BGer 4A_285/2015 |
BGer 4A_285/2015 vom 22.09.2015 |
{T 0/2}
|
4A_285/2015
|
Arrêt du 22 septembre 2015 |
Ire Cour de droit civil |
Composition
|
Mmes les Juges fédérales Kiss, Présidente, Klett et Hohl.
|
Greffier : M. Piaget.
|
Participants à la procédure
|
A.________, représenté par Me Marc-Antoine Aubert,
|
recourant,
|
contre
|
B.________ SA (anciennement X.________ SA), représentée par Mes Jean-Christophe Diserens et Yvan Henzer,
|
intimée.
|
Objet
|
contrat de travail, salaire afférent aux vacances
|
(art. 329d al. 1 CO);
|
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour d'appel civile, du 23 décembre 2014.
|
Faits : |
A. |
A.a. Le 17 mai 1984, A.________ (ci-après: l'employé ou le courtier) a conclu un contrat de travail avec X.________ & Cie SA - aujourd'hui B.________ SA - (ci-après: l'employeur), société ayant pour but les opérations immobilières.
|
A.b. La rémunération du courtier se composait alors d'un salaire fixe brut mensuel (4'000 fr. dès le 1er janvier 2000) et de commissions liées aux opérations réalisées par son entremise.
|
A.c. D'importantes divergences de vues sont peu à peu apparues entre l'employé et l'administrateur directeur délégué de B.________ SA, qui ont finalement conduit au licenciement de l'employé le 14 mai 2007 (avec effet au 31 août 2007). Celui-ci a été libéré avec effet immédiat de son obligation de travailler durant le délai de congé.
|
B. Par demande du 19 février 2008, l'employé a conclu à ce que la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois constate la nullité de diverses clauses de concurrence auxquelles il était lié, à ce que l'employeur soit condamné à lui verser la somme de 743'038 fr. (total des divers postes énumérés ci-dessus let. A.c), avec intérêts à 5% l'an dès le 14 mai 2007, et à ce que l'employeur lui établisse un certificat de travail complet selon le texte fourni en cours d'instance.
|
C. L'employé exerce un recours en matière civile contre l'arrêt cantonal du 23 décembre 2014. Il conclut à l'admission du recours, à ce que l'arrêt entrepris soit réformé en ce sens que l'employeur lui doit la somme de 288'379 fr.20, intérêts en sus, sous suite de frais et dépens. Cette somme comprend le revenu auquel il prétend avoir droit pendant ses vacances (premier poste), ainsi que le salaire qui serait encore dû pendant le délai de congé (deuxième poste). L'employé invoque une fausse application de l'art. 329d CO, ainsi que l'arbitraire dans l'établissement des faits (art. 9 Cst.).
|
Considérant en droit : |
Erwägung 1 |
1.1. Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par le demandeur qui a succombé partiellement dans ses conclusions en paiement (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu sur recours par le tribunal supérieur du canton (art. 75 LTF) dans une contestation en matière de droit du travail dont la valeur litigieuse est supérieure à 15'000 fr. (art. 72 al. 1 et 74 al. 1 let. a LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions.
|
1.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
|
1.3. Le Tribunal fédéral applique d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal. Cela ne signifie pas que le Tribunal fédéral examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traite que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation ne soit manifeste (ATF 140 III 86 consid. 2; 133 III 545 consid. 2.2).
|
1.4. Devant la Cour de céans, le recourant a augmenté ses conclusions pour le deuxième poste, mais les a réduit pour le premier, la somme totale (288'379 fr.20) étant inférieure au montant réclamé devant l'autorité précédente pour ces deux postes, de sorte qu'il ne s'agit pas de conclusions nouvelles au sens de l'art. 99 al. 2 LTF (cf. ATF 123 III 115 consid. 6d p. 119; sous l'empire de la LTF: BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, no 39 ad art. 99 LTF).
|
2. La Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois, se prononçant sur le salaire afférent aux vacances (art. 329d al. 1 CO), a expliqué qu'il y avait en principe lieu, lorsque la rémunération est versée sous la forme de commissions, de calculer ce salaire en prenant en compte la moyenne réalisée durant les derniers mois de travail; il convenait toutefois - à la suite de la doctrine - de faire une exception (sous peine d'augmenter le salaire du travailleur de manière indue) lorsqu'une commission est calculée sur toutes les affaires conclues dans l'année de référence et que le versement d'une avance (correspondant à une part importante de la moyenne calculée périodiquement) est opéré lors de chaque terme de paiement, le règlement du solde se faisant à la fin de la période de référence. La cour cantonale relève que, dans cette hypothèse, l'employé reçoit effectivement une avance au moment où il doit financer son repos (vacances) et qu'il n'a donc aucun droit à un salaire supplémentaire.
|
Cela étant, la cour cantonale a retenu que les commissions de l'employé sur ses affaires personnelles, soit 15%, lui étaient versées tout au long de l'année, de sorte que l'employé n'était pas réduit à vivre pendant ses vacances sur son seul salaire de base (4'000 fr. par mois). Elle a aussi observé que l'employé a perçu de manière régulière des commissions conséquentes et non seulement sa part fixe et indiqué que, compte tenu des revenus particulièrement élevés de l'employé à partir des années 2000 (entre 254'121 fr. et 501'708 fr. annuellement), celui-ci était à l'évidence en mesure de financer ses vacances. Enfin, on ne saurait retenir, s'agissant de l'activité de courtier rémunérée en fonction du résultat, que ses revenus seraient proportionnels à son temps de travail (ce que soutenait l'employé).
|
3. En ce qui concerne le (premier) poste visant le salaire afférent aux vacances, l'employé considère que, par le simple fait qu'il ne travaillait pas pendant six semaines par année, il abattait un travail moins important et gagnait moins de commissions que s'il avait oeuvré 52 semaines par année (acte de recours p. 8). Il estime dès lors que, pour compenser un revenu " affecté par un repos annuel de six semaines ", la cour cantonale aurait dû considérer qu'il avait droit, pendant ses vacances, à un revenu calculé sur la moyenne de ses salaires annuels.
|
3.1. Pour permettre au travailleur de prendre du repos sans en être dissuadé par la perte de salaire, l'art. 329d al. 1 CO prévoit que le travailleur a droit à son salaire pendant les vacances qui lui sont dues. Il s'agit d'une règle relativement impérative à laquelle il ne peut pas être dérogé au détriment du travailleur (art. 362 al. 1 CO).
|
Erwägung 3.2 |
3.2.1. Il découle des considérations générales qui précèdent que, lorsque le salarié est payé en fonction du temps de travail (forme la plus courante de rémunération des salariés), le salaire afférent aux vacances est calculé au prorata de ce temps (ATF 129 III 664 consid. 7.3 p. 673).
|
3.2.2. Si le travailleur est payé exclusivement à la commission ou aux pièces, il s'agit en principe de calculer la partie de son salaire afférent aux vacances selon la méthode de calcul forfaitaire, soit en fonction de la moyenne des revenus réalisés durant les derniers mois de travail ou au cours d'une autre période appropriée (ATF 129 III 664 consid. 7.3 p. 674).
|
Erwägung 3.3 |
3.3.1. En l'occurrence, l'employé laisse entendre qu'il sollicite une rémunération représentant la contrepartie du travail qu'il aurait pu réaliser pendant ses vacances. Autrement dit, l'employeur aurait dû lui verser, pendant celles-ci, un montant supplémentaire (calculé en fonction de la moyenne de ses salaires annuels), au motif que, pendant son absence, il n'a pas pu commencer de nouvelles affaires qui, en fin d'exercice, auraient augmenté son revenu annuel s'il n'avait pas pris de vacances.
|
3.3.2. Quant à l'argument selon lequel l'employé ne recevait pas d'avances de salaire, mais des commissions calculées
|
4. L'employé critique la solution adoptée par les magistrats cantonaux concernant le salaire pendant le délai de congé (deuxième poste).
|
4.1. A cet égard, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur les premières critiques soulevées par l'employé sous l'angle de l'art. 9 Cst. (acte de recours p. 9 et 10 let. a et b in initio), celui-ci n'expliquant pas en quoi elles pourraient avoir une incidence sur le sort de la cause (cf. supra consid. 1.2). Quant au moyen tiré de la transgression du droit d'être entendu (acte de recours p. 10 let. b in fine), il n'est pas motivé conformément aux exigences strictes de l'art. 106 al. 2 LTF et il se révèle irrecevable.
|
4.2. Le recourant estime qu'il était insoutenable de se baser sur le montant de 269'514 fr. déterminé par l'expert, alors même que les pièces du dossier démentent ce chiffre.
|
L'employé se prévaut également, dans ce contexte, de la violation de l'interdiction de l'arbitraire dans la constatation des faits (art. 9 Cst.) (acte de recours p. 10 let. c). Force est ici d'observer que la cour cantonale doute de l'exhaustivité des décomptes de salaires de janvier à mai (la cour cantonale constate à cet égard que les décomptes " ne comprennent apparemment pas le remboursement de frais ") et, notamment pour cette raison, retient qu'il n'y a pas lieu de s'écarter des chiffres établis par l'expert.
|
4.3. Quant à la critique de l'employé visant (sous l'angle de la violation du droit d'être entendu, du formalisme excessif et de l'interdiction de l'arbitraire) le reproche de nature procédurale qui lui est fait par la cour cantonale (quant aux faits qu'il n'aurait pas allégués), elle vise une motivation subsidiaire de l'arrêt cantonal (" L'appelant ne saurait de toute manière se prévaloir d'un élément qu'il n'a pas allégué... "). La motivation principale de l'autorité précédente étant confirmée (cf. supra consid. 4.2), il n'y a pas lieu d'examiner la motivation subsidiaire.
|
5. Il résulte des considérations qui précèdent que le recours en matière civile de l'employé doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
|
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
|
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 6'500 fr. sont mis à la charge du recourant.
|
3. Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 7'500 fr. à titre de dépens.
|
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour d'appel civile.
|
Lausanne, le 22 septembre 2015
|
Au nom de la Ire Cour de droit civil
|
du Tribunal fédéral suisse
|
La Présidente : Kiss
|
Le Greffier : Piaget
|