BGer 4A_422/2007 |
BGer 4A_422/2007 vom 22.12.2008 |
Bundesgericht
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Tribunal fédéral
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Tribunale federale
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{T 0/2}
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4A_422/2007
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4A_154/2008/ech
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Arrêt du 22 décembre 2008
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Ire Cour de droit civil
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Composition
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M. et Mmes les juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch et Kiss.
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Greffier: M. Thélin.
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Parties
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X.________,
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défendeur et recourant, représenté par
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Me Michel Dupuis,
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contre
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Masse en faillite Z.________ SA,
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demanderesse et intimée, représentée par
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Me Jean-Noël Jaton.
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Objet
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procédure civile; droit d'être entendu
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recours contre les arrêts rendus le 23 mai 2007 par la Cour civile et le 17 décembre 2007 par la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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Faits:
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A.
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X.________ fut dès 1989 l'actionnaire unique, puis, dès 1992, l'actionnaire principal de la société Z.________ SA. En juin 1998, celle-ci devint la Société immobilière Z.________ SA. Dans ses livres, elle tenait un compte qui était débité ou bonifié des sommes respectivement à verser ou à percevoir par son actionnaire. Dès 1994, à la clôture de chaque exercice annuel, ce compte présenta toujours un solde débiteur variant de 450'000 fr. à 650'000 fr. environ.
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La faillite de Z.________ SA est survenue le 12 août 1999; le compte de X.________ présentait alors un solde débiteur au montant de 597'610 fr.40.
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B.
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Le 12 avril 2001, la masse en faillite Z.________ SA a ouvert action contre X.________ devant le Tribunal cantonal du canton de Vaud; le défendeur devait être condamné à payer ce dernier montant, avec intérêts au taux de 5% par an dès le 1er janvier 1997.
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Le défendeur a conclu au rejet de l'action.
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Un expert fut désigné par le juge instructeur pour élucider la nature de la prétention comptabilisée par la société. Son rapport, remis le 30 septembre 2003, comporte un préambule cité comme suit dans le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal:
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L'expert expose qu'il n'a pas été en mesure de consulter les grands livres et les pièces comptables originales de la société [...] faute de production de ceux-ci par les parties. Il estime néanmoins qu'il a pu reconstituer l'essentiel des mouvements du compte courant du défendeur dans les livres de la société, soit plus de 90% du total financier des débits et des crédits enregistrés entre le 31 décembre 1993 et la fin de l'année 1998. Il considère qu'il a pu se fonder sur une documentation probante et des données concordantes obtenues auprès de tiers, en particulier sur les grands livres de Z.________ pour les exercices 1993 à 1996 et sur les déclarations fiscales du défendeur pour les années 1991, 1993 et 1995, tous deux conservés par A.________ SA, sur les relevés du compte courant commercial de la société auprès de la Banque B.________ pour les années 1993 à 1999, sur les avis de débit et crédit des principales bonifications mensuelles faites par le défendeur sur ce compte en 1993, 1994 et 1997, ainsi que sur le résumé des opérations enregistrées au compte courant du défendeur durant l'exercice 1997 et sur le grand livre de l'exercice 1998 [...].
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Le juge instructeur accéda, d'abord, à une requête du défendeur tendant à un complément d'expertise; toutefois, en dépit d'une prolongation du délai assigné à cette fin, l'avance de frais à fournir par lui resta impayée et, en conséquence, l'expert ne fut pas requis de compléter son étude.
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Le défendeur réclama sans succès une deuxième expertise. Il réclama également sans succès l'autorisation d'appeler en cause la Banque B.________, dont il affirmait qu'elle s'était obligée à reprendre sa dette envers Z.________ SA.
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La Cour civile a statué le 23 mai 2007. Sur la base de l'expertise, elle a retenu qu'il existait un contrat de compte courant entre l'actionnaire défendeur et la société; le montant litigieux constituait le solde dû à cette dernière. La Cour a ainsi condamné le défendeur à payer 597'610 fr.40, avec intérêts au taux de 5% par an dès le 1er mars 1999.
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C.
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Contre ce prononcé, le défendeur exerce le recours en matière civile au Tribunal fédéral. Le recours tend principalement au rejet de l'action; des conclusions subsidiaires tendent à l'annulation du jugement et au renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour nouvelle décision.
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La demanderesse conclut principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.
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D.
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Le défendeur a simultanément déféré le jugement de la Cour civile à la Chambre des recours du Tribunal cantonal. Statuant le 17 décembre 2007, cette autorité a rejeté le recours et confirmé le jugement.
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Le défendeur exerce également le recours en matière civile contre l'arrêt de la Chambre des recours. Il prend des conclusions semblables à celles du recours déjà introduit devant le Tribunal fédéral.
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La demanderesse conclut au rejet du recours.
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E.
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Le défendeur a encore introduit une demande de révision dirigée contre le jugement de la Cour civile et contre l'arrêt de la Chambre des recours. La Chambre des révisions civiles et pénales du Tribunal cantonal l'a rejetée par arrêt du 3 juillet 2008.
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Contre ce troisième prononcé, le recours du défendeur au Tribunal fédéral a été jugé irrecevable le 6 novembre 2008, au motif que les sûretés en garantie des frais judiciaires n'ont pas été fournies (arrêt 4A_360/2008).
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Considérant en droit:
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1.
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En l'espèce, il est douteux que le jugement de la Cour civile soit une décision cantonale de dernière instance aux termes de l'art. 75 al. 1 LTF, car la Chambre des recours est entrée en matière sur tous les griefs que le défendeur élève contre ce prononcé. Cette question peut toutefois rester indécise car elle n'a pas d'influence sur l'issue de la cause.
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Les deux recours sont dirigés contre des jugements finals (art. 90 LTF) et rendus en matière civile (art. 72 al. 1 LTF). Ils sont formés par une partie qui a pris part aux instances concernées et qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF). La valeur litigieuse excède le minimum légal de 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et 74 al. 1 let. b LTF). Introduits en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 al. 1 à 3 LTF), les recours sont en principe recevables, sous la réserve ci-indiquée.
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Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux (art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire, aux questions juridiques que la partie recourante soulève conformément aux exigences légales relatives à la motivation du recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se prononce sur la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un grief invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid. 3.2 p. 88; 133 II 249 consid. 1.4.2). Il conduit son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF). Le recours n'est pas recevable pour violation du droit cantonal, hormis les droits constitutionnels cantonaux (art. 95 let. c LTF) et certaines dispositions sans pertinence en matière civile (art. 95 let. d LTF).
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2.
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A l'exclusion de toute autre critique, le défendeur reproche à la Cour civile d'avoir violé son droit d'être entendu en refusant d'ordonner une seconde expertise et en refusant d'autoriser l'appel en cause de la Banque B.________. Il se réfère à l'art. 29 al. 2 Cst.
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Consacré par cette disposition constitutionnelle, le droit d'être entendu confère à toute personne le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, d'avoir accès au dossier, d'offrir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, de participer à l'administration des preuves et de se déterminer à leur propos (ATF 129 II 497 consid. 2.2 p. 504; 127 I 54 consid. 2b p. 56; 126 I 97 consid. 2b p. 102). Cette garantie inclut le droit à l'administration des preuves valablement offertes selon le droit de procédure applicable, à moins que le fait à prouver ne soit dépourvu de pertinence ou que la preuve apparaisse manifestement inapte à la révélation de la vérité. Par ailleurs, le juge est autorisé à effectuer une appréciation anticipée des preuves déjà disponibles et, s'il peut admettre de façon exempte d'arbitraire qu'une preuve supplémentaire offerte par une partie serait impropre à ébranler sa conviction, refuser d'administrer cette preuve (ATF 131 I 153 consid. 3 p. 157; 130 II 425 consid. 2.1 p. 428; 125 I 417 consid. 7b p. 430).
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La Chambre des recours retient qu'au regard du droit cantonal de procédure, la preuve consistant dans une deuxième expertise n'a pas été valablement offerte: elle n'aurait pu entrer en considération qu'après un complément d'expertise succédant à l'expertise initiale, de sorte que, en omettant de fournir l'avance de frais nécessaire au complément d'expertise, le défendeur s'est privé de la possibilité d'obtenir, éventuellement, la deuxième expertise. Ces considérations, pourtant décisives, ne sont pas valablement critiquées devant le Tribunal fédéral. Il eût incombé au défendeur d'invoquer l'art. 9 Cst. et de mettre en évidence, le cas échéant, une application arbitraire des dispositions cantonales pertinentes. Au regard de l'art. 106 al. 2 LTF, cela eût exigé une argumentation topique (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254; 133 II 396 consid. 3.2 p. 400), alors que de simples protestations ou dénégations, telles que celles élevées contre l'arrêt de la Chambre des recours, sont insuffisantes. Le moyen tiré de l'art. 29 al. 2 Cst. devrait donc être rejeté aussi dans l'hypothèse où la deuxième expertise semblerait réellement utile à l'élucidation des faits.
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Au demeurant, cette hypothèse n'est pas réalisée. Le défendeur souligne que l'auteur de l'expertise initiale n'a pas pu consulter la comptabilité originale de la société, de sorte que son étude est prétendument dépourvue de toute force probante. La Cour civile, dans son jugement déjà, a établi l'inanité de cette critique: le défendeur ne tente pas sérieusement de démontrer que la méthode utilisée par l'expert, fondée sur des documents de substitution, ait pu entraîner des lacunes ou erreurs importantes dans les conclusions de l'expertise, et induire cette autorité en erreur quant à la nature de la prétention comptabilisée par la société faillie. De toute évidence, l'expertise initiale était donc suffisante au regard de l'art. 29 al. 2 Cst.
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Enfin, le droit d'être entendu n'est d'aucune pertinence en ce qui concerne l'appel en cause de la Banque B.________. La Constitution fédérale ne garantit pas le droit d'attraire une tierce partie dans le procès en cours. Là encore, en tant que le droit cantonal de procédure accorde une possibilité de ce genre, il incombait au défendeur d'invoquer l'art. 9 Cst. et de démontrer, par une argumentation spécifique, que les règles déterminantes ont été appliquées arbitrairement.
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3.
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Les recours se révèlent privés de fondement, dans la mesure où les griefs présentés sont recevables. A titre de partie qui succombe, leur auteur doit acquitter les émoluments à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Les recours sont rejetés, dans la mesure où ils sont recevables.
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2.
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Le défendeur acquittera un émolument judiciaire de 8'500 fr. pour le recours dirigé contre le jugement de la Cour civile.
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3.
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Le défendeur acquittera un émolument judiciaire de 8'500 fr. pour le recours dirigé contre l'arrêt de la Chambre des recours.
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4.
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Le défendeur versera, à titre de dépens, une indemnité de 19'000 fr. à la demanderesse.
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5.
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Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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Lausanne, le 22 décembre 2008
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: Le greffier:
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Corboz Thélin
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