BGer 2C_715/2009 |
BGer 2C_715/2009 vom 16.06.2010 |
Bundesgericht
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Tribunal fédéral
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Tribunale federale
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{T 0/2}
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2C_715/2009
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Arrêt du 16 juin 2010
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IIe Cour de droit public
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Composition
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MM. les Juges Zünd, Président,
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Karlen et Berthoud, Juge suppléant.
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Greffier: M. Dubey.
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Participants à la procédure
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X.________,
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représenté par Me Pierre Mauron, avocat,
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recourant,
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contre
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Commission cantonale de la formation professionnelle agricole, route de Grangeneuve 31, 1725 Posieux,
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Directeur de l'Institut agricole de l'Etat de Fribourg, Francis Egger, route de Grangeneuve 31, 1725 Posieux.
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Objet
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Révocation de l'autorisation de former des apprentis,
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recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Ie Cour administrative, du 24 septembre 2009.
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Faits:
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A.
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X.________, maître agriculteur depuis le 7 janvier 1988, exploite une entreprise agricole familiale à A.________, en Gruyère. Le 15 février 1990, la Commission cantonale fribourgeoise de la formation professionnelle agricole (ci-après: la Commission cantonale de la formation professionnelle) a confirmé la reconnaissance de l'exploitation agricole de l'intéressé comme entreprise formatrice. De 1990 à 2006, X.________ a engagé seize apprentis agriculteurs. Suite à la rupture, le 25 janvier 2001, du contrat d'apprentissage de B.________, la Commission cantonale de la formation professionnelle a prononcé à l'encontre de X.________, par décision du 12 avril 2001, un sérieux avertissement, assorti d'une menace du retrait de l'autorisation de former des apprentis. Elle a retenu que l'intéressé avait fait preuve de rudoiements et de propos dénigrants à l'égard de son apprenti et que celui-ci avait subi de vives tensions psychiques. Cette mesure a été confirmée, sur recours, par décision de ladite Commission du 19 décembre 2001.
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Le 12 février 2005, l'apprenti C.________, invoquant des motifs de protection contre les dégâts psychiques occasionnés par son maître d'apprentissage, a manifesté sa volonté de rompre le contrat le liant à X.________. A l'issue d'une séance réunissant l'apprenti et ses parents, le maître d'apprentissage et son épouse, ainsi que D.________, du Centre de formation agricole et forestière, le contrat d'apprentissage a été résilié d'un commun accord, en dépit des divergences des parties quant aux causes de la rupture.
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En date du 1er mars 2007, deux des membres de la Commission cantonale de la formation professionnelle ont effectué une visite usuelle de contrôle des conditions d'apprentissage de E.________. A teneur de leur rapport du 16 mars 2007, ils ont fait état d'un certain nombre de carences imputables à X.________, soit une perception négative des compétences de l'apprenti, une attitude générant la crainte de l'apprenti envers son patron, ainsi que l'absence d'une autonomie suffisante dans le travail de l'apprenti.
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B.
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Par décision du 13 avril 2007, la Commission cantonale de la formation professionnelle, s'exprimant par son Bureau, a révoqué l'autorisation de former des apprentis agricoles dont bénéficiait X.________ et a annulé les contrats d'apprentissage conclus par E.________ pour l'année 2006-2007 et par G.________ pour l'année 2007-2008. Elle a relevé, en bref, que les mises en garde adressées au maître d'apprentissage n'avaient pas eu le résultat escompté et que la qualité de la formation des apprentis n'était plus garantie.
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Le 30 avril 2007, X.________ a contesté cette décision auprès du Directeur de l'Institut agricole de l'Etat de Fribourg (ci-après: l'Institut agricole) qui, par décision du 24 juillet 2007, a confirmé la révocation de l'autorisation de former des apprentis ainsi que l'annulation des contrats d'apprentissage pour les années 2006-2007 et 2007-2008.
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Saisi d'un recours dirigé contre la décision précitée du Directeur de l'Institut agricole, le Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Ie Cour administrative (ci-après: le Tribunal cantonal) l'a rejeté, par arrêt du 24 septembre 2009. Il a retenu, en substance, qu'au vu du nombre de résiliations anticipées de contrats d'apprentissage, l'autorité compétente était tenue de réagir et de vérifier s'il était encore possible, sous l'angle de la protection de la personnalité, d'autoriser X.________ à former des apprentis, qu'une telle interrogation se justifiait d'autant plus que les apprentis partageaient la vie de famille du maître d'apprentissage et étaient ainsi confrontés de manière permanente à d'éventuelles difficultés de nature relationnelle, que l'intéressé, qui n'entendait pas modifier son comportement et imputait les problèmes rencontrés avec certains apprentis à leur éducation défaillante, paraissait dépourvu de la sensibilité élémentaire que l'on devait pouvoir attendre d'un formateur de jeunes gens en âge de développement, que l'avertissement prononcé le 12 avril 2001 était resté sans effet, que X.________ ne s'était d'aucune façon rendu compte du malaise vécu à son contact par B.________ et C.________ et qu'il n'était plus en mesure de garantir durablement le respect de la personnalité des apprentis qui lui seraient confiés, notamment de leur bien-être psychique.
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C.
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Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal du 24 septembre 2009 et de dire, principalement, qu'il est autorisé à former des apprentis, subsidiairement, que le retrait d'autorisation est soumis à révision tous les deux ans, plus subsidiairement, que la cause est renvoyée à l'autorité inférieure pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il invoque la violation du droit fédéral et cantonal en matière de formation professionnelle, ainsi que celle des art. 9, 29 et 5 al. 2 Cst.
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Le Tribunal cantonal se réfère aux considérants de l'arrêt attaqué et conclut au rejet du recours. Le Directeur de l'Institut agricole conclut également au rejet du recours. Le Département fédéral de l'économie renonce à déposer des observations et relève que le retrait de l'autorisation de former des apprentis notifiée à X.________ respecte les dispositions légales applicables en la matière.
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Considérant en droit:
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1.
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Dirigé contre une décision rendue dans une cause de droit public par une autorité cantonale de dernière instance, sans qu'aucune des exceptions prévue à l'art. 83 LTF ne soit réalisée, le présent recours, interjeté par une partie qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente, est en principe recevable comme recours en matière de droit public en vertu de l'art. 82 ss LTF.
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Au surplus, le recours ayant été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites par la loi (art. 42 LTF), il y a lieu d'entrer en matière.
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2.
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Selon l'art. 95 LTF, le recours (ordinaire) au Tribunal fédéral peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (let. a), qui comprend les droits constitutionnels des citoyens, ainsi que les droits constitutionnels cantonaux (let. c). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sous réserve de l'art. 106 al. 2 LTF. Il n'est ainsi pas lié ni par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente.
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Sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF, le recours ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel. En revanche, il est toujours possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels (Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4000 ss, p. 4133 [ci-après: le Message]; ATF 133 III 462 consid. 2.3 p. 466). A cet égard, le Tribunal fédéral n'examinera les moyens fondés sur la violation d'un droit constitutionnel que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF). Ainsi, si le recourant se plaint d'arbitraire, il ne peut se contenter de critiquer la décision attaquée comme il le ferait en instance d'appel, où la juridiction supérieure jouit d'une libre cognition; en particulier, il ne saurait se limiter à opposer son opinion à celle de l'autorité cantonale, mais il doit démontrer par une argumentation précise que cette décision se fonde sur une application de la loi ou une appréciation des preuves manifestement insoutenables (cf. ATF 129 I 113 consid. 2.1 p. 120).
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3.
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En l'espèce, ni la décision de la Commission cantonale de la formation professionnelle du 13 avril 2007, ni celle du Directeur de l'Institut agricole du 24 juillet 2007 ne font mention, dans leurs considérants en droit, des dispositions légales topiques prévoyant la révocation litigieuse de l'autorisation de former des apprentis. Toutes deux contiennent uniquement, dans leur partie "faits", l'énumération générale des dispositions légales et réglementaires applicables. Dans son arrêt du 24 septembre 2009, le Tribunal cantonal a considéré que les autorités cantonales pouvaient fonder le retrait de la reconnaissance de maître d'apprentissage du recourant sur les art. 14 et 16 du Règlement du 1er août 2001 de l'Association des Groupements et Organisations Romands de l'Agriculture concernant l'organisation et le déroulement de l'apprentissage et l'examen de fin d'apprentissage agricole (RAGORA) et sur l'art. 13 al. 9 de ce règlement, renvoyant aux dispositions du contrat-type d'apprentissage agricole du canton de Fribourg, édité en décembre 2006. Selon l'art. 14 al. 1 let. c RAGORA, seul peut être reconnu comme maître d'apprentissage celui qui possède les aptitudes professionnelles et la personnalité nécessaire pour former l'apprenti de manière optimale. A teneur de l'art. 16 al. 3 let. f RAGORA, la reconnaissance du maître d'apprentissage est retirée si la santé ou la moralité de l'apprenti sont mises en danger. Enfin, l'art. 3 al. 1 du contrat-type d'apprentissage agricole prévoit que le maître d'apprentissage a le devoir de veiller au bien-être corporel, intellectuel et moral de l'apprenti.
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Le recourant ne conteste pas que ces dispositions trouvent application en l'espèce mais se plaint à divers titres d'une constatation inexacte des faits pertinents et d'une appréciation arbitraire des faits et des preuves. Il reproche en outre au Tribunal cantonal d'avoir retenu arbitrairement que les conditions liées à la révocation de son autorisation de former des apprentis étaient réunies et soutient que la sanction infligée est disproportionnée.
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3.1
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3.1.1 Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend invoquer que les faits ont été établis de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF), c'est-à-dire que les constatations de fait sont arbitraires, au sens de l'art. 9 Cst. (cf. Message, p. 4135), doit démontrer, par une argumentation précise, en quoi consiste la violation (pour les exigences de motivation, cf. consid. 2 ci-dessus). En matière d'appréciation des preuves et de constatation de faits, le Tribunal fédéral n'intervient, pour violation de l'art. 9 Cst., que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans motif sérieux, de tenir compte d'un moyen de preuve pertinent ou encore s'il a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 127 I 38 consid. 2a p. 41 et les arrêts cités). Il appartient au recourant de démontrer précisément, pour chaque constatation de fait incriminée, comment les preuves administrées auraient dû, selon lui, être correctement appréciées et en quoi leur appréciation par l'autorité cantonale est insoutenable (ATF 129 I 113 consid. 2.1 p. 120; 128 I 295 consid. 7a p. 312; 125 I 492 consid. 1b 495 et les arrêts cités). De surcroît, le recourant doit démontrer que la violation qu'il invoque est susceptible d'avoir une influence sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 in fine LTF). A demeurant, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
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3.1.2 Le recourant relève en premier lieu que les seuls griefs élevés à son encontre proviennent de quelques apprentis seulement, que le Tribunal cantonal n'a pas tenu compte du succès des quatre apprentissages menés à chef de 2001 à 2006, que la personne de contact avec l'Institut agricole, qui a fait preuve de partialité, a refusé de tenir compte du fait que son comportement n'avait pas changé depuis 1990 et n'avait pas empêché la majorité de ses apprentis d'achever leur formation avec succès et qu'il avait lui-même pris l'initiative de résilier certains contrats, pour des raisons professionnelles, soit pour des fautes imputables aux apprentis.
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3.1.3 Il est inexact de prétendre que les autorités cantonales n'ont pas tenu compte des mérites et des efforts entrepris par le recourant pour former des apprentis. Le Tribunal cantonal a clairement rappelé dans l'arrêt entrepris que les compétences professionnelles du recourant en tant qu'agriculteur n'étaient pas mises en cause. Les autorités cantonales n'ont pas contesté que plusieurs apprentissages s'étaient déroulés à la satisfaction des parties. Elles ont cependant été appelées à se préoccuper des conditions d'apprentissage dans l'entreprise du recourant en raison du taux de résiliation élevé des contrats d'apprentissage depuis l'année 2000, plus précisément de l'accélération de la cadence des résiliations avant terme depuis cette année. En effet, le taux de résiliation pour la période postérieure à l'an 2000 est de 40 à 50% alors que pour la même période, selon l'Institut agricole, ce taux est de 3 à 5% pour l'ensemble des apprentis en formation agricole dans le canton. Ce sont donc des éléments objectifs qui ont décidé les autorités cantonales à intervenir.
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Quant au grief de partialité formulé à l'encontre du responsable des apprentis au sein de l'Institut agricole, soit de D.________, il est démenti par les éléments figurant au dossier. Certes, un différend a surgi entre le recourant et D.________ dans le cas des plaintes émises par l'apprenti C.________, le recourant reprochant à celui-là de ne l'avoir pas informé plus tôt des difficultés rencontrées par cet apprenti. Ce différend a cependant été réglé à l'issue d'une séance de conciliation tenue le 2 mars 2006. On peut d'ailleurs se demander si le recourant aurait été plus sensible aux problèmes d'ordre psychique de C.________ s'il avait été informé plus tôt dans la mesure où, lors de la séance de conciliation du 2 mars 2006, il qualifiait encore cet apprenti de "vrai exemple d'enfant gâté", manifestant ainsi toute absence de compréhension ou d'empathie pour la situation vécue par ce jeune homme.
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C'est à tort également que le recourant reproche à D.________ de n'avoir pas tenu compte de la constance de son comportement avec ses apprentis. En effet, comme le relève le Tribunal cantonal dans l'arrêt attaqué, c'est précisément cette absence d'adaptation de son comportement qui est opposée au recourant. C'est cette forme de rigidité de caractère qui l'a empêché de prêter l'attention voulue à ceux de ses apprentis qui supportaient moins bien que d'autres ses rudoiements. Plutôt que d'imputer les difficultés relationnelles vécues par certains apprentis aux lacunes de leur éducation, le recourant, en sa qualité de formateur responsable d'adolescents ou de jeunes adultes, aurait dû réaliser que sa manière de diriger les apprentis ou de s'adresser à eux pouvait être perçue différemment selon la sensibilité de chacun d'eux.
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Enfin, le recourant fait grief aux autorités cantonales de n'avoir pas pris en compte le fait qu'il avait lui-même résilié les contrats d'apprentissage de F.________ et de B.________ pour des raisons professionnelles. L'invocation des circonstances de la résiliation du contrat de F.________ constitue un moyen nouveau contraire aux exigences de l'art. 99 al. 1 LTF. Ni la décision de la Commission cantonale de la formation professionnelle du 13 avril 2007, ni celle du Directeur de l'Institut agricole du 24 juillet 2007, ni l'arrêt du Tribunal cantonal du 24 septembre 2009 ne font référence à la situation de l'apprenti F.________. Dans les deux écritures qu'il a déposées dans la procédure devant le Tribunal cantonal, le recourant lui-même n'a pas cité le nom de F.________. Dans ces conditions, le recourant est malvenu de se plaindre de la non prise en considération de faits qu'il n'a pas allégués. S'agissant de l'apprenti B.________, le recourant fait valoir que l'intéressé, à la suite d'une soirée alcoolisée, n'a pas pu se présenter au travail, prétextant la maladie et qu'il a, de ce fait, trahi la confiance de son maître d'apprentissage. Cette version des faits est en totale contradiction avec les pièces du dossier. Ce sont les parents de l'apprenti qui, par lettre du 25 janvier 2001, ont résilié le contrat d'apprentissage de leur fils, avec effet immédiat. Ils ont exposé avoir rencontré le recourant, à A.________, à fin novembre 2000 déjà, pour s'entretenir avec lui et se plaindre de la manière grossière dont il s'adressait à leur fils. Après cette entrevue, l'apprenti a subi une forte pression morale et travaillait "avec une boule à l'estomac". B.________ a été victime d'un accident ayant entraîné une incapacité de travail dûment attestée médicalement pour la période du 15 au 22 janvier 2001. Peu avant la reprise de son activité, le recourant a téléphoné à ses parents en tenant des propos méprisants au sujet de leur fils et en les informant, d'un ton menaçant, que celui-ci ferait bien de ne pas invoquer des maux de tête à son retour; il n'avait pas besoin de tels apprentis. Les parents de B.________ ont conclu leur courrier du 25 janvier 2001 comme suit: "Dans ces conditions, avec un patron qui a autant d'humanité et de psychologie, la deuxième année d'apprentissage de B.________ va s'arrêter ici". A la suite de cette rupture du contrat d'apprentissage, le recourant a été entendu le 14 mars 2001. Il s'est borné à contester les motifs invoqués par les parents de l'apprenti et n'a soutenu à aucun moment qu'il avait lui-même résilié le contrat pour des motifs professionnels.
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Les critiques du recourant liées à l'établissement des faits et à l'appréciation des preuve s'avèrent ainsi infondées.
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3.2 Le recourant se plaint également d'une application arbitraire du droit cantonal et de la violation du droit d'être entendu. Dans la mesure où il voit une violation de ce dernier principe dans le fait que le Tribunal cantonal a failli à son devoir d'examiner et de traiter les problèmes pertinents, son grief se confond avec celui de l'arbitraire.
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3.2.1 Une décision est arbitraire lorsqu'elle contredit clairement la situation de fait, lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat. Il n'y a en outre pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution que celle de l'autorité intimée paraît concevable, voire préférable (ATF 134 I 140 consid. 5.4 p. 148, 263 consid. 3.1 p. 265 s.).
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3.2.2 Le recourant conteste l'appréciation du Tribunal cantonal selon laquelle il ne serait plus en mesure de garantir - durablement, face à tous les jeunes apprentis qui lui sont confiés, et non pas occasionnellement seulement - de remplir l'un de ses devoirs essentiels, à savoir veiller à leur bien-être, notamment psychique. Il souligne que sa moralité n'a pas été mise en cause, qu'il n'a jamais commis d'infraction pénale ni ne s'est vu menacé d'une quelconque plainte pénale pour son comportement. En outre, aucun certificat médical n'a été présenté pour démontrer que la santé de ses apprentis avait été menacée. Son comportement quelque peu "rude" ne devait pas être considéré, dans le milieu de l'agriculture, comme un défaut et la manifestation d'un caractère fort ne permettait pas de conclure à une atteinte à la santé des apprentis.
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3.2.3 En vertu de l'art. 328 al. 1 première phrase CO, l'employeur protège et respecte, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur. Ce principe revêt une importance particulière dans les rapports de travail, en raison du rapport de subordination du travailleur à l'égard de l'employeur. La protection de la personnalité recouvre l'ensemble des valeurs essentielles, physiques, affectives et sociales liées à la personne humaine (CHRISTIANE BRUNNER/JEAN-MICHEL BÜHLER/JEAN-BERNARD WAEBER/CHRISTIAN BRUCHEZ, Commentaire du contrat de travail, 3ème éd., Lausanne 2004, p. 140; ULLIN STREIFF/ADRIAN VON KAENEL, Arbeitsvertrag, 6ème éd., Zurich 2006, n. 7 ad art. 328 CO, p. 350; RÉMY WYLER, Droit du travail, 2ème éd., Berne 2008, p. 291 ss). Il est important de souligner que, dans le cas d'un contrat d'apprentissage, il faut se montrer particulièrement vigilant sur la protection de la personnalité des jeunes en formation, lesquels sont, en principe, confrontés pour la première fois à la vie professionnelle et se trouvent dans une situation de dépendance particulièrement marquée. Cette dépendance est d'ailleurs accrue dans le cas des apprentissages agricoles qui prévoient que l'apprenti vit sous le même toit que le maître d'apprentissage et partage sa vie de famille.
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Dans le cas particulier, il est établi que l'apprenti B.________, suite aux propos dévalorisants tenus à son égard, à une attitude du maître d'apprentissage dépourvue de l'élémentaire psychologie que l'on doit pouvoir attendre d'un formateur, et d'une atmosphère de travail pesante, a subi une pression psychique telle que ses parents ont dû se résoudre à rompre l'apprentissage. La rupture du contrat de C.________ résulte également d'une lente détérioration de l'état psychique de l'apprenti, manifestée par des crises d'angoisse, consécutives au comportement parfois grossier, menaçant et colérique du recourant. Quant à l'apprenti E.________, il s'est plaint du caractère du recourant, de sa dureté, de ses réactions qualifiées de "sauvages" et du "stress" occasionné par un patron l'ayant rendu craintif. Ces différentes plaintes et récriminations n'ont à aucun moment amené le recourant à une prise de conscience de l'atteinte à la santé subie par les apprentis et une remise en question de ses méthodes de formation et de son attitude en général. Au contraire, il a toujours prétendu qu'il avait raison et que tous les autres étaient dans leur tort. Niant toute responsabilité, il a imputé la rupture des contrats d'apprentissage en cause aux apprentis et à leurs parents, qui n'avaient pas su les éduquer, ainsi qu'au responsable cantonal de la formation professionnelle des apprentis, accusé d'avoir comploté contre lui pour que son autorisation de former des apprentis lui soit retirée. Informé des difficultés d'ordre psychologique de C.________, qu'il a attribuées au "mal du pays", le recourant a même déclaré qu'il ne justifiait pas de résilier un contrat "pour de tels détails". Dans ces conditions, les autorités cantonales de la formation professionnelle pouvaient légitimement considérer que le recourant ne voulait ou ne pouvait pas modifier son comportement et que les difficultés relationnelles rencontrées et les souffrances endurées par certains apprentis depuis l'an 2000 allaient immanquablement se reproduire. Le recourant n'a en effet pas seulement fait preuve de ce caractère fort qu'il revendique, mais bien de rigidité de caractère et d'un manque d'attention et de psychologie impropres à garantir la protection de la personnalité des apprentis confiés. Il est, par ailleurs, indifférent que le recourant n'ait pas fait l'objet de plainte pénale et que le malaise ressenti par les apprentis n'ait pas été certifié médicalement. Les pièces du dossier suffisent à établir les pressions subies par les apprentis et les souffrances d'ordre psychologique qu'elles ont entraînées.
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Le grief du recourant tiré de l'application arbitraire des dispositions légales applicables doit en conséquence être rejeté.
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3.3 Le recourant invoque enfin la violation du principe de la proportionnalité, au sens de l'art. 5 al. 2 Cst., le refus définitif de l'autorisation de former des apprentis allant au-delà de toute sanction proportionnée et l'empêchant de s'amender et de faire réexaminer ses aptitudes à former des apprentis après un certain laps de temps.
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Conformément à la jurisprudence, le Tribunal fédéral n'intervient, en matière de contrôle du droit public cantonal ou intercantonal sous l'angle de sa conformité à l'art. 5 al. 2 Cst. que si la décision attaquée est manifestement disproportionnée et qu'elle viole simultanément l'interdiction de l'arbitraire (ATF 134 I 153 consid. 4 p. 156 ss).
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En l'espèce, le recourant n'a pas modifié le comportement qui lui était reproché à l'occasion de l'avertissement qui lui avait été notifié le 12 avril 2001. Persuadé qu'il ne lui appartenait pas de tenir compte de la personnalité des différents apprentis qui lui étaient confiés mais qu'il incombait à ceux-ci de se plier à son caractère et à ses exigences, il n'a tenu aucun compte des souffrances endurées par certains de ses apprentis et n'a pas témoigné la moindre compréhension ou la moindre sympathie pour ceux-ci. Devant ce refus de toute autocritique, l'on peut se demander comment le recourant pourrait s'amender et faire preuve de plus d'ouverture et de souplesse de caractère. Au vu de l'attitude qui a été la sienne jusqu'ici, le retrait de l'autorisation de former des apprentis sans limite dans le temps n'est pas critiquable. On peine en effet à discerner ce qui pourrait amener le recourant à faire preuve à l'avenir du respect, de l'attention et de la psychologie nécessaires à la formation d'apprentis et à changer l'image qu'il donne d'un patron intransigeant considérant les apprentis avant tout comme de la main d'½uvre à bon marché. Au demeurant, l'Institut agricole, dans sa détermination du 12 janvier 2010, n'a pas exclu que le recourant puisse à nouveau accueillir des apprentis lorsque de nouveaux éléments probants le justifieront.
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Mal fondé, le moyen du recourant lié à la violation du principe de la proportionnalité doit être écarté.
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4.
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Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, dans la mesure où il est recevable.
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Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 65 et 66 al. 1 LTF) et n'a pas droit à des dépens (art. 68 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2.
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Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
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3.
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Le présent arrêt est communiqué aux participants à la procédure, au Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Ie Cour administrative, et au Département fédéral de l'économie.
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Lausanne, le 16 juin 2010
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Au nom de la IIe Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président: Le Greffier:
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Zünd Dubey
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