BGer 1B_136/2007 |
BGer 1B_136/2007 vom 19.07.2007 |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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1B_136/2007 /col
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Arrêt du 19 juillet 2007
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Ire Cour de droit public
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Composition
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MM. les Juges Aemisegger, Juge présidant,
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Fonjallaz et Eusebio.
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Greffier: M. Parmelin.
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Parties
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A.________,
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recourant, représenté par Me Donovan Tésaury, avocat,
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contre
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Juge d'instruction du canton de Vaud,
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rue du Valentin 34, 1014 Lausanne,
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Procureur général du canton de Vaud,
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rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
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Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal 8, 1014 Lausanne.
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Objet
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détention préventive,
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recours en matière pénale contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud
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du 6 juin 2007.
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Faits:
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A.
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A.________ a été arrêté le 7 octobre 2006 et placé en détention préventive sous l'inculpation de viol. Il est accusé par son amie intime, B.________, de l'avoir contrainte à entretenir une relation sexuelle en la maintenant fermement après l'avoir frappée.
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Le 16 mai 2007, A.________ a déposé une demande de mise en liberté provisoire que le Juge d'instruction cantonal a rejetée par ordonnance du 22 mai 2007. Statuant par arrêt rendu le 6 juin 2007 sur recours du prévenu, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal d'accusation) a confirmé cette décision en raison d'un risque de récidive. Il a par ailleurs estimé que le principe de la proportionnalité était respecté compte tenu de la durée de la détention préventive déjà subie, des antécédents de l'intéressé, ainsi que de la gravité des actes qui lui étaient reprochés.
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B.
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Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral principalement de réformer cet arrêt et d'ordonner sa mise en liberté immédiate assortie de l'obligation de suivre un traitement auprès de l'unité socio-éducative du Centre de traitement en alcoologie, à Lausanne, dans le but d'une abstinence à l'alcool, et de l'interdiction de prendre contact, de quelque manière que ce soit, avec B.________. Il conclut subsidiairement à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il requiert l'assistance judiciaire.
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Le Tribunal d'accusation, le Procureur général du canton de Vaud et le Juge d'instruction cantonal ont renoncé à déposer des observations.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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La décision litigieuse ayant été rendue après le 1er janvier 2007, la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110) est applicable à la présente procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF).
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2.
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Selon l'art. 78 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral connaît des recours contre les décisions rendues en matière pénale. La notion de décision rendue en matière pénale comprend toute décision fondée sur le droit pénal matériel ou sur le droit de procédure pénale. En d'autres termes, toute décision relative à la poursuite ou au jugement d'une infraction fondée sur le droit fédéral ou sur le droit cantonal est en principe susceptible d'un recours en matière pénale (Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4111). La voie du recours en matière pénale est dès lors ouverte en l'espèce. Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours est recevable.
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3.
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Une mesure de détention préventive est compatible avec la liberté personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, pour autant qu'elle repose sur une base légale, qu'elle réponde à un intérêt public et qu'elle respecte le principe de la proportionnalité (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270).
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Aux termes de l'art. 59 al. 1 du code de procédure pénale vaudois (CPP/VD), le prévenu à l'égard duquel il existe des présomptions suffisantes de culpabilité peut être mis en détention préventive s'il présente un danger pour la sécurité ou l'ordre publics (ch. 1), si sa fuite est à craindre (ch. 2) ou si sa liberté offre des inconvénients sérieux pour l'instruction (ch. 3). Dès que les motifs justifiant la détention préventive n'existent plus, le juge ordonne la mise en liberté (art. 59 al. 2 CPP/VD).
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4.
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Le recourant conteste tout d'abord l'existence de charges suffisantes à son encontre. Les indices de culpabilité se seraient considérablement affaiblis au cours de l'instruction et ne justifieraient plus le maintien en détention.
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4.1 L'exigence de charges suffisantes suppose la présence d'indices sérieux de culpabilité à l'encontre de l'intéressé, c'est-à-dire de raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une infraction. Le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge et à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement vérifier s'il existe des soupçons raisonnables de culpabilité justifiant une telle mesure. L'intensité des charges propres à motiver un maintien en détention préventive n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons encore peu précis peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit en revanche apparaître vraisemblable après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (ATF 116 Ia 144 consid. 3c p. 146).
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4.2 Deux agents de la police municipale de Lausanne sont intervenus le 7 octobre 2006, à 07h20, au domicile de la plaignante pour séparer le recourant qui se battait avec C.________. Selon les explications qui leur ont été fournies, A.________ aurait frappé puis violé sa compagne. B.________ a expliqué avoir consommé des bières avec son ami et un autre couple, C.________ et D.________, en ville de Lausanne, puis à son domicile. Après s'être retirés dans leur chambre, le recourant aurait commencé à la caresser. Comme elle n'avait pas envie de faire l'amour et cherchait à le repousser, il lui aurait donné un coup de poing sur la joue gauche avant de la forcer à entretenir des relations sexuelles avec lui en la maintenant par les bras. Il aurait cessé ces agissements suite à l'intervention de C.________ et de D.________ qui se trouvaient dans la pièce voisine. Le recourant a contesté ces accusations, affirmant avoir entamé un rapport sexuel librement consenti auquel il aurait mis spontanément un terme à la demande de son amie.
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Le fait que la plaignante ait, à l'instar du recourant, consommé de l'alcool et pris un Tranxilium quelques heures auparavant ne suffit pas pour mettre en doute les accusations portées contre lui dans la mesure où la jeune femme a toujours soutenu avoir été contrainte à entretenir une relation sexuelle. Au demeurant, le recourant a déclaré que bien que quelque peu sous l'influence de l'alcool, elle était consciente de ses gestes et que son comportement était normal. C.________ et D.________ ont d'ailleurs tous deux confirmé que la plaignante leur a dit avoir été frappée, puis violée par le recourant. Il appartiendra au surplus au juge du fond d'examiner si les déclarations divergentes des témoins quant à la position et à la tenue dans laquelle se trouvaient le recourant et la plaignante lorsqu'ils sont entrés dans la chambre est propre à mettre en doute la crédibilité de leur témoignage et des déclarations de la victime. On observera que le recourant a également varié dans ses déclarations sur les raisons pour lesquelles il aurait spontanément mis un terme à leur relation sexuelle, d'une part, et pour lesquelles C.________ et D.________ seraient entrés dans la chambre, d'autre part. En outre sa version des faits diverge de celle des autres protagonistes, s'agissant de la personne qui a appelé la police.
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Quant à l'examen clinique auquel s'est livrée la plaignante le jour des faits, il a révélé la présence d'ecchymoses à la face interne du tiers moyen du bras droit et d'écorchures au niveau des fesses ainsi qu'une opacité peu marquée pouvant correspondre à une ecchymose au niveau de la joue gauche, en regard du rebord orbitaire inférieur. De l'avis des médecins, ces lésions peuvent remonter à la nuit précédente. Ainsi la version des faits de la plaignante n'est nullement contredite par les constatations médicales.
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Cela étant, on ne saurait reprocher au Tribunal d'accusation d'avoir privilégié, à ce stade de la procédure, les déclarations concordantes de la plaignante et des témoins sur la réalité d'un abus sexuel avec violence, que l'examen clinique n'a pas permis de mettre en cause, pour admettre l'existence d'indices sérieux de culpabilité à l'encontre du recourant.
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5.
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Le Tribunal d'accusation a motivé le maintien en détention à raison d'un risque de récidive exclusivement.
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5.1 L'autorité appelée à statuer sur la mise en liberté provisoire d'un prévenu peut en principe maintenir celui-ci en détention s'il y a lieu de présumer, avec une certaine vraisemblance, l'existence d'un danger de récidive. Elle doit cependant faire preuve de retenue dans l'appréciation d'un tel risque (ATF 105 Ia 26 consid. 3c p. 31). Le maintien en détention peut se justifier pour ce motif que si le pronostic est très défavorable et que les délits dont l'autorité redoute la réitération sont graves (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62, 361 consid. 5 p. 367; 124 I 208 consid. 5 p. 213; 123 I 268 consid. 2c p. 270 et les arrêts cités). La jurisprudence se montre toutefois moins stricte dans l'exigence de vraisemblance lorsqu'il s'agit de délits de violence graves ou de délits sexuels, car le risque à faire courir aux victimes potentielles est alors considéré comme trop important; en pareil cas, il convient de tenir compte de l'état psychique du prévenu, de son imprévisibilité ou de son agressivité (ATF 123 I 268 consid. 2e p. 271).
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5.2 En l'espèce, le recourant aurait frappé la plaignante et l'aurait maintenue de force pour arriver à ses fins. S'il n'a jamais été poursuivi pour des infractions contre l'intégrité sexuelle, il a en revanche été condamné à plusieurs reprises pour des actes de violence ou des menaces envers les fonctionnaires et des lésions corporelles. Il a aussi fait l'objet de trois expertises psychiatriques, dont la dernière a été ordonnée dans le cadre de la présente procédure. Aux dires non contestés des experts, le recourant souffre d'un trouble persistant de la personnalité associé à un léger retard mental, qui se caractérise par une instabilité de l'humeur et une tendance à agir avec impulsivité et sans considération pour les conséquences possibles, particulièrement lorsqu'il est contrarié ou critiqué. Cette tendance est exacerbée par la consommation occasionnelle et abusive d'alcool à laquelle il recourt afin de lutter contre des sentiments dépressifs et de désarroi ressentis comme douloureux. Cela étant, les experts tiennent le risque de récidive pour établi dans la mesure où persistera dans le fonctionnement de la personnalité du prévenu une tendance à s'engager de manière impulsive dans l'action; ce risque est fortement majoré en cas d'abus d'alcool surajouté.
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Cela étant, il existe ainsi un risque concret de récidive. Le recourant ne le conteste d'ailleurs pas vraiment; il prétend que ce risque pourrait être limité par d'autres mesures moins graves que la détention et reproche à la cour cantonale de s'être écartée des avis d'experts sur ce point.
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5.3 Le principe de la proportionnalité impose à l'autorité qui estime se trouver en présence d'une probabilité sérieuse de réitération d'examiner si l'ordre public pourrait être sauvegardé par une autre mesure moins incisive que le maintien en détention propre à atteindre le même résultat, telle que la mise en place d'une surveillance médicale, l'obligation de se présenter régulièrement à une autorité ou l'instauration d'autres mesures d'encadrement (ATF 123 I 268 consid. 2c in fine et 2e p. 270/271 et les arrêts cités).
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La perspective que le recourant commette de nouveaux actes de violence envers la plaignante est certes faible puisque celle-ci a dit avoir rompu tout lien avec lui; elle ne peut toutefois être totalement exclue eu égard au trouble de la personnalité et du léger retard mental dont souffre le recourant, qui pourraient l'amener à tenter de la revoir en dépit d'une éventuelle interdiction de prendre contact avec elle. Par ailleurs, l'agressivité du prévenu ne s'est pas manifestée uniquement envers son amie, mais également à l'encontre de tiers sous la forme de lésions corporelles simples avec usage d'un objet dangereux ou de violence et menace envers les fonctionnaires. S'agissant notamment d'infractions contre la vie et l'intégrité physique, il convient de se montrer particulièrement circonspect dans l'appréciation des mesures susceptibles d'être prises pour pallier au risque de récidive.
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Les experts relèvent certes qu'un traitement ambulatoire ciblé sur l'abstinence de l'alcool et assorti de contrôles d'abstinence serait approprié pour limiter le risque de récidive inhérent au trouble de la personnalité dont souffre le recourant. Toutefois, le juge de la détention doit apprécier le risque de récidive dans une perspective à très court terme. Comme le relèvent les experts, ce risque est dans le cas particulier fortement lié à la possibilité que le recourant aura ou non de lutter contre l'appétence qu'il éprouve à recourir à la consommation d'alcool dans des périodes de stress, de désarroi ou de dépression. La procédure pénale en cours est de nature à entraîner chez le recourant un état de stress et d'angoisse important qui pourrait l'amener à consommer de l'alcool d'une manière incontrôlée et à adopter des comportements violents non maîtrisés. Aussi, un simple suivi ambulatoire auprès de l'unité socio-éducative du Centre de traitement en alcoologie, à Lausanne, dont on ignore par ailleurs les modalités, sans autres mesures d'accompagnement et d'encadrement, n'est en l'état pas propre à garantir avec le degré de vraisemblance voulue que le recourant ne procédera pas à des abus d'alcool. On observera à cet égard que durant sa prise en charge par le Centre Saint-Martin, à Lausanne, le recourant s'était présenté quelquefois aux entretiens légèrement alcoolisé. Ce constat n'est nullement incompatible avec les constatations des experts. Ceux-ci ont au contraire jugé souhaitable que le recourant bénéficie d'un programme de réhabilitation psycho-social visant à l'encadrer, à le structurer et à le soutenir, et intégrant des entretiens psychothérapiques de soutien. Sur la base du dossier, il n'est pas établi à satisfaction de droit qu'un tel encadrement puisse être garanti immédiatement dans le cadre du traitement ambulatoire en alcoologie.
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Cela étant, les mesures proposées par le recourant ne sont en l'état pas suffisantes pour parer au risque de récidive mis en évidence par les experts. Il n'appartient pas au Tribunal fédéral d'examiner à quelles conditions supplémentaires ce risque pourrait être pallié.
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6.
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Au surplus, sous l'angle de la durée de la détention, le recourant n'invoque pas de violation du principe de proportionnalité. Les autorités cantonales, ainsi que cela ressort de l'arrêt attaqué, ont au demeurant manifesté l'intention de clore rapidement l'enquête pénale le concernant.
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7.
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Le recours doit par conséquent être rejeté. Les conditions de l'art. 64 LTF étant réunies, il convient de faire droit à la demande d'assistance judiciaire et de statuer sans frais; Me Donovan Tésaury est désigné comme défenseur d'office du recourant pour la présente procédure et une indemnité lui sera versée à titre d'honoraires par la caisse du Tribunal fédéral.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté.
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2.
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La demande d'assistance judiciaire est admise.
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3.
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Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
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4.
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Me Donovan Tésaury est désigné en tant qu'avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, supportée par la caisse du Tribunal fédéral.
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5.
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Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, ainsi qu'au Juge d'instruction, au Procureur général et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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Lausanne, le 19 juillet 2007
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le juge présidant: Le greffier:
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