BGer 1C_250/2007 |
BGer 1C_250/2007 vom 02.06.2008 |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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1C_250/2007/col
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Arrêt du 2 juin 2008
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Ire Cour de droit public
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Composition
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MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Fonjallaz.
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Greffier: M. Jomini.
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Parties
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A.________ et B.________,
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recourants,
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représentés par Me Jacques Roulet, avocat,
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contre
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Conseil d'Etat de la République et canton de Genève, p.a. Département des constructions et des technologies de l'information, case postale 22, 1211 Genève 3.
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Objet
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aménagement du territoire, droit de préemption de l'Etat,
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recours contre l'arrêt du Tribunal administratif de la République et canton de Genève du 19 juin 2007.
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Faits:
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A.
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A.________ et B.________ sont copropriétaires de deux parcelles adjacentes sur le territoire de la commune du Grand-Saconnex (parcelles n° X.________, de 1'448 m², et n° Y.________, de 591 m²). Il s'y trouve une villa, les locaux d'un atelier de serrurier et des garages. Ces deux parcelles sont incluses dans une zone industrielle de développement, instituée par une loi adoptée le 14 septembre 1979 par le Grand Conseil de la République et canton de Genève, afin de permettre la création d'un quartier destiné aux activités industrielles non polluantes, commerciales et de service. Le Conseil d'Etat du canton a adopté le 21 février 1990 un plan directeur pour ce périmètre (plan directeur n° 27953-534), qui précise l'affectation du sol (activités industrielles et artisanales, sauf dans certains sous-périmètres réservés à des constructions communales, administratives ou hôtelières).
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B.
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En vertu de l'art. 10 de la loi générale sur les zones de développement industriel (LGZDI), du 13 décembre 1984, l'Etat de Genève bénéficie d'un droit de préemption sur tout bien-fonds compris dans les zones de développement industriel qui fait l'objet d'une aliénation à un tiers. Tenant compte de l'existence de ce droit de préemption légal, A.________ et B.________ ont, par une lettre du 11 avril 2003, informé le département cantonal de l'aménagement, de l'équipement et du logement (actuellement: département des constructions et des technologies de l'information - ci-après: le département cantonal) de leur intention de vendre leurs deux parcelles. Le 8 mai 2003, le département cantonal leur a répondu que l'Etat n'était pas intéressé à l'acquisition de ces biens-fonds.
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C.
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Par acte notarié du 2 décembre 2005, A.________ et B.________ ont conclu avec C.________ une promesse de vente portant sur leurs deux biens-fonds, au prix de 1'970'000 fr. Le notaire a informé le Conseil d'Etat de la conclusion de ce contrat. Le 18 janvier 2006, le Conseiller d'Etat en charge du département cantonal a informé les parties au contrat que l'Etat envisageait de se porter acquéreur des parcelles, en les invitant à se déterminer. Les copropriétaires se sont opposés à l'exercice du droit de préemption.
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D.
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Le 8 février 2006, le Conseil d'Etat a écrit à A.________ et B.________ dans les termes suivants:
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"A l'examen des conditions, notamment financières, fixées par les parties et contenues dans l'acte [notarié du 2 décembre 2005], nous constatons que le prix de cession retenu excède très largement les prix pratiqués dans les zones de développement industriel pour ce type de terrain.
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Dans ces conditions et soucieux de faire prévaloir une politique d'aménagement et de mise en valeur des zones de développement industriel, conformément à leur destination première, notre Conseil vous signifie sa décision d'acquérir les parcelles Y.________ et X.________ pour le prix de 900'000 fr. et non pas aux conditions convenues entre les parties, soit le prix de 1'970'000 fr., celui-ci étant manifestement excessif, dès lors qu'il représente environ le double de celui pratiqué ordinairement dans de telles zones pour un terrain équivalent.
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Conformément à l'art. 12 al. 7 LGZDI, la présente décision peut faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal administratif [...]."
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E.
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A.________ et B.________ ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif cantonal. Le recours a été rejeté par un arrêt rendu le 19 juin 2007.
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F.
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Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ et B.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif et de dire que l'Etat de Genève n'a pas le droit d'exercer son droit de préemption dans le cadre de la vente des parcelles nos Y.________ et X.________ à C.________, faisant l'objet de la promesse de vente du 2 décembre 2005. A titre subsidiaire, ils concluent au renvoi de l'affaire à la juridiction cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants. Les recourants se plaignent d'un établissement manifestement inexact ou arbitraire des faits pertinents, d'une violation de la garantie de la propriété, d'une violation du principe de la bonne foi et d'une violation du principe d'égalité.
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Le Conseil d'Etat, agissant par le département cantonal, conclut au rejet du recours.
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G.
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Par ordonnance du 24 septembre 2007, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif présentée par les recourants.
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Considérant en droit:
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1.
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La voie du recours en matière de droit public est ouverte contre les décisions rendues, en dernière instance cantonale, dans des causes de droit public (art. 82 let. a LTF, art. 86 al. 1 let. d LTF). C'est le cas en l'espèce, car la contestation porte sur l'exercice d'un droit de préemption légal, prévu par le droit cantonal de l'aménagement du territoire (la LGZDI). Il s'agit donc d'une cause de droit public (cf. notamment, à propos d'un autre droit de préemption légal relevant du droit public cantonal, arrêt 1P.639/2004 du 19 avril 2005, consid. 1, publié in SJ 2005 I p. 545).
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2.
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A titre préalable, les recourants exposent les faits nouveaux suivants: par courrier du 15 août 2007, ils ont indiqué à l'Etat de Genève qu'ils renonçaient à la vente immobilière, qui était selon eux devenue caduque. Ils demandaient donc à l'Etat de ne pas se porter acquéreur de leurs terrains. Le 27 août 2007, l'Etat leur a toutefois déclaré qu'il refusait de renoncer à l'acquisition des terrains.
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La déclaration des recourants est postérieure à la décision attaquée; il s'agit donc d'un fait nouveau. Comme cette déclaration - dont la portée juridique n'a pas à être examinée ici - n'a pas été suivie d'un retrait ou d'une annulation, par l'Etat, de sa décision d'exercer le droit formateur prévu par la loi cantonale, on ne saurait considérer que le recours au Tribunal fédéral est devenu sans objet.
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Selon le principe exprimé à l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté, dans la procédure de recours au Tribunal fédéral, à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. Cela signifie que les véritables faits nouveaux, à savoir les faits survenus après la décision attaquée, n'ont en principe pas à être pris en considération (ATF 133 IV 342 consid. 2.1 p. 343). Si une partie entend se prévaloir de l'exception pour les faits résultant de la décision attaquée, il lui incombe de démontrer le rapport de causalité, ainsi que le caractère pertinent des faits invoqués (cela découle de l'obligation de motiver selon l'art. 42 al. 1 et 2 LTF; ATF 133 III 393 consid. 3 p. 395).
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En l'espèce, on ne voit pas en quoi la déclaration de renonciation du 15 août 2007 résulterait de l'arrêt du Tribunal administratif, qui n'a pas traité cette question. Les recourants n'ont au demeurant présenté aucune argumentation au sujet de la recevabilité de ce novum, du point de vue de l'art. 99 al. 1 LTF. Il n'en sera donc pas tenu compte dans le présent arrêt.
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3.
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Dans les considérants de son arrêt, le Tribunal administratif a retenu finalement que "les recourants ayant refusé l'offre de l'Etat, le prix du terrain devra être fixé conformément aux dispositions de la [loi cantonale sur l'expropriation pour cause d'utilité publique (LEx/GE)], par devant la commission de recours en matière d'estimation ou d'expropriation"; en effet, "en cas de non-acceptation de son offre, l'Etat est contraint de recourir à la procédure d'expropriation, car il ne saurait lui-même fixer unilatéralement le prix et les conditions de l'achat du terrain" (consid. 16). Il est encore précisé que "le Conseil d'Etat sera invité à suivre la procédure d'expropriation conformément à la LEx" (consid. 17).
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3.1 Le droit de préemption légal de l'Etat (art. 10 LGZDI) a pour but, aux termes de l'art. 11 LGZDI, de "favoriser la mise en valeur des zones de développement industriel et d'éviter que des biens-fonds ne fassent l'objet d'aliénation à des prix excessifs". La procédure, pour l'exercice de ce droit, est définie à l'art. 12 LGZDI. Dans un premier temps, le Conseil d'Etat fait part de ses intentions et recueille les déterminations du propriétaire ainsi que du tiers acquéreur (art. 12 al. 3 LGZDI). Ensuite, le Conseil d'Etat prend une décision conformément à l'art. 12 al. 4 LGZDI, disposition ainsi libellée:
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"Dans un délai de 60 jours à compter de la date de dépôt de l'acte au registre foncier, le Conseil d'Etat notifie, de manière séparée, aux parties liées par l'acte:
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a) soit sa décision de renoncer à l'exercice du droit de préemption;
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b) soit son offre d'acquérir le bien-fonds aux prix et conditions fixés dans l'acte;
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c) soit son offre d'acquérir le bien-fonds aux prix et conditions fixés par lui ou, à défaut d'acceptation de cette offre,
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d) sa décision de recourir, si les conditions légales sont réunies, à la procédure d'expropriation, conformément à la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique."
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Dans le cas particulier, le Conseil d'Etat a rendu, le 8 février 2006, une décision fondée sur l'art. 12 al. 4 let. c LGZDI. Il a décidé d'exercer son droit de préemption non pas au prix fixé dans la promesse de vente, mais à un prix fixé par lui, nettement inférieur. L'offre, pour l'acquisition des deux terrains litigieux au prix de 900'000 fr., n'a pas été acceptée par les recourants. Le Tribunal administratif a dès lors considéré que l'Etat était contraint de recourir à la procédure d'expropriation, les dispositions des let. c et d de l'art. 12 al. 4 LGZDI devant être lues conjointement. Il n'a cependant pas, dans le dispositif de son arrêt, fixé la suite de la procédure.
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3.2 Dans leur mémoire adressé au Tribunal fédéral, les recourants font valoir que le Tribunal administratif a rendu une décision finale parce qu'elle autorise l'Etat à acquérir leurs biens-fonds à des conditions différentes de celles convenues avec l'acheteur initial, même si celles-ci ne sont pas encore fixées en ce qui concerne le prix de vente. Les recourants se plaignent, précisément, d'une violation de la garantie de la propriété puisque le principe même de l'acquisition des immeubles par l'Etat à des conditions différentes a été définitivement admis.
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Dans sa réponse au recours, le Conseil d'Etat déclare d'abord maintenir sa volonté d'acquérir les deux biens-fonds litigieux. Puis il fait une distinction entre deux hypothèses: d'une part les cas susceptibles de donner lieu à une décision d'exercice du droit de préemption de l'Etat; d'autre part les cas pour lesquels le droit d'expropriation institué par l'art. 8 LGZDI est conféré (selon cette disposition, est déclaré d'utilité publique l'acquisition, dans les zones régies par la LGZDI, de tous les immeubles ou droits nécessaires à la réalisation des équipements et de l'infrastructure prévus aux plans et aux règlements directeurs ou aux plans localisés de quartier, et de tous les immeubles compris dans la zone de développement industriel, au fur et à mesure de sa mise en valeur). En l'espèce, la décision d'exercer le droit de préemption de l'Etat sur les parcelles litigieuses se fondait sur un unique motif: faire obstacle à un prix de vente jugé excessif. Le Conseil d'Etat précise donc que sa décision, qui trouve une base légale à l'art. 11 LGZDI, n'est pas une décision d'expropriation, et qu'en l'espèce les conditions de l'art. 8 LGZDI ne seraient de toute manière pas remplies puisqu'il n'existe actuellement aucun projet concret de construction à réaliser dans l'immédiat sur lesdites parcelles.
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Ainsi, l'interprétation du Conseil d'Etat est que la formulation de l'art. 12 al. 4 let. d LGZDI, prévoyant le recours à la procédure d'expropriation "si les conditions légales sont réunies", ne signifie pas qu'il faut que l'expropriation du terrain concerné soit autorisée selon l'art. 8 LGZDI pour que l'exercice du droit de préemption soit admissible. On peut en effet présumer que les cas de préemption sont définis à l'art. 11 LGZDI plus largement que les cas d'expropriation selon l'art. 8 LGZDI. Le Conseil d'Etat reconnaît donc qu'après que la décision d'exercer le droit de préemption sur la base de l'art. 11 LGZDI est devenue définitive, le recours à la procédure instituée par la loi cantonale sur l'expropriation a pour seule fonction de permettre l'ouverture de la procédure devant la commission d'estimation, pour la fixation du prix d'acquisition des biens-fonds préemptés.
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Cette interprétation est soutenable. Du reste, dans un arrêt rendu en 1991 (arrêt non publié 1P.506/1990 du 6 mars 1991), le Tribunal fédéral a également distingué les cas d'expropriation (art. 8 LGZDI), d'une part, et les cas d'exercice du droit de préemption (art. 12 LGZDI), d'autre part. Dans une affaire comparable à la présente espèce, il a notamment considéré que ce droit de préemption légal avait d'autres buts qu'une expropriation: "il est destiné à limiter l'augmentation du prix des terrains et à favoriser la mise en valeur des zones de développement industriel de manière conforme à leur destination" (consid. 2c). Le Tribunal fédéral a retenu que l'art. 8 LGZDI n'était pas applicable, le droit de préemption n'étant pas destiné à permettre la réalisation d'un projet concret mais servant notamment à éviter que les immeubles ne fassent l'objet d'aliénations à des prix excessifs. D'après l'arrêt cité, "cet objectif ne peut être atteint que si l'Etat de Genève a la possibilité effective de contester le prix indiqué dans la promesse de vente devant la commission de conciliation et d'estimation instituée par les art. 35 ss LEx/GE, lorsque ce prix est considéré comme excessif. La procédure d'expropriation engagée à la suite de la décision d'exercer le droit de préemption n'a pas une portée indépendante. Les art. 10 et 11 LGZDI constituent une base légale claire et suffisante pour permettre à l'Etat d'exercer le droit de préemption, dans l'hypothèse visée à l'art. 12 let. d LGZDI" (consid. 3b de l'arrêt 1P.506/1990).
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3.3 Sur la base de ce qui précède, il y a lieu de retenir que le Conseil d'Etat, par son arrêté du 8 février 2006, a pris la décision d'exercer un droit formateur, ce qui empêche les recourants d'aliéner librement leurs biens-fonds. L'Etat de Genève n'a pas à engager une procédure complète d'expropriation selon les art. 24 ss LEx/GE, afin d'obtenir par cette voie un autre titre juridique pour le transfert de la propriété. Seule une procédure d'estimation selon les art. 35 ss LEx/GE doit encore être engagée, au terme de laquelle le prix sera fixé, après quoi la propriété des immeubles pourra être transférée. L'exercice du droit de préemption ne produit pas d'effet translatif de propriété (il en va de même en droit privé; cf. Bénédict Foëx, Commentaire romand CO, n. 9 ad art. 216e CO). La décision à ce sujet ne doit cependant pas être considérée comme incidente car l'arrêt du Tribunal administratif met fin à la procédure administrative concernant l'exercice de ce droit formateur. Le recours est donc recevable au regard de l'art. 90 LTF, étant dirigé contre une décision finale.
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4.
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Les propriétaires fonciers empêchés d'aliéner leurs immeubles aux conditions convenues avec un acquéreur ont manifestement qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité du recours en matière de droit public sont remplies et il y a lieu d'entrer en matière.
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5.
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Les recourants se plaignent d'une violation de la garantie de la propriété (art. 26 Cst.) et, en se référant à l'art. 36 al. 1 Cst., d'une "absence de base légale suffisante pour l'expropriation". Or, comme cela vient d'être exposé (supra, consid. 3), le système de l'art. 12 al. 4 let. c et d LGZDI n'implique pas l'ouverture d'une procédure d'expropriation stricto sensu. S'agissant de l'exercice du droit de préemption, décision préalable à la procédure d'estimation, il bénéficie en droit cantonal, aux art. 10 ss LGDZI, d'une base légale suffisante.
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6.
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Les recourants dénoncent, à propos de l'opération litigieuse, l'absence d'intérêt public. Plus précisément, ils reprochent à l'Etat de Genève d'exercer son droit de préemption sans invoquer le moindre projet d'intérêt public spécifique visant la mise en valeur de la zone. Ils ajoutent qu'il n'est pas question en l'espèce pour l'Etat d'empêcher qu'un terrain en zone de développement industriel ne soit détourné de sa vocation par une opération de spéculation entravant l'accès de la zone aux entreprises qui en ont besoin; ils dénient en effet tout caractère spéculatif à la vente conclue dans le cas particulier.
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Même si l'exercice du droit de préemption, selon les art. 10 ss LGZDI, n'est pas assimilé à une expropriation au sens de l'art. 8 LGZDI, ses effets sont à certains égards comparables à ceux d'une expropriation, le propriétaire visé ne pouvant choisir ni l'acquéreur ni le prix. Il faut donc que cette décision soit justifiée par un intérêt public (art. 36 al. 2 Cst. en relation avec l'art. 26 Cst.).
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Dans l'arrêt du 6 mars 1991 déjà cité (supra, consid. 3.2), le Tribunal fédéral a rappelé que le droit de préemption des art. 10 ss LGZDI visait des objectifs d'aménagement du territoire. Une utilisation optimale des zones destinées aux activités économiques, dans le canton de Genève où les réserves de terrains industriels ne sont pas surdimensionnées, postule une mise en valeur judicieuse des zones de développement industriel, notamment par une augmentation des possibilités de construire (densification). Il importe également que le terrain industriel ne soit pas détourné de sa vocation par une opération de spéculation qui entrave la réalisation de constructions par les entreprises industrielles. En fonction de ces objectifs d'aménagement du territoire, applicables dans certaines zones (zones de développement industriel) où le législateur cantonal a prévu un régime spécial afin de favoriser les activités économiques, le Tribunal fédéral a retenu qu'un intérêt public important pouvait justifier l'exercice du droit de préemption (arrêt 1P.506/1990, consid. 3c).
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Les recourants ne prétendent du reste pas qu'en tant que tel, le but du droit de préemption légal - aux termes de l'art. 11 LGZDI, favoriser la mise en valeur des zones de développement industriel et éviter que des biens-fonds ne fassent l'objet d'aliénation à des prix excessifs - ne serait pas un but d'intérêt public. Ils ne font pas non plus valoir que, dans le cas particulier, l'Etat viserait un autre but que celui prévu par loi. Leurs griefs se rapportent en définitive aux circonstances concrètes de l'exercice du droit préemption, pour lequel l'art. 11 LGZDI laisse au Conseil d'Etat un large pouvoir d'appréciation. Ces arguments seront traités dans le cadre de l'examen de la proportionnalité.
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7.
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Les recourants soutiennent que l'exercice du droit de préemption est disproportionné par rapport au but recherché, compte tenu de l'"expropriation de principe" que cette décision comporte, et du fait qu'ils ont renoncé à la vente de leurs biens-fonds.
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7.1 Conformément à l'art. 36 al. 3 Cst., toute restriction d'un droit fondamental doit être proportionnée au but visé. Il faut en particulier respecter la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et sur le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (cf. notamment ATF 130 II 425 consid. 5.2 p. 438).
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7.2 En l'espèce, la volonté des recourants de ne plus vendre leurs biens-fonds n'est pas un élément à prendre en considération, dans l'examen de la proportionnalité de la mesure (cf. supra, consid. 2).
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7.3 La décision du Conseil d'Etat d'exercer le droit de préemption légal ne contient aucune instruction, à l'intention de la commission cantonale de conciliation et d'estimation, au sujet du prix de vente qui devra être fixé au terme de la procédure d'estimation selon les art. 35 ss LEx/GE.
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Comme l'art. 11 LGZDI permet à l'Etat d'exercer son droit de préemption dans le but "d'éviter que des biens-fonds ne fassent l'objet d'aliénation à des prix excessifs", il est nécessaire de pouvoir déterminer, à ce stade, si le prix convenu entre le vendeur et l'acquéreur est objectivement excessif. L'Etat doit donc pouvoir invoquer un prix permettant d'effectuer cette comparaison, en d'autres termes un "prix de référence" (selon la terminologie utilisée par le Conseil d'Etat dans sa réponse). En l'occurrence, il ressort de l'arrêt attaqué que ce prix de référence a été calculé pour le terrain seul - à l'exclusion des bâtiments qu'il supporte ou d'autres parties intégrantes - par un organisme spécialisé, la Fondation pour les terrains industriels de Genève (FTI). En zone de développement industriel, ce prix est de 150 à 180 fr./m², parfois de 250 fr./m² lorsque des activités à caractère mixte sont admissibles.
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Les recourants présentent de nombreuses critiques au sujet de la détermination de ce prix de référence, en se plaignant de l'établissement arbitraire des faits pertinents (art. 9 Cst.). Toutefois, ces critiques consistent en substance à affirmer que, pour leurs propres parcelles - vu la situation de ces immeubles et les prix pratiqués lors de transactions récentes portant sur des immeubles comparables -, les prix de référence de 180 fr./m², voire de 250 fr./m² ne correspondent pas à la valeur vénale concrète. Or c'est là une question qui relève essentiellement de la procédure d'estimation du prix de vente (art. 35 ss LEx/GE), laquelle n'est pas encore engagée. Pour la décision d'exercer le droit de préemption, selon des normes qui laissent un important pouvoir d'appréciation au Conseil d'Etat, il n'est pas insoutenable de se fonder sur un prix de référence qui manifestement, est une simple évaluation prima facie de la valeur approximative que le terrain industriel peut avoir dans les différentes zones de développement industriel du canton de Genève. A tout le moins, les recourants ne prétendent pas que si telle est la portée du prix de référence mentionné dans l'arrêt attaqué, cette valeur aurait été fixée de manière arbitraire et sans aucun fondement objectif (à propos de la notion d'arbitraire, cf. notamment ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 17).
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7.4 Dès lors que le prix de référence, arrêté au maximum à 250 fr./m², est largement inférieur au prix convenu pour le terrain dans le contrat de vente (d'après un calcul de la FTI du 3 février 2006, reproduit dans l'arrêt attaqué, ce prix équivaudrait environ au triple du prix de référence, et d'après un courtier engagé par les recourants, il correspondrait au prix de référence multiplié par 2.4), il n'est pas arbitraire de considérer que cette différence justifie, objectivement, l'exercice du droit de préemption selon le système de la loi (art. 11 LGZDI).
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Ce n'est qu'une fois le prix de vente fixé par la commission cantonale de conciliation et d'estimation que les autorités de recours pourront, le cas échéant, examiner la proportionnalité de l'opération. Il y a lieu de rappeler que cette commission déterminera le prix, selon les critères de la loi sur l'expropriation, notamment l'art. 14 LEx/GE qui prévoit une "indemnité pleine et entière", et l'art. 18 al. 1 let. a LEx/GE qui dit que cette indemnité comprend "la pleine valeur vénale du droit". Mais il est de toute manière prématuré d'examiner ces questions. Il suffit de considérer qu'à ce stade, l'exercice du droit de préemption n'est pas en contradiction avec le principe de la proportionnalité. Il s'ensuit que le grief de violation de la garantie de la propriété est mal fondé.
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8.
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Invoquant l'art. 9 Cst., les recourants se plaignent d'une violation du principe de la bonne foi pour deux raisons. D'une part, lorsqu'ils s'étaient opposés au plan directeur adopté pour cette zone de développement, le Conseil d'Etat avait rejeté leur opposition, par un arrêté du 21 février 1990, en expliquant que la valeur d'un terrain en zone de développement industriel n'était pas inférieure à celle d'un terrain en zone de villas. D'autre part, lorsqu'ils avaient signalé en 2003 leur intention de vendre leurs parcelles, le département cantonal leur avait répondu, le 8 mai 2003, que l'Etat n'était pas intéressé à l'acquisition.
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Conformément à la jurisprudence, les règles de la bonne foi, que l'Etat doit respecter en vertu de l'art. 9 Cst., protègent le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 636 et les arrêts cités).
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S'agissant de la réponse du département cantonal du 8 mai 2003, l'arrêt attaqué relève à juste titre qu'elle ne contenait aucune promesse et que de toute manière, l'autorité compétente pour exercer le droit de préemption - le Conseil d'Etat - n'était pas en mesure d'y renoncer avant de connaître un élément essentiel du contrat, soit le prix de vente. Quant à l'autre acte invoqué, une réponse du Conseil d'Etat à une opposition contenant des considérations générales sur la valeur des terrains industriels, il ne traite à l'évidence pas de la question du droit de préemption légal. Dans l'un et l'autre cas, on ne saurait reprocher à l'Etat d'avoir donné des assurances à ce sujet. Le grief de violation de l'art. 9 Cst. est donc mal fondé.
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9.
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Les recourants invoquent enfin le principe d'égalité, garanti à l'art. 8 al. 1 Cst., en relevant que l'Etat n'a pas systématiquement exercé son droit de préemption dans des situations semblables. Or le régime des art. 10 ss LGZDI, qui confère au Conseil d'Etat un important pouvoir d'appréciation, ne le contraint pas à exercer le droit de préemption dans chaque cas d'aliénation. Il est difficile de concevoir, en cette matière, deux situations semblables, à cause des différences de surface, de nature et de localisation des terrains; en outre, suivant la situation financière, l'Etat pourrait être d'emblée tenu de renoncer pendant une certaine période à acquérir les terrains grevés du droit de préemption, faute de ressources suffisantes. Dans ces conditions, on ne voit pas en quoi le refus d'exercer le droit de préemption légal, ou au contraire son exercice, pourrait violer le principe d'égalité.
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10.
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Il s'ensuit que le recours, entièrement mal fondé, doit être rejeté.
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Les recourants, qui succombent, doivent supporter les frais judiciaires (art. 65 al. 1 et art. 66 al. 1 LTF). L'Etat de Genève n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté.
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2.
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Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourants.
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3.
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Il n'est pas alloué de dépens.
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4.
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Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, au Conseil d'Etat et au Tribunal administratif de la République et canton de Genève.
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Lausanne, le 2 juin 2008
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président: Le Greffier:
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Féraud Jomini
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