BGer 8C_222/2013 |
BGer 8C_222/2013 vom 10.02.2014 |
{T 0/2}
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8C_222/2013
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Arrêt du 10 février 2014 |
Ire Cour de droit social |
Composition
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Mmes et M. les Juges fédéraux Leuzinger, Présidente, Frésard et Heine.
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Greffière: Mme Fretz Perrin.
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Participants à la procédure
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CNA Division Assurance Militaire,
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Laupenstrasse 11, 3008 Berne,
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recourante,
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contre
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V.________,
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représenté par Me Jean-Michel Duc, avocat,
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intimé.
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Objet
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Assurance militaire (rente pour atteinte à l'intégrité),
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recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 10 janvier 2013.
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Faits: |
A. |
A.a. V.________ souffre d'une gonarthrose tricompartimentale du genou droit consécutive à une fracture du plateau tibial externe droit survenue durant l'accomplissement de son école de recrues en 1968. L'assurance militaire a reconnu sa responsabilité.
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Le 16 juin 2003, V.________ a subi une arthroscopie au genou droit. L'évolution post-opératoire a été insatisfaisante. L'assuré a continué à présenter des douleurs et une limitation du périmètre de marche. Une incapacité de travail de 70 % lui a été reconnue à partir du 1 er octobre 2003.
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V.________ a été examiné par les docteurs N.________, spécialiste FMH en médecine interne et rattaché au service médical de l'Office fédéral de l'assurance militaire (OFAM), et D.________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique. Tous deux ont préconisé l'implantation d'une prothèse totale du genou afin de retrouver une capacité de travail proche de la norme (cf. rapports des 11 février et 7 mai 2004).
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L'assuré ayant exprimé des craintes à l'idée de se faire opérer, l'assurance militaire lui a proposé de l'indemniser en lui octroyant des indemnités journalières pour une période d'incapacité de travail théorique de 6 mois au taux de 100 % du 1 er août 2004 au 31 janvier 2005 puis une rente d'invalidité de 25 % à partir du 1 er février 2005 pour une durée indéterminée. L'assuré a accepté cette proposition, laquelle a été entérinée par décision du 7 septembre 2004.
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A.b. Par lettre du 1
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Dans un préavis du 19 février 2010, la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), division assurance militaire, a conclu à l'octroi d'une rente à titre d'atteinte à l'intégrité, dès le 1 er août 2009 pour une durée indéterminée. Son appréciation était fondée sur le rapport de la doctoresse A.________, spécialiste FMH en chirurgie et médecin d'arrondissement de la CNA, division assurance militaire, laquelle a retenu une atteinte à l'intégrité de 5 %.
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L'assuré a contesté le taux de l'atteinte de 5 % ainsi que la date du début du droit à la rente. A l'appui de ses écritures, il a produit un certificat médical du docteur P.________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin traitant de l'assuré, du 19 avril 2010, lequel estimait le taux d'atteinte à l'intégrité à 30 %.
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Par décision du 2 juin 2010, confirmée sur opposition le 8 septembre 2010, la CNA a confirmé sa position.
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B. V.________ a recouru contre cette décision devant la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: la Cour des assurances sociales), en concluant à son annulation et à l'octroi d'une rente pour atteinte à l'intégrité de 30 % dès le 1 er octobre 2003.
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Par arrêt du 10 janvier 2013, la Cour des assurances sociales a partiellement admis le recours et réformé la décision sur opposition du 8 septembre 2010, en ce sens que l'assuré avait droit, pour une durée indéterminée, à une rente pour atteinte à l'intégrité de 10 % dès le 1 er mai 2004.
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C. La CNA, division assurance militaire, interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont elle demande l'annulation. Elle conclut à la réforme de la décision du 8 septembre 2010 en ce sens que V.________ a droit à une rente pour atteinte à l'intégrité d'un taux de 5 % dès le 1 er mai 2004 pour une durée indéterminée.
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L'intimé conclut, sous suite de dépens, principalement au rejet du recours et, subsidiairement, au renvoi de la cause à la Cour des assurances sociales pour complément d'instruction et nouvelle décision.
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L'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
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Considérant en droit: |
1. Le litige porte sur le taux de la rente pour atteinte à l'intégrité. Le début du droit à la rente n'est en revanche plus litigieux.
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Dès lors que le jugement entrepris porte sur le droit à des prestations en espèces de l'assurance militaire, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente (art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF).
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2. |
2.1. Aux termes de l'art. 48 de la loi sur l'assurance militaire (LAM; RS 833.1), si l'assuré souffre d'une atteinte notable et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique, il a droit à une rente pour atteinte à l'intégrité (al. 1). La rente pour atteinte à l'intégrité est due dès la fin du traitement médical ou lorsque la poursuite du traitement ne laisse plus prévoir d'amélioration notable de l'état de santé de l'assuré (al. 2).
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La gravité de l'atteinte à l'intégrité est déterminée équitablement en tenant compte de toutes les circonstances (art. 49 al. 1 LAM). La rente pour atteinte à l'intégrité est fixée en pour-cent du montant annuel qui sert de base au calcul des rentes selon l'al. 4 et compte tenu de la gravité de l'atteinte à l'intégrité (art. 49 al. 2, première phrase, LAM).
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2.2. Contrairement à l'ancienne pratique (ATF 117 V 71 consid. 3 a/bb/aaa p. 77), la loi ne limite pas le droit à une prestation à la seule atteinte des fonctions dites primaires de l'existence (comme la vue, l'ouïe, la faculté de marcher, etc.). Pour fixer le taux de l'indemnité il faut également prendre en considération des atteintes non fonctionnelles (comme des altérations visibles) qui représentent des entraves ou des limitations dans le mode de vie en général ou dans la jouissance de la vie. Par mode de vie en général on entend l'environnement personnel et social de l'assuré. En font partie les activités sociales comme la participation à la vie associative ou culturelle ainsi que les loisirs, notamment les activités sportives, artisanales ou musicales ( JÜRG MAESCHI, Kommentar zum Militärversicherungsgesetz, 2000, n° 12 s. ad art. 49 LAM).
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2.3. Pour évaluer le préjudice résultant d'une atteinte à l'intégrité, l'OFAM a élaboré des directives internes, des tables, des échelles, etc., destinées à garantir l'égalité de traitement entre les assurés. Selon une jurisprudence constante, une telle pratique n'est en principe pas critiquable. Ces valeurs de référence fixent les grandes lignes d'évaluation, qui permettent de situer le dommage à l'intégrité. Mais, dans le cas concret, il faut examiner en tenant compte de toutes les circonstances si l'atteinte à l'intégrité correspond à cette valeur ou si elle lui est supérieure ou inférieure. On s'en écartera par exemple en présence de conséquences extraordinaires de l'événement assuré (arrêt M 7/00 du 22 octobre 2001, consid. 4a; SVR 1998 MV n° 2 p. 6 consid. 3b).
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3. |
3.1. Les premiers juges ont fixé le taux de l'atteinte à l'intégrité en se fondant dans un premier temps sur les valeurs indicatives de l'OFAM, en se référant à un raidissement du genou en position favorable, affection dont se rapprochait le plus celle de l'intimé en l'absence d'une valeur indicative plus spécifique au cas d'espèce. Ils ont ensuite évalué les incapacités concrètes de l'intimé ainsi que les désavantages en résultant dans son mode de vie en général. C'est ainsi qu'ils ont retenu que l'assuré souffrait de son genou depuis 1968 déjà, qu'il avait subi trois arthroscopies, marchait avec une canne et avait un périmètre de marche restreint. Par ailleurs, il ne pouvait plus faire de sport et souffrait d'une certaine obésité.
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3.2. L'assurance militaire reproche aux premiers juges d'avoir versé dans l'arbitraire en fixant le taux de l'atteinte à l'intégrité à 10 %. Elle relève tout d'abord que le taux de 5 % respecte le principe d'égalité de traitement entre les assurés dès lors qu'il a été fixé en procédant à une comparaison de la situation de l'assuré avec d'autres cas déjà "entrés en force". Par ailleurs, elle rappelle qu'en 2004, la pose d'une prothèse totale du genou avait été préconisée par le docteur D.________, intervention à laquelle l'assuré s'était cependant opposé. Dès lors que ce dernier devait être considéré, certes fictivement, comme porteur d'une prothèse totale du genou, il y avait lieu de lui reconnaître un taux d'atteinte à l'intégrité de 5 %, soit le taux généralement retenu pour ce type de cas selon la recourante.
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3.3. S'il est vrai qu'en 2004, la pose d'une prothèse totale du genou était certes raisonnablement exigible, il découle de la jurisprudence que pour évaluer l'atteinte à l'intégrité en cas d'implantation de prothèses, il convient de se fonder sur l'état de santé non corrigé, comme en cas de remise de moyens auxiliaires (cf. ATF 117 V 71 consid. 3c/cc p. 82; voir aussi arrêt U 56/05 du 18 juillet 2005 consid. 2.2; JÜRG MAESCHI, op. cit., n° 28 ad art. 49 LAM; JÜRG MAESCHI/MAX SCHMIDHAUSER, Die Abgeltung von Integritätsschäden in der Militärversicherung, in: RSAS 1997, p. 187). Par conséquent, l'argument de la recourante selon lequel l'atteinte à l'intégrité devrait être évaluée comme si l'assuré était porteur d'une prothèse totale du genou n'est pas déterminant en l'occurrence. Quant aux cas que la recourante estime comparables (au nombre de trois), ils concernent une pangonarthrose prononcée, une gonarthrose et une gonarthrose débutante pour lesquelles la doctoresse A.________ indique que des taux respectifs de 7,5 %, 5 % et 2,5 % ont été retenus par l'assurance militaire (rapport du 22 janvier 2010). Ces cas ne sont pas absolument identiques à la situation de l'intimé et il n'apparaît pas injustifié, dans la situation présente, d'opérer une comparaison avec un assuré souffrant d'un raidissement du genou en position favorable, atteinte qui donne lieu à une indemnité de 10 % ( JÜRG MAESCHI/MAX SCHMIDHAUSER, op. cit., p. 191). On ne dispose au demeurant pas d'éléments suffisants pour apprécier en connaissance de cause la pertinence du choix et la représentativité des cas auxquels se réfère la recourante. Toujours est-il que celle-ci ne démontre pas en quoi les premiers juges auraient violé le droit fédéral en faisant une mauvaise application des valeurs indicatives fixées par l'OFAM (cf. consid. 2.3) et/ou de la jurisprudence. Il résulte de ce qui précède que le recours est mal fondé.
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4. Vu le sort du litige, les frais de justice seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Par ailleurs, l'intimé a droit à des dépens (art. 68 al. 2 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: |
1. Le recours est rejeté.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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3. La recourante versera à l'intimé la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique.
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Lucerne, le 10 février 2014
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Au nom de la Ire Cour de droit social
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du Tribunal fédéral suisse
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La Présidente: Leuzinger
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La Greffière: Fretz Perrin
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