothèse étant interprétée de manière restrictive, les nuisances invoquées dans le cas présent n'apparaissent pas d'une gravité telle qu'elles justifient l'action introduite.
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3.2 Il n'y a pas lieu de rouvrir ici le débat sur les relations entre le droit civil fédéral et le droit public cantonal en matière de plantations (cf. sur ce point: ATF 126 III 452 consid. 3 p. 457 ss; pour les constructions [art. 686 CC]: ATF 129 III 161 consid. 2 p. 163 ss). Il résulte de l'arrêt entrepris que les arbres litigieux sont soumis à la législation vaudoise sur la protection de la nature, des monuments et des sites (LPNMS), laquelle ressortit au droit public (D. Piotet, note in JdT 2001 I 545 ss, spéc. p. 560); d'après cette loi, la décision de classement ne peut être modifiée ou abrogée que pour des motifs impérieux d'intérêt public, ou si l'objet qu'il protège ne présente plus d'intérêt du point de vue de la loi précitée (art. 27 al. 2). Le Code rural et foncier - qui appartient au droit privé cantonal (cf. art. 167 de la loi d'introduction dans le Canton de Vaud du Code civil suisse du 30 novembre 1910 [LVCC]) - prévoit, quant à lui, que les plantations protégées ne peuvent être écimées ou enlevées qu'aux conditions fixées par la législation sur la protection de la nature, des monuments et des sites (art. 60 al. 3 CRF); néanmoins, le voisin peut exiger l'enlèvement des plantations s'il subit un préjudice grave du fait de celles-ci (art. 61 al. 1 ch. 3 CRF). Dans l'hypothèse où ces conditions ne sont - comme en l'occurrence - pas réalisées, les demanderesses font valoir, en substance, que le droit fédéral relatif à la protection contre les immissions (négatives) constitue une garantie minimale, non seulement lorsque le droit cantonal ne peut s'appliquer, par exemple en raison de la prescription de la prétention à l'abattage, mais également "lorsque la norme de droit cantonal, quelle que soit sa nature, prévoit des critères trop restrictifs pour admettre l'écimage ou l'abattage".
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Cette argumentation ne saurait être approuvée. Alors que le droit privé cantonal doit, en principe, s'appuyer sur une réserve expresse, le droit public cantonal n'est pas soumis à une telle restriction, de sorte qu'un canton est habilité à édicter des normes de droit public même dans les domaines qui connaissent une réserve en faveur du droit civil cantonal (Marti, Zürcher Kommentar, 3e éd., n. 45 ad art. 5 CC); nonobstant la réserve de l'art. 686 CC, le législateur cantonal peut ainsi prescrire les distances que les propriétaires doivent observer dans les constructions au moyen de règles administratives (ATF 47 II 109 p. 111/112). Cette force expansive du droit public cantonal (cf. à ce sujet: Marti, op. cit., n. 45 ss ad art. 6 CC et les références) n'est évidemment pas sans limites. Selon la jurisprudence, l'adoption de normes de droit public par les cantons n'est admissible qu'à la triple condition que le législateur fédéral n'ait pas entendu réglementer la matière de façon exhaustive, que ces règles soient justifiées par un intérêt public pertinent et que celles-ci n'éludent pas le droit civil fédéral, ni n'en contredisent le sens ou l'esprit (ATF 124 I 107 consid. 2a p. 109 et les arrêts cités).
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En l'espèce, les demanderesses ne remettent pas en cause les motifs d'intérêt public sur lesquels repose le classement des arbres litigieux, se bornant à affirmer - à la suite d'un témoin - que les essences qui composent le bosquet sont "communes". En outre, la réglementation fédérale du droit de propriété ne représente pas un ensemble exhaustif qui exclurait toute législation cantonale complémentaire (Marti, ibidem, n. 286 et les citations). Enfin, les restrictions de droit public cantonal à la propriété foncière découlant, en particulier, de la législation sur la protection de la nature, se révèlent compatibles avec le sens et l'esprit du droit civil fédéral (Marti, ibidem, n. 368 ss et les citations; cf. aussi, pour l'art. 686 CC: ATF 129 III 161 consid. 2.6 p. 165/166). Dans ces circonstances, on ne voit pas en quoi le refus de l'abattage en raison de la législation cantonale sur la protection de la nature contreviendrait au droit civil fédéral, en particulier à l'art. 684 CC (cf. également: arrêt 5C.269/2004 du 16 juin 2005, consid. 3 non publié à l'ATF 131 III 505).
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Il résulte de ce qui précède que la réglementation cantonale de droit public sur laquelle se fonde le classement des arbres litigieux n'est pas contraire au droit civil fédéral. Le recours doit être rejeté pour ce motif.
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4.
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Vu l'issue de la présente procédure, les frais de justice incombent aux demanderesses, solidairement entre elles (art. 156 al. 1 et 7 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens au défendeur, qui n'a pas été invité à répondre.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2.
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Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis solidairement à la charge des demanderesses.
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3.
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Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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Lausanne, le 21 octobre 2005
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Au nom de la IIe Cour civile
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président: Le Greffier:
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