BGer 4P.264/2006 |
BGer 4P.264/2006 vom 20.03.2007 |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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4P.264/2006 /ech
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Arrêt du 20 mars 2007
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Ire Cour de droit civil
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Composition
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MM. les juges Corboz, président, Kolly et Pagan, juge suppléant.
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Greffier: M. Thélin.
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Parties
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X.________,
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recourant, représenté par Me Monica Kohler,
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contre
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Y.________ SA,
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intimée, représentée par Me Serge Pannatier,
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Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève, case postale 3688, 1211 Genève 3.
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Objet
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procédure civile; appréciation des preuves
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recours de droit public contre l'arrêt rendu
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le 8 septembre 2006 par la Cour d'appel de
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la juridiction des prud'hommes du canton de
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Genève.
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Faits :
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A.
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Dès janvier 1990, X.________ a travaillé à Londres, en qualité de consultant, au service d'une société appartenant au groupe Z.________ Companies qui est actif dans les services et le conseil aux entreprises; dès 1992, il a assumé des responsabilités concernant les activités du groupe en Suisse. Il s'est installé à Genève, où son poste était désormais transféré, dès avril 2000; il a alors conclu un contrat de travail avec Y.________ SA, à Chêne-Bourg, qui est une autre société du même groupe. Il percevait un salaire brut qui s'élevait, en août 2002, à 312'000 fr. par année, plus une indemnité de véhicule fixée à 2'300 fr. par mois. Pour chacune des années 2000 et 2001, il a en outre reçus des bonus en argent et en actions.
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L'employeuse a licencié X.________ le 16 août 2002 avec effet au 30 novembre suivant. Il s'est trouvé en incapacité de travail dès le 9 septembre 2002 en raison d'une dépression. Il était alors âgé de cinquante-six ans.
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B.
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Le 26 novembre 2003, X.________ a ouvert action contre Y.________ SA devant la juridiction des prud'hommes du canton de Genève. Sa demande tendait au paiement d'indemnités ou de dommages-intérêts pour un montant total de 11'781'294 fr., avec intérêts au taux de 5% par an dès une date qui n'était pas précisée. Il se plaignait essentiellement d'un licenciement abusif, consécutif à un harcèlement psychologique, et contraire à des promesses qu'il avait reçues et qui lui garantissaient un emploi jusqu'à l'âge de sa retraite.
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Contestant toute obligation, la défenderesse a conclu au rejet de l'action.
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Après audition de plusieurs témoins, le Tribunal des prud'hommes s'est prononcé le 27 octobre 2005. Il s'est déclaré incompétent dans la mesure où le litige portait sur des prestations à verser par une compagnie d'assurances; pour le surplus, il a donné gain de cause à la défenderesse.
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Le demandeur ayant saisi la Cour d'appel avec les mêmes conclusions, celle-ci a statué le 8 septembre 2006. Elle a annulé le jugement et condamné la défenderesse à payer au demandeur, à titre de complément de salaire pour l'année 2002, la somme brute de 117'000 fr., soumise au déductions sociales et portant intérêts au taux de 5% par an dès le 1er avril 2003; elle a refusé de plus amples prestations. L'arrêt présente et discute de façon détaillée les circonstances dans lesquelles l'emploi du demandeur a été déplacé de Londres à Genève, celles qui ont abouti à son licenciement et celles qui ont suivi cette décision.
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C.
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Agissant par la voie du recours de droit public, le demandeur requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour d'appel. Invoquant l'art. 9 Cst., il se plaint d'une appréciation arbitraire des preuves.
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La défenderesse et intimée conclut principalement à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, à son rejet. La Cour d'appel a présenté des observations tendant au rejet du recours.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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L'arrêt dont est recours a été rendu avant l'entrée en vigueur, au 1er janvier 2007, de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RO 2006 p. 1242). En vertu de l'art. 132 al. 1 de cette loi, la cause demeure soumise à la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ).
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2.
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Le recours de droit public au Tribunal fédéral peut être exercé contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ). En règle générale, la décision attaquée doit avoir mis fin à la procédure antérieure (art. 87 OJ) et n'être susceptible d'aucun autre recours cantonal ou fédéral apte à redresser l'inconstitutionnalité (art. 84 al. 2, 86 al. 1 OJ). Ces exigences sont satisfaites en l'espèce; en particulier, le recours en réforme au Tribunal fédéral n'est pas recevable pour violation des droits constitutionnels (art. 43 al. 1 OJ). L'exigence d'un intérêt actuel, pratique et juridiquement protégé à l'annulation de la décision attaquée (art. 88 OJ) est également satisfaite; les conditions légales concernant la forme et le délai du recours (art. 30, 89 et 90 OJ) sont aussi observées.
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3.
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Une décision est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst., lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si sa décision apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. A cet égard, il ne suffit pas non plus qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité cantonale puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable (ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 17; 131 I 467 consid. 3.1 p. 473/474; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9). En ce qui concerne l'appréciation des preuves et la constatation des faits, l'autorité tombe dans l'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en considération, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, sur la base des éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1).
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L'art. 90 al. 1 let. b OJ exige que l'acte de recours contienne un exposé des faits essentiels et un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques tenus pour violés, précisant en quoi consiste la violation. Lorsque le recourant invoque la protection contre l'arbitraire conférée par l'art. 9 Cst., il ne peut pas se borner à contredire la décision attaquée par l'exposé de ses propres allégations et opinions. Il doit plutôt indiquer de façon précise en quoi cette décision est entachée d'un vice grave et indiscutable; une argumentation qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (ATF ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262; 125 I 492 consid. 1b p. 495; 117 Ia 10 consid. 4b p. 11/12).
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4.
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Le recourant développe plus de cinquante griefs qu'il dirige contre autant de passages mis en évidence par lui dans l'arrêt attaqué. Sur chacun de ces points spécifiques, il reproche à la Cour d'appel d'avoir fait des déductions erronées à partir de certains éléments, d'avoir mal apprécié les preuves prises en considération ou d'avoir méconnu d'autres preuves. En réalité, il propose surtout de remplacer les appréciations ou analyses de la Cour par d'autres - les siennes, dont on n'exclut pas que certaines d'entre elles soient intrinsèquement défendables - et, sous réserve de ce qui suit (consid. 5), il ne cherche guère à signaler des erreurs certaines dans la constatation des faits ni des vices flagrants dans l'appréciation des preuves. Là où il critique le calcul du nombre des jours de vacances qui lui restaient à prendre, son exposé est totalement incompréhensible. Le recourant tente aussi de faire compléter certaines constatations sur la base de son analyse personnelle des preuves, mais sans préciser en quoi le complètement influencerait le sort de l'action. Ces arguments subjectifs, qui seraient éventuellement à propos dans une nouvelle instance d'appel, ne sont pas recevables au regard de l'art. 90 al. 1 let. b OJ.
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De plus, le recourant ne tente aucune synthèse de ses critiques, de sorte que celles-ci ne constituent, en définitive, qu'un amas inconsistant et confus. Ce plaideur affirme simplement, pour clore son argumentaire, que les juges d'appel ont appliqué arbitrairement les art. 328 et 336a CO concernant respectivement le devoir de protection de l'employeur et le droit du travailleur à une indemnité en cas de licenciement abusif. Le moyen tiré de l'application incorrecte de ces dispositions de droit fédéral peut être soulevé par la voie du recours en réforme; en vertu de l'art. 84 al. 2 OJ, il est donc irrecevable à l'appui du recours de droit public.
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5.
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Pour se loger, le recourant a loué un appartement à Genève. Il reproche à la Cour d'appel d'avoir constaté faussement que le bail à loyer était résiliable dès la deuxième année en observant un préavis de trois mois. A l'examen de la pièce à laquelle il se réfère, cette critique est infondée; c'est seulement le bailleur qui était lié pour cinq ans.
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Les juges d'appel auraient constaté faussement qu'une réunion s'est tenue le 10 mai 2002 plutôt que le 3 du même mois. Or, ces deux dates apparaissent dans la pièce invoquée par le recourant, de sorte que celle-ci est inapte à révéler une erreur à ce sujet.
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L'arrêt attaqué mentionne un jugement rendu le 2 février 2006 par le Tribunal des prud'hommes dans la contestation concernant des prestations d'assurances. Le recourant admet que cette décision existe mais il l'attribue au Tribunal de première instance. Sur ce point, une inadvertance est vraisemblable mais elle ne peut pas être constatée car le document ne se trouve pas au dossier. De toute manière, elle n'a aucune incidence sur l'issue de la cause; l'arrêt ne se révèle donc pas arbitraire dans son résultat.
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6.
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Le recours se révèle privé de fondement, dans la mesure où les griefs présentés sont recevables. A titre de partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre.
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Le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
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2.
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Le recourant acquittera un émolument judiciaire de 20'000 fr.
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3.
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Le recourant acquittera une indemnité de 22'000 fr. due à l'intimée à titre de dépens.
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4.
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Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.
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Lausanne, le 20 mars 2007
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: Le greffier:
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