BGer 4A_66/2015 |
BGer 4A_66/2015 vom 22.09.2015 |
{T 0/2}
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4A_66/2015 et 4A_82/2015
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Arrêt du 22 septembre 2015 |
Ire Cour de droit civil |
Composition
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M. et Mmes les Juges fédéraux Kiss, Présidente, Kolly et Hohl.
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Greffier : M. Piaget.
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Participants à la procédure
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1. A.________, représenté par Me Pierre Gabus,
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recourant,
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2. B.________, représenté par Me Michel Bergmann,
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recourant,
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contre
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C.________, représenté par Me Bernard Lachenal,
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intimé.
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Objet
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responsabilité médicale, dommage,
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recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, du 17 décembre 2014.
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Faits : |
A. |
A.a. Au bénéfice d'une formation de peintre-décorateur, C.________, né en 1967, a travaillé de 1993 à 2000 à Genève dans une entreprise spécialisée dans les patines et le stucco vénitien, la peinture à l'ancienne et d'autres travaux à base de chaux naturelle.
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Dès le mois de juin 2000, il a exploité sa propre entreprise de peinture, spécialisée notamment dans le stucco vénitien. Selon sa comptabilité et sa déclaration fiscale 2001-A, il a réalisé un chiffre d'affaires de 102'237 fr. et un bénéfice net de 73'830 fr. au cours des sept premiers mois d'activité, soit du 1er juin au 31 décembre 2000.
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A.b. Le 21 mai 2000, au cours d'un match de football, C.________ (ci-après également: le lésé) a subi une entorse du genou gauche, entraînant une déchirure du ligament croisé antérieur.
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A.c. C.________ n'a pas repris son activité professionnelle après l'intervention. A teneur de sa déclaration fiscale 2001-B, il n'a tiré aucun revenu de son activité durant l'année 2001. Il a en revanche bénéficié d'indemnités journalières et de prestations versées par les assureurs F.________ et SUVA.
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A.d. L'office cantonal AI, par décision du 24 septembre 2004, a octroyé au lésé une rente ordinaire entière avec effet rétroactif au 1er février 2002, calculée sur un revenu moyen de 78'492 fr., ainsi qu'une rente complémentaire pour son épouse et ses enfants. Pour déterminer ce revenu annuel moyen, l'office s'est fondé sur le revenu moyen ressortant de l'Enquête suisse sur la structure des salaires de l'année 2000 (ESS) en tenant compte des qualités professionnelles de l'assuré. Il a écarté les chiffres contenus dans le bilan de l'année 2000 du lésé, au motif qu'en règle générale, une seule année n'était pas représentative d'un revenu hypothétique sans invalidité et qu'il y avait lieu de se baser sur plusieurs exercices pour pouvoir déterminer avec pertinence l'évolution de l'entreprise.
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B. |
B.a. Le 11 mars 2005, le lésé, alors domicilié à Genève, a assigné le Dr A.________, le Dr B.________ et la Clinique D.________ SA en paiement d'un montant en capital de 360'882 fr.60, sous réserve d'amplification, au titre de sa perte de gain pour les années 2001 à 2003, ainsi qu'au titre de frais de traitements non remboursés et d'autres frais.
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B.b. A nouveau devant le premier juge, le demandeur, dans sa réplique du 17 février 2012, a amplifié ses conclusions à 448'278 fr.10, lesquelles ont, en dernier lieu, été réduites à une somme totale de 412'147 fr.70.
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B.c. Par arrêt du 17 décembre 2014, la Cour de justice, sur appel des deux médecins, a annulé les ch. 1, 3 et 4 du jugement entrepris et, statuant à nouveau, condamné les deux défendeurs à payer au lésé la somme de 61'085 fr., intérêts en sus, à titre d'indemnisation du gain manqué subi durant les années 2001 à 2003, le montant de 18'275 fr., intérêts en sus, à titre d'indemnisation du préjudice ménager subi durant la même période, s'est prononcée à nouveau sur les frais et dépens de première instance et a confirmé le jugement pour le surplus (frais consécutifs aux lésions corporelles).
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C. Contre cet arrêt cantonal, les deux défendeurs exercent chacun, de manière séparée, un recours en matière civile. Ils concluent tous deux à son annulation et à ce qu'il soit réformé en ce sens que la demande du lésé soit totalement rejetée (déf. A.________), à tout le moins en lien avec le poste du dommage portant sur l'indemnisation du gain manqué (déf. B.________); subsidiairement, ils concluent au renvoi de la cause à l'autorité cantonale.
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Considérant en droit : |
1. Les deux défendeurs ont interjeté recours. Les recours sont dirigés contre la même décision et reposent sur le même complexe de faits. Par conséquent, il se justifie de joindre les deux procédures et de statuer par un seul arrêt.
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Erwägung 2 |
2.1. Interjetés par les parties qui ont succombé dans leurs conclusions libératoires et qui ont donc qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF), dirigés contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur statuant sur recours (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), les recours sont recevables, puisqu'ils ont été déposés dans le délai (art. 48 al. 1 et 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.
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2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF).
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2.2.1. En l'occurrence, les recourants peuvent également, en formant recours contre la décision finale (soit l'arrêt de la Cour de justice du 17 décembre 2014), remettre en cause la décision incidente du 22 octobre 2010 (art. 93 al. 3 LTF). Le Tribunal fédéral peut donc également se baser sur l'état de fait établi dans cette dernière décision par la même autorité cantonale.
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Le Tribunal fédéral ne peut s'écarter des faits ainsi retenus par l'autorité cantonale que s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
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2.2.2. Lorsque le recourant soutient que les faits ont été constatés de manière arbitraire, que les preuves ont été appréciées de manière insoutenable, le Tribunal fédéral se montre réservé dans son contrôle, vu le large pouvoir qu'il reconnaît en ce domaine aux autorités cantonales (ATF 120 Ia 31 consid. 4b; 104 Ia 381 consid. 9 et les références). Il n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2).
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Le recourant qui soutient que les faits ont été constatés d'une manière arbitraire doit satisfaire au principe d'allégation (art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire soulever expressément ce grief et exposer celui-ci de façon claire et détaillée (ATF 135 III 232 consid. 1.2; 133 II 249 consid. 1.4.2). Pour chaque constatation de fait incriminée, il doit démontrer comment les preuves administrées auraient dû, selon lui, être correctement appréciées et en quoi leur appréciation par l'autorité cantonale est insoutenable (arrêt 5A_621/2013 du 20 novembre 2014 consid. 2.1; 5A_129/2007 du 28 juin 2007 consid. 1.4). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (cf. ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262; 125 I 492 consid. 1b p. 495).
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2.2.3. En l'espèce, le défendeur A.________, en renvoyant à diverses pièces du dossier, procède à un " rappel des faits essentiels " qui diverge sur divers points de l'état de fait dressé par la cour cantonale (acte de recours p. 10 à 19). Dans cette partie de son écriture, il ne soutient toutefois pas que les faits établis par l'autorité précédente l'auraient été de manière arbitraire, de sorte qu'il n'y a pas lieu de s'écarter de ceux-ci.
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2.2.4. Le même constat s'impose s'agissant du recours formé par le défendeur B.________. Dans la mesure où celui-ci tente de compléter l'état de fait (cf. mémoire de recours p. 4 à 14) sans se plier aux exigences strictes des art. 105 al. 2 et 106 al. 2 LTF, il n'y a pas lieu d'en tenir compte. Il en va en particulier ainsi de l'observation du défendeur B.________ selon laquelle la cour cantonale ne pouvait considérer que le lésé aurait été capable de travailler à 100% dès le lendemain de l'intervention, ou des diverses critiques qu'il soulève quant à la force probante des nombreux documents produits par le lésé. Quant à la critique selon laquelle le lésé aurait interrompu lui-même son processus de réadaptation, elle repose également sur une affirmation purement appellatoire, la cour cantonale ayant retenu que l'incapacité de gain du lésé durant la période litigieuse ne résultait pas d'un manque de volonté de celui-ci.
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2.2.5. Enfin, l'exposé présenté par l'intimé (lésé) des " faits dont il y aura lieu de tenir compte " (mémoire de réponse au recours B.________ p. 11 s.; mémoire de réponse au recours A.________ p. 7 à 9), ne respecte pas non plus ces exigences et il n'y a donc pas lieu de le prendre en considération.
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2.3. Le Tribunal fédéral applique d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal (ou à l'état de fait qu'il aura rectifié ou complété après examen des griefs du recours). Il n'est pas limité par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été articulés ou, à l'inverse, rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité).
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2.4. En vertu de l'art. 99 al. 2 LTF, toute conclusion nouvelle est irrecevable.
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Erwägung 3 |
3.1. Dans sa décision du 22 octobre 2010, la Cour de justice a examiné la responsabilité contractuelle des deux médecins, chacun d'eux étant lié à leur patient par un contrat de mandat distinct.
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3.2. Dans son arrêt du 17 décembre 2014, la Cour de justice a examiné la question du dommage. Elle s'est écartée des statistiques ayant conduit l'Office cantonal AI à retenir un revenu hypothétique net moyen de 78'492 fr. par an, en soulignant que ces statistiques, qui ont trait aux salaires, ne donnent pas des indications fiables pour les indépendants. Elle remarque que les résultats comptabilisés par le lésé durant les sept premiers mois de son activité indépendante (soit un chiffre d'affaires de 102'237 fr. [c'est-à-dire 175'263 fr. annualisé] et un bénéfice de 73'830 fr. [126'565 fr. annualisé) peuvent à eux seuls difficilement permettre une estimation des gains du lésé, mais elle souligne qu'un " élément externe et concret " confirme ces chiffres, soit les déclarations du témoin G.________, peintre-décorateur qui s'est également mis à son compte durant cette période, qui indique avoir réalisé un chiffre d'affaires compris entre 150'000 fr. et 200'000 fr. par an, chiffre comparable à ceux ressortant de la comptabilité du lésé.
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4. S'agissant du droit applicable (qui ne fait l'objet d'aucune considération de la cour précédente), on observe que, lorsqu'il a déposé sa demande (le 11 mars 2005), le lésé était domicilié à Genève. Il n'importe qu'il soit aujourd'hui domicilié en Italie. En effet, pour des raisons tenant à la sécurité du droit, il ne se justifie pas, afin de vérifier la loi applicable au différend, de tenir compte du départ pour l'étranger d'une partie durant la litispendance (arrêt 4A_145/2012 du 19 septembre 2012 consid. 2 et les arrêts cités). Le droit suisse est ainsi applicable, car le litige n'avait, au moment du dépôt de la demande, aucun caractère international.
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5. Le défendeur A.________ soutient que la cour cantonale considère à tort que sa responsabilité est engagée. Il revient sur chacune des conditions (cumulatives) de la responsabilité contractuelle (violation d'un devoir de diligence, faute, dommage, relation de causalité naturelle et adéquate entre la violation du devoir et le dommage survenu).
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5.1. S'agissant du devoir de diligence, la cour cantonale retient une violation des règles de l'art médical dans le cadre du suivi postopératoire en s'appuyant sur l'expertise judiciaire qui a conclu que ce suivi ne pouvait être délégué à un anesthésiste (le Dr B.________) auquel il n'appartient pas de diagnostiquer des complications chirurgicales postopératoires.
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5.1.1. Le recourant A.________ invoque l'arbitraire dans la constatation des faits. Il soutient qu'il n'existe pas de règle de l'art imposant au médecin chirurgien de déléguer le suivi postopératoire à un autre médecin chirurgien, l'expert n'ayant pas démontré qu'il s'agit d'un principe établi par la science médicale, généralement reconnu et admis par les praticiens. Selon lui, il ressort de l'arrêt de la cour cantonale que la délégation de ce suivi à l'anesthésiste est une pratique courante dans le fonctionnement d'une clinique privée.
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5.1.2. Par sa critique, le recourant se contente d'opposer aux règles de l'art (constatées par l'expert et retenues par la cour cantonale) des pratiques en cours dans certains établissements privés, dont il ne prétend d'ailleurs pas qu'elles correspondraient, elles, à un quelconque principe établi par la science médicale, étant précisé que le rôle de l'anesthésiste se limite au contrôle des signes vitaux, à l'antalgie et à la communication d'éventuels problèmes au chirurgien (arrêt de la Cour de justice du 22 octobre 2010 consid. 7 p. 25). Cela étant, le recourant ne démontre pas en quoi l'appréciation des preuves entreprise par la cour cantonale, qui ne s'écarte pas de l'avis de l'expert judiciaire, serait insoutenable.
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5.1.3. Le recourant fait également grief à la cour cantonale d'avoir admis la violation du devoir de diligence en se basant sur les seules règles de l'art médical, sans avoir analysé les règles juridiques en matière de délégation, ce qui constituerait une transgression de l'art. 399 al. 2 CO.
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5.2. S'agissant de la faute, le recourant, revenant à la charge, reproche à la cour cantonale d'avoir retenu que la délégation du suivi postopératoire à un anesthésiste viole les règles de l'art. Cette critique a déjà été examinée (cf. supra consid. 5.1.2), et il n'y a pas lieu d'y revenir.
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5.3. S'agissant du lien de causalité devant exister entre les manquements du médecin et le dommage (conséquence financière pour le lésé de l'atteinte à sa santé), la cour cantonale retient que, même si la compression nerveuse survenue est une complication rare, un contrôle aurait permis au chirurgien de poser son diagnostic, puisque cette complication est décrite par la littérature médicale. L'autorité cantonale retient également qu'une décompression du nerf sciatique était envisageable et que le diagnostic et les mesures thérapeutiques auraient pu intervenir dans le laps de temps durant lequel les lésions nerveuses étaient encore réversibles.
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5.3.1. Le recourant soutient que l'expert judiciaire a relevé que la complication n'était pas du tout décrite dans la littérature médicale et que c'est donc en sombrant dans l'arbitraire que la cour cantonale a fait le constat inverse. Il considère que, la complication dont a souffert le patient n'étant pas décrite dans les ouvrages médicaux, " selon le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie ", un diagnostic n'aurait de toute façon pas pu intervenir à temps (soit dans l'intervalle de huit heures qui suit l'opération).
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5.3.2. Le recourant revient à la charge, considérant qu'une intervention chirurgicale (décompression du nerf sciatique) était objectivement impossible. Il estime que la prise en compte de la portée de cette intervention (qui nécessite une ouverture et une incision complète de la jambe) oblige à conclure, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, que son diagnostic tardif est impropre à entraîner le dommage subi par le patient, une intervention chirurgicale d'une telle ampleur dans le laps de temps de huit heures n'étant pas envisageable.
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5.4. En ce qui concerne le dommage subi par le lésé, le recourant ne revient que sur l'indemnisation versée au titre du gain manqué (2001-2003), sans remettre en question les calculs effectués par la cour cantonale pour le préjudice ménager et les frais consécutifs aux lésions corporelles.
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5.4.1. Dans la détermination du revenu hypothétique (discuté ici), le revenu que réalisait le lésé au moment de l'événement dommageable constitue la référence ; le juge ne doit toutefois pas se limiter à constater le revenu réalisé jusqu'alors, car l'élément déterminant repose bien davantage sur ce que la victime aurait gagné annuellement dans le futur. Ce calcul nécessite une importante abstraction (arrêt 4A_239/2011 du 22 novembre 2011 consid. 3.1.1 et les références citées).
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5.4.2. Dire s'il y a eu dommage et quelle en est la quotité (partant, également la détermination du revenu hypothétique) est une question de fait qui lie le Tribunal fédéral (cf. art. 105 al. 1 LTF). Celui-ci n'intervient que si l'autorité cantonale a méconnu la notion juridique du dommage ou s'est laissé guider par des critères erronés (arrêt 4A_239/2011 déjà cité consid. 3.1.2).
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5.4.3. Pour apprécier le gain manqué du lésé, la cour cantonale a, dans une première motivation, pris en compte les résultats comptabilisés de ses sept premiers mois d'activités (période de juin à décembre 2000) (arrêt entrepris consid. 3.3.2 p. 15), c'est-à-dire un chiffre d'affaires de 102'237 fr. (soit 175'263 fr. annualisé), pour un bénéfice net de 73'830 fr. (soit 126'565 fr. annualisé). Elle reconnaît cependant, à juste titre, que les résultats comptabilisés par le lésé durant cette brève période peuvent difficilement être considérés comme représentatifs de son revenu hypothétique sans invalidité. Selon elle, la prise en compte de cette base de calcul est néanmoins justifiée au motif que ces chiffres sont similaires à ceux réalisés par le témoin G.________ qui, selon les constatations cantonales, se trouve dans une situation comparable. Cet " élément externe " corrobore les chiffres établis par le lésé et il serait dès lors possible de s'y référer valablement, même s'ils ne concernent que sept mois d'activité (arrêt entrepris consid. 3.3.2 p. 16).
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5.4.4. Dans une seconde motivation (subsidiaire), la cour cantonale a admis que seule une expertise permettrait d'obtenir davantage d'informations sur les gains que le lésé aurait pu réaliser en tant qu'indépendant. Elle a toutefois renoncé à ordonner une telle expertise, parce que les défendeurs s'y étaient opposés devant les premiers juges et que désormais leurs allégations selon lesquelles le gain manqué du lésé serait inférieur à celui résultant des pièces produites et des témoignages confinent à l'abus de droit.
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5.4.5. Contrairement à ce que pense le recourant, on ne saurait toutefois clore la procédure à ce stade en faisant supporter au lésé l'échec de la preuve (art. 8 CC). Le lésé n'a en effet pas pu obtenir l'administration de l'expertise qu'il avait offerte. Le jugement de première instance, condamnant les défendeurs à verser au lésé les sommes de 106'417 fr. et de 22'872 fr., était en faveur du lésé et celui-ci n'avait donc aucune raison de recourir contre ce jugement et de remettre en cause la décision préalable du juge refusant l'expertise sollicitée. Contrairement à ce que soutient le défendeur A.________, on ne saurait donc reprocher au lésé de ne pas avoir recouru à ce stade.
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6. Le recourant B.________ ne revient que sur l'une des conditions de la responsabilité, soit celle visant l'existence d'un dommage, se limitant au poste ayant trait à l'indemnisation versée au titre du gain manqué, sans remettre en question les calculs effectués par la cour cantonale pour le préjudice ménager et les frais consécutifs aux lésions corporelles.
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7. Il faut examiner maintenant la conclusion du défendeur B.________ qui requiert de " dire et juger que les prétentions [du lésé] dépassant le montant de 360'882 fr.60 réclamé initialement dans sa demande du 11 mars 2005 sont prescrites ".
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7.1. Il n'est pas contesté que le montant alloué par les autorités cantonales - inférieur à celui réclamé dans la demande (360'882 fr.60) - n'est pas touché par la prescription. La question litigieuse vise les éventuelles prétentions dépassant le montant de 360'882 fr.60. Pour y répondre, il faut déterminer si, dans ses conclusions, le défendeur B.________ s'est limité à soulever l'exception (péremptoire) de prescription ou s'il a formé une action (reconventionnelle) en constatation de droit visant à ce que le juge constate que les prétentions du demandeur dépassant le montant de 360'882 fr.60 sont prescrites.
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7.2. Les conclusions prises par les parties doivent exprimer clairement la prétention réclamée et la nature de l'action. En cas d'incertitude, le juge procède à l'interprétation objective des conclusions ; il lui incombe de les interpréter selon les règles de la bonne foi (ATF 105 II 149 consid. 2a p. 152).
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8. Le recourant B.________ invoque enfin une violation de l'art. 176 de l'ancienne loi de procédure civile genevoise (alors encore en vigueur). Il reproche à la cour cantonale d'avoir arbitrairement réparti les dépens de première instance, ceux-ci étant mis à la charge du lésé à raison de ¼ (¾ pour les défendeurs), alors même que le lésé n'a obtenu que le 38% du montant réclamé dans ses conclusions (devant le premier juge), puis seulement le 25% de ce montant (devant la cour cantonale).
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9. Il résulte des considérations qui précèdent que les deux recours en matière civile sont partiellement admis, que l'arrêt attaqué est annulé et que la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Les procédures 4A_66/2015 et 4A_82/2015 sont jointes.
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2. Les deux recours en matière civile des défendeurs sont partiellement admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
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3. Les frais judiciaires relatifs à la cause 4A_66/2015, arrêtés à 4'000 fr., sont mis par moitié à la charge de chacune des parties (demandeur et défendeur A.________) et les dépens sont compensés.
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4. Les frais judiciaires relatifs à la cause 4A_82/2015, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à raison de 4'000 fr. à la charge du défendeur B.________ et de 2'000 fr. à la charge du demandeur.
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5. Le défendeur B.________ versera au demandeur une indemnité de 2'300 fr. à titre de dépens réduits.
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6. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile.
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Lausanne, le 22 septembre 2015
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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La Présidente : Le Greffier :
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Kiss Piaget
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