BGer 1A.277/2006 |
BGer 1A.277/2006 vom 13.03.2007 |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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1A.277/2006 /col
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Arrêt du 13 mars 2007
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Ire Cour de droit public
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Composition
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MM. les Juges Féraud, Président,
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Aemisegger et Reeb.
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Greffier: M. Kurz.
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Parties
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A.________,
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recourant, représenté par Me Dominique Amaudruz, avocat,
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contre
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Juge d'instruction du canton de Genève,
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case postale 3344, 1211 Genève 3,
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Chambre d'accusation du canton de Genève,
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case postale 3108, 1211 Genève 3.
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Objet
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Entraide judiciaire internationale en matière pénale avec la France,
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recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du 24 octobre 2006.
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Faits:
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A.
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Le 20 mars 2006, le Premier Juge d'instruction au Tribunal de grande instance de Paris a adressé aux autorités suisses une commission rogatoire formée dans le cadre d'une information contre inconnu pour corruption et abus de biens sociaux au préjudice du groupe X.________. Selon la demande, Y.________ était une société du groupe qui gérait les commissions relatives aux marchés hors de France; les filiales régionales se chargeaient des versements. Dans le cadre de la conclusion d'un contrat portant sur un réseau de télévision numérique entre Z.________ et une société Lettone, la société C.________ était intervenue en qualité d'intermédiaire acheteur d'émetteurs pour un montant de 2,1 millions de dollars. En réalité, un montage de sociétés effectué notamment par A.________, alors vice-président de la filiale régionale pour l'Europe, avait permis de détourner des fonds à Malte au bénéfice d'un responsable Letton, et à Guernesey sur un compte dont l'ayant droit n'était pas identifié. Au mois de novembre 2003, soit à l'époque des versements en faveur de C.________, il était apparu que A.________ était titulaire d'avoirs à la banque B.________ de Genève et de placements au nom de D.________. L'autorité requérante demande l'ensemble de la documentation bancaire relative à ces comptes, ainsi que la saisie des valeurs patrimoniales.
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B.
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Le 15 mars 2006, le Juge d'instruction du canton de Genève est entré en matière. Des documents ont été saisis en mains de D.________ et de la banque B.________ de Genève, en rapport avec le compte n° xxx détenu par A.________.
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Par ordonnance de clôture du 9 mai 2006, le Juge d'instruction a décidé de transmettre ces documents à l'autorité requérante.
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La Chambre d'accusation genevoise a rejeté, le 24 octobre 2006, le recours formé par A.________. Après avoir été informé par sa banque, ce dernier s'était opposé à la transmission de renseignements le 30 mars 2006; la demande d'entraide lui avait été communiquée le 21 avril suivant et le recourant était alors en mesure de faire connaître ses objections avant le prononcé de la clôture. Les documents transmis correspondaient à la demande d'entraide.
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C.
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Par acte du 20 décembre 2006, A.________ forme un recours de droit administratif par lequel il conclut à l'annulation de l'ordonnance de la Chambre d'accusation et de la décision de clôture.
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La Chambre d'accusation se réfère à son ordonnance. Le Juge d'instruction conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la justice a renoncé à présenter des observations.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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Conformément à l'art. 110b EIMP, les procédures de recours contre des décisions rendues, comme en l'espèce, avant l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation sont soumises à l'ancien droit.
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1.1 Le recours de droit administratif est interjeté en temps utile contre une décision confirmée par l'autorité cantonale de dernière instance, relative à la clôture de la procédure d'entraide judiciaire (art. 80f de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale - EIMP, RS 351.1). Le recourant a qualité pour agir, en tant que titulaire du compte bancaire au sujet duquel le Juge d'instruction a décidé de transmettre des renseignements (art. 80h let. b EIMP et 9a let. a OEIMP).
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1.2 L'entraide judiciaire entre la France et la Suisse est régie par la Convention européenne d'entraide judiciaire (CEEJ; RS 0.351.1) et l'accord complémentaire du 28 octobre 1996 (RS 0.351.934.92). Le droit interne, soit l'EIMP et son ordonnance d'exécution (OEIMP, RS 351.11) s'applique aux questions qui ne sont pas réglées par le droit conventionnel, et lorsqu'il permet la collaboration internationale à des conditions plus favorables (ATF 122 II 373 consid. 1a p. 375).
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2.
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Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu, grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner avant d'aborder le fond. Il relève que son avocat s'est constitué le 30 mars 2006 auprès du Juge d'instruction, et que la demande caviardée ne lui a été remise que le 26 avril suivant, sans invitation à participer au tri des pièces et sans qu'un délai ne lui soit fixé pour présenter ses observations. Par ailleurs, le recourant reproche à la Chambre d'accusation de ne pas avoir suffisamment motivé son ordonnance.
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2.1 On peut certes se demander si le recourant a disposé d'une occasion suffisante pour participer au tri des pièces et pour s'exprimer à ce sujet en vue de la décision de clôture (cf ATF 130 II 14 consid. 4.3-4.4 p. 16-18). En effet, bien qu'ayant pris connaissance de la décision d'entrée en matière et de la demande d'entraide, le recourant ne s'est pas vu fixer un délai pour se déterminer avant la décision de clôture, rendue deux semaines plus tard. Quoi qu'il en soit, même si une violation du droit d'être entendu avait été commise à ce stade, la procédure de recours devant la Chambre d'accusation en aurait permis la réparation. Il n'est en effet pas contesté que le recourant a pu s'exprimer en pleine connaissance de cause devant l'autorité de recours, laquelle disposait d'un libre pouvoir d'examen.
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2.2 On ne saurait non plus reprocher à la Chambre d'accusation d'avoir insuffisamment motivé sa décision, sous l'angle de la proportionnalité. La cour cantonale a en effet relevé que le compte du recourant avait été ouvert en juin 2000 et crédité d'un unique montant à cette même période. Elle a ensuite constaté que la documentation bancaire saisie portait sur ce compte, et que son titulaire était soupçonné des infractions de corruption et d'abus de biens sociaux. Ce faisant, la cour cantonale a estimé que les pièces d'exécution correspondaient à l'entraide requise et satisfaisaient, dès lors, au principe de la proportionnalité. Ces considérations sont suffisantes pour, d'une part, comprendre les motifs retenus et, d'autre part les attaquer en connaissance de cause, ce qui satisfait aux exigences minimales découlant de l'art. 29 al. 2 Cst.
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3.
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Sur le fond, le recourant se prévaut du principe de la proportionnalité. Il relève que son compte a été ouvert et approvisionné en 2000, soit avant les faits décrits par l'autorité requérante; il a fait l'objet d'un unique versement de 1'100'000 euros, et il n'y aurait eu aucun retrait insolite. Le recourant fournit ensuite une description de détail des pièces bancaires saisies, en affirmant qu'elles seraient sans aucun lien avec les faits décrits dans la demande d'entraide.
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3.1
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En vertu du principe de la proportionnalité, l'entraide ne peut être accordée que dans la mesure nécessaire à la découverte de la vérité recherchée par les autorités pénales de l'Etat requérant. La question de savoir si les renseignements demandés sont nécessaires ou simplement utiles à la procédure pénale est en principe laissée à l'appréciation des autorités de poursuite. La coopération internationale ne peut être refusée que si les actes requis sont manifestement sans rapport avec l'infraction poursuivie et impropres à faire progresser l'enquête, de sorte que la demande apparaît comme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens de preuve (ATF 122 II 367 consid. 2c p. 371; 121 II 241 consid. 3a p. 242/243). Le principe de la proportionnalité empêche aussi l'autorité suisse d'aller au-delà des requêtes qui lui sont adressées et d'accorder à l'Etat requérant plus qu'il n'a demandé (ATF 121 II 241 consid. 3a p. 243). Cela n'empêche pas d'interpréter la demande selon le sens que l'on peut raisonnablement lui donner. Le cas échéant, une interprétation large est admissible s'il est établi que toutes les conditions à l'octroi de l'entraide sont remplies; ce mode de procéder évite aussi une éventuelle demande complémentaire (ATF 121 II 241 consid. 3a p. 243).
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3.2 La transmission ordonnée respecte ces principes. En effet, le compte du recourant est bien celui qui est visé dans la demande d'entraide. Le but de cette dernière est notamment de déterminer si ce compte a pu servir à recueillir des sommes détournées du marché de fourniture d'équipement passé par Z.________. L'autorité requérante désire également connaître tous les autres comptes dont le recourant dispose. La documentation requise va du 1er janvier 2000 au jour de la demande, ce qui s'explique par le fait que le recourant a été nommé délégué général de X.________ à Moscou en septembre 2000 déjà. Ainsi, même si les faits décrits ont été commis à partir de 2001 seulement, l'autorité requérante veut manifestement s'assurer qu'il n'ont pas été précédés d'agissements du même genre.
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Il apparaît ainsi que la mission décrite par l'autorité requérante n'a rien d'excessif et que le Juge d'instruction n'a pas violé le principe de la proportionnalité en y donnant suite. Il se peut certes que le compte du recourant n'ait pas servi à recevoir le produit des détournements évoqués par l'autorité requérante, mais celle-ci n'en dispose pas moins d'un intérêt à pouvoir le vérifier elle-même sur le vu d'une documentation complète.
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3.3 Le recourant se livre à un commentaire des différentes pièces bancaires. Il s'agit toutefois d'une simple description, assortie de l'affirmation selon laquelle les documents seraient sans lien avec l'objet de la demande d'entraide. Cela ne suffit pas pour faire échec à la transmission. En effet, selon la jurisprudence, lorsque la demande vise à vérifier l'existence de fonds d'origine délictueuse, il convient d'informer l'Etat requérant de toutes les transactions opérées sur les comptes impliqués dans l'affaire (ATF 121 II 241 consid. 3c p. 244). Cela justifie la production de l'ensemble de la documentation bancaire, sur une période relativement étendue. L'autorité requérante dispose en effet d'un intérêt a priori prépondérant à pouvoir vérifier, dans un tel cas, le mode de gestion du compte. Il appartient donc au titulaire de démontrer, outre l'absence de lien vraisemblable avec l'infraction proprement dite, l'existence d'un intérêt spécifique à éviter une divulgation, tel par exemple que la nécessité de protéger un secret commercial. Outre ses objections de principe à la transmission, le recourant ne fournit pas une telle argumentation de détail, de sorte que son grief doit être écarté.
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4.
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Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit administratif doit être rejeté, aux frais du recourant (art. 156 al. 1 OJ).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté.
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2.
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Un émolument judiciaire de 5000 fr. est mis à la charge du recourant.
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3.
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Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Juge d'instruction et à la Chambre d'accusation du canton de Genève ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice (B 203 575).
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Lausanne, le 13 mars 2007
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: Le greffier:
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