BGer 1A.280/2006 |
BGer 1A.280/2006 vom 09.03.2007 |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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1A.280/2006 /col
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Arrêt du 9 mars 2007
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Ire Cour de droit public
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Composition
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MM. les Juges Féraud, Président,
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Reeb et Eusebio.
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Greffier: M. Kurz.
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Parties
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A.________,
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recourant, représenté par Me Jean-François Ducrest, avocat,
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contre
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Juge d'instruction du canton de Genève,
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case postale 3344, 1211 Genève 3,
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Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation, case postale 3108, 1211 Genève 3.
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Objet
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Entraide judiciaire internationale en matière pénale avec le Koweït,
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recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du 9 novembre 2006.
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Faits:
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A.
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Le 9 février 1994, le Procureur général de l'Etat du Koweït a adressé à la Suisse une demande d'entraide judiciaire pour les besoins d'une enquête pénale dirigée contre les dénommés B.________, C.________, D.________ et E.________ (Ministre du pétrole de 1981 à 1989). Il leur est reproché, en tant que dirigeants de la société X.________, de s'être enrichis de manière illégitime entre 1986 et 1992 au détriment de cette société, pour un montant total de quelque 66 millions de dollars. L'autorité requérante désirait obtenir tous les documents se rapportant à la réception des montants détournés par les personnes mises en cause, soit les relevés des comptes bancaires détenus par ou pour ces personnes, y compris les documents d'ouverture, les cartes de signatures, les procurations, les justificatifs, les instructions et la correspondance. La saisie des avoirs disponibles était également requise.
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Le 2 mai 1994, le Juge d'instruction genevois est entré en matière, en ordonnant auprès de banques genevoises la saisie des avoirs appartenant aux personnes physiques et morales désignées dans la requête, ainsi que la production des documents bancaires. Le 4 mars 2003, le Juge d'instruction a rendu une ordonnance de clôture confirmant la saisie des comptes xxx et yyy détenus par D.________ auprès de la banque Y.________ de Genève et ordonnant la transmission à l'autorité requérante de la documentation bancaire. Par ordonnance du 26 août 2003, la Chambre d'accusation genevoise a estimé que l'octroi de l'entraide devait être subordonné à la présentation, par l'Etat requérant, de diverses garanties notamment quant au respect des droits de la défense. Par arrêt du 17 décembre 2003 (1A.218/2003), le Tribunal fédéral a confirmé cette décision, estimant notamment que si le Procureur du Koweït avait renoncé à l'entraide judiciaire en ce qui concernait D.________, la Commission d'enquête du Tribunal des Ministres avait clairement fait savoir qu'elle désirait obtenir l'exécution de l'entraide requise.
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B.
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Le 13 janvier 2006, l'avocat constitué en Suisse par l'Etat du Koweït s'est adressé au Juge d'instruction genevois. Il relevait que la banque Y.________ avait produit les relevés des comptes concernés, sans toutefois fournir d'indications sur les donneurs d'ordres et les bénéficiaires des transferts, ni sur la provenance des avoirs crédités; les destinataires des sommes ne pouvaient être identifiés. L'ordonnance d'entrée en matière du 2 mai 1994 n'avait donc pas été correctement exécutée et la banque devait être invitée à fournir les documents permettant d'identifier l'origine et la destination des fonds, ainsi que les bénéficiaires et donneurs d'ordres. Une démarche similaire avait été entreprise en janvier 2004 à propos des documents concernant B.________ et le Tribunal fédéral avait admis, dans un tel cas, qu'il ne s'agissait pas d'une demande d'entraide complémentaire, mais d'un simple rappel informel tendant à l'exécution complète de la décision d'entrée en matière (arrêt 1P.8/2005 du 24 mars 2005).
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Par ordonnance de clôture du 1er juin 2006, le Juge d'instruction a décidé de transmettre à l'autorité requérante les pièces remises par la banque Y.________ le 10 mai 2006, soit les avis de crédit et de débit qui n'avaient pas été produits en 1994.
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Le 9 novembre 2006, la Chambre d'accusation genevoise a rejeté le recours formé par A.________. S'agissant non pas d'une nouvelle demande d'entraide, mais d'une requête de complément d'exécution, l'Etat requérant pouvait agir par l'entremise de son mandataire en Suisse. Les questions de la compétence de l'autorité requérante et de la célérité de la procédure pénale étrangère avaient été traitées à l'occasion des précédentes décisions.
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C.
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Par acte du 22 décembre 2006, A.________ forme un recours de droit administratif contre cette dernière ordonnance. Il en demande l'annulation et, subsidiairement, l'interpellation de l'Etat requérant afin qu'il confirme la démarche de son mandataire et précise les actions judiciaires entreprises contre A.________ depuis l'octroi des garanties de procédure en avril 2004.
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La Chambre d'accusation et le Juge d'instruction se réfèrent à l'ordonnance attaquée. L'Office fédéral de la justice conclut au rejet du recours.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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Conformément à l'art. 110b EIMP, les procédures de recours contre des décisions rendues avant l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation sont soumises à l'ancien droit.
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2.
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Le recours de droit administratif est interjeté en temps utile contre une décision confirmée par l'autorité cantonale de dernière instance, relative à la clôture de la procédure d'entraide judiciaire (art. 80f de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale - EIMP, RS 351.1). Le recourant a qualité pour agir, en tant que titulaire des comptes bancaires au sujet desquels le Juge d'instruction a décidé de transmettre des renseignements (art. 80h let. b EIMP et 9a let. a OEIMP).
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3.
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Invoquant l'art. 2 let. d EIMP, le recourant conteste la compétence de l'autorité requérante. Il admet cependant que la qualité du Procureur général de l'Etat du Koweït, puis de la Commission d'enquête du Tribunal des Ministres, a déjà été examinée par le Tribunal fédéral (cf. notamment l'arrêt 1A 218/2003 du 17 décembre 2003, consid. 3). Les arguments soulevés à ce propos ne constituent, de l'aveu même du recourant, qu'un "rappel historique". Il n'y a donc pas lieu de revenir sur cette question. Le recourant critique uniquement l'intervention de l'avocat genevois pour le compte de l'Etat requérant. L'autorité suisse devait d'une part identifier avec précision l'autorité pour laquelle cet avocat prétendait agir (l'avocat de l'Etat requérant serait aussi celui de X.________) et exiger une preuve de ses pouvoirs de représentation. La référence à l'arrêt du Tribunal fédéral du 24 mars 2005 serait sans pertinence dans ce cadre, puisque les autorités koweïtiennes ont déclaré retirer leur demande, par courrier du 12 mai 1998, et qu'aucune poursuite n'aurait été intentée contre le recourant.
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3.1 La question de la compétence de l'autorité requérante a déjà été examinée, notamment dans l'arrêt du Tribunal fédéral du 17 décembre 2003. En dépit du retrait de la demande par le Procureur du Koweït, l'intervention ultérieure de la Commission d'enquête, qui avait clairement déclaré se substituer au magistrat requérant, avait un effet guérisseur. Par ailleurs, tant que la demande n'était pas retirée, il y avait lieu d'en achever l'exécution. Ces considérations conservent leur pertinence, et les objections tenant à la situation particulière du recourant ne sont donc pas nouvelles.
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3.2 Dans son arrêt du 24 mars 2005 concernant B.________, le Tribunal fédéral a considéré qu'une démarche identique de l'Etat requérant (représenté par le même avocat) ne devait pas être considérée comme une requête d'entraide complémentaire, mais comme un simple rappel de nature informelle tendant à une exécution plus complète des actes déjà requis et ordonnés; le Juge d'instruction aurait d'ailleurs pu y procéder de son propre chef, sans réquisition particulière. Une telle démarche n'était donc pas soumise aux exigences de forme de l'EIMP. Dans ces conditions, l'argument relatif aux pouvoirs de l'avocat genevois tombent à faux.
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4.
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Le recourant estime que la procédure au Koweït ne satisferait pas aux exigences de la CEDH, notamment à l'exigence de célérité. Il y aurait lieu de solliciter de nouvelles garanties sur ce point de la part de l'Etat requérant.
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Cette question a également déjà été examinée précédemment. Dans son arrêt du 17 décembre 2003, le Tribunal fédéral a considéré qu'en dépit du temps considérable écoulé depuis les faits poursuivis, on ne pouvait sans autre conclure à une violation du droit d'être jugé dans un délai raisonnable; on ignorait le moment auquel l'accusation avait été formulée, et la remise des documents requis constituait une étape importante dans la procédure pénale, propre à en accélérer le déroulement. Faute de connaître les détails de la procédure étrangère, il n'était pas possible de se prononcer sur le respect de l'obligation de célérité. Or, outre l'écoulement supplémentaire de temps, le recourant n'apporte aucun élément nouveau propre à remettre en cause cette appréciation. Le grief doit lui aussi être écarté.
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5.
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Le recours de droit administratif doit par conséquent être rejeté, aux frais de son auteur (art. 156 al. 1 OJ).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté.
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2.
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Un émolument judiciaire de 3000 fr. est mis à la charge du recourant.
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3.
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Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Juge d'instruction et à la Chambre d'accusation de la Cour de justice du canton de Genève, ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice (B 94 512).
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Lausanne, le 9 mars 2007
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: Le greffier:
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