BGer 1C_659/2013 |
BGer 1C_659/2013 vom 04.03.2014 |
{T 0/2}
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1C_659/2013
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Arrêt du 4 mars 2014 |
Ire Cour de droit public |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
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Aemisegger, Merkli, Karlen et Chaix.
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Greffière: Mme Mabillard.
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Participants à la procédure
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A.________, représenté par Me Michael Rudermann, avocat,
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recourant,
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contre
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Grand Conseil du canton de Genève, case postale 3970, 1211 Genève 3.
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Objet
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Loi déclarant d'utilité publique la réalisation d'un plan localisé de quartier situé sur le territoire de la commune de Genève, section Petit-Saconnex, et des bâtiments prévus par ce plan,
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recours contre la loi du Grand Conseil du canton de Genève du 17 mai 2013.
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Faits: |
A. A.________ est propriétaire de la parcelle 4326 de la commune de Genève-Petit-Saconnex, en zone de développement 3, sur laquelle sont bâtis trois immeubles d'habitation. Cette parcelle est titulaire d'une servitude de restriction du droit de bâtir grevant les bien-fonds 2639 à 2646 qui la bordent au sud. Cette servitude, inscrite au registre foncier le 6 juillet 1951, prescrit que les constructions à élever sur les fonds servants ne pourront pas comporter plus d'un étage sur rez-de-chaussée et combles.
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Les parcelles 2639 à 2646 précitées ainsi que les biens-fonds 2597 à 2600, 3096 et 3097 font l'objet d'un plan localisé de quartier (PLQ) n° 27399-255, adopté le 21 juillet 1982, qui prévoit la réalisation de deux bâtiments d'un gabarit R+6+S (6 étages sur rez-de-chaussée et attique). Le premier immeuble a été érigé dans les années 1990. Dans le but de construire le second bâtiment, les propriétaires des parcelles concernées ont assigné A.________ devant le Tribunal de première instance du canton de Genève, le 22 juin 2009, en radiation de la servitude de restriction du droit de bâtir grevant leurs biens-fonds. Les parties demanderesses ont été déboutées par jugement du 23 juin 2011, confirmé par la chambre civile de la Cour de justice le 24 février 2012.
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Le 27 septembre 2011, l'Etat de Genève, soit pour lui la direction des opérations foncières du département des constructions et des technologies de l'information, actuellement le département de l'urbanisme (ci-après: le département), a invité A.________ à lever la servitude de restriction de bâtir au bénéfice de la parcelle 4326, faute de quoi sa suppression sera opérée dans le cadre de la procédure d'expropriation prévue à l'art. 6A de la loi générale du 29 juin 1957 sur les zones de développement (ci-après: la LGZD). Les discussions informelles entre le département et l'intéressé n'ont pas permis d'aboutir à un accord.
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Le 31 janvier 2012, les propriétaires des parcelles incluses dans le PLQ n° 27399-255 ont déposé une demande définitive d'autorisation de construire portant sur la réalisation d'un immeuble de 7 étages sur rez, plus attique, d'un potentiel de 168 logements. Publiée le 17 février 2012 dans la feuille d'avis officiel, cette requête est en cours d'instruction.
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B. Le 20 février 2013, le Conseil d'Etat du canton de Genève (ci-après: le Conseil d'Etat) a déposé un projet de loi 11123 déclarant d'utilité publique la réalisation d'un plan localisé de quartier situé sur le territoire de la commune de Genève, section Petit-Saconnex, et des bâtiments prévus par ce plan. Le projet prévoit, dans son article unique, que la construction des bâtiments prévus par le PLQ n° 27399-255, du 21 juillet 1982, dont 60 % au moins des surfaces brutes de plancher réalisables sont destinées à l'édification de logements d'utilité publique, est déclarée d'utilité publique (al. 1); en conséquence, le Conseil d'Etat peut décréter l'expropriation des servitudes qui empêchent la réalisation des bâtiments prévus par ce plan au profit des propriétaires des parcelles situées à l'intérieur du périmètre de celui-ci (al. 2).
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Invité par le département à se déterminer sur la levée de la servitude de restriction de bâtir sur sa parcelle, A.________ a fait valoir que la demande d'autorisation de construire déposée le 31 janvier 2012 n'était pas conforme au PLQ n° 27399-255 et s'est opposé au projet de loi précité.
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Lors de sa séance du 17 mai 2013, le Grand Conseil genevois a rejeté l'opposition de l'intéressé et adopté la loi litigieuse.
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La loi 11123 a été publiée dans la feuille d'avis officielle du 31 mai 2013. Le délai référendaire ayant expiré sans avoir été utilisé, elle a été promulguée par arrêté du Conseil d'Etat du 24 juillet 2013, publié dans la feuille d'avis officielle du 26 juillet 2013, et est entrée en vigueur le 27 juillet 2013.
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C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler la loi 11123. Il se plaint pour l'essentiel d'une violation de son droit d'être entendu et d'arbitraire.
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Le Grand Conseil conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. Dans le cadre d'un deuxième échange d'écritures, les parties ont persisté dans leurs conclusions.
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Par ordonnance du 5 septembre 2013, le Président de la Ire Cour de droit public a rejeté la requête d'effet suspensif du recourant.
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Considérant en droit: |
1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 137 III 417 consid. 1 p. 417; 136 II 101 consid. 1 p. 103). Il n'est ainsi lié ni par l'intitulé du mémoire de recours (cf. ATF 133 I 300 consid. 1.2 p. 302), ni par la dénomination de l'acte attaqué.
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2. |
2.1. En vertu de l'art. 82 LTF, le Tribunal fédéral connaît notamment des recours dirigés contre les décisions rendues dans les causes de droit public (let. a) et contre les actes normatifs cantonaux (let. b).
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L'art. 87 al. 1 LTF prévoit qu'un recours est directement recevable contre les actes normatifs cantonaux qui ne peuvent faire l'objet d'un recours cantonal. Lorsque le droit cantonal prévoit toutefois un recours contre les actes normatifs (art. 87 al. 2 LTF), ou lorsque le recours est dirigé contre une décision cantonale, l'autorité précédente est en général l'autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Les cantons doivent ainsi instituer des tribunaux supérieurs qui statuent comme autorités précédant immédiatement le Tribunal fédéral (art. 86 al. 2 LTF; cf. également art. 130 al. 3 LTF).
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2.2. En l'espèce, le recours est dirigé contre une loi au sens formel. D'un point de vue matériel cependant, l'acte attaqué ne présente pas les caractéristiques d'une loi, car les règles qu'il contient ne sont ni générales ni abstraites, et son objet est clairement individualisé: il s'agit de déclarer d'utilité publique la réalisation d'un plan localisé de quartier déterminé, qui porte lui-même sur un projet unique et parfaitement défini. La loi litigieuse équivalant ainsi matériellement à une décision, la recevabilité du recours déposé à son encontre doit se déterminer non pas d'après les critères applicables au recours dirigé contre un acte normatif, mais d'après ceux valables pour le recours formé contre une décision.
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Le Grand Conseil, qui a adopté l'acte attaqué, n'est pas une autorité judiciaire cantonale au sens de l'art. 86 LTF. Le recours est par conséquent irrecevable pour ce premier motif déjà.
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3. Le recours en matière de droit public est recevable contre les décisions qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF) ou contre les décisions partielles (art. 91 LTF). En revanche, en vertu de l'art. 93 al. 1 LTF, les décisions incidentes notifiées séparément qui ne portent pas sur la compétence ou sur une demande de récusation ne peuvent faire l'objet d'un recours en matière de droit public que si elles peuvent causer un préjudice irréparable (let. a), ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b).
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3.1. Dans le cas particulier, la loi 11123 litigieuse a été adoptée sur la base de l'art. 6A LGZD et de la loi cantonale du 10 juin 1933 sur l'expropriation pour cause d'utilité publique (LEx-GE).
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Selon l'art. 3 LEx-GE, la constatation de l'utilité publique résulte notamment d'une loi déclarant de manière ponctuelle l'utilité publique d'un ouvrage déterminé. Dans ce sens, l'art. 6A LGZD permet au Grand Conseil, afin d'éviter les effets de servitudes de restriction à bâtir, de déclarer d'utilité publique la réalisation d'un plan de quartier, pour autant qu'au moins 60 % des surfaces de plancher soient destinées à l'édification de logements d'utilité publique. Lorsque l'utilité publique a été constatée, le droit d'expropriation est exercé par l'Etat ou la commune intéressée (art. 4 LEx-GE).
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Le Grand Conseil statue sur l'opposition, en tant qu'elle porte sur l'utilité du projet (art. 29 al. 2 LEx-GE). Lorsque l'utilité publique a été constatée par le Grand Conseil, le Conseil d'Etat décrète l'expropriation des immeubles et des droits dont la cession est nécessaire à l'exécution de l'ouvrage projeté (art. 30 LEx-GE). Dans le cadre du recours (à la chambre administrative de la Cour de justice) contre l'arrêté du Conseil d'Etat, le recourant peut faire valoir des griefs portant sur l'utilité publique du projet (art. 62 LEx-GE).
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Le Tribunal administratif de première instance (ci-après: le TAPI) est ensuite l'autorité compétente pour fixer les indemnités d'expropriation et, de manière générale, pour statuer sur toute contestation relative à l'expropriation (art. 43 al. 1 LEx-GE).
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3.2. Il ressort de ce qui précède que, dans le canton de Genève, la procédure d'expropriation comporte deux phases distinctes: la première concerne l'exercice du droit d'expropriation (cf. titre I et III de la loi: droit d'expropriation et mesures préalables à l'expropriation) et la seconde l'indemnisation (cf. titre II et IV de la loi: indemnités et procédure devant le TAPI). La première phase elle-même se déroule en deux étapes, à savoir la constatation de l'utilité publique du projet par le Grand Conseil, suivie de l'arrêté du Conseil d'Etat décrétant l'expropriation (cf. art. 30 LEx-GE). D'après le système légal genevois, la constatation de l'utilité publique du projet ne peut pas être attaquée séparément et ne met donc pas fin à la procédure au sens de l'art. 90 LTF. La loi 11123 constitue dès lors une décision incidente, qui peut être attaquée en même temps que l'arrêté du Conseil d'Etat décrétant l'expropriation.
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3.3. L'art. 93 al. 1 let. b LTF est manifestement inapplicable, car il n'apparaît pas que l'admission du recours permettrait d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.
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On ne voit pas non plus quel préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF pourrait subir le recourant. Ce préjudice est en effet un dommage qui ne peut être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable au recourant (ATF 136 II 165 consid. 1.2.1 p. 170; 134 III 188 consid. 2.1 p. 190 et les références). Or l'intéressé pourra faire valoir ses éventuels griefs relatifs à l'utilité publique du PLQ au prochain stade de la procédure, contre l'arrêté du Conseil d'Etat décrétant l'expropriation de ses servitudes.
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Partant, le présent recours est également irrecevable sous l'angle de l'art. 93 al. 1 LTF.
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4. Au vu de ce qui précède, le recours doit être déclaré irrecevable, aux frais du recourant qui succombe (art. 65 et 66 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: |
1. Le recours est irrecevable.
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2. Les frais judiciaires, fixés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
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3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant et au Grand Conseil du canton de Genève.
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Lausanne, le 4 mars 2014
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président: Fonjallaz
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La Greffière: Mabillard
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