BGer 1P.700/2006 |
BGer 1P.700/2006 vom 27.11.2006 |
Tribunale federale
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{T 1/2}
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1P.700/2006/col
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Arrêt du 27 novembre 2006
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Ire Cour de droit public
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Composition
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MM. les Juges Féraud, Président,
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Nay et Fonjallaz.
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Greffier: M. Parmelin.
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Parties
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Jacques Bregnard-Choffat,
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recourant,
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contre
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Gouvernement de la République et Canton du Jura, rue de l'Hôpital 2, 2800 Delémont,
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Cour constitutionnelle du Tribunal cantonal de la République et Canton du Jura, Le Château,
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2900 Porrentruy.
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Objet
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élection au gouvernement jurassien,
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recours de droit public contre l'arrêt de la Cour constitutionnelle du Tribunal cantonal de la République et Canton du Jura du 5 octobre 2006.
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Le Tribunal fédéral considère en fait et en droit:
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1.
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Par décision du 26 septembre 2006, publiée dans le Journal officiel du 18 octobre 2006, le Gouvernement de la République et Canton du Jura (ci-après: le Gouvernement) a constaté que l'acte de candidature de Jacques Bregnard-Choffat à l'élection au gouvernement jurassien n'était pas valable et que, partant, la liste N° 7 Parti Indépendant et Sans parti du Jura (ISPJ) comportait un seul candidat, à savoir Alain Gebel. Si la liste remise à la Chancellerie d'Etat le 18 septembre 2006 présentait le nom des deux candidats, seul celui d'Alain Gebel figurait sur ce même document remis pour contrôle et attestation des signatures à la commune de Develier le 14 septembre 2006. Or, quatre signatures sur les 68 déclarées valables n'avaient pas encore été validées à cette date. Le Gouvernement en a déduit que le nom du candidat Jacques Bregnard-Choffat avait été ajouté après qu'au moins 64 électeurs eurent signé le document, de sorte que sa candidature n'avait pas été appuyée par la signature de cinquante électeurs comme l'exigeait l'art. 54 al. 3 de la loi jurassienne sur les droits politiques.
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Jacques Bregnard-Choffat a recouru le 3 octobre 2006 contre cette décision auprès de la Cour constitutionnelle du Tribunal cantonal de la République et Canton du Jura (ci-après: la Cour constitutionnelle). Il a produit une liste anonymisée de 57 signataires qu'il dit avoir contactés et qui auraient approuvé son acte de candidature.
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Statuant par arrêt du 5 octobre 2006, la Cour constitutionnelle a écarté le recours qu'elle tenait pour manifestement mal fondé.
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Par acte du 14 octobre 2006, Jacques Bregnard-Choffat a recouru auprès du Tribunal fédéral contre cette décision, qu'il considère comme nulle. Il demande de constater l'atteinte portée à ses droits fondamentaux, de "souligner l'intérêt public du recours relatif à d'importantes élections cantonales" et d'annuler les frais mis à sa charge et à celle de ses mandataires.
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La Cour constitutionnelle et le Gouvernement concluent au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.
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2.
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Vu l'acte attaqué et les arguments soulevés, seul le recours pour violation des droits politiques entre en considération. Le Tribunal fédéral en examine librement et d'office la recevabilité (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48 et les arrêts cités).
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Le recours de droit public pour violation du droit de vote permet de se plaindre de la violation de toutes les prescriptions qui sont en relation avec les droits politiques, telles celles concernant l'éligibilité (ATF 128 I 34 consid. 1e p. 38; 123 I 97 consid. 1b/aa p. 100 et les arrêts cités). En tant que citoyen jurassien dont la candidature aux élections au Gouvernement cantonal a été écartée, le recourant a indéniablement qualité pour recourir en se plaignant d'une violation de sa capacité civique passive (ATF 128 I 34 consid. 1e p. 38). Formé au surplus en temps utile contre une décision prise en dernière instance cantonale, le recours est recevable au regard des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ. Les conclusions qui vont au-delà de l'annulation de la décision attaquée sont irrecevables.
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3.
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Le recourant sollicite la tenue d'une audience publique en vue de développer les éléments mis en exergue dans son recours. Il ne fait valoir aucun motif important qui justifierait exceptionnellement d'ordonner des débats en application de l'art. 91 al. 2 OJ. La requête doit dès lors être écartée.
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4.
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Saisi d'un recours de droit public fondé sur l'art. 85 let. a OJ, le Tribunal fédéral revoit librement l'interprétation et l'application du droit constitutionnel, ainsi que des dispositions de rang inférieur qui règlent le contenu et l'étendue du droit de vote ou qui sont en relation étroite avec celui-ci; il n'examine en revanche que sous l'angle de l'arbitraire l'interprétation d'autres règles du droit cantonal (ATF 131 I 386 consid. 3.2 p. 391).
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5.
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Les modalités de l'élection du gouvernement sont définies aux art. 51 et suivants de la loi jurassienne sur les droits politiques (LDP jur.). Aux termes de l'art. 54 LDP jur., les actes de candidature doivent parvenir à la Chancellerie d'Etat au plus tard le lundi de la cinquième semaine qui précède l'élection, à 18 heures (al. 1). L'acte de candidature indique le nom, le prénom, l'année de naissance, la profession, le domicile (adresse exacte) et le lieu d'origine du candidat (al. 2). Il doit porter la signature manuscrite du candidat et celle d'au moins cinquante électeurs domiciliés dans le canton, dont deux mandataires et un suppléant (al. 3). A teneur de l'art. 56 LDP jur., les actes de candidature peuvent être corrigés au plus tard le lundi de la quatrième semaine qui précède l'élection, à 18 heures (al. 1). Ils ne peuvent être complétés que si un candidat devient inéligible; ce complément peut être apporté jusqu'au lundi qui précède l'élection, à 18 heures (al. 2).
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La Cour constitutionnelle a considéré que l'acte de candidature de Jacques Bregnard-Choffat à l'élection au gouvernement jurassien du 22 octobre 2006 n'était pas valable, car il n'avait pas été appuyé par cinquante électeurs domiciliés dans le canton dans le délai impératif fixé au 18 septembre 2006 à 18h00, conformément à l'art. 54 al. 1 et 3 LDP jur. Il ressortait en effet du dossier que seul le nom d'Alain Gebel figurait sur la liste du mouvement Indépendant Sans Parti du Jura présentée le 14 septembre 2006 à la commune de Develier pour contrôle des signatures, alors que le nom du recourant apparaissait en tant que candidat aux côtés d'Alain Gebel sur la liste déposée ultérieurement à la chancellerie. La Cour constitutionnelle en a déduit que le nom du recourant avait été apposé sur la liste après le 14 septembre 2006, alors que 72 électeurs sur 75 avaient déjà signé l'acte de candidature. Elle a par ailleurs estimé que l'insuffisance du nombre des électeurs ayant présenté la candidature du recourant constituait une irrégularité importante qui n'était pas susceptible d'être réparée après coup dans le délai prévu à l'art. 56 al. 2 LDP jur. Cela étant, il n'était pas nécessaire de déterminer si les électeurs qui avaient signé l'acte de candidature portant le seul nom d'Alain Gebel avaient effectivement donné leur appui ultérieurement à la candidature de Jacques Bregnard-Choffat.
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Les exigences de motivation posées à l'art. 90 al. 1 let. b OJ s'appliquent aussi en matière de recours pour violation du droit de vote (ATF 129 I 185 consid. 1.6 p. 189 et les arrêts cités). Pour s'y conformer, le recourant devait expliquer en quoi l'interprétation ainsi faite des art. 54 al. 3 et 56 al. 2 LDP jur. était arbitraire. On cherche en vain une quelconque argumentation en ce sens dans l'acte de recours. Le recourant prétend que ses droits auraient été lésés par le fait que la Cour constitutionnelle a statué sans l'avoir préalablement entendu; il n'indique cependant pas, comme il lui appartenait de le faire, quelle disposition du droit de procédure cantonal imposait une telle audition. Pareille obligation ne découle pas du droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 Cst.; il faut, mais il suffit, que le justiciable ait pu s'exprimer par écrit (ATF 125 I 209 consid. 9b p. 219; 122 II 464 consid. 4c p. 469). Tel est le cas en l'espèce. Le recourant a été invité à se déterminer sur l'irrégularité de son acte de candidature, ce qu'il a fait par courrier du 24 septembre 2006. Il n'a pas demandé à être entendu oralement par la Cour constitutionnelle pas plus qu'il n'a sollicité la tenue de débats; cette autorité pouvait sans arbitraire admettre que la nature de l'affaire n'imposait pas d'entendre d'office le recourant en application de l'art. 136 al. 1 du Code de procédure administrative jurassien.
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Le recourant estime que la Cour constitutionnelle n'a pas pu statuer valablement car des documents déterminants étaient encore en main du Ministère public jurassien saisi d'une plainte pénale en relation avec ces faits, lorsqu'elle a rendu sa décision. Il n'indique cependant pas de quels documents il s'agit ni de quelle manière ils auraient pu influer sur la décision. Le recours n'est donc pas motivé conformément aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ. On observera au demeurant que le recourant n'a pas sollicité la suspension de la procédure de recours jusqu'à droit connu sur l'enquête pénale en cours; quoi qu'il en soit, la Cour constitutionnelle disposait de l'intégralité du dossier de la Chancellerie d'Etat sur la base duquel le Gouvernement avait statué et, en particulier, de la photocopie de la liste présentée à la commune de Develier pour validation des signatures, sur laquelle le nom de Jacques Bregnard-Choffat ne figure effectivement pas au nombre des candidats. Ces documents étaient suffisants pour se prononcer sur les griefs qui étaient adressés au recourant selon la procédure sommaire prévue à l'art. 141 du Code de procédure administrative jurassien.
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Le recourant s'étonne du fait que les signatures nos 67, 68, 72 et 73 dûment légalisées n'ont pas toutes été prises en considération comme les signatures nos 69 et suivantes. Cet argument est difficile à cerner. Les quatre signatures dont il fait état sont précisément celles qui ont été validées après le 14 septembre 2006 et dont le Gouvernement a tenu compte dans la mesure où il n'était pas exclu que le recourant ait complété la liste de son nom après son passage au greffe de la commune de Develier.
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Enfin, le recourant soutient que le document sur lequel se base la Cour constitutionnelle pour conclure à l'irrégularité de sa candidature aurait été obtenu frauduleusement et que s'agissant d'une photocopie, il ne saurait être accepté à titre de dépôt officiel d'une liste aux élections. Le fait qu'une photocopie ne soit pas valable comme acte de candidature selon un arrêt du Tribunal fédéral du 9 avril 2001 publié in RJJ 2002 p. 57 ne signifie pas encore qu'il ne vaudrait pas comme moyen de preuve (cf. ATF 116 IV 190 consid. 2b/bb p. 193 et les arrêts cités). Pour le surplus, le recourant ne démontre pas plus que ce document aurait été obtenu en violation de la loi. Il ressort par ailleurs de l'enquête menée par la Chancellerie d'Etat auprès des greffes des communes jurassiennes que le nom du recourant ne figurait pas sur la liste lorsque la commune de Montsevelier a légalisé les signatures nos 50 et 52. A supposer même que la photocopie de la liste des candidats du mouvement Indépendant et Sans Parti du Jura présentée à la commune de Develier ne pouvait être utilisée comme moyen de preuve, le fait allégué résulterait des témoignages des personnes qui ont validé les signatures dans les communes de Develier et de Montsevelier.
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6.
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Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est recevable. Suivant la pratique qui prévaut en matière de recours de droit public pour violation des droits politiques, il n'y a pas lieu de percevoir un émolument judiciaire auprès du recourant qui succombe (arrêt 1P.2/1993 du 7 avril 1993 consid. 2b publié in ZBl 95/1994 p. 79).
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Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2.
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Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
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3.
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Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, ainsi qu'au Gouvernement et à la Cour constitutionnelle du Tribunal cantonal de la République et Canton du Jura.
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Lausanne, le 27 novembre 2006
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: Le greffier:
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