BGer 5A_458/2009
 
BGer 5A_458/2009 vom 20.11.2009
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
{T 0/2}
5A_458/2009
Arrêt du 20 novembre 2009
IIe Cour de droit civil
Composition
Mme et MM. les Juges Hohl, Présidente
Marazzi et Herrmann.
Greffière: Mme Rey-Mermet.
Parties
X.________,
représenté par Me Philippe Schweizer, avocat,
recourant,
contre
dame X.________,
représentée par Me Richard Calame, avocat,
intimée,
Objet
divorce (partage de l'avoir de libre passage),
recours contre l'arrêt de la IIe Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel du 28 mai 2009.
Faits:
A.
Dame X.________, née en 1946, et X.________, né en 1961, se sont mariés le 24 septembre 1990. Aucun enfant n'est issu de cette union.
B.
Statuant sur action ouverte par le mari le 16 mai 2003, le tribunal civil du district de Neuchâtel a prononcé le divorce. Il a condamné le mari à verser à l'épouse une soulte de 29'600 fr. dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial et a ordonné le partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par les parties durant le mariage.
L'épouse a appelé de ce jugement en contestant le partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle et en demandant le paiement de 35'821 fr. 70 fr. à titre de liquidation du régime matrimonial. Le mari a conclu au rejet de l'appel et a déposé un appel joint portant sur la liquidation du régime matrimonial.
Statuant le 28 mai 2009, la IIe Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a réformé le jugement attaqué en ce sens qu'elle a ordonné le partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés durant le mariage à raison d'un quart en faveur du mari et de trois quarts en faveur de l'épouse. Elle a confirmé le premier jugement pour le surplus.
C.
Le 6 juillet 2009, le mari a déposé un recours en matière civile au Tribunal fédéral. A titre principal, il demande le partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés durant le mariage. Subsidiairement, il sollicite le renvoi de la cause à l'autorité cantonale afin qu'elle détermine les montants d'acquêts consacrés par l'intimée au rachat de son deuxième pilier et qu'elle modifie la liquidation du régime matrimonial en conséquence.
Invitées à se déterminer, l'épouse a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité, tandis que la cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt.
Considérant en droit:
1.
Formé dans le délai de 30 jours (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 LTF), statuant dans une affaire civile de nature pécuniaire (art. 72 al. 1 LTF) dont la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours est en principe recevable.
2.
Le recourant estime qu'il a droit à la moitié des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés durant le mariage par les parties. Il reproche à la cour cantonale d'avoir fait application de l'art. 123 al. 2 CC pour déroger au principe du partage par moitié et de ne lui avoir attribué qu'un quart du deuxième pilier acquis par les parties.
2.1 Les prestations de sortie de la prévoyance professionnelle des époux doivent en principe être partagées entre eux par moitié (art. 122 CC). Selon l'intention du législateur, la prévoyance professionnelle constituée pendant la durée du mariage doit profiter aux deux conjoints de manière égale. Ainsi, lorsque l'un des deux se consacre au ménage et à l'éducation des enfants et renonce, totalement ou partiellement, à exercer une activité lucrative, il a droit, en cas de divorce, à la moitié de la prévoyance que son conjoint s'est constituée durant le mariage. Le partage des prestations de sortie a pour but de compenser sa perte de prévoyance et doit lui permettre d'effectuer un rachat auprès de sa propre institution de prévoyance. Il tend également à promouvoir son indépendance économique après le divorce. Il s'ensuit que chaque époux a normalement un droit inconditionnel à la moitié des expectatives de prévoyance constituées pendant le mariage (ATF 129 III 577 consid. 4.2.1; 135 III 153 consid. 6.1; 133 III 497 consid. 4).
Le principe du partage par moitié connaît toutefois des exceptions, prévues par l'art. 123 al. 2 CC. Aux termes de cette disposition, le juge peut, exceptionnellement, refuser le partage, en tout ou en partie, lorsque celui-ci s'avère manifestement inéquitable pour des motifs tenant à la liquidation du régime matrimonial ou à la situation économique des époux après le divorce. L'art. 123 al. 2 CC doit être appliqué de manière restrictive (ATF 135 III 153 consid. 6.1).
S'agissant des motifs de refus liés à la situation économique des époux après le divorce, le Tribunal fédéral a jugé que le refus du partage total ou partiel est par exemple justifié lorsque les époux sont séparés de biens et que l'un d'entre eux, salarié, a accumulé obligatoirement un deuxième pilier alors que l'autre, qui exerce une activité à titre indépendant, s'est constitué un troisième pilier d'un certain montant. Dans ce cas, il serait inéquitable de partager le compte de prévoyance de l'époux salarié alors que le conjoint qui travaille de manière indépendante pourrait conserver sa prévoyance privée (arrêt 5A_214/2009 du 27 juillet 2009 consid. 2.3; cf. aussi Baumann/Lauterburg, FamKommentar Scheidung, 2ème éd., 2005, n. 52 ad art. 123 CC; Sutter/Freiburghaus, Kommentar zum neuen Scheidungsrecht, n. 14 ad art. 123 CC). A titre d'exemple de refus de partage justifié, il faut encore mentionner le cas de l'épouse qui, exerçant une activité lucrative, a financé les études du mari, lui donnant ainsi la possibilité de se constituer à l'avenir une meilleure prévoyance que la sienne (FF 1996 I 101 ss, spéc. 107). Seule une disproportion manifeste dans la prévoyance globale des parties peut conduire à un refus total ou partiel du partage (pour un exemple : ATF 135 III 153 consid. 6; cf. aussi Baumann/Lauterburg, op. cit., n. 63-64 ad. art. 123 CC).
En revanche, un simple déséquilibre entre les capacités financières des parties ne justifie pas de déroger au partage par moitié. De même, la fortune de l'époux créancier ne constitue pas en soi un motif d'exclusion du partage car la compensation des lacunes de prévoyance est conçue comme une institution juridique indépendante et non comme une prestation de besoin. Il ne suffit donc pas que l'avenir de l'époux créancier soit économiquement assuré (arrêts 5A_79/2009 du 28 mai 2009 consid. 2; 5C.49/2006 du 24 août 2006 consid. 3.1 et la réf. citée).
2.2 Selon les constatations de l'arrêt attaqué, les parties ont toutes deux travaillé à plein temps pendant le mariage. Au moment du divorce, l'épouse était âgée de 63 ans; elle travaillait comme expert-comptable pour un salaire mensuel brut de 10'000 fr., versé treize fois par an. Son avoir de deuxième pilier s'élevait au 1er janvier 2008 à 760'363 fr., dont un montant de 119'765 fr. a été constitué avant le mariage. Pendant les années de mariage, elle a, par des prélèvements effectués sur son salaire, racheté des cotisations auprès de son institution de prévoyance. Au moment de sa retraite, sa rente annuelle serait, en l'absence de partage, de 56'423 fr. (4'701 fr. par mois). Elle peut également compter sur un montant de 159'123 fr. provenant de la liquidation du régime matrimonial. Le mari, âgé de 48 ans, dispose d'un avoir de libre passage de 80'392 fr. 65, dont un montant de 13'749 fr. 15 a été acquis avant le mariage. Cet avoir correspondrait à une rente probable à l'âge de 65 ans de 28'332 fr. par année (2'361 fr. par mois). A la différence de son épouse, il aura encore, après le divorce, 17 ans pour accroître son capital de prévoyance par son activité lucrative de boucher, qui lui rapportait avant son licenciement en 2006 un salaire mensuel net de plus de 5'000 fr. (5'180 fr. pendant l'année 2002). Au terme de la liquidation du régime matrimonial, il obtiendra un montant de 87'220 fr. Sa fortune comprend encore une part d'une valeur de 75'000 fr. dans la succession non partagée de son père, décédé en 1997.
2.3 En cas de partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelles, compte tenu de la différence d'âge des époux et de la possibilité pour le mari d'accroître son deuxième pilier d'ici à l'âge de la retraite, celui-ci obtiendrait vraisemblablement une rente plus élevée que celle de son épouse. Selon les intentions du législateur, lorsque l'un des conjoints réalise un revenu plus élevé que l'autre et dispose ainsi d'une meilleure prévoyance professionnelle, la compensation de leurs expectatives vise à un rééquilibrage des comptes de deuxième pilier. Un simple déséquilibre entre les situations financières des parties n'est toutefois pas suffisant pour déroger au droit au partage par moitié, qui dépend de ce qui a été acquis pendant le mariage et exprime la communauté de destin liée au mariage. Pour y déroger, encore faut-il que le partage par moitié entraîne une disproportion manifeste dans la prévoyance globale des parties. Il n'apparaît pas que tel soit le cas en l'occurrence. A la suite du partage par moitié du deuxième pilier des parties, la prévoyance globale de l'épouse se composerait de sa rente AVS, du montant de 159'123 fr. provenant de la liquidation du régime matrimonial et d'un avoir de prévoyance professionnelle légèrement supérieur à 353'755 fr. 75 [(760'363 fr. - 119'765 fr.) : 2] + [(80'392 fr. 65 - 13'479 fr. 15) : 2]. Quant au mari, il disposerait de sa rente AVS, du solde éventuel de sa fortune (87'220 fr. + 75'000 fr.) et de son avoir de prévoyance professionnelle. Contrairement à son épouse, il aura la possibilité d'augmenter le montant de 353'755 fr. 75 issu du partage par moitié d'ici à l'âge de sa retraite. Cela étant, au vu du montant de son salaire (environ 5'200 fr. net) et du nombre d'années de cotisations qui lui restent (17 ans depuis le jugement de divorce; cf. Baumann/Lauterburg, op. cit., n. 63 ad art. 123 CC), cette augmentation ne sera pas significative. A titre indicatif, on peut relever que, pendant les 18 ans de mariage, le mari a accumulé un deuxième pilier de 66'913 fr. 50. On ne saurait donc considérer que la prévoyance globale respective des parties présente une disproportion manifeste. Il faut encore observer que le montant élevé de la prévoyance professionnelle accumulée pendant les 18 ans de mariage par l'épouse (640'598 fr.) s'explique non seulement par le montant de ses revenus (10'000 fr. brut par mois) mais aussi par les rachats de cotisations qu'elle a effectués par des prélèvements sur son salaire. En 2002, elle a par exemple versé 25'488 fr. de cotisations LPP sur un salaire de 123'175 fr. A défaut de rachats, ces montants seraient entrés dans le compte d'acquêts de l'épouse (art. 197 al. 2 ch. 1 CC) et auraient ainsi été partagés par moitié dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial (art. 215 al. 1 CC). Sous cet angle, le partage par moitié n'apparaît pas manifestement choquant, absolument inique ni encore, complètement insoutenable.
Partant, la cour cantonale a abusé de son pouvoir d'appréciation en admettant que les conditions de l'art. 123 al. 2 CC étaient réalisées. L'arrêt attaqué doit par conséquent être réformé en ce sens que les prestations de sortie LPP accumulées par les parties durant le mariage doivent être partagées par moitié.
3.
L'intimée, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 CC) et versera des dépens au recourant (art. 68 al. 1 LTF). La cause sera renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau sur les frais et dépens de la procédure cantonale.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est réformé en ce sens que les prestations de sortie LPP accumulées par les parties durant le mariage doivent être partagées par moitié.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
3.
Une indemnité de 4'000 fr., à payer au recourant à titre de dépens, est mise à la charge de l'intimée.
4.
La cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la IIe Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
Lausanne, le 20 novembre 2009
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:
Hohl Rey-Mermet