BGer 4A_120/2014
 
BGer 4A_120/2014 vom 19.05.2014
{T 0/2}
4A_120/2014
 
Arrêt du 19 mai 2014
 
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Klett, présidente,
Kolly, Hohl, Kiss et Niquille.
Greffier: M. Ramelet.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me César Montalto, avocat,
recourante,
contre
1. B.________,
2. C.________,
tous deux représentés par Me Alain Dubuis, avocat,
intimés.
Objet
bail à loyer, contestation du congé, théorie de la réception,
recours contre l'arrêt rendu le 13 décembre 2013 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
 
Faits:
A. Par contrat du 11 mars 2009, B.________ et C.________ ont remis à bail à A.________, pour un loyer mensuel net de 1'300 fr., un appartement de trois pièces au premier étage de leur bâtiment sis à X.________, dans lequel ils habitent également; trois autres locaux étaient mis à disposition de la locataire à titre gratuit et à bien plaire. Conclu pour une durée initiale d'un an, soit du 1er avril 2009 au 31 mars 2010, le bail se renouvelait de six mois en six mois, sauf avis de résiliation donné et reçu au moins deux mois à l'avance pour la prochaine échéance.
Utilisant la formule officielle, dans sa version du 8 novembre 2007, qu'ils ont envoyée par pli recommandé du 11 janvier 2012, les bailleurs ont communiqué à leur locataire la résiliation pour l'échéance contractuelle du 31 mars 2012.
Le pli recommandé n'ayant pas pu être remis en mains de la locataire, l'agent postal a déposé le 12 janvier 2012, dans la boîte aux lettres de celle-ci, une invitation à retirer un envoi, dès le 13 janvier 2012, au bureau de poste de Palézieux. La locataire a retiré le pli recommandé au guichet de la poste le 18 janvier 2012.
Le 27 janvier 2012, la locataire a demandé que le congé soit motivé, ce dont les bailleurs se sont acquittés le 10 février 2012.
B. 
B.a. Le 17 févier 2012, la locataire a saisi la Commission de conciliation en matière de baux à loyers du district de Lavaux-Oron, concluant, notamment, à ce que le congé qui lui a été signifié soit déclaré nul, subsidiairement annulé. Lors de son audience du 28 mars 2012, ladite commission a constaté l'échec de la conciliation et délivré une autorisation de procéder à la locataire.
Le 30 avril 2012, A.________ (demanderesse) a requis le Tribunal des baux du canton de Vaud notamment de déclarer nul le congé qui lui a été donné, subsidiairement de l'annuler (chef de conclusions I). Par décision du 10 septembre 2012, le Tribunal des baux a décidé d'instruire et de statuer séparément sur ce chef de conclusions, soit la question de la nullité du congé et, le cas échéant, celle de la validité de la contestation de ce congé.
B.b. Un premier jugement séparé du Tribunal des baux du 10 septembre 2012 constatant la nullité du congé a été annulé par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud dans un arrêt rendu le 4 mars 2013. La cour cantonale a considéré que le congé - bien que notifié sur une formule officielle périmée - était valable et a renvoyé la cause au Tribunal des baux pour qu'il examine s'il s'agissait d'un congé de représailles, relevant qu'il appartiendrait à cette autorité, dans ce cadre, d'examiner préalablement si la locataire avait saisi en temps utile la commission de conciliation de sa contestation du congé.
Le Tribunal des baux a rendu un nouveau jugement séparé le 10 juillet 2013, déclarant irrecevable le chef de conclusions I de la locataire dans la mesure où il tendait à l'annulation de la résiliation. Appliquant la théorie de la réception absolue au délai de 30 jours de l'art. 273 al. 1 CO, il a considéré que la demanderesse n'avait pas contesté le congé en temps utile.
Par arrêt du 13 décembre 2013, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel de la locataire et confirmé le jugement attaqué.
C. A.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 13 décembre 2013. Elle conclut principalement à la constatation de la nullité du congé (au motif qu'il a été donné sur une ancienne formule, non valable), subsidiairement à ce que soit déclaré recevable son chef de conclusions I (au motif que le délai de 30 jours de l'art. 273 al. 1 CO a été respecté) et, plus subsidiairement encore, à ce que cet arrêt soit annulé.
La recourante requiert l'octroi de l'effet suspensif. Elle expose que, le 30 janvier 2014, les bailleurs ont déposé devant le Président du Tribunal des baux une requête d'expulsion à son encontre selon la procédure de protection des cas clairs et que les parties ont été citées à comparaître le 5 mars 2014.
Par ordonnance du 26 février 2014, la Présidente de la Ire Cour de droit civil a suspendu, à titre superprovisionnel, toute mesure d'exécution de la décision attaquée jusqu'à décision sur la requête d'effet suspensif déposée par la locataire.
Les intimés proposent le rejet du recours.
Chaque partie a encore adressé un bref courrier, respectivement les 4 et 9 avril 2014. 
 
Considérant en droit:
 
1.
1.1. Interjeté, en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), par la partie demanderesse qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 LTF), contre une décision partielle (art. 91 LTF) prise en matière de bail à loyer (art. 72 al. 1 LTF) dans une cause dont la valeur litigieuse dépasse 15'000 fr. (arrêt 4A_634/2009 du 3 mars 2010 consid. 1.1 et les arrêts cités) et rendue sur appel par le tribunal supérieur du canton (art. 75 LTF), le recours en matière civile est recevable.
La recourante se trompe lorsqu'elle considère que l'arrêt préjudiciel du 4 mars 2013 ne pouvait être entrepris à l'époque par la voie du recours en matière civile " ne constituant pas une décision finale au sens de l'art. 90 LTF ", puisqu'il pouvait l'être en vertu de l'art. 93 al. 1 let. b LTF, comme l'admettent les intimés. Néanmoins, dès l'instant où cet arrêt n'a pas été contesté, il peut faire l'objet du présent recours en même temps que la décision partielle, qui est de nature finale (art. 93 al. 3 LTF).
1.2. Il n'y a donc pas lieu de compléter l'état de fait, comme le croit à tort la recourante, tous les faits pertinents relatifs à la prétendue nullité du congé ressortant de la décision préjudicielle du 4 mars 2013.
2. Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est pas limité par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été articulés ou, à l'inverse, rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 135 III 397 consid. 1.4).
3. Dans son arrêt préjudiciel du 4 mars 2013, la cour cantonale a nié que la résiliation du bail soit nulle, puis, dans son arrêt partiel du 13 décembre 2013, elle a considéré que l'action en contestation du congé a été ouverte tardivement, ce qui l'a conduite à confirmer l'irrecevabilité de l'action introduite par la locataire.
3.1. Le Tribunal des baux a considéré que la formule utilisée par les bailleurs pour signifier le congé à la locataire était périmée, qu'elle n'était pas donc conforme aux exigences de l'art. 9 OBLF (RS 221.213.11) et qu'elle était nulle (art. 266 l al. 2 CO) puisqu'elle n'indiquait pas correctement la procédure de conciliation applicable à la contestation du congé, l'art. 273 CO ayant subi des modifications - non anodines - à la suite de l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2011, du Code fédéral de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC; RS 272).
En revanche, la cour cantonale, dans l'arrêt préjudiciel susrappelé, a considéré que l'ancienne formule officielle utilisée pouvait être admise si elle respectait les réquisits fixés par l'art. 9 al. 1 OBLF. Comme le but de cette disposition légale est d'orienter le locataire sur ses droits, il suffit donc que ce dernier dispose des informations lui permettant de saisir l'autorité de conciliation compétente pour éviter que ses droits ne soient périmés. Or, en l'espèce, la formule périmée utilisée donnait à cet égard des informations de manière suffisamment claire; en effet, la locataire était informée des délais impartis pour contester le congé et de l'autorité auprès de laquelle elle devait agir, les modifications de l'art. 273 al. 4 et 5 CO apportées par le CPC ne concernant que la procédure applicable devant l'autorité de conciliation et le pouvoir décisionnel de celle-ci.
En outre, l'autorité cantonale a jugé que la locataire, agissant par l'intermédiaire d'un mandataire professionnel, a saisi à temps et dans les formes la Commission de conciliation, sans se prévaloir du vice de la formule utilisée. D'ailleurs, son mandataire ne pouvait ignorer les nouvelles règles de procédure. En conséquence, elle ne saurait se prévaloir, devant le juge du fond, du caractère vicié de la formule utilisée, sauf à commettre un abus de droit.
La cour cantonale en a donc conclu que, même si l'usage de la formule adéquate devait être impérativement la règle, ce serait faire preuve, dans le cas d'espèce et en dépit du domaine concerné, de formalisme excessif que de considérer que le congé signifié à la locataire serait nul pour avoir été notifié par le biais d'une formule officielle périmée. Partant, elle a admis que la résiliation du bail était valable.
3.2. En ce qui concerne le respect du délai de 30 jours de l'art. 273 al. 1 CO pour ouvrir action en contestation du congé, la cour cantonale, dans l'arrêt partiel du 13 décembre 2013, s'est pliée à la jurisprudence publiée à l'ATF 137 III 208 consid. 3.1.2 et a appliqué la théorie de la réception absolue: ainsi, lorsque l'agent postal n'a pas pu remettre le pli recommandé à son destinataire ou à un tiers autorisé et qu'un avis de retrait a été laissé dans sa boîte aux lettres ou sa case postale, la communication est reçue dès que le destinataire est en mesure d'en prendre connaissance au bureau de la poste selon l'avis de retrait, soit en règle générale le lendemain du dépôt de l'avis de retrait. En matière de bail, il n'est dérogé à la théorie de la réception absolue que dans deux cas, soit pour la communication de l'avis de majoration du loyer au sens de l'art. 269d CO et pour celle de la sommation de payer selon l'art. 257d CO. La cour cantonale a toutefois regretté que le Tribunal fédéral, dans l'arrêt 4A_471/2013 qu'il a rendu le 11 novembre 2013 à propos du délai de l'art. 273 al. 2 let. a CO, n'ait guère discuté la solution contraire qu'elle avait adoptée dans cette affaire en s'appuyant sur la doctrine majoritaire, à savoir la théorie de la réception relative. En l'espèce, a poursuivi la cour cantonale, l'avis de retrait de la lettre de congé ayant été déposé dans la boîte aux lettres de la locataire le 12 janvier 2012 ( 
3.3. La recourante s'en prend à titre principal à la validité formelle du congé tranchée dans le premier de ces arrêts (cf. consid. 4 ci-dessous) et, à titre subsidiaire, au respect du délai d'ouverture d'action examiné dans le second (cf. consid. 5 ci-dessous).
4. A titre principal, la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir violé les art. 266 l al. 2 CO et 9 al. 1 OBLF en refusant de constater, dans son arrêt préjudiciel du 4 mars 2013, la nullité du congé qui lui a été signifié sur une ancienne formule officielle, datant de 2007.
4.1. Aux termes de l'art. 266 l al. 2 CO, le bailleur doit donner le congé en utilisant une formule agréée par le canton et qui indique au locataire la manière dont il doit procéder s'il entend contester le congé ou demander la prolongation du bail. L'inobservation de cette condition entraîne la nullité du congé (art. 266 o CO). Cette nullité peut être invoquée en tout temps, à n'importe quel stade de la procédure, et le juge doit la relever d'office (ATF 115 II 361 consid. 4c; arrêt 4C.219/1993 du 4 janvier 1994 consid. 2, in SJ 1994 p. 376), l'abus de droit étant réservé (art. 2 al. 2 CC).
La formule officielle exigée par l'art. 266 l al. 2 CO a pour but, comme cela résulte du texte de cette disposition, d'informer le locataire de son droit de contester le congé et/ou de demander la prolongation du bail. Son contenu est précisé par l'art. 9 al. 1 OBLF. En particulier, en vertu de la let. d de cette disposition, qui reprend le texte même de l'art. 266 l al. 2 CO, la formule doit indiquer les conditions légales dans lesquelles le locataire peut contester le congé et demander la prolongation du bail (art. 271 à 273 CO).
La formule officielle utilisée pour la signification d'un congé doit bien évidemment être celle qui est en vigueur à ce moment-là. Si une ancienne formule agréée a été employée, il y a lieu de déterminer les conséquences de cette irrégularité en fonction du but visé par l'obligation d'user de la formule officielle en vigueur (cf., à propos de la formule officielle pour la notification du loyer initial, ATF 137 III 547 consid. 2.3; 121 III 56 consid. 2c). En effet, sous peine de tomber dans le formalisme excessif, l'ancienne formule agréée ne doit entraîner la nullité du congé que si elle ne contient pas les mêmes informations que la formule actuelle, en tant qu'elles sont exigées par l'art. 266 l al. 2 CO et l'art. 9 al. 1 OBLF (à propos de l'utilisation d'une ancienne formule de hausse de loyer, cf. arrêt 4C.457/1996 du 24 mars 1997 consid. 2b; semblant admettre une formule officielle agréée d'un autre canton, cf. ATF 121 III 214 consid. 3b in fine p. 218).
4.2. En l'espèce, il est constant que, à la suite de l'entrée en vigueur du CPC, le canton de Vaud a adopté le 18 janvier 2011 une nouvelle formule officielle pour la notification de la résiliation du bail, laquelle annule et remplace, dès sa publication le 25 janvier 2011, l'ancienne formule datant du 8 novembre 2007. Pour leur signification du congé du 11 janvier 2012, soit une année plus tard, les bailleurs auraient donc dû utiliser la nouvelle formule.
Reste à rechercher quelle conséquence doit être attachée en l'espèce au fait que les bailleurs ont utilisé l'ancienne formule, datant de 2007. Dès lors qu'en vertu des art. 266 l al. 2 CO et 9 al. 1 let. d OBLF, l'utilisation de la formule a pour but de permettre au locataire de savoir comment il doit procéder et à qui il doit s'adresser s'il veut contester le congé, respectivement demander la prolongation du bail, et qu'en l'occurrence, la locataire a effectivement été mise en mesure de le faire aussi bien que si elle avait reçu notification du congé sur la nouvelle formule, il y a lieu d'admettre, sauf à tomber dans le formalisme excessif, que le congé signifié en utilisant l'ancienne formule agréée par le canton est valable. En effet, les al. 1 à 3 de l'art. 273 CO n'ont pas été modifiés lors de l'entrée en vigueur du CPC.
4.3. Contrairement à ce que soutient la recourante, on ne voit pas pourquoi la prohibition du formalisme excessif, déduit de l'art. 29 al. 1 Cst., devrait s'appliquer différemment en droit du bail que dans d'autres branches du droit. Il n'y a pas non plus atteinte à la sécurité du droit lorsque le juge admet dans un cas d'espèce, pour cause de formalisme excessif, la validité de la signification d'un congé communiqué sur une ancienne formule. Et il n'apparaît pas que, ce faisant, le juge civil se " (substitue) à l'autorité administrative pour examiner si une formule mérite ou non d'être agréée". En tant qu'elle soutient que la formule par laquelle le congé lui a été notifié aurait dû impérativement contenir les indications quant à la procédure devant l'autorité de conciliation et la suite de celle-ci, conformément aux nouveaux alinéas 4 et 5 de l'art. 273 CO (modifiés lors de l'entrée en vigueur du CPC), la recourante méconnaît que ces indications ne sont pas exigées par l'art. 266 l al. 2 CO; si l'art. 9 al. 1 let. d OBLF, qui reprend l'art. 266 l al. 2 CO, mentionne, en fin de phrase, les art. 271 à 273 CO entre parenthèses, cela ne signifie pas encore que tout le contenu de ces dispositions doive y figurer. Le rôle de la formule est, comme on l'a vu, de donner au locataire les renseignements nécessaires pour lui permettre de contester le congé (respectivement de demander la prolongation du bail), en lui indiquant en particulier à qui il doit s'adresser pour le faire et dans quel délai. De ce point de vue, le déroulement de la procédure devant l'autorité de conciliation et la suite de celle-ci sont sans incidence; leur omission n'empêche pas le locataire de sauvegarder ses droits. En tant qu'elle insiste sur le fait que la formule devrait donner toutes les informations sur l'entier de la procédure, et non seulement celles nécessaires à sauvegarder ses intérêts, la recourante pose des exigences qui excèdent l'art. 266 l al. 2 CO.
Le sort de la résiliation est ainsi scellé. Les considérations supplémentaires émises par la cour cantonale, portant sur le fait que la recourante était assistée d'un mandataire professionnel, qui devait connaître les nouvelles règles de procédure, et sur le fait que le grief de la nullité du congé pour défaut d'utilisation de la formule en vigueur serait tardif puisqu'elle ne l'avait pas soulevé devant l'autorité de conciliation, n'ont pas à être examinées.
5. Le congé étant formellement valable, il s'impose d'examiner désormais la question du point de départ du délai de 30 jours pour ouvrir l'action en contestation du congé conformément à l'art. 273 al. 1 CO. Selon la cour cantonale, la théorie de la réception absolue doit s'appliquer, alors que, pour la recourante, la théorie de la réception relative doit avoir le pas.
5.1. Aux termes de l'art. 273 al. 1 CO, la partie qui veut contester le congé doit saisir l'autorité de conciliation dans les 30 jours qui suivent la réception du congé.
Dans l'ATF 137 III 208, rendu à propos du délai de congé extraordinaire fondé sur l'art. 261 al. 2 let. a CO, le Tribunal fédéral a examiné en détail la question de la réception de la résiliation du bail, point de départ pour le calcul de ce délai de droit matériel fixé par le Code des obligations. Il a confirmé que, lorsqu'un délai de droit matériel court à partir de la communication d'une manifestation de volonté, il faut appliquer la théorie de la réception absolue: le point de départ du délai correspond au moment où la manifestation de volonté est parvenue dans la sphère d'influence (Machtbereich) du destinataire ou de son représentant, de telle sorte qu'en organisant normalement ses affaires celui-ci soit à même d'en prendre connaissance. Ainsi, en particulier, lorsque l'agent postal n'a pas pu remettre le pli recommandé à son destinataire ou à un tiers autorisé à en prendre livraison et qu'il laisse un avis de retrait dans sa boîte aux lettres ou sa case postale, le pli est reçu dès que le destinataire est en mesure d'en prendre connaissance au bureau de la poste selon l'avis de retrait; il s'agit soit du jour même où l'avis de retrait est déposé dans la boîte aux lettres si l'on peut attendre du destinataire qu'il le retire aussitôt, sinon en règle générale le lendemain de ce jour. Le Tribunal fédéral a relevé qu'il s'agit là d'une conception approuvée par la doctrine majoritaire (consid. 3.1.2).
Ce n'est que dans deux cas en matière de bail que la jurisprudence déroge à la théorie de la réception absolue et retient la théorie de la réception relative qui est applicable aux délais de procédure, à savoir pour la communication de l'avis de majoration du loyer au sens de l'art. 269d CO et pour celle de la sommation de payer de l'art. 257d al. 1 CO. Dans ces deux cas, si le courrier recommandé ne peut pas être remis directement au destinataire (ou à une personne autorisée par celui-ci) et qu'un avis de retrait mentionnant le délai de garde postal a été mis dans sa boîte aux lettres ou sa case postale, l'acte est reçu au moment où le destinataire le retire effectivement au guichet de la poste ou, à supposer qu'il ne soit pas retiré dans le délai de garde de sept jours, le septième et dernier jour de ce délai. Le Tribunal fédéral n'a pas ignoré que certains auteurs préconisent d'appliquer la théorie de la réception relative également à d'autres actes du droit du bail, mais il a considéré que cette opinion ne convainc pas. Les considérations particulières qui valent pour ces deux cas (délai de réflexion, délai de paiement) ne se justifient pas pour d'autres. Le Tribunal fédéral a également considéré que le système de la réception absolue tient compte de manière équitable des intérêts antagonistes des deux parties: l'expéditeur supporte le risque de la transmission du pli jusqu'à ce qu'il parvienne dans la sphère d'influence du destinataire alors que celui-ci supporte le risque, à l'intérieur de sa sphère d'influence, d'en prendre connaissance tardivement ou de ne pas en prendre connaissance. Il a estimé qu'il n'y a aucun motif objectif sérieux de changer la jurisprudence, appuyée par de très nombreux auteurs (consid. 3.1.3).
Dans l'arrêt 4A_471/2013 du 11 novembre 2013, dans une motivation certes subsidiaire, le Tribunal fédéral a confirmé les principes développés dans l'ATF 137 III 208 et a jugé que la théorie de la réception absolue s'applique au point de départ du délai de 30 jours imparti au locataire pour saisir l'autorité de conciliation d'une demande de prolongation du bail conformément à l'art. 273 al. 2 let. a CO, dès lors qu'il s'agit d'un délai de droit matériel soumis au Code des obligations.
5.2. La recourante ne disconvient pas que la théorie de la réception absolue s'applique dans le cadre de la réception de la résiliation selon l'art. 261 al. 2 let. a CO (ATF 137 III 208), car il s'agit là d'un délai de droit matériel. Mais elle soutient que cette théorie ne s'appliquerait pas en matière de réception du congé faisant courir le délai de 30 jours de l'art. 273 al. 1 CO pour l'attaquer, du moment qu'il s'agirait, selon elle, d'un délai de droit procédural, auquel il y aurait lieu d'appliquer par
analogie les mêmes règles que pour l'avis de majoration de loyer et la sommation de payer.
Cette critique repose sur une conception erronée de la nature du délai de l'art. 273 al. 1 CO. En effet, tous les délais dans lesquels une action doit être introduite en justice sont des délais d'ouverture d'action; ils sont fixés par le CC ou le CO (ou d'autres lois spéciales) et sont donc des délais de droit matériel. Il s'agit soit de délais de prescription, soit de délais de péremption ( FABIENNE HOHL, Procédure civile, Tome I, ch. 147 ss p. 47 ss). Ces délais courent dès le jour déterminé par la règle de droit matériel qui les fixe, à savoir dès la survenance d'un événement (art. 60 al. 1, 130 al. 1, 706a al. 1 CO) ou dès la réception d'une manifestation de volonté, comme la résiliation du bail ( HOHL, Procédure civile, Tome II, éd. 2010, ch. 913 ss p. 170 ss et ch. 911 p. 170). Le principe de la réception (absolue) s'applique ( HOHL, op. cit., Tome II, ch. 922 ss p. 172); la jurisprudence n'a admis que deux exceptions à cette règle, en matière de bail - et, partant, appliqué la théorie de la réception relative -, à savoir pour la communication de l'avis de majoration de loyer et pour la sommation de payer de l'art. 257d al. 1 CO ( HOHL, op. cit., Tome II, ch. 927 ss p. 173 s.).
Contrairement à ce que croit la recourante, le délai d'ouverture d'action de l'art. 273 al. 1 CO est bien, par nature, un délai de droit matériel fédéral, et non un délai procédural. Il est donc soumis à la théorie de la réception absolue. La recourante se réfère certes à plusieurs auteurs qui préconisent l'application de la théorie de la réception relative à d'autres cas encore, mais elle n'en tire aucune argumentation qui viendrait remettre en cause les motifs exposés par le Tribunal fédéral dans l'ATF 137 III 208. Il ne se justifie donc pas de soumettre la jurisprudence à un nouvel examen.
En tant que la recourante fait valoir que le bailleur pourrait profiter de l'absence ou de l'indisponibilité du locataire pour lui notifier le congé, la recourante méconnaît que, selon la jurisprudence, en droit matériel, la communication est considérée comme non avenue si l'auteur de l'envoi sait que le destinataire est en vacances ou absent ( HOHL, op. cit., Tome II, ch. 926 p. 172 avec référence à l'arrêt 4P.307/1999 du 5 avril 2000 consid. 3).
5.3. Se prévalant de sa bonne foi (art. 5 al. 3 et 9 Cst.), la recourante invoque que la jurisprudence n'avait pas tranché la question de la réception en relation avec le délai de l'art. 273 CO avant qu'elle ne saisisse la Commission de conciliation et que la cour cantonale elle-même voulait appliquer la théorie de la réception relative. Elle reproche à celle-ci d'avoir adopté la théorie de la réception absolue sous l'impulsion de ce qui n'était qu'un obiter dictum dans l'arrêt 4A_471/2013. Elle relève que cet arrêt a déjà suscité des critiques de la part de FRANÇOIS BOHNETet THOMAS KOLLER, qui tous deux s'interrogent sur la présence d'un tel obiter dictum, et contestent l'application de la théorie de la réception absolue au délai de l'art. 273 al. 1 CO. Elle estime devoir être protégée dans le texte clair de la formule officielle qui fait courir le délai dès la réception et dans le fait que la théorie de la réception absolue ne découle ni du texte de l'art. 273 al. 1 CO, ni, de manière claire, d'aucune jurisprudence.
Le problème de la recourante vient de ce qu'elle ne qualifie pas correctement la nature du délai en jeu et ignore quelle loi s'y applique. Or, il s'agit d'un délai d'ouverture d'action, de péremption, fixé par le droit matériel fédéral (l'art. 273 al. 1 CO) et, partant, soumis aux règles du droit des obligations. Cette qualification et ses conséquences ne sont pas nouvelles, mais bien connues, contrairement à ce que pensent également certains auteurs: le délai de péremption du droit matériel de l'art. 273 al. 1 CO est un délai dont l'inobservation entraîne la perte du droit ( HOHL, op. cit., Tome II, ch. 1352-1353 p. 248). La recourante ne saurait tirer argument des deux exceptions faites en matière de bail pour en déduire que tous les délais d'ouverture d'action devraient désormais être soumis au régime des délais de procédure et, de ce fait, à la théorie de la réception relative. Comme l'a relevé le Tribunal fédéral dans l'arrêt de principe publié à l'ATF 137 III 208, en matière de délais de droit matériel, il y a lieu de tenir compte de manière équitable des intérêts antagonistes des deux parties. Une telle pondération ne s'impose pas lorsqu'il s'agit d'un délai de procédure: le tribunal n'a, en effet, pas un intérêt propre à ce que le moment de la réception soit fixé le plus tôt possible, alors que le particulier a un intérêt à ce que la communication soit la plus rapide possible et l'on peut normalement exiger du destinataire qu'il prenne connaissance d'une lettre recommandée dès qu'il reçoit l'avis de retrait ( HOHL, op. cit., Tome II, ch. 925 p. 172).
Lorsque les règles légales pondèrent ainsi les intérêts respectifs de l'expéditeur et du destinataire, qui sont des personnes privées, il n'y a pas place pour une application du principe de la bonne foi dans les actes de l'autorité. Il n'y a pas non plus de changement de jurisprudence, qui ne pourrait être effectif sans avertissement préalable. Comme on l'a vu, en dépit des critiques évoquées par la recourante et de l'hésitation manifestée par la cour cantonale, la jurisprudence est constante et il ne se justifie pas de la revoir. Il y va d'ailleurs de la sécurité du droit. Quant au texte de la formule officielle, il ne permet aucune interprétation dans le sens voulu par la recourante.
5.4. Sous le titre d'égalité de traitement, la recourante fait valoir que la poste offre différents services (prolongation du délai de retrait, deuxième présentation, réexpédition), " laissant miroiter certaines souplesses ". Outre qu'il s'agit là de considérations toutes générales, elles n'ont aucune pertinence pour la problématique du respect des délais légaux. Il en va de même lorsque la recourante invoque l'inégalité de traitement entre celui qui pourrait retirer le pli le jour même du dépôt de l'avis de retrait et celui qui ne le pourrait que le lendemain. Il ne peut non plus être entré en matière sur les assertions de la recourante relatives à l'évolution des modes de vie de la population, qui empêcheraient les pendulaires d'aller à la poste avant le samedi; de toute manière, une telle circonstance n'est pas établie en ce qui concerne la recourante.
Enfin, en tant qu'elle soutient qu'il y a inégalité de traitement à ne pas traiter le délai de l'art. 273 al. 1 CO de la même manière que les délais pour résilier le bail après un avis de hausse de loyer ou pour payer un arriéré, la recourante reprend sous une autre forme son grief de violation du droit fédéral, qui a déjà été traité (cf. consid. 5.2. ci-dessus).
6. En conclusion, c'est à raison que la cour cantonale a constaté que le congé a été valablement signifié et que la locataire a ouvert action en contestation du congé tardivement, de sorte que son action est irrecevable. Le recours doit donc être rejeté dans la mesure où il est recevable, aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF). La recourante, qui succombe, doit également être condamnée au paiement des dépens des intimés, créanciers solidaires (art. 68 al. 1 et 2 LTF). La décision sur le fond rend sans objet la requête d'effet suspensif. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3. La recourante versera aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens. 
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour d'appel civile.
Lausanne, le 19 mai 2014
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Klett
Le Greffier: Ramelet