BGer 5A_913/2012 |
BGer 5A_913/2012 vom 24.09.2013 |
{T 0/2}
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5A_913/2012
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Arrêt du 24 septembre 2013 |
IIe Cour de droit civil |
Composition
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MM. et Mmes les Juges fédéraux von Werdt, Président, Escher, Hohl, Marazzi et Herrmann.
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Greffière: Mme de Poret Bortolaso.
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Participants à la procédure
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1. Communauté des copropriétaires A.________,
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2. B.________,
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tous les deux représentés par Me Henri Baudraz, avocat,
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recourants,
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contre
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C.________, représenté par l'Etude Bridel,
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Katz & Dubuis,
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intimé.
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Objet
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contestation d'un état des charges,
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recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour d'appel civile, du 26 octobre 2012.
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Faits: |
A. Au début de l'année 2007, la Communauté des copropriétaires A.________ (ci-après la Communauté) a requis une poursuite en réalisation du gage immobilier grevant la part d'étage appartenant à la société D.________ - parcelle no 1540 de la Commune de E.________. La Communauté invoquait comme cause de l'obligation le non-paiement des charges de copropriété par étages pour la période du mois de décembre 2001 au mois d'août 2006, garanties par l'hypothèque légale no RF xxxx.
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B. Le 21 août 2009, B.________, administrateur de la PPE A.________, a ouvert action contre C.________ devant la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud, au nom de la Communauté.
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C. Agissant le 10 décembre 2012 par la voie du recours en matière civile, B.________ et la Communauté concluent à la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens que la " qualité pour agir ", soit l'autorisation de représenter du premier nommé soit admise, la cause étant renvoyée à la Cour civile du Tribunal cantonal pour décision sur le fond. Les recourants invoquent la violation de l'art. 712t al. 2 CC, l'interdiction du formalisme excessif ainsi que la violation de l'art. 68 al. 2 du code de procédure civile vaudois (ci-après CPC/VD).
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D. La requête d'effet suspensif présentée par les recourants a été rejetée par ordonnance présidentielle du 11 décembre 2012.
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Considérant en droit: |
1. Le recours a été déposé à temps (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF), prise en dernière instance cantonale et sur recours par un tribunal supérieur (art. 75 LTF), dans une contestation civile de nature pécuniaire, dont la cour cantonale admet que la valeur litigieuse atteint 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF); les recourants ont succombé dans leurs conclusions devant l'instance précédente (art. 76 LTF) et l'assemblée générale extraordinaire du 10 janvier 2013 a ratifié le dépôt du présent recours, de sorte que celui-ci est par conséquent recevable.
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2. L'intimé relève que le recours serait irrecevable (art. 99 al. 2 LTF) du fait que les conclusions prises par les recourants - réforme de la décision en ce sens que la qualité pour agir du recourant est admise et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur le fond - seraient différentes de celle prise devant les instances cantonales - admission de la demande au fond.
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3. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être lié ni par les motifs de l'autorité précédente, ni par les moyens des parties. Compte tenu des exigences de motivation posées à l'art. 42 al. 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs soulevés; il n'est pas tenu de traiter, à l'instar d'une juridiction de première instance, toutes les questions juridiques pouvant se poser lorsqu'elles ne sont plus discutées devant lui (134 III 102 consid. 1.1; 133 III 545 consid. 2.2; 131 III 26 consid. 12.3 et les références).
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4. La cour cantonale a considéré que la représentation en justice de la communauté des copropriétaires par son administrateur était régie par l'art. 712t al. 2 CC dès lors que celui-ci avait agi au nom des copropriétaires dans le cadre d'une procédure judiciaire. En tant que celle-ci n'était pas soumise à la procédure sommaire, l'administrateur de la copropriété n'était pas en mesure d'agir sans l'autorisation de l'assemblée des copropriétaires. Les juges cantonaux ont ainsi constaté que, conformément aux art. 68 al. 1 et 69 al. 1 CPC/VD (encore applicables en première instance), l'intéressé avait été interpellé à ce propos par la cour civile, produisant différentes pièces et renonçant à solliciter un délai supplémentaire pour présenter des documents complémentaires. Or, aucune des pièces déposées par l'administrateur ne permettait d'établir qu'une décision l'autorisant à déposer la demande en contestation de l'état des charges avait été prise à la double majorité des copropriétaires d'étages et des quotes-parts, puis consignée au procès-verbal de l'assemblée. La juridiction cantonale a par ailleurs jugé qu'elle ne saurait considérer que l'administrateur aurait agi au nom des copropriétaires individuellement, n'ayant pas non plus justifié de pouvoirs l'autorisant à agir en leur nom individuel ainsi que l'exigeait l'art. 68 CPC/VD. Dans ces conditions, la cour cantonale a estimé que l'administrateur avait agi sans pouvoirs et que c'était à juste titre que l'autorité de première instance n'était pas entrée en matière sur la demande en contestation de l'état des charges.
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5. |
5.1. Les recourants invoquent dans un premier grief l'interdiction du formalisme excessif. Soulignant avant tout le caractère urgent du dépôt de l'action en contestation, ils remarquent que celle-ci constituait la suite logique de la procédure relative à l'inscription de l'hypothèque légale pour laquelle l'administrateur avait obtenu l'accord exprès des copropriétaires. L'art. 712t CC ne prévoirait au demeurant aucune forme spéciale pour autoriser l'administrateur à agir en justice, de sorte que l'exigence de la cour cantonale tendant à la production d'une décision d'autorisation dûment protocolée au procès-verbal était disproportionnée. L'autorisation de représenter la communauté en justice aurait en l'espèce été donnée à l'administrateur soit par oral au cours de l'assemblée, tel que cela ressort des procès-verbaux produits, soit tacitement, dès lors qu'aucun des copropriétaires n'avaient contesté la démarche de l'administrateur, soit enfin par acte concluant, les pièces présentées démontrant le soutien manifeste des copropriétaires à l'action entreprise par l'intéressé. Les recourants relèvent enfin que l'institution de la protection contre le
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5.2. |
5.2.1. Selon l'art. 712t CC, l'administrateur représente la communauté et les copropriétaires envers les tiers, pour toutes les affaires qui relèvent de l'administration commune et entrent dans ses attributions légales (al. 1). Sauf en procédure sommaire, il ne peut agir en justice sans autorisation préalable de l'assemblée des copropriétaires, sous réserve des cas d'urgence pour lesquels l'autorisation peut être demandée ultérieurement (al. 2).
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5.2.2. L'autorisation doit faire l'objet d'une décision de la communauté des propriétaires d'étages (arrêt 5A_364/2011 du 8 juillet 2011 consid. 2.1; cf. WERMELINGER, op. cit., n. 76 ad art. 712t CC).
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5.2.3. Lorsque l'administrateur ne démontre pas l'existence d'une autorisation préalable ou lorsqu'il a dû agir dans l'urgence, le juge doit lui fixer un délai pour lui permettre d'apporter la preuve de son pouvoir de représentation (ATF 114 II 310 consid. 2b). Refuser d'entrer en matière sans interpeller l'intéressé à cet égard relève en effet du formalisme excessif, ou constitue du moins une entorse à la règle de la proportionnalité ( VICTOR GILLIOZ, L'autorisation d'ester en justice au nom de la communauté des copropriétaires par étages in: RSJ 1984, p. 284 ss, p. 287; Jean Gauthier, Copropriété par étages et malfaçons in: Mélanges Guy Flattet, p. 227 ss, p. 233 s.; cf. également Meier-Hayoz/Rey, op. cit., n. 49 s. ad art. 712t CC et WERMELINGER, op. cit., n. 79 ad art. 712t CC, ces deux derniers auteurs paraissant toutefois limiter cette possibilité au cas où l'administrateur agit dans des affaires urgentes, où l'autorisation peut être subséquente).
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5.3. En l'espèce, bien qu'il ait été interpellé à cet égard par l'autorité de première instance, l'administrateur n'a pas justifié de ses pouvoirs conformément aux exigences de forme susmentionnées: il n'a en effet pas produit de décision - orale et verbalisée ou écrite obtenue par voie de circulation - de la communauté des propriétaires d'étages l'autorisant à la représenter dans la procédure en contestation de l'état des charges, procédure dont il est incontesté qu'elle n'est pas régie par les règles de la procédure sommaire. Vu les exigences de forme strictes auxquelles sont soumises les décisions de l'assemblée des copropriétaires, l'autorisation ne saurait être remplacée par la production de procès-verbaux attestant du suivi de la procédure et de l'absence d'objections à cet égard de l'ensemble des copropriétaires. Le juge a par ailleurs satisfait à son devoir d'interpellation puisqu'il a requis de l'administrateur la preuve de ses pouvoirs lors de l'audience de jugement, tout en lui laissant la possibilité supplémentaire de produire d'autres documents, opportunité à laquelle l'intéressé a néanmoins expressément renoncé. Dûment représenté par un mandataire professionnel, l'administrateur ne pouvait ignorer que ses pouvoirs étaient mis en doute par l'intimé dans son mémoire de droit du 22 août 2011; il devait donc s'attendre à devoir les justifier en produisant les documents idoines. Il disposait du temps nécessaire pour ce faire dès lors que le juge l'a interpellé à ce propos lors de l'audience de jugement qui s'est déroulée le 8 février 2012. La ratification de ses pouvoirs par l'assemblée générale extraordinaire du 10 janvier 2013, produite devant le Tribunal de céans, est au demeurant une pièce nouvelle et partant irrecevable (art. 99 al. 1 LTF).
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6. Dans leurs deux derniers griefs, les recourants persistent pour l'essentiel à soutenir que les pouvoirs de représentation de l'administrateur ne seraient soumis à aucune forme et qu'ils pourraient parfaitement être tacites. Ces affirmations, dont le sort est scellé par le considérant précédent, sont sans objet.
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7. En définitive, le recours doit être rejeté aux frais de ses auteurs, solidairement entre eux (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Ceux-ci verseront en outre, solidairement entre eux, une indemnité de dépens à l'intimé (art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: |
1. Le recours est rejeté.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à la charge des recourants solidairement entre eux.
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3. Une indemnité de 7'000 fr., à verser à l'intimé à titre de dépens, est mise à la charge des recourants solidairement entre eux.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour d'appel civile.
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Lausanne, le 24 septembre 2013
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Au nom de la IIe Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président: von Werdt
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La Greffière: de Poret Bortolaso
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