BGer 4A_647/2010
 
BGer 4A_647/2010 vom 04.04.2011
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
{T 0/2}
4A_647/2010
Arrêt du 4 avril 2011
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges Klett, Présidente, Kolly et Kiss.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.
Participants à la procédure
X.________, représentée par Me Jacques Emery,
recourante,
contre
Y.________, Compagnie d'assurances, représentée par Me Monique Stoller Füllemann,
intimée.
Objet
responsabilité civile; prescription,
recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 22 octobre 2010.
Faits:
A.
A.a Le 24 novembre 2000, alors qu'elles traversaient l'avenue de l'Ain à la hauteur du viaduc de l'Ecu, à Vernier, X.________ et V.________ ont été renversées par un véhicule automobile dont le conducteur et détenteur était W.________, assuré en responsabilité civile auprès de Y.________, Compagnie d'assurances (ci-après: Y.________). Selon un rapport médical du 24 janvier 2001, l'accident a causé à X.________ des fractures du plateau tibial externe du genou gauche et de la cheville droite, ainsi qu'un état dépressif réactionnel. A l'époque de l'accident, X.________ travaillait comme femme de chambre dans un hôtel genevois.
En date des 27 mars et 19 juin 2001, le Dr A.________, chirurgien orthopédiste, a établi des certificats médicaux à l'attention de l'assureur accidents. Selon ces documents, X.________ était en incapacité de travail à 100% dès le 24 novembre 2000; les lésions subies étaient dues uniquement à l'accident et aucune affection antérieure n'influait sur la capacité de travail de la patiente. Le traitement n'était alors pas terminé.
A.b A la demande de l'assureur accidents, le Dr B.________ a examiné X.________. Selon son rapport du 5 août 2002, l'état de santé de la victime s'était stabilisé de façon définitive, sans que l'on puisse exclure une atteinte ultérieure de type arthrosique; en particulier, la dépression dont X.________ souffrait était un facteur étranger à l'accident; la reprise de l'activité professionnelle précédemment exercée pouvait être raisonnablement exigée. Par décision du 25 septembre 2002, l'assureur accidents a mis fin au service des indemnités journalières avec effet au 31 mai 2002, considérant que l'affection psychique dont X.________ souffrait était étrangère à l'accident et que l'assurée était en mesure de reprendre son activité professionnelle; il a en outre alloué à X.________ une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 5'340 fr. correspondant à un taux de 5%.
A.c Précédemment, soit le 30 novembre 2001, X.________ avait déposé une demande de rente d'invalidité auprès de l'Office cantonal de l'assurance-invalidité (OCAI). Elle a suivi un stage d'observation professionnelle du 16 septembre au 10 novembre 2002 auprès du Centre d'intégration professionnelle de l'AI, à Genève (COPAI). Selon le rapport du 3 décembre 2002 du COPAI, X.________ pouvait être réadaptée professionnellement dans un emploi léger, sans port de charges, ni longs déplacements, essentiellement en position assise; sa capacité résiduelle de travail serait ainsi de 70% après une période de réadaptation. Il n'est pas établi que les conclusions de ce rapport aient été alors communiquées à X.________.
Le Dr C.________, médecin traitant de X.________, a établi un certificat médical à l'attention de l'OCAI en date du 28 mars 2003. Elle suivait la patiente pour des problèmes physiques et psychiques depuis 1993; à ce moment-là, l'état dépressif de X.________ était déjà sévère; les séquelles des fractures subies avaient des répercussions sur la capacité de travail de la patiente; l'accident avait entraîné une détérioration de l'état psychique qu'il était difficile de quantifier; n'étant pas psychiatre, le médecin préconisait une expertise psychiatrique sur ce point.
A la demande de l'OCAI, le Dr D.________, médecin-psychiatre, s'est entretenu avec X.________ les 16 juin et 16 août 2003. Elle a rendu son rapport le 26 novembre 2003. L'expert a diagnostiqué un état dépressif moyen avec un syndrome somatique et un état de stress post-traumatique moyen, qui avaient des répercussions sur la capacité de travail; ces affections existaient déjà lors de l'arrivée en Suisse de X.________, en 1993; l'état de l'expertisée s'était aggravé à la suite de l'accident de novembre 2000; il était difficile de définir la part de l'état dépressif préexistant qui influait sur la capacité de travail, par rapport aux conséquences de l'accident; la reprise de l'activité professionnelle exercée précédemment n'était pas envisageable; l'état physique permettait une capacité de travail de 70%, mais l'état psychologique limitait l'activité quotidienne à trois heures, dans le cadre d'un emploi simple et répétitif, avec une possibilité d'augmenter progressivement le temps de travail. X.________ n'a pas reçu copie du rapport du 26 novembre 2003.
A.d Quelques mois plus tôt, répondant au conseil de X.________, le Dr A.________ avait indiqué, par courrier du 4 mars 2003, qu'outre les fractures, l'accident du 24 novembre 2000 avait provoqué une aggravation de l'état dépressif de la patiente, sans qu'il puisse en déterminer la proportion; malgré plusieurs tentatives de reprise du travail, l'incapacité de travail définitive de X.________ était de 100%, sous réserve des possibilités pour la patiente de se recycler professionnellement.
Par courrier du 22 mai 2003 adressé au mandataire de W.________, le conseil de X.________ a fait valoir une perte de gain de 20'109 fr., fondée sur une incapacité de travail de 100%, et a réservé les prétentions de sa mandante concernant notamment l'atteinte à l'avenir économique. Par lettre du 4 septembre 2003, le conseil de W.________ a accepté de renoncer à se prévaloir de la prescription pour autant qu'elle ne soit pas acquise et, pour le surplus, a contesté les prétentions de X.________.
En 2005, le Dr A.________ a envisagé une opération chirurgicale du genou de X.________, puis y a renoncé après avoir consulté le Département de chirurgie des HUG (Hôpitaux Universitaires de Genève).
A.e Selon le rapport médical établi le 24 juillet 2006 à l'attention de l'OCAI par le Dr C.________, les douleurs rhumatismales dont souffrait X.________ dans le genou gauche persistaient malgré les nombreuses séances de physiothérapie et la prise d'anti-inflammatoires en continu.
Le 19 septembre 2006, le Dr A.________ a également transmis un rapport à l'OCAI. Selon ce document, les fractures du genou et de la cheville entraînaient des répercussions sur la capacité de travail de sa patiente, laquelle était nulle depuis le 21 (recte: 24) novembre 2000; l'état de santé de X.________ était stationnaire; il n'était pas possible d'améliorer sa capacité de travail; une reprise de l'activité exercée précédemment était exclue, mais une autre activité était envisageable.
Le 21 juin 2007, l'OCAI a transmis au conseil de X.________ les pièces médicales en sa possession. Par décision du 6 août 2007, cet office a alloué à X.________ une rente entière d'invalidité du 24 novembre 2001 au 10 novembre 2002, puis une demi-rente à compter du 1er novembre 2003 et un trois-quarts de rente dès le 1er janvier 2004. Il a retenu que l'assurée avait été en incapacité de travail totale jusqu'au 10 novembre 2002, correspondant au terme de son stage d'observation professionnelle; à cette date, elle disposait d'un état de santé compatible avec une activité adaptée à 100% avec un rendement de 70%, ce qui représentait un degré d'invalidité de 29%; enfin, selon l'expertise psychiatrique du 26 novembre 2003, la capacité de travail de X.________ n'excédait pas trois heures par jour, ce qui entraînait un degré d'invalidité de 66%.
B.
Par acte déposé le 21 mai 2008, X.________ a assigné Y.________ en paiement de la somme totale de 670'543 fr.35, plus intérêts, à titre de réparation du préjudice causé par l'accident du 24 novembre 2000, en particulier du dommage futur résultant d'une incapacité de travail totale.
Y.________ a soulevé l'exception de prescription.
Par jugement du 11 février 2010, le Tribunal de première instance du canton de Genève a constaté que la demande était prescrite.
Statuant le 22 octobre 2010 sur appel de X.________, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a confirmé le jugement de première instance.
C.
X.________ interjette un recours en matière civile. Elle demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt attaqué, de dire que la demande n'est pas prescrite et d'inviter la cour cantonale à retourner la cause au Tribunal de première instance afin qu'il statue sur le fond.
Par ordonnance du 27 janvier 2011, la cour de céans a admis la demande d'assistance judiciaire présentée par la recourante et a désigné à celle-ci Me Jacques Emery comme avocat d'office.
Dans sa réponse, Y.________ propose le rejet du recours.
Considérant en droit:
1.
1.1 Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur statuant en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 et 2 LTF), dans une affaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours, déposé par la partie qui a succombé en instance cantonale (art. 76 al. 1 LTF), est en principe recevable puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.
1.2 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur la violation d'un droit de rang constitutionnel ou sur une question afférente au droit cantonal ou intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière détaillée par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF). Pour le reste, il applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue dans la décision déférée; il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été articulés, ou à l'inverse, rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 134 III 102 consid. 1.1 p. 104). Cependant, compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 134 III 102 consid. 1.1 p. 105).
Par ailleurs, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les constatations de ladite autorité ont été établies de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 136 II 304 consid. 2.4 p. 314; 135 III 127 consid. 1.5 p. 130, 397 consid. 1.5 p. 401; 135 II 145 consid. 8.1 p. 153) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). S'il entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, le recourant doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué. En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 136 II 101 consid. 3 p. 104 s. et les arrêts cités). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
2.
2.1 Dans un premier moyen fondé sur les art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, la recourante se plaint du caractère manifestement inexact de deux constatations figurant dans l'arrêt attaqué et demande à faire compléter l'état de fait sur un troisième point. Elle conteste tout d'abord avoir renoncé à faire valoir les conséquences de l'atteinte psychique sur sa capacité de travail et cite à ce sujet des passages de son mémoire de demande. Deuxièmement, il serait faux d'affirmer, comme la cour cantonale l'aurait fait, que l'expertise du Dr D.________ ne contient que «des renseignements relatifs aux conséquences patrimoniales découlant de l'état dépressif antérieur qui se serait également produit sans l'accident». La recourante entend enfin faire constater qu'elle n'a eu connaissance du nom de l'assureur responsabilité civile de W.________ que le 25 juillet 2007.
2.2 Selon la cour cantonale, «il était inutile pour [la recourante] de connaître la part des conséquences patrimoniales découlant de l'état dépressif antérieur qui se serait également produit sans l'accident, puisqu'elle a soutenu dans sa demande que son préjudice était exclusivement dû aux affections physiques.» Comme l'intimée en convient du reste, cette dernière constatation est manifestement inexacte. Dans sa demande en paiement du 20 mai 2008, la recourante allègue effectivement, dans un premier temps, que les affections physiques liées à l'accident sont les causes de son incapacité totale de travail, mais, par la suite, elle se réfère également aux conclusions du Dr D.________ et de l'OCAI pour faire observer que l'état dépressif dont elle souffrait avant l'accident n'était pas invalidant avant novembre 2000 et qu'il n'a eu un effet sur sa capacité de travail qu'après la survenance de l'accident. Il est évident que la recourante entend obtenir réparation de tout le préjudice en causalité adéquate avec l'accident, que son incapacité de travail découle de lésions physiques ou d'une affection psychique aggravée par ledit événement.
Par ailleurs, le grief en rapport avec la manière dont la cour cantonale aurait relaté les conclusions de l'expertise du Dr D.________ apparaît incompréhensible. On ne voit pas en effet où la cour cantonale aurait établi que ladite expertise ne porterait que sur les conséquences patrimoniales découlant de l'état dépressif antérieur qui se serait également produit sans l'accident. Au contraire, dans la partie «en fait» de l'arrêt attaqué, il est précisé que, selon l'experte, l'état de l'expertisée s'était aggravé à la suite de l'accident, même s'il était difficile de définir la part de l'état dépressif préexistant qui avait une influence sur la santé de la recourante par rapport aux conséquences de l'accident.
En troisième lieu, le moment auquel la recourante ou son mandataire aurait appris le nom de l'assureur responsabilité civile de W.________ ne saurait influer sur le sort de la cause. En effet, il n'est pas contesté que le nom de la personne qui est responsable au sens de l'art. 83 al. 1 LCR - W.________ en tant que détenteur - était connu d'emblée par la recourante. Or, c'est cette connaissance-là qui est déterminante pour le dies a quo du délai de prescription concernant à la fois la personne responsable et son assureur (cf. art. 83 al. 2 LCR qui prévoit que la prescription interrompue à l'égard de la personne responsable l'est aussi à l'égard de l'assureur, et vice-versa).
3.
Selon la recourante, la cour cantonale a violé l'art. 83 LCR en n'admettant pas qu'avant le 21 juin 2007, date de la communication par l'OCAI des pièces médicales en sa possession, la lésée ne disposait pas des éléments suffisants émanant d'un expert-psychiatre pour fonder une demande en justice.
3.1 Selon l'art. 83 al. 1 LCR, les actions en dommages-intérêts qui découlent d'accidents causés par des véhicules automobiles se prescrivent par deux ans du jour où le lésé a eu connaissance du dommage et de la personne qui en est responsable, mais en tout cas par dix ans dès le jour de l'accident. La connaissance du dommage est une notion figurant notamment à l'art. 60 al. 1 CO, de sorte que l'on peut se référer à la jurisprudence rendue en rapport avec cette disposition (arrêt 4C.226/1997 du 3 novembre 1998 consid. 1a).
Le lésé connaît suffisamment le dommage lorsqu'il apprend, relativement à son existence, sa nature et ses éléments, les circonstances propres à fonder et à motiver une demande en justice (ATF 131 III 61 consid. 3.1.1 p. 68; cf. également ATF 136 III 322 consid. 4.1 p. 330). Ce que sait le mandataire du lésé peut être opposé à ce dernier (ROLAND BREHM, Berner Kommentar, 3e éd. 2006, n° 23 ad art. 60 CO; cf. ATF 45 II 322 consid. 4 p. 331). Le lésé n'est pas admis à différer sa demande jusqu'au moment où il connaît le montant absolument exact de son préjudice, car le dommage peut devoir être estimé selon l'art. 42 al. 2 CO (ATF 131 III 61 consid. 3.1.1 p. 68; 111 II 55 consid. 3a p. 57 s.). Le dommage est tenu pour suffisamment défini lorsque le lésé détient assez d'éléments pour être en mesure de l'apprécier (ATF 111 II 55 consid. 3a p. 57; 109 II 433 consid. 2 p. 434).
Lorsque l'ampleur du préjudice dépend d'une situation qui évolue, le délai de prescription ne court pas avant le terme de cette évolution. Tel est le cas notamment du préjudice consécutif à une atteinte à la santé dont il n'est pas possible de prévoir d'emblée l'évolution avec suffisamment de certitude (ATF 112 II 118 consid. 4 p. 123; 108 Ib 97 consid. 1c p. 100). En particulier, la connaissance du dommage résultant d'une invalidité permanente suppose que, selon un expert, l'état de santé soit stabilisé sur le plan médical et que le taux de l'incapacité de travail soit fixé au moins approximativement; le lésé doit en outre savoir, sur la base des rapports médicaux, quelle peut être l'évolution de son état (arrêt 4A_289/2008 du 1er octobre 2008 consid. 4, non publié in ATF 134 III 591; arrêt 4C.151/1999 du 1er septembre 1999 consid. 2). Lorsque le lésé est si sévèrement atteint qu'une rente de l'assurance-invalidité doit lui être allouée, la décision de rente offre souvent l'information nécessaire à la connaissance du dommage (BREHM, op. cit., n° 43 ad art. 60 CO). Mais la communication de la décision de l'assureur social ne constitue pas systématiquement le point de départ du délai de prescription relatif. En effet, l'issue de la procédure AI n'est pas en soi déterminante pour la connaissance du dommage, car la rente AI ne réduit pas le dommage subi par un assuré, mais le couvre, du moins partiellement (arrêt 2C.1/1999 du 12 septembre 2000 consid. 3c).
Pour le surplus, le délai de prescription part du moment où le lésé a effectivement connaissance du dommage, et non de celui où il aurait pu découvrir l'importance de sa créance en faisant preuve de l'attention commandée par les circonstances (ATF 111 II 55 consid. 3a p. 58 s.).
3.2 Le passage déterminant de l'arrêt attaqué à propos du dies a quo du délai de prescription se présente ainsi:
«Au vu de ce qui précède, il n'existait après que la Dresse D.________ avait rendu son expertise [le 26 novembre 2003] plus aucune expectative pour [la recourante] d'améliorer sa capacité de gain. Dès lors que [la recourante] savait déjà par le Dr A.________ que le degré de son incapacité de travail définitive s'élevait à 100%, taux sur lequel sont fondées ses prétentions, cette dernière a acquis la connaissance de son dommage fin novembre 2003, comme l'a retenu à juste titre le premier juge. Dans ces circonstances, [la recourante] ne pouvait pas attendre le prononcé de la décision de l'OCAI pour connaître son dommage. Il était inutile pour [la recourante] de connaître la part des conséquences patrimoniales découlant de l'état dépressif antérieur qui se serait également produit sans l'accident, puisqu'elle a soutenu dans sa demande que son préjudice était exclusivement dû aux affections physiques.»
Le raisonnement de la cour cantonale n'est pas aisé à comprendre. En tous les cas, les juges précédents ne pouvaient rien tirer du fait que la recourante n'aurait fait valoir aucun dommage lié à une atteinte psychique, puisque, comme déjà relevé (consid. 2.2), tel n'était précisément pas le cas.
Cela étant, la Cour de justice a fixé le moment de la connaissance du dommage à fin novembre 2003. Cette date correspond à la remise à l'OCAI de l'expertise psychiatrique du Dr D.________, demandée par cette autorité et datée du 26 novembre 2003. Comme on l'a vu plus haut (consid. 3.1), c'est la connaissance effective du dommage qui est déterminante pour le début du délai de prescription. Or, dans la partie «en fait» de l'arrêt cantonal (point C, §5 in fine), il est constaté que la recourante n'a pas reçu à l'époque copie du rapport d'expertise précité. Au surplus, il n'est pas établi que la teneur de ce document, en particulier à propos du degré d'incapacité de travail, aurait alors été transmise oralement à la recourante; dans l'arrêt attaqué, il est seulement relevé que, lors de ses entretiens avec la recourante en juin et en août 2003, le Dr D.________ a abordé la question d'une reprise progressive d'une activité professionnelle. La cour cantonale ne pouvait donc, sans violer le droit fédéral, faire partir le dies a quo du délai de prescription du moment de la remise à l'OCAI d'une expertise non communiquée parallèlement à la lésée.
La Cour de justice semble admettre que la recourante connaissait déjà son taux d'incapacité de travail en mars 2003, après que le Dr A.________ avait répondu aux questions du mandataire de la lésée. Sur ce point, la cour cantonale met en exergue le fait que la recourante a réclamé en justice réparation du préjudice correspondant à une incapacité de gain permanente de 100%, soit justement celle fixée par le Dr A.________ en mars 2003. On ne voit pas très bien ce que les juges genevois entendent tirer de ce parallèle, dès lors qu'il s'agit de se placer en mars 2003 et d'examiner si les informations sur l'étendue du dommage, diffusées alors par le médecin orthopédiste, étaient suffisantes pour permettre à la recourante d'ouvrir action. Or, à ce sujet, le praticien a certes mentionné une incapacité de travail totale et définitive, mais, dans le même temps, il a réservé la possibilité pour la recourante de se recycler professionnellement. C'est dire qu'il ne tenait pas lui-même le taux d'invalidité de 100% pour établi. En réalité, le Dr A.________ a indiqué que la recourante ne pouvait plus travailler comme femme de chambre, mais il n'a pas exclu qu'elle dispose encore d'une capacité de travail dans un autre emploi, sans toutefois livrer aucun pourcentage à cet égard. Dans ces conditions, on ne saurait conclure que le courrier du 3 mars 2003 fixait le taux de l'incapacité de travail de la recourante, même approximativement, et que la lésée disposait à l'époque d'informations suffisantes sur l'étendue du dommage pour agir en justice.
4.
En conclusion, le moyen tiré de la violation de l'art. 83 al. 1 LCR se révèle fondé. Il convient dès lors d'admettre le recours, d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause à l'autorité cantonale afin qu'elle fixe à nouveau le dies a quo du délai de prescription en tenant compte des considérations qui précèdent.
5.
Vu le sort réservé au recours, les frais judiciaires seront mis à la charge de l'intimée (art. 66 al. 1 LTF), laquelle versera en outre des dépens à la recourante (art. 68 al. 1 et 2 LTF). L'avocat d'office de cette dernière s'adressera à la Caisse du Tribunal fédéral au cas où les dépens ne pourraient pas être recouvrés (art. 64 al. 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève pour nouvelle décision.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 8'500 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
3.
Une indemnité de 9'500 fr., à payer à titre de dépens à la recourante, est mise à la charge de l'intimée.
4.
Au cas où les dépens ne pourraient pas être recouvrés, la Caisse du Tribunal fédéral versera à Me Jacques Emery une indemnité de 9'500 fr. à titre d'honoraires d'avocat d'office.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 4 avril 2011
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:
Klett Godat Zimmermann