BGer I 931/2006 |
BGer I 931/2006 vom 03.10.2007 |
Tribunale federale
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{T 7}
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I 931/06
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Arrêt du 3 octobre 2007
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IIe Cour de droit social
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Composition
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MM. les Juges U. Meyer, Président,
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Borella et Kernen.
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Greffière: Mme Moser-Szeless.
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Parties
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Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, avenue Edmond-Vaucher 18, 1203 Genève,
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recourant,
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contre
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Hoirie de feu D.________, soit:
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M.________, son épouse et ses enfants,
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République de Serbie, intimés
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tous représentés par Me Philippe Zimmermann, avocat, rue de Lausanne 65, 1950 Sion
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Objet
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Assurance-invalidité,
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recours de droit administratif contre le jugement de la Commission fédérale de recours en matière d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité pour les personnes résidant à l'étranger, du 14 septembre 2006.
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Faits:
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A.
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D.________ a travaillé comme ouvrier agricole en Valais jusqu'au mois de novembre 1997, date à laquelle il a interrompu son activité en raison de douleurs à la colonne vertébrale. Après avoir essuyé plusieurs refus de la part de l'Office cantonal AI du Valais, le prénommé a requis à nouveau des prestations le 16 décembre 2003. L'Office AI valaisan a recueilli différents avis médicaux, dont il ressortait que D.________ souffrait notamment de lombalgies chroniques (status après hémilaminectomie L4-L5 et L5-S1 gauche pour hernie discale en date du 14 novembre 1997) ainsi que d'un état dépressif sévère progressif depuis 2002, et disposait d'une capacité résiduelle de travail de 50% dans toute activité.
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Le 8 mars 2005, l'Office AI valaisan a rendu une décision par laquelle il a rejeté la demande de prestations. Il a considéré en bref que le taux d'invalidité de 35% qui résultait de la comparaison entre un revenu sans invalidité de 40'040 fr. en 2004 et un revenu d'invalide de 26'221 fr., compte tenu d'une capacité résiduelle de travail de 50%, n'ouvrait pas le droit à une rente. L'assuré s'est opposé à cette décision, en indiquant notamment qu'il avait travaillé du 1er mai 2004 au mois de février 2005 en qualité d'aide de maison dans une pizzeria. Par décision sur opposition du 14 juillet 2005, l'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger - auquel le dossier a été transmis à la suite du retour de D.________ en Serbie, son pays d'origine - a rejeté l'opposition.
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B.
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D.________ a déféré cette décision à la Commission fédérale de recours en matière d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité pour les personnes résidant à l'étranger (aujourd'hui, Tribunal administratif fédéral). Après avoir été informée du décès de l'assuré, le 4 mai 2006, la Commission fédérale a admis le recours, annulé la décision du 14 juillet 2005 et reconnu à D.________ le droit à une demi-rente d'invalidité à partir du 1er juillet 2004 (jugement du 14 septembre 2006).
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C.
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L'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger a interjeté un recours de droit administratif contre ce jugement, dont il a demandé l'annulation en concluant à la confirmation de sa décision sur opposition.
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Les héritiers de feu D.________ ont conclu au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a renoncé à se déterminer.
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Considérant en droit:
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1.
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La loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132 al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).
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2. Le jugement entrepris porte sur des prestations de l'assurance-invalidité, de sorte que le Tribunal fédéral examine uniquement si l'autorité cantonale de recours a violé le droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, si les faits pertinents ont été constatés de manière manifestement inexacte ou incomplète ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 al. 2 OJ [dans sa teneur selon le ch. III de la loi fédérale du 16 décembre 2005 portant modification de la LAI, en vigueur depuis le 1er juillet 2006], en relation avec les art. 104 let. a et b, ainsi que 105 al. 2 OJ).
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Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties, à l'avantage ou au détriment de celles-ci, sauf en matière de contributions publiques pour violation du droit fédéral ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits; il n'est pas lié par le motifs que les parties invoquent. Lorsque le tribunal annule la décision attaquée, il peut soit statuer lui-même sur le fond, soit renvoyer l'affaire pour nouvelle décision a l'autorité inférieure; si celle-ci a tranché sur recours, il peut renvoyer l'affaire à l'autorité qui a statué en première instance (art. 114 al. 1 et 2 OJ).
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3.
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Le litige porte sur le droit de feu D.________ à une rente d'invalidité du 1er juillet 2004 au 31 mai 2006 (art. 30 LAI). Le jugement entrepris expose de manière exacte et complète les normes légales et les principes jurisprudentiels applicables au présent cas, de sorte qu'il suffit d'y renvoyer.
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4.
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4.1 Examinant les revenus sans et avec invalidité fixés par l'intimé, l'autorité fédérale de recours a considéré qu'il n'était pas vraisemblable que le salaire après invalidité résultant des données statistiques de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS; 58'268 fr. par an pour un plein temps; TA1, niveau de qualification 4 [activités simples et répétitives]) fût sensiblement plus élevé que celui réalisé par l'assuré avant la survenance de l'invalidité (40'040 fr. par an). Aussi, se fondant sur le revenu obtenu par l'assuré dans son ancienne activité d'ouvrier agricole pour fixer le salaire d'invalide, les premiers juges ont retenu à ce titre un montant de 40'040 fr. pour une activité à 100%. Cette solution était conforme, selon eux, à la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle lors de la comparaison des revenus, les facteurs étrangers à l'invalidité doivent être purement et simplement ignorés ou pris en considération de la même manière pour chacun des termes de la comparaison (RCC 1989 p. 483 consid. 3b).
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La comparaison des deux revenus déterminants (de 40'040 fr. chacun en 2004), compte tenu d'une capacité de travail résiduelle de 50%, a conduit les premiers juges à admettre un degré d'invalidité de 50% ouvrant le droit à une demi-rente dès le 1er juillet 2004.
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4.2 Ne remettant en cause ni le taux de capacité de travail résiduelle (50% dans toute activité sans efforts physiques importants), ni le revenu sans invalidité retenus par les premiers juges, le recourant leur reproche de s'être écartés du salaire ESS 2004 (25'766 fr. 20, compte tenu d'un abattement de 10% et d'une capacité de travail de 50%) pour déterminer le revenu d'invalide. Il soutient que le fait que le revenu d'invalide raisonnablement exigible de l'assuré est supérieur - pour un taux d'activité identique - au salaire perçu avant la survenance de l'invalidité ne justifie pas que l'on s'écarte du salaire ESS. La jurisprudence à laquelle s'est référée l'autorité fédérale de recours ne serait pas applicable en l'espèce.
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5.
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5.1 Dès lors que le recourant conteste l'application de règles jurisprudentielles sur la manière d'effectuer la comparaison des revenus (y compris l'application des données statistiques de l'ESS) - et non pas le revenu d'invalide déterminé sur la base d'une appréciation concrète des preuves -, il s'agit d'une question de droit soumise au libre examen de la Cour de céans (ATF 132 V 393 consid. 3.3 p. 399).
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5.2 Comme l'a constaté l'autorité fédérale de recours, le salaire d'invalide calculé par l'Office AI valaisan dans la décision initiale en référence aux données ESS (2002 avec adaptation à l'évolution des salaires jusqu'en 2004; 58'268 fr. par an pour un plein temps) est nettement plus élevé que celui qu'obtenait l'assuré sans atteinte à la santé (40'040 fr. en 2004). Cette circonstance ne justifie pas à elle seule de s'écarter du salaire d'invalide ainsi déterminé. Toutefois, lors de la comparaison des revenus déterminants, il convient selon la jurisprudence de tenir compte du fait qu'un assuré réalisait un revenu nettement inférieur aux salaires habituels de la branche pour des raisons étrangères à l'invalidité (par ex. formation scolaire insuffisante, qualifications professionnelles insuffisantes, manque de connaissances linguistiques, possibilités limitées d'emploi en raison d'un statut de saisonnier), pour autant qu'il n'y ait pas de circonstances permettant de supposer que l'intéressé se serait contenté d'un salaire plus modeste que celui qu'il aurait pu obtenir (cf. RCC 1992 p. 96 consid. 4a) et que l'on peut admettre qu'il ne pourrait pas réaliser, en raison de qualifications insuffisantes, un salaire aussi élevé que le revenu moyen déterminé. Dans un tel cas, celui-ci doit - en présence d'un écart important - être réduit du pourcentage résultant de la différence entre le revenu obtenu avant la survenance de l'invalidité et le salaire moyen de l'époque dans la branche considérée. C'est une manière de sauvegarder le principe selon lequel l'assurance-invalidité n'a pas à compenser les pertes de salaire résultant de facteurs étrangers à l'invalidité (cf. ATF 129 V 222 consid. 4.4 p. 225; RCC 1989 p. 483 consid. 3b; RAMA 1993 n° 168 p. 103 consid. 5b; arrêts I 64/03 du 18 novembre 2003 et I 789/02 du 15 juillet 2003).
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5.3 Le salaire qu'aurait réalisé l'assuré en 2004 est en l'espèce nettement inférieur à celui, pour la même année, que réalisaient des travailleurs non qualifiés du secteur de l'horticulture (domaine le plus proche de celui dans lequel travaillait l'assuré). Selon les données ESS, le salaire de ces travailleurs était de 3596 fr. en 2004 pour 40 heures de travail hebdomadaires (ESS 2004, TA 1, p. 53 ch. 1, niveau de qualification 4). Converti en horaire de 42,8 heures (La Vie économique 1-2/2007 p. 94, tableau B 9.2, let. A [horticulture, sylviculture]), cela donne un montant de 3848 fr. par mois ou 46'176 fr. par an. La différence par rapport au salaire de 40'040 fr. est de 13,3%; il s'agit d'une différence significative dont il y a lieu de tenir compte lors de l'évaluation de l'invalidité.
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Les arguments soulevés par le recourant à l'encontre d'une telle solution ne sont pas convaincants. La comparaison qu'il fait avec les salaires minimaux prévus par la Convention collective de travail de l'agriculture et de la viticulture en Valais n'est pas pertinente, puisqu'on ne saurait considérer les salaires minimaux auxquels il se réfère comme des salaires habituels de la branche. Par ailleurs, contrairement à ce qu'il soutient, il y a lieu d'admettre que feu D.________ touchait un salaire nettement inférieur aux salaires habituels de la branche pour des raisons étrangères à l'invalidité, sans qu'il y ait des circonstances permettant de supposer qu'il se serait contenté d'un revenu plus modeste que celui qu'il aurait pu obtenir. Ayant commencé à travailler en Suisse en qualité d'ouvrier agricole en 1989, l'assuré a d'abord eu un statut de saisonnier, avant d'être mis au bénéfice (apparemment en 1994) d'un permis de séjour B. Eu égard à sa situation au niveau du droit des étrangers qui s'est stabilisée au milieu des années nonante seulement et à l'absence de qualifications professionnelles reconnues en Suisse, on ne saurait retenir en défaveur de l'assuré de n'avoir pas cherché une activité mieux rémunérée dans un autre domaine que la branche agricole.
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5.4 En conséquence de ce qui précède, le salaire d'invalide doit être déterminé non pas en se référant, comme l'ont fait à tort les premiers juges, au salaire réalisé par l'assuré dans son activité d'ouvrier agricole, mais au revenu résultant des données ESS pour des activités simples et répétitives dont un certain nombre aurait été exigible (à 50%). Ce salaire statistique doit cependant être fixé en tenant compte d'une réduction de 13,3% (supra consid. 5.3). En prenant pour base de calcul le montant de 4588 fr. (ESS 2004, TA1, total), adapté à l'horaire hebdomadaire de 41,6 heures en 2004 (4771 fr. par mois; 57'258 fr. par an), on obtient après réduction de 13,3% un montant de 49'643 fr. par an. En prenant en considération une capacité de travail résiduelle de 50% et un abattement de 10%, tel que retenu par les premiers juges - et en restant ainsi dans le cadre de la limite fixée par la jurisprudence y relative (ATF 126 V 75: 25% au maximum) -, le revenu d'invalide peut être fixé à 22'339 fr.
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La comparaison avec un revenu sans invalidité de 40'040 fr. conduit à un degré d'invalidité de 44%, ce qui ouvre le droit à un quart de rente d'invalidité. Dans cette mesure, le recours est partiellement bien fondé et le jugement entrepris doit être réformé en ce sens.
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C'est le lieu de préciser qu'au regard du degré d'invalidité inférieur à 50% et du départ de l'assuré de Suisse en février 2005, la rente correspondante ne pourra être versée que pour la période du 1er juillet 2004 à fin février 2005 (art. 28 al. 1ter RAI et art. 8 let. e de la Convention entre la République populaire fédérative de Yougoslavie relative aux assurances sociales du 8 juin 1962).
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6.
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La procédure n'est en principe pas gratuite (art. 134 2ème phrase OJ). Compte tenu des circonstances, il y a toutefois lieu de renoncer à percevoir des frais de justice. Obtenant partiellement gain de cause et représentés par un avocat, les héritiers de feu D.________ ont droit à une indemnité réduite à titre de dépens (art. 159 al. 1 OJ).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est partiellement admis en ce sens que le chiffre 1 du jugement de la Commission fédérale de recours en matière d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité pour les personnes résidant à l'étranger du 14 septembre 2006 est réformé. D.________ a droit à un quart de rente d'invalidité du 1er juillet 2004 au 31 mai 2006.
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2.
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Il n'est pas perçu de frais de justice.
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3.
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L'avance de frais d'un montant de 500 fr. versée par le recourant lui est restituée.
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4.
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Le recourant versera aux héritiers de feu D.________ la somme de 1000 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.
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5.
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Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à l'assuré, au Tribunal administratif fédéral, 3ème Cour et à l'Office fédéral des assurances sociales.
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Lucerne, le 3 octobre 2007
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Au nom de la IIe Cour de droit social
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président: La Greffière:
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