BGer 2P.325/2005 |
BGer 2P.325/2005 vom 06.03.2006 |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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2P.325/2005 /fzc
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Arrêt du 6 mars 2006
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IIe Cour de droit public
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Composition
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MM. les Juges Merkli, Président,
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Wurzburger et Meylan, Juge suppléant.
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Greffier: M. de Mestral.
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Parties
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X.________,
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recourant,
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représenté par Me Yann P. Meyer, avocat,
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contre
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Département de l'économie et de la santé du canton de Genève, rue de l'Hôtel-de-Ville 14, case postale 3984, 1211 Genève 3,
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Tribunal administratif du canton de Genève, rue du Mont-Blanc 18, case postale 1956, 1211 Genève 1.
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Objet
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art. 27 Cst. (amende),
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recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal adminis-tratif du canton de Genève du 4 octobre 2005.
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Faits:
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A.
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Par décision du 4 juillet 2005, le Département de justice, police et sécurité du canton de Genève (ci-après: le département), alors compétent (actuellement, la compétence relève du Département de l'économie et de la santé) a infligé à X.________, titulaire du certificat de capacité de cafetier, une amende administrative de 10'000 fr. pour avoir exploité personnellement et effectivement le café-restaurant "A.________" sous le couvert d'un prête-nom, sans être au bénéfice d'une autorisation d'exploiter. Auparavant déjà, X.________ avait été condamné à diverses reprises pour des faits semblables et s'était vu, la dernière fois, infliger une amende de 5'000 francs.
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Par arrêt du 4 octobre 2005, le Tribunal administratif du canton de Genève a rejeté le recours de X.________ et confirmé la décision du département.
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B.
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Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif du 4 octobre 2005, sous suite de frais et dépens.
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Le Tribunal administratif déclare persister dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le département conclut au rejet du recours.
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C. Par ordonnance présidentielle du 6 décembre 2005, la requête d'effet suspensif formulée par le recourant a été rejetée.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 131 I 57 consid. 1 p. 59, 145 consid. 2 p. 147, 153 consid. 1 p. 156, 266 consid. 2 p. 267; 131 II 58 consid. 1 p. 60, 137 consid. 1 p. 140, 352 consid. 1 p. 353, 361 consid. 1 p. 364, 571 consid. 1 p. 573; 131 IV 142 consid. 1 p. 143; 130 I 312 consid. 1 p. 317 et la jurisprudence citée).
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1.1 Le présent recours est dirigé contre une décision fondée exclusivement sur le droit public cantonal et prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ). En tant que destinataire de la décision attaquée, le recourant à qualité pour agir (art. 88 OJ).
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1.2 Selon l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte de recours doit - sous peine d'irrecevabilité - contenir un exposé des faits essentiels et un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés, précisant en quoi consiste la violation. Lorsqu'il est saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier de lui-même si l'arrêt entrepris est en tous points conforme au droit et à l'équité; il n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel, invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours. Le recourant ne saurait se contenter de soulever de vagues griefs ou de renvoyer aux actes cantonaux (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261, 26 consid. 2.1 p. 31; 129 III 626 consid. 4 p. 629; 129 I 113 consid. 2.1 p. 120, 185 consid. 1.6 p. 189; 125 I 71 consid. 1c p. 76; 115 Ia 27 consid. 4a p. 30; 114 Ia 317 consid. 2b p. 318). En outre, dans un recours pour arbitraire fondé sur l'art. 9 Cst., l'intéressé ne peut se contenter de critiquer l'arrêt attaqué comme il le ferait dans une procédure d'appel où l'autorité de recours peut revoir librement l'application du droit. Il doit préciser en quoi cet arrêt serait arbitraire, ne reposerait sur aucun motif sérieux et objectif, apparaîtrait insoutenable ou heurterait gravement le sens de la justice (ATF 128 I 295 consid. 7a p. 312; 125 I 492 consid. 1b p. 495 et la jurisprudence citée; cf. en particulier: ATF 110 Ia 1 consid. 2a p. 3-4).
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C'est à la lumière de ces principes que doivent être appréciés les moyens soulevés par le recourant.
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2.
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La loi genevoise du 17 décembre 1987 sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement (LRDBH/GE; RSGE I 2 21, ci-après: la loi genevoise sur la restauration) régit l'exploitation à titre onéreux d'établissements voués à la restauration, au débit de boissons à consommer sur place et à l'hébergement (art. 1). Elle a pour but d'assurer qu'aucun établissement qui lui est soumis ne soit susceptible de troubler l'ordre public, en particulier la tranquillité, la santé et la moralité publiques, du fait de son propriétaire ou de son exploitant, ainsi qu'en raison de sa construction, de son aménagement ou de son implantation (art. 2 al. 1). L'exploitation de tout établissement régi par cette loi est soumise à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter (art. 4 al. 1) et cette autorisation n'est délivrée que si, notamment, le requérant est titulaire d'un certificat de capacité et qu'il offre par ses antécédents et son comportement toute garantie que l'établissement soit exploité conformément aux dispositions de cette loi et aux prescriptions en matière de police des étrangers, de sécurité sociale et de droit du travail (art. 5 al.1 lettres c et d). L'exploitant doit gérer l'établissement de manière personnelle et effective; en cas d'absence de l'établissement, il doit désigner un remplaçant compétent et instruit de ses devoirs, qui assume la responsabilité de l'exploitation; il répond du comportement adopté par les personnes participant à l'exploitation et à l'animation de l'établissement dans l'accomplissement de leur travail (art. 21). L'exploitant doit veiller au maintien de l'ordre dans son établissement et prendre toutes les mesures utiles à cette fin; il doit exploiter l'établissement de manière à ne pas engendrer d'inconvénients graves pour le voisinage; si l'ordre est sérieusement troublé ou menace de l'être, que ce soit à l'intérieur de l'établissement ou dans ses environs immédiats, il doit faire appel à la police (art. 22). A titre de sanctions administratives en cas d'infraction à la législation ou aux conditions particulières de l'autorisation, la loi prévoit la suspension ou le retrait de l'autorisation d'exploiter (art. 70), la suspension, le retrait ou le refus d'autorisations complémentaires (art. 71), l'interdiction de débiter des boissons alcooliques (art. 72) ainsi que la suspension de la validité du certificat de capacité dont le titulaire sert de prête-nom pour l'exploitation d'un établissement (art. 73). Indépendamment du prononcé de l'une des sanctions prévues aux art. 70 à 73, une amende administrative de 100 à 60'000 fr. peut être infligée en cas d'infraction à la loi genevoise sur la restauration et à ses dispositions d'application, ainsi qu'aux conditions particulières des autorisations qu'elles prévoient (art. 74).
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3.
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3.1 Selon l'art. 27 Cst., la liberté économique est garantie (al. 1); elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (cf. Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale, in FF 1997 I p. 1 ss, p. 176; ATF 131 I 333 consid. 4 p. 339; 128 I 19 consid. 4c/aa p. 29; 125 I 267 consid. 2b p. 269, 276 consid. 3a p. 277, 322 consid. 3a p. 326).
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3.2 Le recourant invoque principalement une violation de la liberté économique consacrée par l'art. 27 Cst. Considérant que l'amende administrative qui lui a été infligée constitue une atteinte à sa liberté économique, il fait valoir que cette amende est dépourvue de base légale, l'art. 74 LRDBH/GE ne permettant de sanctionner que le propriétaire et l'exploitant, mais non l'exploitant de fait. Il serait en outre contraire au principe de proportionnalité de sanctionner l'employé qui, sur l'ordre de l'exploitant en titre qui l'a engagé, se trouve contraint d'assumer les fonctions d'exploitant sans posséder l'autorisation correspondante. Les sanctions prévues par la loi en pareil cas contre le propriétaire et l'exploitant autorisé de l'établissement suffiraient à la sauvegarde de l'intérêt public sans qu'une action contre l'employé soit nécessaire. Enfin, le montant de l'amende serait disproportionné.
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3.3 Contrairement à ce que semble penser le recourant, ni la possibilité prévue par l'art. 74 LRDBH/GE d'infliger une amende administrative, ni la décision infligeant une telle amende ne constituent comme telles une restriction à la liberté économique: elles ne font que sanctionner la violation des devoirs et interdictions prévus par cette même loi, en particulier l'obligation faite à l'exploitant au bénéfice d'une autorisation d'exploiter personnellement et l'interdiction qui en découle de prêter son nom; ces devoirs et interdictions constituent, certes, des restrictions de la liberté économique, mais le recourant ne prétend lui-même pas qu'ils auraient été instaurés en violation de cette liberté.
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Le recourant ne saurait donc critiquer l'amende qui lui a été infligée sous l'angle de la liberté économique. Le moyen est mal fondé.
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4.
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4.1 Une décision est arbitraire lorsqu'elle contredit clairement la situation de fait, lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. De plus, il ne suffit pas que les motifs de l'arrêt attaqué soient insoutenables, encore faut-il que ce dernier soit arbitraire dans son résultat. Il n'y a en outre pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution que celle de l'autorité intimée paraît concevable, voire préférable (ATF 131 I 217 consid. 2.1 p. 219; 57 consid. 2 p. 61; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9, 173 consid. 3.1 p. 178; 128 I 273 consid. 2.1 p. 275; 127 I 60 consid. 5a p. 70; 125 I 166 consid. 2a p. 168 et la jurisprudence citée). La nouvelle Constitution n'a pas amené de changements à cet égard (cf. art. 8 et 9 Cst.; ATF 126 I 168 consid. 3a p. 170).
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4.2 Les moyens soulevés par le recourant relèvent de l'interdiction de l'arbitraire, ancrée à l'art. 9 Cst.; mais cette disposition n'ayant pas été invoquée, il est douteux que le recours puisse être considéré comme suffisamment motivé sous cet angle.
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Même si le Tribunal de céans devait entrer en matière sur ce moyen, le recours devrait être rejeté. En effet, le recourant fait valoir que l'amende administrative prévue par l'art. 74 LRDBH/GE ne peut être infligée indépendamment des sanctions prévues aux art. 70 à 73 LRDBH/GE. Il en conclut qu'amende et sanctions sont complémentaires, partant, celle-là ne saurait être infligée qu'aux personnes visées par celles-ci.
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Ce n'est toutefois qu'une des interprétations possibles de ce texte; celui-ci peut être entendu aussi bien, voire mieux, en ce sens qu'une amende peut être infligée même si les conditions des autres sanctions ne sont pas réalisées. Et cette seconde interprétation aboutit seule à une solution satisfaisante: il serait choquant que celui qui, sans autorisation, exploite au bénéfice d'un prête-nom échappe à toute sanction. C'est donc sans arbitraire que les autorités cantonales se sont fondées sur cette disposition pour infliger au recourant l'amende présentement contestée.
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Cette même considération suffit à démontrer que le fait de sanctionner d'une amende l'exploitant sous couvert d'un prête-nom répond à un intérêt public de protection des consommateurs. Cette sanction ne viole pas d'avantage le principe de proportionnalité: d'une part, en effet, il apparaît nécessaire de décourager l'exploitation d'un établissement public sous le couvert d'un prête-nom; d'autre part, l'amende constitue la seule sanction administrative possible contre un exploitant de fait.
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4.3 Il ne peut pas être retenu à la décharge du recourant que ce dernier aurait obéi aux ordres de l'exploitant en titre pour ne pas risquer de perdre son emploi. Le recourant a déjà été sanctionné pour des faits semblables; il ne pouvait ignorer le caractère illicite de son comportement. Il ne saurait en outre être question d'exempter systématiquement de toute sanction l'employé qui obéit à un ordre illicite de son employeur.
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4.4 Quant au montant de l'amende, le recourant ne démontre nullement, de manière à satisfaire aux exigences de l'art. 90 OJ, en quoi celui-ci serait disproportionné; le seul fait invoqué dans ce contexte, à savoir que le recourant est père de deux enfants mineurs qu'il doit entretenir, ne saurait constituer à cet égard une motivation suffisante. Le recours est donc irrecevable dans cette mesure.
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5.
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Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Manifestement mal fondé dans cette même mesure, il doit être traité selon la procédure de l'art. 36a OJ. Succombant, le recourant doit supporter un émolument judiciaire (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 159 al. 1 OJ).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2.
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Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.
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3.
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Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Département de l'économie et de la santé et au Tribunal administratif du canton de Genève.
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Lausanne, le 6 mars 2006
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Au nom de la IIe Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: Le greffier:
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