BGer 2C_763/2014
 
BGer 2C_763/2014 vom 23.01.2015
2C_763/2014
{T 0/2}
 
Arrêt du 23 janvier 2015
 
IIe Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Zünd, Président,
Donzallaz et Stadelmann.
Greffier: M. Tissot-Daguette.
Participants à la procédure
X.________,
représentée par le Centre Social Protestant - Vaud,
recourante,
contre
Service de la population du canton de Vaud.
Objet
Refus de prolongation d'une autorisation de séjour et renvoi de Suisse,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 19 août 2014.
 
Faits :
A. X.________, ressortissante biélorusse née en 1974, a effectué un premier séjour en Suisse de septembre 2002 à juin 2003, au bénéfice d'autorisations de courte durée pour exercer l'activité de danseuse de cabaret. Une autorisation de séjour lui a été refusée en septembre 2003 et l'intéressée a quitté la Suisse.
B. Le 16 avril 2013, le Service de la population a refusé de prolonger l'autorisation de séjour de l'intéressée et prononcé son renvoi de Suisse. Il a considéré que la dépendance à l'aide sociale et les antécédents pénaux justifiaient une telle décision. X.________ a contesté ce prononcé auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal).
C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________ demande en substance au Tribunal fédéral, outre l'assistance judiciaire et l'effet suspensif, d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal du 19 août 2014 et de lui octroyer une autorisation de séjour. Elle se plaint de violation du droit fédéral et de l'art. 8 CEDH.
 
Considérant en droit :
1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF). Il contrôle donc librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 138 I 367 consid. 1 p. 369).
1.1. D'après l'art. 83 let. c ch. 2 LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable à l'encontre des décisions en matière de droit des étrangers qui concernent une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit. Il suffit toutefois qu'il existe un droit potentiel à l'autorisation, étayé par une motivation soutenable, pour que cette clause d'exclusion ne s'applique pas et que, partant, la voie du recours en matière de droit public soit ouverte. La question de savoir si les conditions d'un tel droit sont effectivement réunies relève du fond (ATF 136 II 177 consid. 1.1 p. 179). En l'occurrence, du moment que la recourante a divorcé d'un ressortissant suisse et a été victime de violences conjugales, l'art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEtr (RS 142.20) est potentiellement de nature à lui conférer un droit à une autorisation de séjour, de sorte que, s'agissant d'une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), la voie du recours en matière de droit public est ouverte.
1.2. Pour le surplus, l'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). Le recours ayant de surcroît été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF), par la recourante qui est atteinte par la décision entreprise et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification, de sorte qu'il faut lui reconnaître la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF), il est partant recevable.
2. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF). Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF), ce que la partie recourante doit démontrer d'une manière circonstanciée, conformément aux exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254 s.). La notion de "manifestement inexacte" correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 136 II 447 consid. 2.1 p. 450).
3. La recourante invoque une violation des art. 50 et 62 LEtr ainsi que de l'art. 8 CEDH. Selon elle, le refus de prolonger son autorisation de séjour sur la base de l'art. 62 let. e LEtr, alors qu'elle remplit les conditions de l'art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEtr, constitue une violation du droit fédéral. Elle explique que cette dernière disposition viendrait à perdre toute portée s'il suffisait que les conditions de l'art. 62 LEtr soient remplies. Par ailleurs, elle est d'avis que ce refus viole le droit au respect de sa vie privée, garanti par l'art. 8 CEDH.
4. 
4.1. En vertu de l'art. 42 al. 1 LEtr, le conjoint d'un ressortissant suisse a droit à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité à condition de vivre en ménage commun avec lui. D'après l'art. 50 al. 1 LEtr, après dissolution de la famille, le droit du conjoint à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité en vertu des art. 42 et 43 LEtr subsiste lorsque l'union conjugale a duré au moins trois ans et l'intégration est réussie, ou que la poursuite du séjour en Suisse s'impose pour des raisons personnelles majeures. Selon l'art. 50 al. 2 LEtr, il est notamment question de telles raisons personnelles majeures lorsque le conjoint est victime de violence conjugale (cf. ATF 138 II 393 consid. 3.1 p. 394 s.).
4.2. Toutefois, à teneur de l'art. 51 al. 2 let. b LEtr, les droits prévus aux art. 43, 48 et 50 LEtr s'éteignent s'il existe des motifs de révocation au sens de l'art. 62 LEtr. Un tel motif existe en particulier lorsque l'étranger ou une personne dont il a la charge dépend de l'aide sociale (art. 62 let. e LEtr; arrêts 2C_117/2012 du 11 juin 2012 consid. 4.4.2; 2C_685/2010 du 30 juin 2011 consid. 2.1). Par conséquent, au contraire de ce qu'affirme la recourante, cette disposition prévoit clairement que l'art. 62 LEtr peut faire obstacle à l'art. 50 LEtr. Ainsi, ce n'est pas parce que la recourante a un droit à la prolongation de son autorisation de séjour fondé sur l'art. 50 LEtr qu'il n'existe pas de situation dans laquelle un refus de prolonger cette autorisation peut intervenir.
5. Il s'agit donc de déterminer si les conditions de l'art. 62 LEtr sont remplies en l'espèce. L'autorité précédente ayant admis un cas de dépendance à l'aide sociale fondé sur l'art. 62 let. e LEtr, c'est par l'examen de cette disposition particulière qu'il sera commencé.
5.1. L'art. 62 let. e LEtr dispose que l'autorité compétente peut révoquer une autorisation, à l'exception de l'autorisation d'établissement, ou une autre décision fondée sur la présente loi, lorsque l'étranger ou une personne dont il a la charge dépend de l'aide sociale. Cette disposition suppose qu'il existe un risque concret de dépendance de l'aide sociale, de simples préoccupations financières ne suffisant pas. Pour évaluer ce risque, il sied non seulement de tenir compte des circonstances actuelles, mais aussi de considérer l'évolution financière probable à plus long terme. Il convient en outre de tenir compte des capacités financières de tous les membres de la famille sur le plus long terme (cf. arrêts 2C_139/2013 du 11 juin 2013 consid. 6.2.4; 2C_685/2010 du 30 mai 2011 consid. 2.3.1).
5.2. En l'occurrence, le Tribunal cantonal a retenu, de manière à lier le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), que la recourante avait bénéficié périodiquement en 2006, puis de manière continue depuis le 1er mars 2009, de prestations de l'aide sociale. En septembre 2012, elle avait ainsi déjà bénéficié d'un montant total de 93'903 fr. 65. Cette situation doit certes être mise en relation avec ses problèmes de santé. Il n'en demeure pas moins que le Service de la population en a tenu compte puisqu'il a laissé le temps à la recourante de se rétablir en renouvelant son autorisation de séjour à deux reprises. Toutefois, comme le retient l'autorité précédente, depuis la séparation d'avec son mari, en 2009, et son abstinence à l'alcool, depuis fin 2010, la recourante n'arrive pas à atteindre une autonomie financière. Cette situation ne saurait en outre évoluer favorablement dès lors que la recourante, divorcée et sans enfant, ne travaille que de manière très irrégulière et restreinte, son emploi actuel se limitant à quelques heures par mois, et ne bénéficie d'aucune formation particulière. L'autorité précédente a d'ailleurs relevé que la recourante elle-même reconnaissait expressément ne pas pouvoir s'affranchir de l'aide sociale avec son activité. Au demeurant, celle-ci maintient ses déclarations à ce propos dans son mémoire de recours devant le Tribunal fédéral (ch. 12). Dans ces conditions, il existe un risque concret de dépendance à l'aide sociale, raison pour laquelle il convient de confirmer l'arrêt attaqué.
6. La recourante invoque encore l'art. 8 par. 1 CEDH et la protection de la vie privée pour prétendre à la prolongation de son autorisation de séjour.
6.1. Sous l'angle étroit de la protection de la vie privée, l'art. 8 CEDH n'ouvre le droit à une autorisation de séjour qu'à des conditions restrictives. L'étranger doit en effet établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire. Le Tribunal fédéral n'adopte pas une approche schématique qui consisterait à présumer, à partir d'une certaine durée de séjour en Suisse, que l'étranger y est enraciné et dispose de ce fait d'un droit de présence dans notre pays. Il procède bien plutôt à une pesée des intérêts en présence, en considérant la durée du séjour en Suisse comme un élément parmi d'autres (cf. ATF 130 II 281 consid. 3.2.1 p. 286).
6.2. Dans le cas particulier, la recourante ne se prévaut d'aucun lien social ou professionnel spécialement intense. En outre, rien dans l'arrêt attaqué ne permet de retenir l'existence de liens socio-professionnels qui dépasseraient ceux résultant d'une intégration normale. Son départ de Suisse ne la priverait pas d'une situation personnelle particulièrement enviable qu'elle aurait pu se créer dans le canton de Vaud. Contrairement à ce que la recourante semble penser, la durée de son séjour en Suisse n'est donc pas déterminante en l'espèce. Elle ne peut pas se prévaloir de l'art. 8 CEDH.
7. Selon la jurisprudence, le refus de l'autorisation, respectivement sa révocation ou sa prolongation, ne se justifie que si la pesée des intérêts à effectuer dans le cas d'espèce fait apparaître la mesure comme proportionnée aux circonstances (ATF 135 II 377 consid. 4.3 p. 381). Il convient donc de prendre en considération, dans la pesée des intérêts publics et privés en présence, le degré d'intégration de l'étranger respectivement la durée de son séjour en Suisse et le préjudice que l'intéressé et sa famille auraient à subir en raison de la mesure (cf. art. 96 al. 1 LEtr; ATF 139 II 121 consid. 6.5.1 p. 132; 135 II 377 consid. 4.3 p. 381).
8. Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. Le recours étant d'emblée manifestement dépourvu de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire est rejetée (art. 64 al. 1 LTF). La recourante doit supporter les frais judiciaires, lesquels seront réduits eu égard à sa situation économique (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté.
2. La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3. Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
4. Le présent arrêt est communiqué à la représentante de la recourante, au Service de la population et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, ainsi qu'au Secrétariat d'Etat aux migrations.
Lausanne, le 23 janvier 2015
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Zünd
Le Greffier : Tissot-Daguette